Jusqu'à récemment, je n'avais pas vu tant de films des frères Coen que ça. Le premier était O'
Brother au cinéma (sortie pour le cours d'anglais) que j'avais adoré, j'ai vu également
Fargo il y a longtemps, mais j'avais détesté
The Ladykillers (et après avoir vu l'original mon opinion ne s'est pas arrangée). J'ai seulement vu des bouts de
The Big Lebowski et le début de
Barton Fink (ça m'intéressait mais je n'étais pas chez moi et je devais partir).
J'ai un peu commencé à rattraper mon retard ces derniers mois même s'il m'en reste pas mal à découvrir.
J'ai commencé par revoir
O'Brother que j'ai autant aimé que dans mon souvenir.
O'Brother nous conte l'épopée de trois évadés dans le sud des États-Unis rongé par la Crise de 1929, en s'inspirant librement de
L'Odyssée. On y suit un héros beau parleur aux milles tours (mais qui ont tendance à mal tourner car cet Ulysse est bien moins malin qu'il ne le croit) qui affrontera des Sirènes, un Cyclope, et le prétendant de sa femme Pénélope. Le tout évidemment fortement remixé. Le film baigne dans une atmosphère étrange, dépeignant une réalité sociale dure (les fermiers ruinés par la crise, une campagne électorale où chaque camp fait assaut de démagogie et d'hypocrisie, le racisme...) et y mêlant une bonne dose de légende tout en restant toujours à la lisière du fantastique: le personnage du guitariste Tommy Johnson inspiré de Robert Johnson, dont on raconte qu'il a offert son âme au Diable en échange de son talent de musicien, le shérif qui pourrait justement être ce Diable, un prophète aveugle... Les frères Coen mêlent en fait deux mythologies, la mythologie grecque évidemment mais aussi celle des États-Unis avec ses figures plus grandes que nature comme George "Baby-Face" Nelson, véritable braqueur complice de Dillinger qui a droit à une scène fracassante. La sauce prend et même si on a parfois l'impression d'assister à une suite de scénettes dûe à l'aspect très épisodique des épreuves qui s'enchaînent, le film ne manque pas de liant, au contraire, tous les petits éléments se mettent gentiment en place pour le final.
O'Brother marque également la première collaboration entre les Coen et George Clooney. Ce dernier, qui ne s'était pas encore complètement défait de son image de chirurgien bellâtre d'
Urgence, donne l'impression d'énormément s'amuser: look à la Clark Gable et obsession pour la gomina, il alterne entre satisfaction de soi et incrédulité devant les bizarreries du monde qui l'entoure (mention spéciale à ses expressions quand Delmar croit Pete transformé en crapaud). Il est accompagné d'une impressionnante galerie d'acteurs, certains fidèles des frères, d'autres nouveaux venus dans leur univers: John Turturro évidemment en comparse grincheux et Tim Blake Nelson en imbécile heureux, Holly Hunter en Pénélope plus capricieuse et moins fidèle que l'originale ou encore John Goodman et les moindres seconds couteaux ont des trognes et le type de surjeu qui ne déparerait pas chez des seconds couteaux des années 30, ce qui fonctionne à fond.
On ne peut pas non plus ignorer l'importance de la musique car si le film n'est pas à proprement parler une comédie musicale, la bande-son y occupe une place de choix. On y retrouve de vieux standards comme
You are My Sunshine et le tube
A Man in Constant Sorrow qui donnent un côté pêchu au film mais également des chansons qui font verser le métrage dans une ambiance plus étrange comme la mélopée des Sirènes ou le
O Death entonné par le chef du Klan lors d'une cérémonie décalée. C'est d'ailleurs par la musique que nos amis "Culs Trempés" vont se sortir en partie de la panade, loin d'être un élément de décor pour nous plonger dans ce vieux Sud pittoresque, elle participe à l'intrigue (dans sa résolution mais aussi tout au long la campagne électorale qui oppose Papy O'Daniel à Homer Stokes).
C'est peut-être le plus abordable de leur film, un des moins cruels avec ses personnages en tout cas.
J'ai enchaîné avec
A Serious Man, l'histoire de Larry Gopnik, un prof de physique dans le Minnesota des années 60 qui voit s'accumuler les problèmes sans qu'il ait rien fait pour mériter ça et qui va tenter de trouver des réponses auprès de trois rabbins.
Si
A Serious Man a été bien reçu par les critiques françaises à sa sortie en 2009 et a depuis toujours bonne presse, il semble avoir davantage divisé le public: certains y voient le meilleur film de Joel et Ethan Coen, d'autres un monument d'ennui incompréhensible, quand il n'est pas tout simplement passé sous les radars, faute de grosses têtes d'affiche ou des habituels complices des frères au générique. Néanmoins, qu'on l'aime ou non, un film présenté par les scénaristes/réalisateurs comme leur plus personnel (ils sont de la même génération que Danny Gopnik, le fils de Larry, et aussi du Minnesota) peut difficilement être qualifié de mineur. On commence par un prologue situé dans un shtetl au XIXe siècle, entièrement joué en Yiddish où un homme ramène au foyer une vieille connaissance qui l'a aidé en chemin et que sa femme prend pour un dibbouk (un esprit malin). Ces premières minutes, sans rapport apparent avec la suite, posent néanmoins une ambiance d'incertitude complète (on ne pourra totalement trancher sur la nature du visiteur) et de crainte fondée que tout va aller mal (soit un innocent a été tué, soit le couple a attiré l'attention d'un être démoniaque et dans les deux cas on voit mal comment cela pourrait bien se terminer). Tout le reste du film va jouer sur cet aspect double, à l'image de l'expérience de pensée du Chat de Schrödinger dont Larry, prof de physique quantique, parle à ses étudiants.
Ainsi, Larry est séparé de sa femme et contraint de vivre dans un motel par celle-ci et son nouveau compagnon, l'insupportable Sy Ableman (Sy Ableman?!) mais il sera régulièrement présent au domicile et
- Spoiler:
jamais totalement divorcé
. Déclaré en bonne santé, il peut également couver une maladie mortelle. Clive, son étudiant recalé, a tenté de l'acheter et en même temps ne lui a jamais explicitement donné d'argent en échange d'une meilleure note... On ne saura jamais vraiment pourquoi tout à coup l'univers se déchaîne sur Larry, et on cherchera dans le film tous les indices possibles tendant vers une théorie ou l'autre (épreuve divine ou absence totale de Dieu, négligence de Larry qui n'a pas vu les signes d'alerte dans le comportement de sa famille annonciateurs de problèmes bien avant, il y a plusieurs explications possibles qui tiennent la route avec ce que l'on nous donne) ou faute à pas de chance, on peut ne pas avoir fait de mal à une mouche et hériter de tous les ennuis du monde (le film s'ouvre sur une citation du rabbin Rachi, "Accepte avec simplicité ce qui t'arrive" et un personnage enjoint le protagoniste à "accepter le mystère"). Larry, qui cherche des réponses à la fois dans la physique et dans la religion, en sera lui pour ses frais.
Les frères Coen accablent le pauvre Larry de tous les ennuis, d'un frère encombrant ramenant régulièrement les flics au domicile à un corbeau sabotant sa carrière en passant par un voisin patibulaire qui empiète sur son terrain ou encore un genre de Club Dial le harcelant pour qu'il règle le paiement de disques qu'il n'a jamais acheté. On rit plus ou moins jaune devant certaines séquences (la bar-mitzvah sous substances ou l'histoire des dents du goy) et de cette accumulation aberrante d'avanies tandis que Michael Stuhlbarg (dans le seul rôle principal de sa carrière à l'écran à l'heure où je tape ses lignes, encore un mystère) est formidable dans le rôle d'un pauvre type de plus en plus dépité et sur les nerfs, de plus en plus aux abois. La difficulté ici est de ne pas louper la déchéance graduelle, de partir trop vite et trop fort dans cette direction et de devoir continuer dans le même registre mais l'évolution est perceptible, à la fois dans son attitude et même physiquement (au travers de ses arrivées au bureau de plus en plus échevelé et mal rasé, notamment). Il est fort bien épaulé par les seconds rôles, en particulier Fred Melamed qui interprète Sy Ableman, un monument de fausse bienveillance et de vraie manipulation. On a dit à sa sortie que le casting était composé d'inconnus, ce n'est pas tout à fait vrai: si Stuhlbarg avait brillé sur les planches de Broadway, ses apparitions à l'écran étaient en effet jusque-là anecdotiques (il s'est rattrapé depuis en étant un incontournable acteur de second rôle) mais Richard Kind, qui joue son frère peut-être surdoué, assurément asocial, à la fois vulnérable et filmé comme un monstre, peut difficilement être oublié par les amateurs des six saisons de
Spin City et Simon Helberg, présent le temps d'une scène où il joue le premier rabbin consulté par Larry, avait déjà une ou deux saisons de
The Big Bang Theory sous la ceinture. Quoiqu'il en soit, tout le monde joue sa partition à la perfection.
Je m'inquiétais avant de lancer le film du rythme ou d'un abord trop hermétique. Dans les deux cas mes craintes n'étaient pas fondées même s'il est probable qu'il ne s'agit pas du film le plus accessible des Coen. Je n'ai pas trouvé de lenteur même si le tempo est tranquille. Ce n'est pas contemplatif et il y a une inéluctabilité dans le sort du personnage qui nous emmène sans se presser vers une fin abrupte, qui semble à la fois sortir de nulle part et dans le prolongement du reste (toujours ce double aspect, cette contradiction apparente). On voudrait par moment que Larry se secoue un peu, n'essaie pas à tout prix de rester convenable mais ce comportement est compréhensible. D'une part, le scénario s'inspire librement du Livre de Job, un des récits les plus perturbants de l'Ancien Testament dont le personnage subit les pires catastrophes sans avoir prise sur les événements, ensuite, à force de répéter qu'il n'a rien fait, on en vient à se demander si cela n'est pas justement le principal défaut de Larry (quoi que quand il agit enfin, ce n'est pas forcément bon signe). La musique douce de Carter Burwell et la photo de Roger Deakins qui magnifie ici une banlieue pavillonnaire du Minnesota, habituels collaborateurs des réalisateurs, contribuent à donner une ambiance faussement paisible à ce que l'on voit, en décalage avec les tourments du personnage.
A Serious Man risque cependant de ne pas séduire si l'on en attend une ligne directrice claire et des réponses, non pas aux secrets de l'univers, mais au moins à tous les questionnements du personnage principal. Il n'est cependant pas besoin d'être expert en physique quantique ou ceinture noire d'étude du Talmud pour se laisser emporter par les tracas de Larry, qu'on en accepte le mystère comme on nous y incite ou qu'au contraire on s'amuse à vouloir en décrypter le sens.
Pour le Noirvember (un challenge qu'on se fixe autour du film noir au mois de novembre d'où le nom) j'ai visionné
Miller's Crossing et
The Barber.
Gros coup de cœur pour
Miller's Crossing: Après avoir regardé les deux adaptations officielles de
La Clé de Verre de Dashiell Hammett, toujours dans le cadre du Noirvember, il était finalement logique que je poursuive en si bon chemin avec
Miller's Crossing, troisième film des frères Coen et qui, s'il ne mentionne pas l'auteur au générique, emprunte beaucoup à son roman, ainsi que dans une moindre mesure à
Moisson rouge (et peut-être au
Faucon maltais sur un point). On y retrouve en effet un protagoniste bras droit d'un gangster à la tête d'une ville sans nom et désireux de se marier avec une femme qui lui préfère son homme de main, homme de main qui tout en se prenant quelques roustes au passage manipule son monde dans un objectif qui n'est pas tout de suite apparent. Rien ne manque à la reconstitution de la fin des années 20, de la mitraillette-camembert aux chapeaux mous (il est beaucoup question de chapeaux dans ce film), le thème musical arrangé par Carter Burwell à partir de
The Lament of Limerick est entêtant, la photo de Barry Sonnenfeld, plus connu comme réalisateur de quelques cartons des années 90 comme
La Famille Addams ou
Men in Black qu'à ce poste est très jolie, et on pourrait avoir avec cela un hommage soigné mais un peu glacé à un pan de l'âge d'or d'Hollywood, ce qui serait déjà bien mais des frères Coen, on en attend un peu plus ou en tout cas autre chose.
Ça tombe bien. Malgré une scène d'ouverture qui rappelle celle du
Parrain en plus décalée, on ne tombe jamais dans la parodie mais alors qu'on pourrait croire dans les premières scènes être devant un film inscrit dans une veine sérieuse, l'humour pointe quand on s'y attend le moins: de la famille étendue de Johnny Caspar (ce fou-rire lors du premier plan sur les cousins) à la manière dont on amène la première scène de tabassage de Tom en passant par des détails plus discrets (le cameo d'Albert Finney en plus de son rôle de Leo), le film donne régulièrement l'occasion de bien s'amuser. Sans pour autant se moquer de son sujet. Raison pour laquelle, en dépit de ne pas être ouvertement basée sur un de ses romans, on a probablement affaire à l'une des toutes meilleures adaptations de Hammett à l'écran, avec des personnages qui ne s'embarrassent pas de morale ou sont en tout cas difficile à cerner, à commencer par Reagan lui-même qui passe d'un camp à l'autre sans se dévoiler, jusqu'à une fin douce-amère où l'on a peut-être éliminé les individus les plus néfastes mais non sans en payer le prix.
Côté casting, Gabriel Byrne est impeccable en anti-héros hammettien et comme je n'avais jusque-là croisé Marcia Gay Harden que dans
The Mist j'ai été agréablement surprise de voir qu'elle tenait la route en femme fatale. Néanmoins, on retiendra surtout quelques petits nouveaux dans l'univers des Coen qui n'allaient pas le rester longtemps: Jon Polito en gangster italo-américain haut-en-couleur mais surtout les premières apparitions devant la caméra des frères de John Turturro dans le rôle du fuyant Bernie et Steve Buscemi juste le temps d'une scène dans celui du volubile Mink. Albert Finney est tout aussi marquant en caïd qui perd pied mais n'en reste pas moins un virtuose de la mitrailleuse Thompson comme il le démontre dans une scène d'anthologie et on ne peut oublier de mentionner J.E. Freeman dans le rôle d'Eddie Dane, le menaçant second de Caspar qui physiquement parlant n'est pas sans évoquer Boris Karloff dans
Scarface.
L'intrigue peut, au premier visionnage, paraître alambiquée, à l'image du monologue d'ouverture de Caspar exposant ses griefs qui se demande lui-même s'il a été clair pour s'entendre répondre par Leo (et les spectateurs) "comme de l'encre". Pas de panique cependant, tout se met tranquillement en place et s'éclaire petit à petit. On est loin du
Grand Sommeil de Hawks par exemple, ne serait-ce que parce qu'ici on sait qui a tué qui sans oublier une victime en chemin et une fois n'est pas coutume, on en sait même un peu plus que les personnages même si cela ne concerne qu'une obscure histoire de moumoute.
Un film important puisque le début d'une collaboration fructueuse avec certains acteurs et une belle relecture du film noir.
The Barber - L'Homme qui n'était pas là est sans doute moins sexy mais intéressant quand même. Le point de départ (un homme ordinaire planifie un coup qu'il pense imparable mais la situation lui échappe, laissant quelques cadavres sur le carreau) n'est pas sans rappeler
Fargo résumé comme cela. Cependant le ton est bien différent. On est ici, esthétiquement, dans un pur hommage aux films noirs de l'âge d'or, avec un superbe noir et blanc (Roger Deakins, comme souvent, à la photo) et une réalisation épurée qui peut d'ailleurs dans les premières minutes paraitre presque passe-partout mais est en réalité très habile et réserve quelques séquences marquantes (comme celle de l'accident). Si les personnages secondaires hauts-en-couleur ne manquent pas à l'appel, on reste avant tout centré sur le narrateur, Ed Crane, pour le moins énigmatique: taiseux, trompé par sa femme, vivotant d'une profession qui ne le passionne guère et planifiant des projets que l'on devine condamnés d'avance (dans le nettoyage à sec ou comme impresario de la fille pianiste d'un ami) il semble pourtant parfaitement détaché de tout ce qui lui arrive, utilisant l'infidélité de sa femme pour faire chanter l'amant de celle-ci sans pour autant donner l'impression d'agir par vengeance, ne cédant pas à la panique quand il perd le contrôle de la situation mais ne faisant aucune vraie tentative d'arranger celle-ci... Il est un mystère, à plusieurs reprise des personnages lui demandent quel genre d'homme il est et il est peu probable qu'il soit en mesure de répondre. La comparaison vaut ce qu'elle vaut parce que je n'ai pas relu le livre depuis le lycée (bac français 2000, les enfants!) mais ce personnage m'a rappelé celui de Meursault dans
L'Étranger de Camus, par sa personnalité mais pas seulement.
Influence consciente ou non mais certainement pas la seule (James M. Cain, notamment même si je ne peux en juger),
The Barber est un film particulièrement sombre, où aucune échappatoire n'est possible pour son anti-héros et son entourage. On croise comme souvent chez les réalisateurs des personnages excentriques: la femme de Big Dave qui intrigue dès sa première apparition avec ses yeux écarquillée qui ne clignent pas et son chapeau vissé sur sa tête en intérieur et qui se livre dans une scène étrange, ou Fred Riedenschneider, l'avocat brillant et hors de prix (qui mentionne déjà le principe d'incertitude que l'on retrouvera quelques années plus tard dans
A Serious Man de manière encore plus centrale). Néanmoins, on ne bascule jamais dans la comédie ou le pastiche du genre, s'il y a de l'humour, c'est davantage dans l'ironie grinçante de l'existence de Crane.
Comme c'est généralement le cas chez les Coen, la distribution est ébouriffante. Billy Bob Thornton dans le rôle-titre parvient en particulier à camper un personnage renfermé, secret, peu réactif, sans tomber dans le piège de l'inexpressivité et il parvient à convoyer beaucoup d'émotions sans avoir l'air d'y toucher à mesure que l'histoire avance. On retrouve quelques acteurs déjà croisés dans l’œuvre des frères, à commencer bien entendu par Frances McDormand en épouse infidèle, Jon Polito en entrepreneur emperruqué, Michael Badalucco en beau-frère aussi volubile que Crane est laconique ou Tony Shalhoub en ténor du barreau, ainsi qu'une toute jeune Scarlett Johansson et James Gandolfini en patron jovial et baratineur.
Plus qu'un simple exercice de style à l'image léchée,
The Barber, l'homme qui n'était pas là s'inscrit néanmoins dans la plus pure tradition du film noir avec un protagoniste se lançant dans une vaine entreprise pour changer sa terne existence, entreprise qui ne peut que le conduire à sa perte, une tradition qui se marie idéalement avec les thèmes récurrents du cinéma des frangins.
Et pour finir (temporairement), j'ai regardé
True Grit après avoir lu le roman de Charles Portis et vu la première adaptation avec John Wayne,
100 Dollars pour un Shériff. L'histoire de Mattie Ross, une adolescente de 14 ans qui engage un marshall pour retrouver l'assassin de son père et l'accompagne dans la traque. Pour l'occasion, les frangins retrouvent Jeff Bridges à qui ils confient le rôle de Cogburn et on ne pouvait rêver mieux pour le marshall mal embouché qui tient à peine sur ses jambes et au passé douteux mais qui se révèle plus chevaleresque que prévu quand le besoin s'en fait sentir. Matt Damon est amusant en Texas Ranger vaniteux et Hailee Steinfeld est la révélation du film, parfaite dans le rôle de Mattie Ross, la gamine lancée sur les routes à la recherche du meurtrier de son père et qu'aucune horreur croisée en chemin ne va faire dévier de son objectif. Le trio qui se tire dans les pattes alors qu'il se complète fonctionne à merveille.
L'adaptation est plus fidèle au roman de Charles Portis que
100 Dollars pour un Shérif qui ne prenait lui-même que fort peu de distance et surtout à la fin. Ici, le destin des personnages ne s'éloigne pas de celui de leur équivalent de papier et les dernières minutes se teintent d'une mélancolie absente de la version d'Hathaway mais présente dans le livre, avec cette brève évocation des Wild West Shows où d'anciennes terreurs du Far West décaties capitalisaient sur leur légende en jouant aux saltimbanques. Peut-être parce que le roman était encore bien frais dans ma tête, j'ai donc été assez peu surprise par le déroulement de l'intrigue et malgré quelques personnages atypiques comme le vieux à peau d'ours croisé en chemin et quelques pics de violences (pauvre Domhnall Gleeson), on peut trouver que les Coen sont restés étonnamment sages.
On peut aussi regretter le fait que si les interactions du trio sont savoureuses, Josh Brolin soit cruellement sous-exploité dans le rôle de Chaney mais par ailleurs on a notre content de chevauchées (dont la très attendue charge finale de Cogburn, déjà spectaculaire dans la version avec John Wayne et particulièrement épique ici), de beaux paysages et d'horizons lointains.
True Grit version 2011 est une adaptation solide, servie par des acteurs impeccables et qui ne passe pas à côté de ses moments les plus emblématiques et attendus. On en attendait sans doute pas moins de la part de Joel et Ethan Coen mais quelque part, je devais également en attendre un peu plus car malgré le plaisir à regarder le film, je suis restée un poil sur ma faim.