Qu'est ce qu'une héroïne de Jane Austen?

L'oeuvre de Jane Austen est tellement riche et intemporelle que je me dis que, même en ouvrant un millier de topics, il restera encore des choses à dire à son sujet. Alors, moi je me suis dit que ce serait bien d'aborder le thème de la féminité dans les romans de Jane, qu'en dites-vous?
Je pense qu'il y aurait pas mal de choses à dire

Tout d'abord, est-ce que pour vous l'archétype de l'héroïne de Jane Austen existe? Même si toutes ces jeunes filles/femmes sont différentes et ont chacune leur propre caractère et personnalité, ont-elles des points communs qui les caractérisent en tant qu'héroïne de Jane Austen? Euh...je ne sais pas si je suis bien claire là

Pourrait-on considérer Jane Austen comme une sorte de pré-féministe? Est-elle un auteur qui souhaite parler au nom de et pour les femmes?
Même si on ne peut pas considérer sa littérature comme engagée à proprement parler dans ce point de vue, il me semble qu'elle vise tout de même réellement à dépeindre des caractères de femmes fortes et indépendantes.

Alors oui bien sûr, certaines sont plus libérées que d'autres. Et là, bien sûr, on pense à notre chère Lizzy (celle à qui va ma préférence )personnage moderne par excellence. Une jeune femme qui sait ce qu'elle veut et qui sait donner son opinion avec assurance. Elle est vive d'esprit, ironique et sait cultiver son esprit.
Elle est fine et intelligente, mais comme tous personnages intéressants, n'est pas non plus dénué de défauts (on peut lui remarquer un certain orgueil par exemple). Une héroïne de Jane est bien sûr profondément humaine, ce sont aussi ses faiblesses qui nous la rend attachante. On pense alors à la naïveté de Catherine, aux caprices et au manque de tact d'Emma , au côté influençable d'Anne ...
C'est une femme qui sait s'affirmer. Son mérite est d'autant plus grand au vu de l'univers social et surtout l'époque où elle évolue.
En bref, de ce point de vue-ci, il me semble qu'Elizabeth Bennet pourrait parfaitement symboliser cette conquête des lettres et du roman par Jane Austen, et ainsi sa volonté de dépeindre les moeurs tout en signifiant son désir de critiquer et d'émettre des points de vue. Je pense que Lizzie est un parfait reflet de la fougue littéraire de Jane, peut être son moi intérieur...?

Mais Jane Austen a sû créer tout un panthéon d'autres jeunes héroïnes. Toutes différentes les unes des autres mais toutes les héroïnes de leur vie, oeuvrant pour leur bonheur, et surmontant les épreuves -pour la plupart sociales - liées à leur environnement. Voilà ce dont est capable une héroïne de Jane!


Quelle est votre héroïne austenienne préférée, celle qui vous parle le plus? Celle qui pour vous revêt un sens particulier et représente le plus l'"esprit Austen"?

C'est un sujet très intéressant, Emjy. J'ai mis un peu de temps à répondre car c'est une question très riche et j'ai préféré "réfléchir" un peu avant. Par contre, je n'ai à ce jour lu que Pride and Prejudice, Persuasion, Sense and sensibility et Emma.

Je suis d'accord avec toi sur plusieurs points. Evidemment Jane Austen "fouille" bien plus les psychologies de ses personnages féminins et c'est en très grande partie dû à son environnement, étant donné qu'elle fréquentait en majorité des femmes. Maintenant, parler de pré-féminisme... Je ne sais pas si je m'y hasarderai. Déjà parce que le concept était loin d'être né à l'époque de Jane Austen, comme tu l'as sous-entendu en parlant de "pré"-féminisme avant l'heure. Mais je ne crois même pas qu'elle ait écrit dans cette optique-là (après tout ses oeuvres sont très longtemps restés dans le cercle familial : Jane n'écrivait pas en vue d'être publiée). Maintenant, je peux très facilement réfuter mon argument étant donné qu'elle se moque d'une société qui sert tout sur un plateau aux hommes : à mes yeux Sense and sensibility et Pride and Prejudice sont, entre autres choses, des dénonciations du fait que les femmes ne peuvent pas hériter et de toutes les conséquences qui en découlent. Mais je ne sais pas si elle a écrit en vue de se moquer des moeurs de son temps ou pour défendre les femmes. Un peu des deux sans doute, mais principalement pour faire une satire.

Est-ce qu'il existe un archétype de l'héroïne de Jane Austen ? je ne crois pas. A bien y réfléchir, le seul point commun est qu'elles sortent du lot et ne ressemblent pas en tous points aux filles de leur temps. Je ne parle même pas de Lizzie. Mais Anne Elliott finit tout de même par se soustraire à l'influence de son entourage, Marianne Dashwood envoie balader les convenances et les conseils de prudence de sa soeur lorsqu'elle tombe amoureuse, Emma joue les entremetteuses à vingt ans et clame haut et fort qu'elle ne se mariera jamais alors que c'est précisément ce qu'on attend d'elle, d'autant qu'elle est belle et bien née.

En ce qui concerne ta dernière question, j'aurais été tentée de répondre que celle qui réfléchit le mieux "l'esprit Austen" est Elizabeth Bennet. En tout cas c'est celle qui me parle plus, celle que j'admire parce qu'elle forte, intelligente, vivante, pétillante, drôle et qu'elle ne se laisse pas marcher sur les pieds. Je pense qu'elle a de nombreux points communs avec Jane Austen : elles se moquent de la société qui les entoure et ont refusé des demandes en mariage, entre autres. Mais Jane Austen a évolué entre le moment de la rédaction de Pride and Prejudice et sa mort. Donc je reconnais aussi un "esprit Jane Austen" qui a évolué dans le personnage d'Anne Elliot.

merci d'avoir répondu à mon topic Doddy

Moi aussi je pense qu'il faut prendre le terme d'héroïne austenienne avec des pincettes. Ces jeunes femmes décrites dans ces forums essaient tant bien que mal de passer outre certaines choses afin de travailler à leur propre bonheur. Néanmoins, certaines semblent être de caractère plus faibles que d'autres. Je pense notamment à Catherine Morland dont la naïveté peut faire sourire...
Mais toutes au final seront courageuses et déterminées.

J'apprécie énormément le fait qu'elles soient différentes et pas sorties du même moule. Certaines sont d'apparence plus discrète et effacée d'autres passionnées et de forte personnalité...

Sujet tout à fait intéressant !
Comme vous, je ne crois pas que l'on puisse parler de féminisme, mais il y a une phrase d'Elinor (S&S) à Edward, quand il compare son sort au sien : Mais vous allez hériter d'une grande fortune. C'est plutôt l'injustice du droit d'héritage réservé aux fils qui est traité en fil rouge dans les romans de Jane.
Pour moi, à part le fait que c'est justement une femme, qu'elle est jeune et d'un milieu très ciblé ("gentry" peu ou pas riche), il n'y a pas vraiment d'archétype. Par contre ce qui me frappe dans les romans de Jane, c'est qu'il y a toujours un "côté obscur" des femmes, des anti-héroïnes en quelque sorte : Mme Benett en est l'exemple parfait ! Sotte, vulgaire, on se demande comment elle a pu engendrer Lizzie ! Il y a aussi Mme Elton(Emma), snob, prétentieuse, et vulgaire elle aussi, et la sœur et le père d'Anne obsédés par l'apparence, le rang social et la peur de vieillir et perdre leur beauté, la tante de fanny(Mansfield park), avare, interessée et le cœur sec, et Lucy(S&S), manipulatrice et assez venimeuse quand même.
Entre les deux il y a les héroïnes "moyennes", comme miss Bates(Emma)bavarde impénitente, qui permet à l'auteur un exercice de style assez époustouflant : parler pour ne rien dire toute une page ! La paresse incarnée par lady Midleton(S & s, supprimée dans le film)et la lady de Mansfield park(J'ai oublié son nom, sorry!)Mrs Jennings, si bonne et en même temps si exaspérante par son manque de tact. Il y a Jane, dont la fadeur rehausse la vivacité de Lizzie. Et miss Smith, qui devient le sujet d'expérience d'Emma sans mot dire.
La mosaïque des héroïnes et anti-héroïnes de Jane compose un tableau des caractères féminins extraordinaire, où les messieurs ne sont là que pour permettre à tous ces caractères de se manifester. Il me semble évident que la peinture des hommes se fair surtout par opposition avec les personnages féminins. Je crois que les femmes austieniennes existent par elle-même, les hommes parce qu'ils entrent ou n'entrent pas dans leur univers.
Cela se voit que le sujet me passionne ! pardon pour la tartine !!

Clinchamps j'ai pris beaucoup de plaisir à te lire, n'hésite pas à te "lâcher" de nouveau sur le clavier si l'envie t'en prend à nouveau, ton analyse est très intéressante.

Je suis d'accord avec toi sur l'idée d'anti-héroïnes qui sont là certes pour créer tout un monde et permettre à Jane Austen de se moquer si allègrement des moeurs de son temps comme elle sait si bien le faire, mais aussi pour réhausser les héroïnes principales et parfois même leur donner un motif d'action (Miss Smith sert de "cobaye" à Emma, Jane est une des raisons invoquées par Lizzie pour repousser Darcy lors de sa première demande en mariage, la présence de Lucy pousse Elinor à faire taire encore plus ses sentiments...). Bref tout ce petit monde s'imbrique à la perfection. Et les hommes dans cette histoire ? Comme tu l'as dit, ils occupent le peu d'espace que Jane Austen et ses héroïnes veulent bien leur laisser et au fond c'est peut-être l'aspect le plus novateur (je n'aime pas parler de "pré-féminisme") de Jane Austen. D'ailleurs, elle avait bien précisé au début de P&P que l'oeuvre était écrite "by a lady" (à défaut de pouvoir mettre son nom) pour bien signifier et souligner que c'était un point de vue féminin, que l'héroïne serait une femme et que les hommes prendraient les miettes qu'on voudrait bien leur laisser...

Dans tous ses personnages, on retrouve en filligrane, elle même, sa bien aimée soeur, une de ses belle soeur "soeur" disait on à l'époque, Eliza, petite comtesse de Feuillide... Imaginez qu'elle a vu marie antoinette à versailles...
on trouve aussi (en parralèle de sa propre vie) des personnages qu'elle a rencontré (comme Miss bates).
Ses héroïnes se battent pour vivre, même avec de petits moyens - pensez qu'elle ne vivaient qu'avec 50 livres par an (à titre de comparaison, elle a vendu son premier manuscrit 10 livres (une fortune) alors que dans le même temps, sa "soeur" achetait un robe pour plus de 100 livres...
L'attachement de ses héroïnes à la nature aussi, c'est le sien Cf son horreur de Bath qu'elle détestait, alors qu'elle ne sentait bien qu'à steventon ou dans les villes portuaires (l'amour de la mer de ses frères, son séjour à Southampton chez son frère qui l'a hébergé...)

sorry aussi pour la tartine...

Marie-Pierre, tu n'as sûrement pas suivi la polémique lors de la sortie de Becoming Jane mais sache que tes affirmations feraient frémir certaines janéites. Sur Austenblog, un blog américain consacré à Jane Austen, l'idée que les personnages des romans de Jane seraient calqués sur des caractères qu'elle a pu connaître serait stigmatisée comme étant un insulte à l'imagination de l'écrivain.

l'un n'empêche pas l'autre. Si l'on lit sa (ses) biographies, on peut voir quand même des similitudes...

Marie-Pierre, tu prêches une convertie, c'était simplement que ça m'avait rappelé un souvenir amusant. Personnellement, je préfère l'idée qu'un écrivain s'inspire de se qui l'entoure.

Je trouve que le plus intéressant, à part, films et livres, c'est sa vraie vie.
Moi ce que j'aime c'est lire ce qu'elle a lu, aller dans des endroits où elle est allé, voir le théâtre qu'elle a vu, (ou ce qu'il en reste)...
Bien sûr j'aime voir les DVD de ses romans adaptés, mais je trouve que sa vraie vie (même si on a peu de docs) c'est mieux...
étudiez ce que se passait dans le monde à cette époque (même si elle s'en fichait un peu...).
jai pleuré en voyant sa table où elle a écrit...

Je ne me souvenais plus de ces discussions Cat. Je suis moi aussi partisane du fait que Jane Austen, comme tous les auteurs, s'inspirent de ce qui les entourre, et donc des gens aussi!!!

n'a t'elle pas eu l'idée de créér Mr Darcy en voyant Chastworth ?

N'étais ce pas plut$ot le vrai Tom Lefroy (pas celui inventé dans Jane) ? ou M. Bigweather ?

Euh, je doute que Harry Bigweather lui ai inspiré Mr Darcy
Elle avait déjà écrit le livre et en plus C'était un type un peu simplet, non ?

il y a en effet un courant qui pense que Tom Lefroy lui a inspiré Darcy ( et celui de Becoming Jane est le Vrai Tom lefroy, même si c'est romancé, enfin je ne vois pas trop ce que tu veux dire)

Je sais qu'en voyant Chastworth, elle a imaginé que c'était là que vivait Darcy.

M. bigweather, c'était une joke...
Je trouve que le Tom de Jane n'est pas vrai du tout...
Enfin je le vois pas comme cela et dans sa vraie vie on ne sait pas bien comment tout cela s'est passé, Cassandra est passée par là.
Si seulement Anne Lefroy avait écrit ses mémoires....

Oui, mais historiquement parlant, c'est le vrai. Enfin ce sont les vrais personnages, c'est ça que j'ai du mal à comprendre dans ton post:scratch:

Ce que je veux dire, c'est qu'on est pas du tout sûr que tout ce soit passé comme cela. Que Tom est existé, pas de doute, mais sinon... on ne sait rien... en fin à ma connaissance...
t'as des infos ???

Ah oui, en effet c'est romancé
Nous avons plusieurs topics consacrés à Becoming Jane. Je cherche des liens et je t'envoies un MP.

cat47 a écrit:

Marie-Pierre, tu prêches une convertie, c'était simplement que ça m'avait rappelé un souvenir amusant. Personnellement, je préfère l'idée qu'un écrivain s'inspire de se qui l'entoure.

Je ne suis pas trop ce que dit Austenblog et je n'ai pas suivi la polémique autour de Becoming Jane, mais je suis moi aussi convertie à cette opinion.
Il me semble impossible d'imaginer qu'une observatrice de l'âme humaine aussi passionée et revendiquée (!) que JA, qui a elle-même dit qu'elle n'écrivait que sur ce qu'elle connaissait, ne se soit pas inspirée de son cercle de connaissance pour ses personnages.
Bien sûr, nous pouvons imaginer que par finesse et par tact, elle ait fait des mélanges, arrangé ou déformé la réalité, changé les contextes... mais j'y crois. Et surtout pour les femmes, et en particulier ses héroïnes (je reviens au sujet du topic) qui sont à la fois très réalistes et intemporelles (ce qui nous permet de les apprécier encore aujourd'hui, alors qu'on a plus de mal à s'identifier à l'Evelina de Fanny Burney par exemple).

Pour ce qui est de Mr. Darcy, je ne suis pas sûre qu'un homme véritable l'ait inspiré, il ressemble plutôt à un idéal ou alors à une composition de plusieurs personnalités.