J'ai eu la chance
de trouver ce livre dans une bibliothèque
de ma ville, au rayon jeunesse plus particulièrement. Ce qui m'a d'ailleurs quelque peu étonnée, et m'étonne toujours, car après l'avoir lu je pense qu'il s'adresse à un public déjà lecteur des œuvres
de Jane Austen. Bref, revenons-en à nos moutons
.
Il faut que je vous confesse que j'ai toujours eu du mal à tirer parti des "beaux livres", je n'arrive pas à être en contemplation devant des photos ou des dessins en règle générale. Je craignais donc d'être incapable d'apprécier cet album, mais à ma grande surprise ça n'a pas du tout été le cas.
J'ai pris beaucoup
de plaisir à sa lecture et son admiration, j'avais même l'impression
de déambuler dans un
de ces fameux parcs "délicieux" et "charmants" qui parsèment les romans
de Jane, j'étais clairement en terrain austenien
.
Ce qui m'amène au point principal
de ma critique : l'immersion. Dans les premières pages
de l'album, l'écrivain nous annonce que nulle excursion ne serait pleinement réussie sans éprouver une sensation d'irréalité. J'étais assez dubitative à ce sujet, car cela fait malheureusement quelques mois que j'ai du mal à apprécier (adorer plutôt)
Jane comme je le faisais avant. J'admire toujours son talent, mais je n'arrive plus à me plonger corps et âme dans ses histoires, à les placer aussi haut dans mes préférences littéraires. Je dois avouer que c'est un sujet qui m'est pénible et je garde espoir
de retrouver tout mon enthousiasme un jour, mais je suis quand même redevable à cet album
de m'avoir fait goûter ce sentiment d'irréalité qui m'était si familier.
Le pari est vraiment réussi à mes yeux, les auteurs ont réussi à recréer, par le biais
de quelques textes, grâce au choix soigneux des tournures
de phrases et à la minutie du vocabulaire, et
de la délicatesse et
de la douceur des peintures, l'atmosphère feutrée et pleine
de quiétude d'un musée. C'est un apaisement
de parcourir ces pages qui résument rapidement les intrigues des différents romans, mais qui offrent aussi plusieurs réflexions et points intéressants à méditer. S'ils ne sont pas neufs, ils ont du moins le mérite
de donner envie
de replonger dans les romans.
D'ailleurs l'auteur dit à un moment à propos d'
Emma (mais à mon avis ça s'applique à tous les romans
de Jane Austen), que "d'aucuns, qui l'ont mal compris, estiment qu'il ne s'y passe rien, ou presque. Mais ce rien, c'est « tout », justement, c'est la vie - une profusion d'énigmes,
de menues tricheries,
de fantaisies sans conséquence". C'est exactement mon opinion (résumée, cela va sans dire
) sur l'œuvre
de Jane Austen, ce qui fait sa richesse et sa grandeur. Virginia Woolf en parlait très justement : "aucune histoire romanesque, aucune aventure, intrigue politique ou amoureuse n'était
de taille à rivaliser avec la vie dans l'escalier d'une maison
de campagne", ainsi que Walter Scott : "cette jeune femme a un talent pour décrire les relations et les sentiments
de la vie ordinaire qui est à mes yeux le plus merveilleux que j'aie jamais rencontré. Le bruit et la fureur, je peux m'en charger, comme n'importe qui
de nos jours, mais la touche exquise qui rend les choses et les gens intéressants dans leur banalité m'est refusée". Tout ceci résumé en une phrase
de Fabrice Colin, chapeau
.
Une autre réflexion
de l'auteur qui m'a beaucoup plu, et qui devrait plaire aux autres membres
de l'auberge puisque c'est un des chevaux
de bataille
de tout Janeite
, c'est la réfutation du qualificatif d"auteur sentimental". En effet, "certains - ceux qui ne les ont pas lus - croient que les romans
de Jane Austen ne sont que
de jolies fables parfumées à la rose ou à la violette... [...] En vérité, elle est l'une des plus grandes créatrices que la littérature ait jamais enfantées. Elle a inventé un monde : le monde enchanteur
de ses livres [...] où tout, toujours, est placé sous le signe du sens". Voilà, merci M. Fabrice Colin
.
Un dernier détail que j'ai beaucoup aimé, c'est que la "visite" du musée est guidée par Lizzie elle-même
. Ce rôle important, ajouté à la ressemblance soulignée par les auteurs entre ce personnage et
Jane Austen, me fait penser qu'Elizabeth sert ici d'avatar à Miss
Austen, les auteurs n'ayant peut-être pas osé utiliser l'image
de cette dernière. C'est peut-être idiot mais j'ai aimé retrouver une
de mes opinions personnelles dans l'album : celle selon laquelle Elizabeth est le personnage
de Jane qui lui ressemble le plus (en ce qui me concerne je vais même encore plus loin, car j'ai l'intime conviction que Lizzie ne se contente pas d'être, parmi ses créations, celle qui lui ressemble le plus, elle est
Jane elle-même).
En revanche je n'ai pas compris le choix
de la couverture. À la lecture
de l'album on comprend qu'il s'agit
de Marianne et Willoughby, lorsque ce dernier la sauve après qu'elle se soit tordu la cheville, mais ils sont loin d'être un couple emblématique (comme Elizabeth et M.Darcy ou Anne et le capitaine Wentworth), et d'ailleurs ils ne sont jamais un couple officiel puisque Willoughby tient lieu
de "rascal" dans le roman. Peut-être que cette illustration a été choisie car c'est la seule qui dépeint un couple dans une pose romantique "classique", étant donné qu'il s'agit
de la seule situation qui justifie cette pose, mais je trouve ça dommage.
Je ne résiste pas au plaisir
de vous mettre quelques photos des illustrations que j'ai beaucoup aimées (si c'est interdit dites-le-moi).
Voici Fanny, j'aime beaucoup cette peinture, je ne sais pas pourquoi.
Et ici si je ne m'abuse, c'est bien Sa Majesté la reine d'Angleterre elle-même qui visite le musée
Oh mais, Lizzie 2005 nous fait une petite surprise
Rho, M.Colin Firth vous auriez pu prendre le temps
de vous changer après votre petit bain dans le lac. Je sais que le musée est sur votre domaine, mais tout
de même
.
Très sympas ces petits clins d'œil
.
Pour conclure, j'ai eu presque autant
de délectation (presque seulement, il ne faut pas exagérer
) à parcourir les pages qui forment ce musée
imaginaire, que j'en aurais eu à visiter un véritable musée consacré à Miss
Austen, ou que j'en ai à me promener dans cette auberge
.
Je ne vais pas mentir, pour un connaisseur il n'y a rien à apprendre dans ces pages, seulement le plaisir
de lire un discours qui, s'il est déjà connu, n'en est pas moins toujours délicieux à relire et à trouver chez d'autres.
Eh bien, moi qui pensais que je n'aurais que 2 ou 3 remarques à formuler sur ma lecture, les choses ont un peu dépassé mes prévisions
.