Une auberge pour les admirateurs de Jane Austen, et bien plus encore... |
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| Kore-eda Hirokazu, pour sentir le Japon, et l'âme humaine. | |
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+13esperluette Elianor Juliette2a ludi33 Annwvyn Uly Léti Ysabelle Rosalind Petit Faucon Vavyala Ju clinchamps 17 participants | |
Auteur | Message |
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clinchamps Oshaberi Sensei
Nombre de messages : 72614 Age : 81 Localisation : Dans les bois du Fushimi Inari-taïsha Date d'inscription : 09/01/2007
| Sujet: Re: Kore-eda Hirokazu, pour sentir le Japon, et l'âme humaine. Jeu 26 Jan 2023 - 17:17 | |
| Quand j'ai vu que le drama sur Netflix " Makanai : dans la cuisine des maïko" était réalisé par mon idole du cinéma japonais Hirokazu KORE-EDA, je me suis bien sûr jetée dessus ! De plus une incursion dans le monde fermé des maïko et geïko ne pouvait que m'intéresser ! Je me doutais que Kore-eda allait nous livrer un régal et je ne me suis pas trompée ! - Spoiler:
Le manga dont il s'est inspiré : - Spoiler:
Alors commençons par jeter à la poubelle tous les vieux clichés assez frelatés sur les "geisha", mot rarement prononcé, il n'y a pas de fille vendue, pas de prostitution élégante, (même si la frontière autrefois n'était pas très nette ! ) mais il y a deux adolescentes d'aujourd'hui qui ont choisi, (librement et même contre la volonté du père pour l’une)au lieu du lycée, d'intégrer une école de geiko où leur sont enseignés les arts traditionnels comme les maï (danses / postures / mimes), la pratique du shamisen, la conversation, les jeux de société, l'art du kimono, etc. Leur travail sera de tenir compagnie à des hommes (mais pas que ! ) fortunés afin que les clients passent un agréable moment dans un univers artistique. - Spoiler:
Nos deux gamines (inséparables depuis l'enfance) viennent d' Aomori, extrême nord d’ Onshu, donc de la cambrousse... Les voilà à Kyoto, dans le quartier de Gion, seul endroit du Japon (et du monde) où se perpétue cette tradition. Il va être tout de suite évident que les deux apprenties n'ont pas les mêmes aptitudes à ce métier. Sumire avance vite et montre des dons, mais Kyio n'a aucune facilité, il est question de la renvoyer chez elle, (très gentiment, hein ? Pour son bien !)mais elle a l'occasion pour rendre service, de prendre la place de la makanaï (cuisinière/intendante) de la maison. Il se trouve que là elle est extrêmement douée, et que sa capacité naturelle au bonheur s’y déploie pour la plus grande joie de tous. Bien sûr il y a quelques scènes d’enseignement de danse, quelques moments culinaires, quelques rappels du règlement (interdiction de portable !) mais brefs, légers, l'essentiel du drama se situe dans les relations entre les apprenties ( maïko) qui s'appellent "sœurs", les « mères"qui gèrent l’école . Kore-eda, qui s'est entouré de jeunes réalisateurs, a choisi à l'évidence la sympathie de la chaleur humaine entre des relations, facilitées par un goût commun pour un métier dont l’originalité nécessite un don de soi, et rapproche forcément celles qui le pratiquent. On voit qu’il y aurait des possibilité de crise, de tensions, mais il a choisi de les suggérer, sans les développer. Fidèle à lui-même, il nous dépeint là une nouvelle sorte de famille « choisie ». - Spoiler:
Sans s’y appesantir, il nous laisse entrevoir les peines et les douleurs d’enfances difficiles, solitaires et là, le personnage le plus marquant est Ryoko, vraie fille de la « mère » de l’école, dont on découvre peu à peu à quel point elle a dû se sentir dépossédée par toutes ces « sœurs » successives. Il nous fait entrevoir des amours impossible, ou dont les braises rougissent encore sous la cendre du passé. La découverte de ce qu’est la formation des maïko ainsi que le travail en cuisine de Kiyo ne sont que la toile de fond discrète mais essentielle à cette histoire de famille. J’avoue que le bonheur de parcourir quelques fois les rues de Gion, et le souvenir de notre soirée avec une geïko en 2015 ont ajouté un plaisir supplémentaire à la vision de ce drama, mais sans en avoir besoin j’aurais apprécié hautement cette œuvre qui, comme je l’ai déjà dit, me rappelle fortement « notre petite sœur », auquel cependant je le préfère, pour ses quelques aspérités qui évite de tomber dans une gentillesse trop lisse ! - Spoiler:
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| | | Juliette2a Tenant of Hamley Hall
Nombre de messages : 29102 Age : 27 Localisation : Entre l'Angleterre et la Thaïlande ! Date d'inscription : 06/03/2012
| Sujet: Re: Kore-eda Hirokazu, pour sentir le Japon, et l'âme humaine. Jeu 26 Jan 2023 - 18:35 | |
| Et bien, quel magnifique commentaire !! Si je n'avais pas déjà envie de visionner ce drama, tu m'aurais convaincue de le regarder Les thèmes (univers des maiko, sororité, Japon actuel, cuisine) sont passionnants et je ne doute pas que Kore-eda a encore une fois excellé dans la réalisation ! |
| | | Scarlett Unnie Lost in hangeul melody
Nombre de messages : 52560 Age : 78 Localisation : In the land of the morning calm Date d'inscription : 03/10/2007
| Sujet: Re: Kore-eda Hirokazu, pour sentir le Japon, et l'âme humaine. Jeu 26 Jan 2023 - 18:36 | |
| Merci pour ton commentaire, Clinchamps j' ai remis ce drama dans ma liste pour l'essayer un jour prochain mais j' ai beaucoup d' autres dramas à voir avant ! |
| | | Annwvyn Subtle scent of rain
Nombre de messages : 8654 Age : 35 Localisation : Paris Date d'inscription : 24/06/2009
| Sujet: Re: Kore-eda Hirokazu, pour sentir le Japon, et l'âme humaine. Jeu 26 Jan 2023 - 21:40 | |
| Merci d'avoir pris le temps de partager ton avis conquis Clinchamps. Le drama est aussi dans ma liste, il attend son tour... |
| | | Ju Gone With The Books
Nombre de messages : 12568 Age : 33 Localisation : In the Tardis, with Ten Date d'inscription : 15/05/2010
| Sujet: Re: Kore-eda Hirokazu, pour sentir le Japon, et l'âme humaine. Ven 3 Fév 2023 - 13:43 | |
| Très belle présentation Clinchamps qui m'a poussé à me lancer au plus vite dans ce drama ! J'en suis au 6e épisode et j'aime beaucoup, pour toutes les raisons que tu cites. Le rythme est tranquille, reposant, et il y a de forts beaux moments partagés dans cette "famille" reconstituée. Ce drama donne aussi l'eau à la bouche avec tous les bons petits plats préparés par Kiyo Comme toi, ce drama me rappelle de bons souvenirs de voyage De beaux moments de visionnage |
| | | cléopatre Traveler of both time & space
Nombre de messages : 12761 Age : 30 Localisation : Santa Carla Date d'inscription : 25/04/2012
| Sujet: Re: Kore-eda Hirokazu, pour sentir le Japon, et l'âme humaine. Ven 3 Fév 2023 - 20:55 | |
| Ton commentaire donne très envie Clinchamps, merci |
| | | Juliette2a Tenant of Hamley Hall
Nombre de messages : 29102 Age : 27 Localisation : Entre l'Angleterre et la Thaïlande ! Date d'inscription : 06/03/2012
| Sujet: Re: Kore-eda Hirokazu, pour sentir le Japon, et l'âme humaine. Jeu 28 Déc 2023 - 19:54 | |
| Je remonte ce topic car je suis allée au cinéma aujourd'hui afin de revoir ce qui est certainement mon film favori de l'année : Monster (aussi appelé L'Innocence en VF), dernier film du maitre Kore-eda Mes impressions restent inchangées à l'issue de ce second visionnage, me laissant à nouveau emportée par ce récit à 3 points de vue, mais dont je ne révèlerai rien pour vous laisser le plaisir de découvrir les mystères de cette histoire qui se déguste J'ajouterai seulement que ce film fait la part belle aux êtres "non conformes" aux normes de la société actuelle, dénonçant les rumeurs, la tromperie des apparences et célébrant la beauté intérieure J'espère que vous aurez l'occasion de le voir et que vous l'apprécierez autant que moi ! |
| | | clinchamps Oshaberi Sensei
Nombre de messages : 72614 Age : 81 Localisation : Dans les bois du Fushimi Inari-taïsha Date d'inscription : 09/01/2007
| | | | Juliette2a Tenant of Hamley Hall
Nombre de messages : 29102 Age : 27 Localisation : Entre l'Angleterre et la Thaïlande ! Date d'inscription : 06/03/2012
| Sujet: Re: Kore-eda Hirokazu, pour sentir le Japon, et l'âme humaine. Jeu 28 Déc 2023 - 22:53 | |
| J'espère qu'il passera chez toi |
| | | Vavyala Wood Full Of Song
Nombre de messages : 4626 Age : 40 Localisation : Entre une forêt francilienne et celle des pages des livres qui m'entourent Date d'inscription : 27/08/2018
| Sujet: Re: Kore-eda Hirokazu, pour sentir le Japon, et l'âme humaine. Sam 30 Déc 2023 - 11:18 | |
| Je note ta recommandation Juliette! J'attendrai la sortie DVD. |
| | | Elianor Eclectic spirit
Nombre de messages : 5719 Localisation : Ici ou là-bas, un livre dans les mains... Date d'inscription : 28/05/2011
| Sujet: Re: Kore-eda Hirokazu, pour sentir le Japon, et l'âme humaine. Sam 30 Déc 2023 - 13:41 | |
| Merci pour ton avis Juliette, qui donne vraiment envie de voir ce film |
| | | Juliette2a Tenant of Hamley Hall
Nombre de messages : 29102 Age : 27 Localisation : Entre l'Angleterre et la Thaïlande ! Date d'inscription : 06/03/2012
| Sujet: Re: Kore-eda Hirokazu, pour sentir le Japon, et l'âme humaine. Sam 30 Déc 2023 - 19:10 | |
| Ravie de vous avoir donné envie, les filles ! |
| | | Fauvette Bluebird on a White Cliff
Nombre de messages : 5816 Age : 36 Localisation : Paris Date d'inscription : 29/04/2009
| Sujet: Re: Kore-eda Hirokazu, pour sentir le Japon, et l'âme humaine. Lun 8 Jan 2024 - 13:26 | |
| J'ai visionné Une affaire de famille hier soir (après l'avoir reçu à Noël dans un coffret collector Kore-eda ) et mon avis rejoint tous ceux postés précédemment dans ce topic J'ai beaucoup aimé cette plongée dans le Japon défavorisé, très loin des images d'Epinal qu'on peut avoir en tête en pensant à ce pays mais remplie d'amour et d'humanité Tout le cast est excellent (enfants compris), et j'ai pour ma part eu un coup de cœur pour Andō Sakura (que j'ai l'impression persistante d'avoir déjà vue quelque part mais sans reconnaître aucun de ses autres films ), et le rôle central qu'elle joue dans cette famille recomposée de bric et de broc Je me réjouis déjà de regarder les autres films de ce réalisateur (dont je n'avais jusqu'à présent vu que Broker/Les bonnes étoiles), mais je vais peut-être d'abord voir Makanai : Dans la cuisine des Maiko qui n'est pas dans mon coffret _________________ Dessin de Jaimie Withbraid |
| | | clinchamps Oshaberi Sensei
Nombre de messages : 72614 Age : 81 Localisation : Dans les bois du Fushimi Inari-taïsha Date d'inscription : 09/01/2007
| Sujet: Re: Kore-eda Hirokazu, pour sentir le Japon, et l'âme humaine. Lun 8 Jan 2024 - 13:30 | |
| Fauvette je suis enchantée de te voir entrer dans la cohorte des admirateurs de Kore-eda, cinéaste que j'aime tout particulièrement ! J'espère que les autres découvertes te plairont autant ! Le drama est très bien, mais il y a quelques films comme "Nobody knows", ou " Still walking" "I wish" qui sont de vraies merveilles ! |
| | | Juliette2a Tenant of Hamley Hall
Nombre de messages : 29102 Age : 27 Localisation : Entre l'Angleterre et la Thaïlande ! Date d'inscription : 06/03/2012
| Sujet: Re: Kore-eda Hirokazu, pour sentir le Japon, et l'âme humaine. Mar 9 Jan 2024 - 19:59 | |
| Merci pour ton retour, Fauvette et ravie de lire ton avis positif ! Comme Clinchamps, je te recommande Nobody Knows, l'un des films les plus marquants de Kore-eda Parmi mes préférés, figurent aussi Tel Père, Tel Fils ; Monster et Notre petite sœur |
| | | Vavyala Wood Full Of Song
Nombre de messages : 4626 Age : 40 Localisation : Entre une forêt francilienne et celle des pages des livres qui m'entourent Date d'inscription : 27/08/2018
| Sujet: Re: Kore-eda Hirokazu, pour sentir le Japon, et l'âme humaine. Mar 9 Jan 2024 - 20:32 | |
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| | | clinchamps Oshaberi Sensei
Nombre de messages : 72614 Age : 81 Localisation : Dans les bois du Fushimi Inari-taïsha Date d'inscription : 09/01/2007
| Sujet: Re: Kore-eda Hirokazu, pour sentir le Japon, et l'âme humaine. Ven 12 Jan 2024 - 16:57 | |
| - Juliette2a a écrit:
Parmi mes préférés, figurent aussi Tel Père, Tel Fils ; Monster et Notre petite sœur Je signale que "monster" sort en ce moment sous le titre français de "l'innocence". Je préfère le titre original bien que l'innocence ne dénature pas non plus le sens du film ! Je viens de le voir, j'en ai été bouleversée ! Mais Juliette, si tu asses par là, dis-moi, la fin, comment tu la comprends ? J'ai un fort ressenti mais j'espère que je me trompe, car ce serait bien désespérant ! Je reviendrai en parler plus quand j'aurai des certitudes sur la fin ! |
| | | Juliette2a Tenant of Hamley Hall
Nombre de messages : 29102 Age : 27 Localisation : Entre l'Angleterre et la Thaïlande ! Date d'inscription : 06/03/2012
| Sujet: Re: Kore-eda Hirokazu, pour sentir le Japon, et l'âme humaine. Ven 12 Jan 2024 - 19:06 | |
| Autant te dire que je suis ravie de lire que le film t'a plu ! - clinchamps a écrit:
- Mais Juliette, si tu asses par là, dis-moi, la fin, comment tu la comprends ? J'ai un fort ressenti mais j'espère que je me trompe, car ce serait bien désespérant !
En ce qui concerne la fin, j'ai eu l'occasion de voir le film 2 fois (en Mai puis en Janvier) et mon interprétation a bien changé entre mes 2 visionnages - Spoiler:
Lorsque je l'ai vu pour la première fois, je suis sortie de la projection le sourire aux lèvres, persuadée que les 2 s'en étaient sortis, que la tempête les avait "purifiés" de leurs doutes, leur honte etc... et que d'après l'adage "après la pluie, vient le beau temps", je pensais que les 2 allaient enfin démarrer une nouvelle vie en accord avec leurs envies Une belle fin, donc ! Sauf que...en le revoyant il y a quelques semaines et en comparant mon avis avec ceux de mes sœurs et de ma maman, j'ai en fait compris que, malheureusement, les 2 enfants meurent dans leur wagon suite à la tempête (comme en témoigne la scène de sauvetage de la maman et de l'enseignant qui n'arrivent pas à dégager la fenêtre du compartiment à cause de la boue et du glissement de terrain ayant eu lieu à cet endroit) et que Minato et Hoshikawa atteignent le paradis (?) avant de se réincarner (thème récurrent dans le film)...
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| | | clinchamps Oshaberi Sensei
Nombre de messages : 72614 Age : 81 Localisation : Dans les bois du Fushimi Inari-taïsha Date d'inscription : 09/01/2007
| Sujet: j'ai retrouvé le goût de Sam 13 Jan 2024 - 15:17 | |
| Je reviens donc sur le dernier film de Kore-eda que j'ai vu hier : Monster (L'innocence) - Spoiler:
Le film a reçu le prix du scénario et la Queer palm au dernier Festival de Cannes. Comme toujours, chez KORE EDA l'enfance est le cœur du film, mais il ne l'aborde vraiment que dans la troisième partie du récit, des récits, plutôt. Le film est construit sur le modèle "Rashomon" créé par Akira KUROSAWA(c'est ce qui se dit ! )c'est à dire la même histoire vue par trois regards différents. Ou plutôt vécue par trois personnes différentes ! On a le récit de la mère (magnifique Ando Sakura) veuve élevant seule son fils dont elle pense qu'il est maltraité, et qu'elle va défendre bec et ongle, puis on recommence en vivant cette fois l'épreuve de l'enseignant incriminé, pour finir en plongeant au cœur profond de l'histoire : les deux enfants qui en sont les vrais héros. Quand je parle du cœur profond, c'est ce que j'ai ressenti le plus au cours du film, que l'univers des deux gamins est comme un abysse où les émotions, les peurs, les questions qu'on s'y pose sont totalement inconnus du monde de la surface des adultes et des remous qui l'agitent ! Le refuge des enfants est enfoui dans une jungle de verdure, il faut passer par un souterrain pour y arriver, ce n'est pas involontaire ! Et j'ai vraiment ressenti cette descente dans les tréfonds du cœur quand le réalisateur aborde le version "enfant" A chaque reprise on croise de petits détails qui rattachent la nouvelle vision à ce qu'on a vu dans la précédente, certaines scènes s'éclairent et n'en sont que plus belles (l'instituteur sur le toit, et le son du trombone et du cor, par exemple, scène brève mais si belle d'humanité ! Vous n'y comprenez rien ? Normal ! Courez voir le film, vous comprendrez ! ) ces petits échos unifient l'histoire qui n'est pas du tout la seule juxtaposition de trois visions différentes ! KORE EDA s'en donne à cœur joie dans la critique acerbe du système scolaire japonais, dans l'attitude "pas de vague" toujours mise en avant, également dans la rigidité des principes parentaux (le père de l'un des enfants fait froid dans le dos, même si on ne le croise brièvement que 2 fois !)mais surtout, surtout, il aborde un sujet encore bien tabou : - Spoiler:
la naissance d'un amour entre deux enfants, deux garçons en plus, et il le traite avec une délicatesse, une douceur, une finesse intelligente remarquables (mais ça ne m'étonne pas de lui, c'est son domaine de référence, l'enfance ! )
C'est pourquoi la troisième partie du film est ma préférée, elle laisse tomber la satyre sociale et ne se consacre plus qu'à la beauté de la pureté innocente de l'enfance, je reviens à l'image d'un monde secret qui ignore et ne s'intéresse pas aux gesticulations des adultes... Et là, on en arrive à la fin... - Spoiler:
Et la fin, je peux le dire, m'a crevé le cœur ! Car, comme tu le dis Juliette, il n'y a malheureusement pas de doute : la sortie du wagon obscur, puis du tunnel dans la lumière, qui devient durant une seconde éblouissante, surexposant l'image, pour dans la seconde suivante revenir à celle d'un beau jour d'été ensoleillé, et les enfants éclatant de joie, en courant dans une nature vide de tout autre habitant. Cela s'est aussitôt imposé à moi : c'est la mort... Et j'en ai été si désolée, car que veut dire KORE EDA par là ? Qu'il n'y a rien à espérer pour eux dans notre monde et que la mort seule et l'illusion d'un "after life" peut donner un espoir ?? Non, non, ! je m'inscris en faux on ne peut pas rester sur cette impression-là et c'est la directrice qui a raison : tout le monde a le droit d'être heureux !! Je vais lui écrire, tiens, comme à Miyazaki, pour me plaindre de sa fin !! [Juliette, c'est vrai que la question de la mort et de la réincarnation travaille fort le garçon orphelin, et comment en serait-il autrement alors qu'il vient de perdre son père ? De là à voir la fin en réincarnation, je ne peux pas te suivre ! Ils ne peuvent pas se réincarner en eux-même ! On peut les supposer deux âmes libérées dans un univers parallèles... Dieu merci KORE EDA nous a épargné le suicide, bien qu'on en ait souvent senti passer la tentation ! et la mort n'est qu'accidentelle, mais quand même... Qu'est-ce qui lui a pris, à KORE EDA, de noue mettre cette noirceur ? Il n'est jamais bien gai, mais là il abuse !
Un mot sur la musique, dernière participation cinématographique de Ryuchi SAKAMOTO. Je venais de découvrir la veille "Furyo" et j'avais été attentive à la musique dont on a tant parlé à la mort récente du musicien, et dans le film de KORE EDA on retrouve le même goût de la dissonance, de ce qu'on appelait quand j'étais jeune "musique concrète" c'est sans recherche de mélodie, mais dans un travail de sonorités (je reviens au trombone...) sauf la toute fin aux mélancoliques et tendres notes d'un piano solitaire... Bon, il y en aurait beaucoup à dire encore, j'espère que vous irez le voir pour venir ici, soit me contredire soit être d'accord mais surtout pour en reparler parce que ce film le vaut vraiment ! Je vais mettre un gros spoiler, respectez-le surtout ! ce serait dommage pour vous ! Edit : un petit complément : le côté "mystère" genre enquête n'est encore une fois qu'un trompe l'œil, et pas du tout l'essentiel du film... Et les films de KORE EDA ont souvent été accueillis très fraîchement dans son pays, je ne serais pas étonnée qu'il en ait été de même pour celui-ci ! S'il n'avait pas le succès qu'il a chez nous (je veux dire en Europe...)il aurait du mal chez lui, car comme disent les Ecritures : "nul n'est prophète en son pays !" |
| | | Cassandre Sweet Indian Princess
Nombre de messages : 59822 Age : 62 Localisation : entre deux livres Date d'inscription : 22/08/2009
| Sujet: Re: Kore-eda Hirokazu, pour sentir le Japon, et l'âme humaine. Dim 14 Jan 2024 - 7:28 | |
| Merci pour le partage, chère Clinchamps |
| | | Fauvette Bluebird on a White Cliff
Nombre de messages : 5816 Age : 36 Localisation : Paris Date d'inscription : 29/04/2009
| Sujet: Re: Kore-eda Hirokazu, pour sentir le Japon, et l'âme humaine. Dim 14 Jan 2024 - 16:59 | |
| Merci pour ton avis détaillé sur Monster/L'innocence, clinchamps ! Je suis allée le voir au cinéma ce matin et j'en suis moi aussi ressortie bouleversée, plus encore que devant Une affaire de famille (vu en DVD le week-end dernier), que javais déjà adoré La construction du film en 3 parties, et autant de regards sur la même histoire mais avec des points de vue très différents (la mère, l'instituteur, les enfants), développe une intrigue beaucoup plus complexe qu'elle n'en a l'air ; les deux premières parties m'ont d'ailleurs un peu fait penser au film danois La chasse (avec Mads Mikkelsen dans le rôle d'un éducateur accusé d'abus sur une fillette de sa classe), où on ne sait qui croire entre la mère voulant protéger son enfant, puis le professeur qui ne semble plus si évidemment coupable des faits qui lui sont reprochés... et puis les dernières pièces du puzzle se mettent à leur place quand on re-revoit le tout avec les yeux de Minato et Yori Même en dehors de l'affaire principale, le film dépeint subtilement les contradictions, grandeurs et bassesses de l'âme humaine : - Spoiler:
la directrice dévastée par le chagrin d'avoir perdu sa petite-fille (sans doute par sa propre faute) mais aussi manipulatrice et prête à tout pour sauvegarder la réputation de son école ; l'instit accusé à tort, en partie parce qu'il est nouveau (donc peu intégré dans la communauté) et surtout peu avenant ; le père alcoolique, violent et homophobe qui pense pouvoir "guérir" son fils pré-ado ; et même la mère célibataire un peu dépassée, qui dit parfois la phrase qu'il ne faut pas sans la moindre mauvaise intention mais avec des répercussions aussi dévastatrices que des coups physiques...
Et je suis d'accord avec vous Juliette et clinchamps pour la fin - Spoiler:
Même si la mère de Minato et l'instituteur finissent par réussir à ouvrir la fenêtre du wagon, on voit brièvement qu'il est vide et déjà rempli d'eau et de boue... j'ai moi aussi eu un moment de déni quand on les voit sortir de là tout sales mais "vivants" et courir vers le tunnel, mais effectivement l'aveuglante lumière blanche laisse penser qu'il s'agit plus d'une fin fantasmée que de la réalité pour les deux garçons
Pour ma part la scène qui m'a fait pleurer (ce qui m'arrive assez rarement et encore moins au cinéma) est celle - Spoiler:
entre Minato et la directrice, quand elle lui conseille de souffler son secret dans un trombone à coulisse et qu'on comprend enfin l'origine de ces bruits bizarres qui émaillaient les premières parties du film... ah, cela donne envie d'avoir (ou d'avoir eu) un instrument à vent à portée de main parfois...!
_________________ Dessin de Jaimie Withbraid |
| | | clinchamps Oshaberi Sensei
Nombre de messages : 72614 Age : 81 Localisation : Dans les bois du Fushimi Inari-taïsha Date d'inscription : 09/01/2007
| Sujet: Re: Kore-eda Hirokazu, pour sentir le Japon, et l'âme humaine. Dim 14 Jan 2024 - 17:16 | |
| Merci de ton commentaire si juste, Fauvette, et je suis tellement contente que tu aies ressenti ce que j'ai éprouvé moi-même !! Et pour ton 3ème spoiler oui, oui oui!!!!! c'est la scène qui m'a vraiment bouleversée, pour la convergence de la douleur de la directrice et du gamin, pour le conseil quelle lui donne et parce que j'ai bien eu l'impression que ces bruits étranges comme des appels ont retenu l'instit désespéré au bord du toit ! Un des atouts de ce film sont ces échos successifs que les différentes visions éveillent, comme l'allusion au "cerveau de porc" qui se répercute pour arriver enfin à sa véritable origine... Mais je trouve la conclusion de Kore-eda si pessimiste... Bien plus que dans ses films précédents, même s'il n'a pas souvent fini sur de la joie ! Edit : Honte sur moi ! Je ne vous ai pas fait ma note sur le film coréen de Kore-eda " nos bonnes étoiles" que pourtant j'ai énormément aimé ! mais il faut que je le revoie avant (quelle corvée !! ) pour bien me le remettre en mémoire ! mais il vaut bien le coup aussi bien que la critique l'ait trouvé " assez bien, parce que Kore-eda même médiocre est toujours meilleur que les autres" (dixit je ne sais plus quel idiot) ! C'est pas vrai ! Il est magnifique sur un sujet délicat et difficile : le commerce d'enfants dans l'adoption... ça a l'air horrible, ça l'est et pourtant le film est brûlant d'humanité... Bon, je le revois et je repasse ! |
| | | Fauvette Bluebird on a White Cliff
Nombre de messages : 5816 Age : 36 Localisation : Paris Date d'inscription : 29/04/2009
| Sujet: Re: Kore-eda Hirokazu, pour sentir le Japon, et l'âme humaine. Dim 14 Jan 2024 - 17:39 | |
| @clinchamps En ce qui concerne la fin, j'avoue être partagée entre deux visions possibles : - Spoiler:
d'un point de vue "méta", c'est effectivement une vision très sombre et pessimiste de la part du réalisateur (la cruauté du monde qui "gagne" au final, deux vies brisées net et celle de leurs proches aussi par la même occasion, sans oublier le message implicite comme quoi leur histoire d'amour naissante était de toute façon vouée à l'échec et à la mort ) ; d'un autre côté, je n'ai pas pu m'empêcher d'y voir une fin à la "Sam Tyler" où les deux gamins sont enfin libérés de leurs persécuteurs et peuvent vivre leur enfance et leurs sentiments en paix (car l'autre face de la pièce "ils ont survécu" c'est aussi le retour au harcèlement scolaire, à la maltraitance voire à l'exil chez sa grand-mère pour Yori... c'est certes mieux que de périr ensevelis sous un glissement de terrain, et on peut espérer que la mère de Minato et l'instit auraient fait de leur mieux pour protéger les enfants ensuite, mais on ne le saura jamais ) edit : et ce n'est pas Kore-eda qui le dira, même si apparemment la fin prévue était plus joyeuse à l'origine ! - Spoiler:
Et j'ai hâte de lire ton avis sur Nos bonnes étoiles, que j'avais beaucoup aimé de mon côté ! _________________ Dessin de Jaimie Withbraid |
| | | Juliette2a Tenant of Hamley Hall
Nombre de messages : 29102 Age : 27 Localisation : Entre l'Angleterre et la Thaïlande ! Date d'inscription : 06/03/2012
| Sujet: Re: Kore-eda Hirokazu, pour sentir le Japon, et l'âme humaine. Dim 14 Jan 2024 - 19:31 | |
| Merci pour vos retours complets que je partage entièrement, Clinchamps et Fauvette ! Je suis si contente de lire votre enthousiasme, ce film occupe mes pensées depuis que je l'ai vu il y a maintenant 8 mois ! Je vois que nous avons le même ressenti concernant la fin, qui finalement peut être interprétée comme on l'entend Fauvette, - Spoiler:
la scène de "complicité" entre Minato et la directrice m'a également émue surtout lorsqu'elle lui dit que tout le monde a le droit d'être heureux
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| | | Annwvyn Subtle scent of rain
Nombre de messages : 8654 Age : 35 Localisation : Paris Date d'inscription : 24/06/2009
| Sujet: Re: Kore-eda Hirokazu, pour sentir le Japon, et l'âme humaine. Sam 20 Jan 2024 - 19:26 | |
| J'ai vu hier L'innocence/Monster, et j'ai été touchée par ce film. Moins que vous toutes, certainement, mais je l'ai quand même trouvé très touchant, voire réconfortant à la fin. Avant toutes choses, quand même, je crois que Clinchamps pourrait peut-être ajouter une bannière spoiler au niveau de - Spoiler:
" la naissance d'un amour entre deux enfants, deux garçons en plus, et il le traite avec une délicatesse, une douceur, une finesse intelligente remarquables (mais ça ne m'étonne pas de lui, c'est son domaine de référence, l'enfance !"). Juste parce que j'ai vu le film en ayant lu cette phrase avant, et que je ne sais pas du tout comment j'aurais perçu les deux premières parties du film, si je n'avais pas su à quoi m'attendre.
Ce film est à la fois dur (c'est un portrait sans concession de la société japonaise sur plusieurs aspects), à la fois raconté avec une grande délicatesse, de la rondeur et de la douceur, de sorte que je ne l'ai pas trouvé âpre ou pesant, alors qu'il aurait pu l'être. Il y a ce qu'il faut de moment drôles et lumineux pour relever la tête, malgré le sérieux des thèmes abordés. Mon intérêt est allé croissant avec les parties (celle avec la maman est celle qui m'a le moins parlé ou intéressée), et la troisième partie m'a semblée tellement lumineuse. A ce titre, je vois la fin - Spoiler:
comme un moment heureux, et à la limite (ça peut paraître bizarre), ça m'est totalement égal que les enfants survivent ou pas. Je le vois comme une renaissance à eux-mêmes, comme s'ils imposaient au monde leur bonheur, leur réalité, leurs joies d'enfants, l'espoir, l'amitié et l'amour. Comme quelque chose d'irrésistible qui gagne à la fin. Si je suis rationnelle, j'hésite ! Je me suis d'abord dit qu'ils vivaient, qu'on ne pouvait pas arriver si boueux dans l'au-delà ! Et puis après j'ai eu l'impression que la barrière verte vers le tunnel du chemin de fer (celle qui bloque l'accès à la fin de la ligne encore en circulation) avait disparu, et que donc, on n'était plus dans LA réalité. Mais je ne sais pas si j'ai bien vu.
J'ai trouvé les passages de pure enfance , dans le train, puis dans les herbes, magnifiques, très doux toujours. D'ailleurs ce film a la musique qu'il faut, pas trop (il laisse la place aux sens, comme le font souvent les films japonais, on a les bruits du quotidien, de la nature), mais quand même un peu (j'ai vraiment besoin de musique au cinéma, sinon, j'ai l'impression que ce n'est pas fini). Le piano, simple, m'a beaucoup plu. Du côté du négatif, toutefois, je dois dire que je garde un peu de frustration... pour tout ce qui concerne les adultes, qu'on laisse plus ou moins tous en rade, à des niveaux différents. Déjà, l'instituteur... Il m'a intéressée, touchée, et je regrette vraiment de ne pas avoir passé plus de temps en sa compagnie. D'accord, c'est sûrement parce que j'ai toujours été amoureuse d'Eita mais tout de même, il passe le film à être au mauvais endroit au mauvais moment, et à être très maladroit, et je serais curieuse d'en savoir plus sur lui et son histoire. Ensuite, le père de Yori, je suis très frustrée - Spoiler:
qu'à aucun moment, d'une manière ou d'une autre, il soit mis en cause. Oui, je sais, ce n'est pas ce que le film raconte, et on n'est pas dans un film où la justice triomphe. Mais je regrette que cet individu vive sa vie comme si de rien n'était. Et que personne ne donne l'alerte d'une manière ou d'une autre.
Et enfin, la directrice. Ce film est un magnifique portrait de la société japonaise, y compris dans ses travers. Il est tout entier traversé par le manque de communication, et l'impossibilité de communiquer entre les uns et les autres. Les trois parties se superposent comme des mondes parallèles qui se rencontrent à peine (rien à voir par exemple avec Le dernier duel, excellent film de Ridley Scott, qui se déroule également en trois actes, où trois vérités se confrontent... mais où les trois regards s'entrecroisent et s'entrechoquent à l'infini !). Et donc là-dessus, mon côté guerrière de la communication s'insurge un peu contre la directrice ! Je ne suis pas du même avis que vous sur la scène - Spoiler:
où elle parle à Minato. Autant j'ai trouvé touchants les mots qu'elle lui dit, sur la possibilité d'avoir droit au bonheur, même dans la différence. Ces mots sont très forts, et dits avec beaucoup de détermination, c'est très puissant, et ce sont les mots qu'on a envie de dire à Minato depuis le début. Autant, au contraire, mais quelle facilité que la directrice fasse un grand discours sur les mots qu'on ne peut pas dire et qu'on va souffler dans un trombone/une trompette à la place ! Sans m'empêcher d'apprécier la poésie sensorielle du passage, ça m'a mise en colère. Pour moi, on ne peut pas du tout comparer la situation de Minato (qui, déjà, est un enfant) à la sienne, je ne trouve pas ça honnête de la part de la directrice. Mon avis, c'est que pendant tout ce film, la directrice échappe à sa responsabilité (de directrice, je ne parle pas de sa responsabilité dans la mort de sa petite-fille, c'est un sujet trop délicat pour que je puisse en juger). Oui, cela s'explique en partie par la douleur qui est la sienne, oui, elle garde le secret de la mort de sa petite fille, et oui, elle s'insère, en plus, dans les règles strictes de la société japonaise. Mais ! Tout ce qui se produit ensuite, la douleur de la mère, la misère de l'instituteur, la misère des deux enfants qui créent leur bonheur par eux-mêmes, protégés par des mensonges d'enfants, je trouve que c'est aussi sa faute, parce qu'elle n'assume pas son rôle de directrice. Je comprends le personnage (il est extrêmement bien raconté et réaliste), j'ai de la compassion pour elle, mais dans le contexte des dommages collatéraux qu'elle pourrait en partie avoir évité, son discours à Minato me semble si facile. Je trouve que ça lui donne le beau rôle de manière usurpée, et que c'est très injuste envers tous ceux qui ont pâti de son manque de courage, d'implication, de probité. En bref, la dame aura beau jouer de la trompette, elle a un peu contrevenu à des valeurs qui me sont chères !
Voilà donc pour mon avis sur ce film. Je pense l'avoir trouvé douloureux et inquiet dans le regard des adultes, mais bien plus lumineux dans le regard des enfants, malgré les épreuves, si bien qu'à la fin je l'ai presque trouvé réconfortant, un peu comme si on nous disait "Ca va aller". |
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