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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 6 Icon_minitimeDim 18 Jan 2015, 21:51

Léti a écrit:
La question que je me pose, moi : Est-ce que parce que nous, en France, nous disposons d'une très grande liberté d'expression, nous devons l'imposer à ceux qui n'en veulent pas ? C'est le problème de la mondialisation : la couverture de CH fait le tour du monde et continue d'agacer (le mot est faible) des gens qui sont contre la fameuse liberté. le problème ne serait pas grave si cela ne finissait pas, comme toujours par des brimades au mieux, des massacres au pire. Mais la question inverse est vraie aussi : pourquoi restreindrions-nous notre liberté d'expression parce que d'autres n'en ont pas la même vision que nous ?

Dans la première partie de ton intervention, j'aurai tendance à dire que tout dépend de qui ne veut pas de la liberté d'expression. Il ne s'agit pas d'imposer, mais il y a de nombreux cas où les restrictions sur la liberté d'expres​sion(parfois presque totale) ne sont pas le fruit d'un choix démocratique. Dans ces cas, il me semble logique qu'un pays qui défend cette valeur travaille à faire disparaître ces restrictions, soit en oeuvrant à la mise en place d'une démocratie soit, c'est (ou ce fut) souvent le cas, en accueillant des personnes opprimées dans ce pays.


Dérinoé a écrit:
Citation :
Concernant la BD fort instructive, elle pointe pour moi l'écart entre ce que le législateur a voulu encadrer et la société civile qui a, ou non, digéré  ces règles.

Alors si telle est l'intention de l'auteur, je comprends mieux. A l'instar de Selenh, j'avais initialement cru comprendre que "la porte" finale désignée par le petit bonhomme tendait à démontrer qu'en usant de la liberté d'expression, il fallait être prêt à assumer des conséquences non-juridiques bien normales, à commencer par l'insulte et l'ostracisme. Mais, en effet, si l'idée consiste à pointer du doigt la différence entre censure légale et censure culturelle, le travail est très bien fait.

Dans l'exemple que tu cites, Richard Millet n'a pas été victime d'autre chose que de la censure culturelle.
Il a pu écrire son ouvrage librement, le publier avec quelqu'un qui a compris son travail. Il n'a pas été mis en prison ni même mis en examen, ni victime de censure, personne ne l'a attaqué. C'est bien la différence avec les dissidents chinois (pour ne citer qu'eux), il a été l'objet d'une cabale, pas d'une censure légale.
N'ayant lu ni l'ouvrage de Richard Millet ni l'article d'Annie Erniaux, je ne porterai pas de jugement sur le fond (même si a priori, je suis plutôt contre les chasses à courre). Mais le parallèle que tu fais avec les journalistes de Charlie Hebdo me paraît devoir être relativisé. Ils sont devenus un symbole à cause de ce qui leur est arrivé. Il ne faut pas perdre de vue qu'ils n'avaient aucune volonté de devenir un symbole et il me semble plausible que si on pouvait avoir leur avis, ils refuseraient d'en être un. Avant l'attentat ils n'étaient pas plus que Richard Millet invités sur les plateaux de télé ou dans les émissions de radio (et pourtant ils étaient beaucoup plus connus...). Même Cabu, qui avait fait pas mal de télé il y a une trentaine d'années.
De même, je pense que la dernière phrase de Bilger que tu cites est un faux-procès. CH ne défendait le droit des personnes ne partageant pas leurs opinions à s'exprimer librement. Peut-être que non, et alors quoi ? Encore une fois, ils n'ont pas choisi d'être commémorés sur tous les tons comme symbole de la liberté d'expression. Ils faisaient un journal satirique, impertinent, bête et méchant (et assumé comme tel), anar sur les bords et au milieu*, rien de plus.
Qu'est ce que ça veut dire ? Qu'on n'a pas le droit de se faire assassiner par des terroristes pour abus supposé de la liberté d'expression si on ne défend pas le droit à la libre expression des mouvements "pro-vie" ou de la dernière secte apocalyptique à la mode Twisted Evil ?
Il faut s'attaquer à ceux qui fabriquent ce symbole et non à ce qu'était Charlie Hebdo, ça n'a pas de sens et c'est à mon avis une confusion qui doit être évitée.

* si quelqu'un peut m'expliquer ce qu'est l'anarchisme sélectif  scratch , je prends toutes les explications, même mauvaises.
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 6 Icon_minitimeMer 21 Jan 2015, 17:51

@ Léti:

Citation :
Je crois qu'à partir du moment où il y a des vies humaines en jeu, il faut savoir lâcher du lest, mais je suis très loin d'être certaine d'avoir raison.

Tu serais donc favorable à ce que Charlie Hebdo ou tout autre organisme satirique irrévérencieux de même calibre s'auto-censure afin de calmer les esprits en ébullition?

Citation :
Et par contre, bien sûr, Dérinoé, quand on pense avoir raison..Ben on pense avoir raison Wink Et donc les autres ont tort.

Certes oui. Mais ce que je voulais dire, c'est que, bien qu'il soit tout à fait normal que nous soyons convaincus de nos opinions, il l'est beaucoup moins que nous les estimions pertinentes non en raison de l'expérience et de la pensée qui les motivent dans notre esprit mais simplement parce qu'émanant de nous-mêmes.

Cela trahit une vision de soi au milieu du monde assez inquiétante.

@ Selenh:

"Mille vies ne sont pas suffisantes", comme dit le poète. Wink

@ Miss Acacia:


J'ai l'impression que le malentendu vient de deux idées que tu me prêtes et qui ne sont pas les miennes, loin s'en faut. L'une serait que Richard Millet aurait été juridiquement ou physiquement persécuté pour ses propos, l'autre que l'équipe de Charlie Hebdo n'aurait pas dû se battre pour pouvoir exprimer et défendre ses idées en toute quiétude.

Citation :
Dans l'exemple que tu cites, Richard Millet n'a pas été victime d'autre chose que de la censure culturelle.

Oui, absolument. Je le souligne du reste à plusieurs reprises dans mon message.

Spoiler:


Citation :
Il a pu écrire son ouvrage librement, le publier avec quelqu'un qui a compris son travail. Il n'a pas été mis en prison ni même mis en examen, ni victime de censure, personne ne l'a attaqué. C'est bien la différence avec les dissidents chinois (pour ne citer qu'eux), il a été l'objet d'une cabale, pas d'une censure légale.

Oui. Je suis d'accord.

Je ne le compare pas aux dissidents chinois. Ni à aucun individu violenté ou mis à mort pour avoir exprimé des idées dissidentes par rapport à un pouvoir en place. Je tends juste à souligner que si la liberté d'expression était réellement la préoccupation de ceux qui, aujourd'hui, prétendent soutenir coûte que coûte celle de Charlie Hebdo, nous aurions dû entendre des centaines de personnes défendre le droit à la parole publique d'un homme tel que Richard Millet, et tout particulièrement contre une foule de détracteurs puissants et enragés. Nous assistons aujourd'hui à une levée de boucliers de journalistes, d'intellectuels, de politiques et d'artistes prétendant faire rempart de leur corps pour protéger non la pérennité du journal si ignominieusement attaqué - ce qui est une attitude non seulement compréhensible mais, en outre, parfaitement respectable - mais la liberté d'expression elle-même, laquelle, par définition, est censée être le bénéfice de tous. (Puisque pour le cas où seul un groupe de privilégiés en jouit, on ne parle plus de "liberté d'expression" au sens où on l'entend habituellement.)

Mon précédent message ne porte pas sur les dissidents eux-mêmes mais sur la récupération "médiatique" - à des fins diverses selon les cas - qui en est faite aujourd'hui par tout un bande de Roland armés de leurs grands principes philosophiques et moraux.

La question que je veux poser est la suivante: parmi la caste médiatique française, qui, aujourd'hui, se fait fort de défendre la liberté d'expression dans toutes ses déclinaisons possibles, d'un bout à l'autre de l'échiquier moral et politique? Pas grand monde, à ma connaissance.

La journaliste Elisabeth Lévy, peut-être, rédactrice en chef d'un magasine intitulé Causeur et qui paraît être très favorable à l'expression de toutes les opinions, de toutes les tendances, de toutes les disputes philosophiques, politiques et morales. Philippe Bilger, parfois, ancien Avocat général à Paris - quoiqu'on le sente forcé à une prudence toute enrubannée de circonvolutions, crainte d'une mort sociale ou d'un austracisme définitif. Ces deux personnes me paraissent avoir en commun le fait de prendre par principe la défense de personnes soutenant des positions éminemment différentes des leurs et éminemment différentes entre elles également, contribuant ainsi réellement à soutenir l'exercice de la liberté d'expression au sein de la République. Et, personnellement, je n'en vois pas beaucoup d'autres - du moins sur la scène publique de premier plan.

Tu en connais beaucoup, toi, en France, des Noam Chomsky?


Citation :
N'ayant lu ni l'ouvrage de Richard Millet ni l'article d'Annie Erniaux, je ne porterai pas de jugement sur le fond (même si a priori, je suis plutôt contre les chasses à courre).

Et a posteriori? Tu es pour?

Citation :
Mais le parallèle que tu fais avec les journalistes de Charlie Hebdo me paraît devoir être relativisé. Ils sont devenus un symbole à cause de ce qui leur est arrivé. Il ne faut pas perdre de vue qu'ils n'avaient aucune volonté de devenir un symbole et il me semble plausible que si on pouvait avoir leur avis, ils refuseraient d'en être un. Avant l'attentat ils n'étaient pas plus que Richard Millet invités sur les plateaux de télé ou dans les émissions de radio (et pourtant ils étaient beaucoup plus connus...). Même Cabu, qui avait fait pas mal de télé il y a une trentaine d'années.

Alors encore une fois, je ne tire pas de parallèle entre les victimes de Charlie Hebdo et Richard Millet lui-même mais entre deux phénomènes constatés à l'occasion du drame récent.

D'une part, entre les étendards de soutien à la liberté d'expression suscités par les premières et le silence assourdissant qui a suivi la censure dont l'écrivain a été frappé, il y a deux ou trois ans. Je n'ai absolument aucun souvenir d'avoir entendu les thuriféraires de Charlie Hebdo s'élever, au nom de la phrase voltairienne dont tout le monde se gargarise aujourd'hui, pour réclamer le Droit à la parole publique de Richard Millet, son Droit à conserver un emploi où il remplissait vraisemblablement de bons offices et, enfin, pour les médias, celui de l'inviter dans les émissions radiophoniques et télévisées censément intéressées par ses propos.

D'autre part, le fait que la geste médiatique fait aujourd'hui des Charlie des défendeurs acharnés de la liberté d'expression alors même que ceux-ci se sont battus pour pouvoir s'exprimer, eux, sous l'égide de la liberté d'expression garantie par la législation française. Cette dernière attitude est parfaitement respectable et j'ajouterais qu'elle recoupe le 99% de nos comportements au quotidien: en règle générale, nous nous battons pour défendre les Droits qui nous sont garantis, à titre individuel, par la Loi du pays où nous vivons, non pour que ceux-ci soit respectés au cordeau et dans tous les cas pour nos voisins, notre boucher, notre médecin, notre chauffeur de bus et la collectivité toute entière. Sur ce point, je n'émets aucune critique, ni aucun jugement négatif.

Seulement, et c'est là où je rejoins le paragraphe de Philippe Bilger mis en exergue dans mon dernier message, de la défense de son propre Droit pour sa propre liberté d'expression sur un terrain bien délimité à la défense de la liberté d'expression, pour tous et sans condition, il y a beau. Et le discours médiatique a fait glisser les journalistes de Charlie Hebdo de l'un à l'autre pour les besoins d'une espèce de discours romanesque cocardien complètement déconnecté de la réalité.

Alors oui, bien sûr, dans un cas comme dans l'autre, Charlie Hebdo n'est pas responsable des élucubrations médiatiques des uns et des autre et, de fait, je ne le mets pas en cause.

Enfin, à titre anecdotique, il n'est pas vrai que les Charlie n'ont pas eu voix de presse au moment ou après les affaires des caricatures du Prophète. Le procès a eu lieu à Paris les 7 et 8 Février 2007. On peut entre autres relever, sur ce sujet, les interventions de Caroline Fourest dans IJustice sur Itélé (9 Février 2007), Philippe Val dans Un café, l'addition sur Canal + (3 Mai 2008), Philippe Val (1er Novembre 2008) et Charb (5 Novembre 2011) dans On n'est pas couché sur France 2 et Cabu dans le Journal de Patrick Simonin sur TV5 Monde Afrique (4 Avril 2012).

Si l'on excepte Caroline Fourest et Philippe Val, les Charlie étaient des gens très discrets, moins visibles dans les médias qu'à leur établi d'artisan. Cela étant dit, je ne crois pas que l'on puisse affirmer qu'ils aient souffert de l'ostracisme imposé à Richard Millet depuis son brûlot sur Anders Breivik. En outre, ils n'ont pas été démis de leurs fonctions sous la pression d'un petit nombre d'intellectuels influents.


Citation :
De même, je pense que la dernière phrase de Bilger que tu cites est un faux-procès. CH ne défendait le droit des personnes ne partageant pas leurs opinions à s'exprimer librement. Peut-être que non, et alors quoi ?

Et alors, les combats qu'on leur prête et les statues qu'on leur monte aujourd'hui sont totalement erronés. Je ne sais pas s'il est important que la presse se fasse le relai de la vérité - vous me direz, tout de suite les gros mots - mais, en tant que spectatrice de ce petit cirque médiatique, j'ai le sentiment désagréable et persistant d'être l'objet d'un foutage de gueule permanent et généralisé.

Citation :
Encore une fois, ils n'ont pas choisi d'être commémorés sur tous les tons comme symbole de la liberté d'expression. Ils faisaient un journal satirique, impertinent, bête et méchant (et assumé comme tel), anar sur les bords et au milieu*, rien de plus. Qu'est ce que ça veut dire ?

Si, bien sûr. Dieu merci, la République garantit encore au citoyen le Droit d'être calomnié, tabassé, violé et assassiné, tout cela dans le plus strict respect des règles déontologiques du malfrat autorisé. C'est la moindre des choses, quand même.

Et non, je ne pense pas que Charlie Hebdo ait été un journal anarchiste "sur les bords et au milieu": ses cibles étaient délimitées, récurrentes et connues de tous. Charlie Hebbdo était et reste un journal politiquement situé à la gauche ou à l'extrême-gauche, tendance révolutionnaire, de l'échiquier politique, socialement anti-clérical, cosmopolite et progressiste. Ses cibles étaient donc à l'avenant de ses combats.

Alors encore une fois, que l'on ne me mécomprenne pas: le fait que des journaux possèdent une ligne éditoriale me paraît tout à fait normal et n'est en aucun cas objet de mon discours. Ce que je fustige, c'est la réécriture du réel à laquelle nous assistons depuis quelques semaines: des journalistes et militants changés en martyrs de la liberté d'expression, leurs soutiens - soudain nombreux - revêtant gravement le chapeau de Jean Moulin (avec la mine pénétrée qui va avec), des politiques appelant à ne pas jeter d'huile sur le feu à longueur d'années se muant soudainement en ardents avocats de la mèche courte et du zippo taille XXL. C'est le Barnum de la pensée et de l'honnêteté intellectuelle à tous les étages.


Citation :
(...) si on ne défend pas le droit à la libre expression des mouvements "pro-vie" ou de la dernière secte apocalyptique à la mode Twisted Evil ?

Nonobstant le fait que l'on a le droit de crever sous les balles à tout moment, je suis au regret de rappeler que lorsque l'on se prétend en faveur de la liberté d'expression - et c'est une position complexe et difficile qui ne peut être brandie à la moindre indignation sélective -, on est naturellement amené à soutenir, entre autres choses, le Droit à la parole publique des mouvements pro-vie et des sectes apocalyptiques (pour autant qu'elles demeurent dans le cadre de la législation). C'est une conséquence naturelle, presque consubstantielle, de l'adhésion au principe de liberté d'expression.

Citation :
Il faut s'attaquer à ceux qui fabriquent ce symbole et non à ce qu'était Charlie Hebdo, ça n'a pas de sens et c'est à mon avis une confusion qui doit être évitée.

Oui, je ne sais pas ce que tu as compris du paragraphe de Philippe Bilger mais, pour ma part, je crois que c'est ce qu'il fait: pointer du doigt les symboles en carton-pâte. Et je le suis dans cette voie.

L'exemple de Richard Millet, comme me semblait le résumer mon paragraphe conclusif, visait à démontrer que les défenseurs de la liberté d'expression ne sont aujourd'hui que les défenseurs de Charlie Hebdo, sinon de leurs propres intérêts, et qu'en matière de liberté d'expression, on les voit très rarement sur les fronts menacés.

Spoiler:

Citation :
* si quelqu'un peut m'expliquer ce qu'est l'anarchisme sélectif  scratch, je prends toutes les explications, même mauvaises.

Même mauvaise? C'est pour moi.

Sans garantie aucune d'avoir bien saisi le propos de Philippe Bilger, je peux te dire ce que moi j'en ai compris: Charlie Hebdo s'attelait (et s'attelle toujours je pense) à mettre un fourbi d'enfer dans les entreprises politiques droitières, les clergés en général, les nationalismes de tous poils et toutes les institutions tendant à écraser les gens de peu et les modestes. Leur camp politique et leur ligne éditoriale, du moins depuis la période Philippe Val, est clairement établie et je crois que les lecteurs savent parfaitement à quoi s'attendre en ouvrant leur canard, au même titre, du reste, que Marianne ou Le Figaro possèdent également leur tendance propre et, partant, leurs adversaires sélectifs.

Charlie Hebdo, je crois, est ce que l'on pourrait appeler un journal militant - et, comme tous les militants, ils a ses combats, ses ennemis et ses lignes de cibles attitrés. Lesquels, par définition, ne tapent pas dans tous les sens pour mettre le souk dans toute la maison mais oeuvrent dans une direction bien déterminée, dans certaines pièces de la baraque uniquement. Soigneusement sélectionnées et, par conséquent, sélectives également.


Dernière édition par Dérinoé le Jeu 22 Jan 2015, 20:21, édité 4 fois
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 6 Icon_minitimeMer 21 Jan 2015, 19:45

Reste que ceux, à qui j'ai demandé s'ils auraient compris que l'on se mobilise pour les journaleux de Minute, s'ils avaient été assassinés de m^me sorte, au mieux m'ont  fait "euuuhhh...." au pire m'ont répondu "NON" (sauf ma copine qui m'a demandé en quoi c'était gênant de se mobiliser pour eux. Mais après autopsie elle confondait avec les journalistes de 20mn... ben oui...quand on aime... on passe outre quelques petits travers...) Suspect pale

Ça n'est la preuve de rien et surement pas de ce que pense ou aurait fait le public du 11 janvier, mais ça a le mérite d'être clair pour ceux qui m’entourent: liberté d'expression oui, mais pas pour toutes les expressions.

Pour rebondir sur ce que semble sous entendre Léti, j'avoue comprendre sa démarche. D'un côté des gens qui dénoncent, via la caricature, ce qu'ils considèrent comme des idées propres à asservir les peuples. De l'autre des personnes convaincues de la réalité de leur dieu, auquel ils pensent que certains crachent au visage.

On peut penser que les uns jouent avec de la nitroglycérine, que sont les autres et du coup pourquoi ne pas se demander "Le jeu en vaut-il la chandelle?"
Nos sociétés ont étrangement ressemblé à celles que l'on critique aujourd'hui. Nous n'avons pas fait mieux, sauf que c'était y a longtemps. Aurions nous à l'époque supporté ce que l'on exige de ces croyants au nom de notre liberté d'expression? Ne sommes nous pas, encore, dans une démarche de donneur de leçons, de colonialisme par les idées?

Le problème? la communication pour moi! elle fait que des peuples vivent des époques différentes de leur évolution dans le m^m espace temps, le m^m instantané.
Très violent, je suppose.
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 6 Icon_minitimeMer 21 Jan 2015, 23:38

Dérinoé a écrit:
Alors encore une fois, je ne tire pas de parallèle entre les victimes de Charlie Hebdo et Richard Millet lui-même mais entre deux phénomènes constatés à l'occasion du drame récent.

[...]

Alors oui, bien sûr, dans un cas comme dans l'autre, Charlie Hebdo n'est pas responsable des élucubrations médiatiques des uns et des autre et, de fait, je ne le mets pas en cause.

Merci pour ces précisions fort utiles, je pense que ton propos prêtait effectivement à confusion.
BTW, c'est moi qui ait parlé de dissident chinois, je n'ai jamais dit que tu avais fait cette comparaison, c'était juste pour illustrer la distance entre censure légale et culturelle qui étaient un peu confondues dans la première présentation de ton exemple Millet.

Dérinoé a écrit:
Enfin, à titre anecdotique, il n'est pas vrai que les Charlie n'ont pas eu voix de presse au moment ou après les affaires des caricatures du Prophète. Le procès a eu lieu à Paris les 7 et 8 Février 2007. On peut entre autres relever, sur ce sujet, les interventions de Caroline Fourest dans IJustice sur Itélé (9 Février 2007), Philippe Val dans Un café, l'addition sur Canal + (3 Mai 2008), Philippe Val (1er Novembre 2008) et Charb (5 Novembre 2011) dans On n'est pas couché sur France 2 et Cabu dans le Journal de Patrick Simonin sur TV5 Monde Afrique (4 Avril 2012).

Si l'on excepte Caroline Fourest et Philippe Val, les Charlie étaient des gens très discrets, moins visibles dans les médias qu'à leur établi d'artisan. Cela étant dit, je ne crois pas que l'on puisse affirmer qu'ils aient souffert de l'ostracisme imposé à Richard Millet depuis son brûlot sur Anders Breivik. En outre, ils n'ont pas été démis de leurs fonctions sous la pression d'un petit nombre d'intellectuels influents.

Vu la notoriété des personnes citées, je pense que l'on peut considérer que c'est une couverture médiatique faible. Vu les traces qu'a laissées le départ de Val de CH, je pense qu'on peut retrancher ses interventions de l'inventaire (là, il y a eu un cas de censure avec des pressions et Siné a été viré par Val - épisode assez peu glorieux et pourtant je n'aime pas particulièrement ce que faisait Siné).
Avant son brûlot, pour reprendre tes termes, Richard Millet n'avait pas non plus de couverture médiatique.

Dérinoé a écrit:
Et non, je ne pense pas que Charlie Hebdo ait été un journal anarchiste "sur les bords et au milieu": ses cibles étaient délimitées, récurrentes et connues de tous. Charlie Hebbdo était et reste un journal politiquement situé à la gauche ou à l'extrême-gauche, tendance révolutionnaire, de l'échiquier politique, socialement anti-clérical, cosmopolite et progressiste. Ses cibles étaient donc à l'avenant de ses combats.

Mouais, je pense que c'est assez réducteur même si effectivement, parmi les nombreux collaborateurs de ce journal au fil des ans on ne peut nier qu'il y ait eu des personnes d'extrême-gauche tendance révolutionnaire. Ta description correspondrait plutôt à l'organe de presse de Lutte Ouvrière. Ce n'est pas ça non plus.

Dérinoé a écrit:
Et a posteriori? Tu es pour?

Mais... il n'y a pas d'a posteriori, je n'ai toujours pas lu Richard Millet (et n'ai aucune intention de le faire) ni Annie Erniaux (et pas plus d'intention puisque pas lu le premier)

Dérinoé a écrit:
Même mauvaise? C'est pour moi.

Même pas, c'était de l'humour Wink . Merci de t'être prêtée à l'exercice.

Winter a écrit:
On peut penser que les uns jouent avec de la nitroglycérine, que sont les autres et du coup pourquoi ne pas se demander "Le jeu en vaut-il la chandelle?"
Nos sociétés ont étrangement ressemblé à celles que l'on critique aujourd'hui. Nous n'avons pas fait mieux, sauf que c'était y a longtemps. Aurions nous à l'époque supporté ce que l'on exige de ces croyants au nom de notre liberté d'expression? Ne sommes nous pas, encore, dans une démarche de donneur de leçons, de colonialisme par les idées?

Pas si longtemps que ça. Anastasie et ses grands ciseaux ont existé jusque dans les années 50. C'est peut-être à cause de cette "jeunesse" que les réactions sont aussi fortes (même si pas toujours suffisamment mesurées comme l'a démontré Dérinoé avec beaucoup de vigueur).
Je n'aime pas non plus les attitudes de donneur de leçon et je comprends bien ce que tu entends par "colonialisme par les idées". Pour moi il ne faut pas confondre "défense de la liberté d'expression", qui se traduit par des actions concrètes d'asile et d'appui, et "se poser en exemple de défenseur de la liberté d'expression" qui revient effectivement à donner des leçons à s'ériger en juge infaillible du bon goût.
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 6 Icon_minitimeJeu 22 Jan 2015, 01:27

@ Winter:

Citation :
Reste que ceux, à qui j'ai demandé s'ils auraient compris que l'on se mobilise pour les journaleux de Minute, s'ils avaient été assassinés de m^me sorte, au mieux m'ont  fait "euuuhhh...." au pire m'ont répondu "NON" (sauf ma copine qui m'a demandé en quoi c'était gênant de se mobiliser pour eux. Mais après autopsie elle confondait avec les journalistes de 20mn... ben oui...quand on aime... on passe outre quelques petits travers...) Suspect pale

Voilà. Tout est dit. C'est bien ça. La liberté d'expression est balisée, à gauche et à droite, par les limites confortables de la bien-pensance germano-praline. Du moins est-ce mon sentiment.

Citation :
Ça n'est la preuve de rien et surement pas de ce que pense ou aurait fait le public du 11 janvier, mais ça a le mérite d'être clair pour ceux qui m’entourent: liberté d'expression oui, mais pas pour toutes les expressions.

Oui, exemple n'a pas valeur de démonstration, en effet, mais ton petit test est, à mon humble, très révélateur d'une mentalité dominante, aujourd'hui.

Citation :
Pour rebondir sur ce que semble sous entendre Léti, j'avoue comprendre sa démarche. D'un côté des gens qui dénoncent, via la caricature, ce qu'ils considèrent comme des idées propres à asservir les peuples. De l'autre des personnes convaincues de la réalité de leur dieu, auquel ils pensent que certains crachent au visage.

On peut penser que les uns jouent avec de la nitroglycérine, que sont les autres et du coup pourquoi ne pas se demander "Le jeu en vaut-il la chandelle?"
Nos sociétés ont étrangement ressemblé à celles que l'on critique aujourd'hui. Nous n'avons pas fait mieux, sauf que c'était y a longtemps. Aurions nous à l'époque supporté ce que l'on exige de ces croyants au nom de notre liberté d'expression? Ne sommes nous pas, encore, dans une démarche de donneur de leçons, de colonialisme par les idées?

Entièrement d'accord avec la manière dont tu poses le problème.

Il me semble qu'il existe deux alternatives politiques. Soit, d'un point de vue pragmatique, on privilégie le vivre-ensemble et la paix de la cohabitation, en augmentant au besoin la censure (légale ou culturelle) afin de recouvrir les incendies qui couvent dans la braise du blasphème et de l'irrévérence. Soit, du point de vue des principes, on privilégie le Droit à une large liberté d'expression, quitte à accepter que l'huile de l'irrévérence soit régulièrement jetée sur le feu du choc des civilisations. (Incendies occasionnels possibles, évidemment.)

Bien que je me prononce clairement et fortement en faveur de la seconde alternative, je pense que les deux options se défendent et présentent des avantages certains. En revanche, il me paraît extrêmement hypocrite, de la part de certains journalistes ou intellectuels, de prétendre poursuivre un apaisement de la cohabitation culturelle, morale et religieuse par la défense d'une profonde liberté d'expression. Les deux attitudes sont divergentes - du moins dans le contexte actuel - et ne sauraient progresser parallèlement vers un même but.


Citation :
Le problème? la communication pour moi! elle fait que des peuples vivent des époques différentes de leur évolution dans le m^m espace temps, le m^m instantané.
Très violent, je suppose.

Oui, c'est tout à fait ainsi que je perçois le problème.

@ Miss Acacia:


Citation :
Merci pour ces précisions fort utiles, je pense que ton propos prêtait effectivement à confusion.
BTW, c'est moi qui ait parlé de dissident chinois, je n'ai jamais dit que tu avais fait cette comparaison, c'était juste pour illustrer la distance entre censure légale et culturelle qui étaient un peu confondues dans la première présentation de ton exemple Millet.

Pour mon information personnelle, Miss Acacia, pourrais-tu me dire exactement quel passage du message concerné prêtait à confusion?

Citation :
Vu la notoriété des personnes citées, je pense que l'on peut considérer que c'est une couverture médiatique faible.

La question, pour moi, n'est pas vraiment de savoir si la couverture médiatique fut importante ou non. Il me paraît évident, au vu de la diversité et du caractère mainstream des médias ayant accepté de les recevoir que l'affaire dite "des caricatures" n'a pas bouté l'équipe de Charlie Hebdo hors des plateaux et loin des micros de la presse. A ma connaissance, le journal n'a jamais été menacé de fermeture par des groupes de pression artistiques ou intellectuels. Les journalistes qui occupaient des postes hors de Charlie Hebdo, à l'instar de Caroline Fourest, ont conservé leurs tribunes sans problème. Après cette affaire, Philippe Val a été nommé Directeur de France Inter, Charb - présent lors de la reprise des caricatures danoises - a repris la tête du canard, Siné a pu le fonder le sien au moment de son éviction et Caroline Fourest a vu ses engagement auprès du Monde, de France Inter et de France Culture conservés ou repourvus - et ce sans parler des nouveaux contrats glanés entre temps.

Enfin, j'ajouterais qu'au procès de 2007, ont témoigné en faveur de Charlie Hebdo, entre autres têtes d'affiche, la philosophe Elisabeth Badinter et le politicien - catholique pratiquant et, de ce fait, plutôt opposé au blasphème - François Bayrou.

A titre professionnel, social et humain, le déroulement des faits a été tout autre pour Richard Millet - qui, rappelons-le, n'était même pas mis en cause juridiquement. Quoi que l'on pense des uns et des autres, ce contraste me parait irréductible.


Citation :
Vu les traces qu'a laissées le départ de Val de CH, je pense qu'on peut retrancher ses interventions de l'inventaire (là, il y a eu un cas de censure avec des pressions et Siné a été viré par Val - épisode assez peu glorieux et pourtant je n'aime pas particulièrement ce que faisait Siné).

Certes mais la seule chose que je relève, pour ma part, c'est que son implication dans l'affaire des caricatures ne lui a pas porté préjudice professionnel, social et médiatique. Loin s'en faut.

Citation :
Mouais, je pense que c'est assez réducteur même si effectivement, parmi les nombreux collaborateurs de ce journal au fil des ans on ne peut nier qu'il y ait eu des personnes d'extrême-gauche tendance révolutionnaire. Ta description correspondrait plutôt à l'organe de presse de Lutte Ouvrière. Ce n'est pas ça non plus.

J'aimerais te poser deux questions. Quels sont les contributeurs n'appartenant pas aux mouvances que j'ai mentionnées, voire même relevant de courants contraires? Ensuite, pourrais-tu me dire où tu situes Charlie Hebdo sur l'échiquier politique, économique et social?

Citation :
Mais... il n'y a pas d'a posteriori, je n'ai toujours pas lu Richard Millet (et n'ai aucune intention de le faire) ni Annie Erniaux (et pas plus d'intention puisque pas lu le premier)

D'accord. Alors moi je vais te dire comment je vois les choses. Ta formulation laissait supposer qu'en connaissance du dossier - soit a posteriori -, dans certains cas bien particuliers, tu pourrais éventuellement t'exprimer en faveur de la meute. Pour ce qui me concerne, je suis, par principe et en tous les cas, a priori et a posteriori, opposée à cette sorte de divertissement bien particulier qu'est la chasse à cour. Quels que soient les propos tenus, quels que soient les écrits produits, je n'envisage que deux réactions: soit la chose s'avère hors-la-loi et il convient, lorsque nous en avons les moyens, d'agir sur un plan légal afin que les responsables soient sanctionnés, soit la chose est parfaitement admissible au regard de la Loi et, dans ce cas, il n'est que de répondre par le biais du débat ou de tourner la tête si le celui-ci est hors de portée.

C'est la raison pour laquelle je te posais la question.


Citation :
Même pas, c'était de l'humour  Wink . Merci de t'être prêtée à l'exercic

Dommage. J'aimais à le croire. Wink
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Léti
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 6 Icon_minitimeLun 26 Jan 2015, 14:26

Je reviens après une semaine un peu chargée, désolée. Et j'ai vraiment du mal à ordonner mes idées, en plus. Mais je ne veux pas ne pas vous répondre (oui, deux négations dans une phrase, c'est vous dire le pas clair dans ma tête  Razz )

Dérinoé a écrit:
@ Léti:

Citation :
Je crois qu'à partir du moment où il y a des vies humaines en jeu, il faut savoir lâcher du lest, mais je suis très loin d'être certaine d'avoir raison.

Tu serais donc favorable à ce que Charlie Hebdo ou tout autre organisme satirique irrévérencieux de même calibre s'auto-censure afin de calmer les esprits en ébullition?

En fait, concernant la situation actuelle, ma réflexion a un peu évolué depuis que j'ai écrit mon post. Je crois qu'à ce moment là, j'étais assez effrayée par les manifestations "anti-France" qui semblaient fleurir de partout.
Or, il est probable, en effet que la réaction aux caricatures n'ait été qu'un prétexte : sans doute que sans les caricatures, y compris la une "tout est pardonné", il y aurait quand même eu des attentats. Il y en a eu avant CH. Donc, dans ce sens là, non, je ne voudrais pas que ce journal ni aucun autre ne cesse d'écrire pour cette raison : si ce n'était à cause de caricatures, ce serait pour une autre raison qu'il y aurait eu des attentats/des manifestations.

Je disais juste que dans un contexte particulièrement difficile, je trouve qu'il est aussi du devoir des journalistes d'être conscients que non, ils ne sont pas juste un fanzine de lycéens, que oui, ils sont lus (même si je sais que le nombre d’abonnements était en forte baisse). Ils mettaient leur vie en jeu (et cela, ils le savaient), mais le problème, c'est qu'ils mettaient aussi en jeu la vie d'autres personnes (agents d'entretiens par exemple). Mais, sachant cela, je crois que vous avez raison, qu'on ne peut pas commencer à dire qu'il faudrait s'auto-censurer sur un certain nombre de sujets.

Je repense à ta toute première question sur la liberté d'expression, Dérinoé, sur le pourquoi du comment nous voulions (ou pas) la défendre. Ce qui me vient en tête, un peu banalement, c'est 1984, tout simplement. Il devrait presque y avoir un point Orwell comme il y a un point Godwin, raison pour laquelle je n'en avais pas parlé au début. Mais il est certain que si nous pouvions éviter de nous acheminer vers un monde pareil (en l'actualisant à notre époque), ce serait plutôt pas mal.


Winter a écrit:
On peut penser que les uns jouent avec de la nitroglycérine, que sont les autres et du coup pourquoi ne pas se demander "Le jeu en vaut-il la chandelle?"
Nos sociétés ont étrangement ressemblé à celles que l'on critique aujourd'hui. Nous n'avons pas fait mieux, sauf que c'était y a longtemps. Aurions nous à l'époque supporté ce que l'on exige de ces croyants au nom de notre liberté d'expression? Ne sommes nous pas, encore, dans une démarche de donneur de leçons, de colonialisme par les idées? Le problème? la communication pour moi! elle fait que des peuples vivent des époques différentes de leur évolution dans le m^m espace temps, le m^m instantané.

Un peu de philo ? - Page 6 999779
La liberté d'expression telle que nous la défendons est vraiment le fruit d'une histoire, ne s'est vraiment pas faite en un jour, ni sans violences ! Mais j'aurai égoïstement préféré que ces violences restent dans le passé.


Dérinoé répondant à Winter a écrit:
Il me semble qu'il existe deux alternatives politiques. Soit, d'un point de vue pragmatique, on privilégie le vivre-ensemble et la paix de la cohabitation, en augmentant au besoin la censure (légale ou culturelle) afin de recouvrir les incendies qui couvent dans la braise du blasphème et de l'irrévérence. Soit, du point de vue des principes, on privilégie le Droit à une large liberté d'expression, quitte à accepter que l'huile de l'irrévérence soit régulièrement jetée sur le feu du choc des civilisations. (Incendies occasionnels possibles, évidemment.)

La question est donc : est-ce qu'on met devant les principes, ou la vie humaine ? Ce n'est ni la première ni la dernière fois que la question se pose dans l'histoire ! Et jusqu'à où peut-on accepter la mise à mal de nos principes (même pour sauver des vies humaines - qui, si ça se trouve, ne seront sauvées que momentanément si une guerre ouverte est déclarée ou une dictature mise en place, par exemple) ?

Dans un Etat de droit, la 2e solution que tu proposes est probablement la meilleure, en effet. Parce que tous et chacun sauront faire référence à la justice en cas de conflit au lieu de chercher à faire justice soi même.
Mais ici, nous sommes en présence d'Etats qui ne sont pas des Etats de droit (ou de personnes qui ne croient pas en lui, même s'ils y habitent), qui considèrent ce qui n'est pas eux comme de la sous-m** et dont les vies ont moins de valeur que les autres. Ce sont des gens avec qui on ne peut plus discuter en termes raisonnables. Et leurs principes sont littéralement les opposés des nôtres. Alors, on fait quoi ?
On pourrait dire chacun fait comme il veut chez lui et les vaches seront bien gardées. Certes. Mais comme le disait Winter, avec les moyens de communication actuels, cela n'est plus guère possible



Aucun rapport (enfin, si, un peu, mais de loin), j'avais envie de partager ce lien Arrow . Je ne connais pas la blogueuse, c'est la première fois que je tombe sur elle. Son article n'est pas philosophique, mais je ne sais pas où le poster, et je me dis qu'il pourrait intéresser certaines d'entre nous, en particulier les professeurs (même s'il est déjà un peu "ancien", mouarf).
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 6 Icon_minitimeLun 18 Mai 2015, 17:39

Hoy hoy! Les philosophes! Je viens vers vous lestée d'une actualité toute frémissante et dont certains d'entre vous ont sans doute déjà entendu parler durant les jours passés.

Ceux qui suivent l'émission hebdomadaire de Laurent Ruquier On n'est pas couché n'ont pu manquer l'échange pour le moins tendu qui a opposé le chroniqueur Aymeric Caron - journaliste de profession, passablement marqué par la Gauche libertaire et progressiste - à sa consoeur Caroline Fourest - issue du même bord politico-social que lui.

Lors de cette émission et comme il est de coutume, Caroline Fourest, venue présenter son dernier essai intitulé Eloge du Blasphème (2015), a été longuement interrogée et critiquée par les deux chroniqueurs de Laurent Ruquier, à savoir Léa Salamé et Aymeric Caron, deux journalistes aux styles et aux opinions souvent antagonistes.

Durant l'entretien à quatre voix, Caroline Fourest a été violemment attaquée par Aymeric Caron pour son manque de rigueur supposé dans le maniement de l'information et le développement de ses analyses. Afin d'illustrer son propos, ce dernier a rappelé le fait que Caroline Fourest a récemment été condamnée en première instance pour avoir diffamé, dans le cadre de l'une de ses chroniques radiophoniques, une jeune femme musulmane ayant effleuré l'actualité dans le cadre d'un fait divers.* Agacée, la journaliste lui a répondu du tac-au-tac et les yeux dans les yeux qu'elle avait gagné son procès et que, par conséquent, lui-même proférait des paroles totalement erronées.

[Pour la modération, je précise que les deux extraits vidéos que je relaie ci-après sont proposés en visionnage libre par la chaîne YouTube de l'émission On n'est pas couché: je pense donc qu'il est tout à fait permis de les diffuser sur le Forum.]

Voici le passage en question:


Laurent Ruquier, Aymeric Caron et Caroline Fourest, On n'est pas couché, France 2, 2 Mai 2015.

L'entretien dure près d'une heure mais l'extrait en question est assez représentatif du thème que j'aimerais soulever ici, à savoir celui de la vérité. (On va faire large, c'est bientôt l'été.)

Durant la semaine qui a suivi, nombre de journaux et de réseaux sociaux ont rapporté le fait que l'allégation de Caroline Fourest était inexacte ou carrément fausse, selon le degré d'indulgence qu'on voudra lui témoigner. D'abord parce qu'elle a bel et bien été condamnée pour diffamation en première instance, comme l'a martelé Aymeric Caron avec force tout au long de l'entretien. Ensuite, parce que, si Caroline Fourest a en effet introduit un recours contre ce jugement, comme la Loi l'y autorise tout à fait, l'arrêt n'a toutefois pas encore été rendu. À l'heure de l'émission, quoique présumée innocente, Caroline Fourest avait donc été condamnée en première instance pour diffamation.**

La polémique faisant rage (dans un verre d'eau), c'est avec une profonde solennité que, lors de l'émission suivante, Laurent Ruquier a annoncé que, choqué par les mensonges de Caroline Fourest, il ne l'inviterait plus, ni dans On n'est pas couché, ni dans aucune de ses émissions. Le fait est d'autant plus remarquable qu'à ma connaissance, Laurent Ruquier n'a jamais annoncé officiellement qu'il fermerait les portes de son émission à une personnalité quelconque, à l'exception des membres du Front National (hors période de campagne, bien sûr):


Laurent Ruquier, On n'est pas couché, France 2, 9 Mai 2015.

Pour ceux qui souhaiteraient prendre connaissance des justifications avancées par Caroline Fourest après l'émission, vous les trouverez dans un article publié par la journaliste en date du 10 Mai - le lendemain de son excommunication - dans le Hufftington Post et intitulé À mes Procureurs Ruquier et Caron: cliquez ici et faites-vous un avis.

Ce qui m'intéresse, dans cette histoire, ce n'est pas, en premier lieu, l'affaire "Fourest-Caron" mais la question de l'importance que nous accordons à la notion de vérité au sein des débats publics. Avant de tomber dans le sujet de BAC parfaitement assommant, je précise ici que, par "vérité", j'entends le rapport d'adéquation entre un discours ou une pensée, quel que soit son mode d'expression, et la réalité dont ils entendent rendre compte. Il est clair que certains d'entre vous possèdent peut-être une autre définition du terme tout à fait différente et je les invite avec grand intérêt à la présenter ici, pour autant que le sujet les intéresse.

Au sein de notre espace publique, et notamment des média qui constituent un contre-pouvoir aussi puissant qu'incontournable, quelle place accordez-vous au maniement de la vérité?

+ Discréditez-vous automatiquement les personnalités dérogeant à l'obligation de vérité lors d'apparitions publiques?
+ Pensez-vous au contraire qu'un objectif noble et supérieur - politique, social ou humanitaire, par exemple - prime ladite obligation?
+ Trouvez-vous indispensable qu'une personnalité s'exprimant dans les médias se montre scrupuleusement exacte?
+ Ou la vérité vous est-elle indifférente, la pertinence d'une analyse ou d'un combat supplantant selon vous l'exigence de vérité pure et dure?
+ Avez-vous été choqués par des personnalités ayant vraisemblablement menti face au grand public?
+ Ou êtes-vous plutôt choqués par ceux qui, à l'instar de Laurent Ruquier, décident d'ostraciser une personne ayant composé avec la vérité, sinon menti?
+ D'une manière générale, pensez-vous qu'un organe de presse quelconque devrait juguler ou sanctionner les mensonges proférés en public, y compris lorsqu'aucune procédure judiciaire n'est engagée à l'encontre de leurs tenants?
+ La vérité est-elle un gage de qualité intellectuelle ou constitue-t-elle une simple plus-value, secondaire au regard de la profondeur d'une pensée?
+ Pour le dire autrement, est-ce important de "dire la vérité" ou doit-on admettre avec quelque désillusion que, celle-ci étant de toutes façons intenable pour les êtres humains, il faut savoir y renoncer au sein de l'espace public et se borner à cueillir, à la surface des débats, les idées et les thèses les plus intéressantes?
+ Quelles sont les valeurs que vous placeriez au-dessus de la vérité, dans le cadre d'une activité journalistique, intellectuelle ou artistique?
+ Enfin, qu'est-ce que la vérité, pour vous? Jugez-vous que Caroline Fourest a menti ou qu'elle a simplement tourné les faits à son avantage sans vraiment les dénaturer?

Voilà. Si l'une ou l'autre de ces questions vous inspirent... Feu! ;)

*Qui prétendait avoir été agressée en pleine rue par un raciste en raison de son foulard et dont Caroline Fourest remettait en cause le témoignage, suggérant que l'agression résultait peut-être d'un règlement de compte familial, et non d'une attaque islamophobe. La vidéo de la chronique en question n'est plus accessible en ligne mais vous pouvez retrouver l'extrait litigieux en question ainsi qu'une copie du jugement rendu en première instance sur le site Metronews, en cliquant ici.

**Caroline Fourest a justifié sa réponse à Aymeric Caron par des explications juridiques relativement compliquées pour le profane, selon moi du moins. Mon avocat de compagnie a patiemment tenté de démêler pour moi l'écheveau légal sous-toudant ses justifications mais j'avoue ne pas avoir bien saisi toutes les subtilités ayant laissé croire à Caroline Fourest qu'elle avait remporté le procès. Toujours est-il qu'au soir de l'émission, après avoir été condamnée en première instance et avoir interjeté appel, elle n'avait toujours pas gagné l'appel en question.


Dernière édition par Dérinoé le Jeu 21 Mai 2015, 14:12, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 6 Icon_minitimeLun 18 Mai 2015, 21:16

Merci pour cette proposition Dérinoé. Le sujet est fort intéressant et mérite réflexion. Par ailleurs, je dois visionner les émissions et lire l'article pour me faire une idée. Je ne manquerai pas de venir poster. J'espère du moins avoir une petite inspiration. A mon humble avis, la question peut se trancher à partir du moment ou on se place d'un côté ou de l'autre par rapport à un sujet donné. Ainsi, toute personne peut penser qu'à partir du moment ou un recours à été introduit  contre ce jugement, l'ouverture à nouveau du procès laisse penser à un "possible" revirement de la situation. La vérité en ce cas dépendra du résultat obtenu après ce recours.
La vérité, celle intransigeante de la science, ne laisse aucune place à d'autres possibilités. Celle de la pensée, ouvre, au contraire la porte à tout débat. Les politiques le démontrent tout le temps.Laughing  C'est la philosophie du tout et de son contraire, si j'ose dire.
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 6 Icon_minitimeLun 18 Mai 2015, 23:19

Cela supposerait que cette vérité soit universelle, reflet d'un réel que tous partagent... Dans le cas en question j'ai le sentiment que je joue la mauvaise foi, mais, dans la vie, la vérité peut être si différente d'un individu à l'autre que l'on peut se demander si c'est bien elle l'important ou si ce n'est pas plutôt l'intention ou non de vérité...   Un peu de philo ? - Page 6 241957
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 6 Icon_minitimeMar 19 Mai 2015, 18:10

Mais important pour qui ? S'il n'y a pas de Dieu, donc d'évaluation transcendante, qui pèse cette importance ?
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 6 Icon_minitimeMer 20 Mai 2015, 22:51

@ Ysabelle:

Citation :
Merci pour cette proposition Dérinoé. Le sujet est fort intéressant et mérite réflexion.

Merci à toi. Cela me fait plaisir de te retrouver ici. ;)

Citation :
Par ailleurs, je dois visionner les émissions et lire l'article pour me faire une idée. Je ne manquerai pas de venir poster. J'espère du moins avoir une petite inspiration.

Très volontiers, oui. Cela dit, le cas présenté ci-dessus n'est qu'une illustration parmi tant d'autres du problème, largement représenté sur la scène publique, du rapport que personnalités et grand public entretiennent avec la notion de vérité: tu peux donc tout à fait donner ton avis sur la question sans avoir ni visionné les extraits de l'émission, ni lu l'article de Caroline Fourest.

Ce qui m'a paru intéressant, dans cette histoire, c'est la sanction proférée publiquement, à tort ou à raison, par Laurent Ruquier. Il est extrêmement rare, à ma connaissance, que des animateurs ou des journalistes expriment si ouvertement une condamnation morale à l'encontre d'un mensonge, hors politiques s'entend. Et c'est là que je me suis rendue compte que, bien que personne n'encourage le mensonge ou ose ne serait-ce qu'exprimer une profonde indifférence quant à la notion de vérité, il est en revanche peu courant de voir le mensonge sanctionné moralement soit par les média eux-mêmes, soit par le citoyen. Lorsqu'il s'agit de journalistes, d'artistes et d'intellectuels, nous fustigeons et condamnons volontiers l'extrémisme politique ou religieux, le non-respect de la liberté d'expression ou, à l'inverse, le recours à une liberté d'expression débridée, la fraude, l'escroquerie et tant d'autres déviations morales. Mais le mensonge en lui-même, rarement.

Par exemple, il me semble qu'en terme de possibilité de publication, d'invitation dans les média et de rapport au lectorat, le plagiat, même lorsqu'il s'avère grossier, n'induit pas une disqualification des auteurs concernés.

Je ne sais pas comment le Droit définit le plagiat mais, si je me fie au simple bon sens, il désigne pour moi une forme de vol bien spécifique - celui d'une propriété intellectuelle -, lequel s'additionne au meilleur des cas d'un seul mensonge, voire de plusieurs dans les situations les moins glorieuses: lorsqu'une personne signe de son nom un texte qui, pour partie au moins, a été composé et publié par quelqu'un d'autre, elle ment à son éditeur - lorsque celui-ci n'est pas dans le coup - et elle ment à son lectorat. À ce premier mensonge, intrinsèque au plagiat, s'ajoutent tous ceux qui font suite au dévoilement du délit: violentes dénégations, mise en accusation de l'incompétence de l'éditeur, mise en cause d'un assistant de rédaction vraisemblablement peu scrupuleux et cetera. Bref, outre le vol qui constitue le coeur de l'action, le plagiat est souvent un multiplicateur de mensonge(s). Or, il est intéressant de constater qu'au sein de notre espace médiatique francophone, c'est là un type de mensonge qui, bon an mal an, est assez bien digéré par le grand public. Il ne disqualifie pas définitivement celui qui en est l'auteur, comme cela pourrait être le cas aux Etats-Unis par exemple.

Qu'en pensez-vous?


Citation :
A mon humble avis, la question peut se trancher à partir du moment ou on se place d'un côté ou de l'autre par rapport à un sujet donné. Ainsi, toute personne peut penser qu'à partir du moment ou un recours à été introduit  contre ce jugement, l'ouverture à nouveau du procès laisse penser à un "possible" revirement de la situation. La vérité en ce cas dépendra du résultat obtenu après ce recours.

Oui, en effet.

Mais tout le problème, dans l'affaire Fourest, c'est que celle-ci a présenté comme une situation claire et avérée un fait - l'arrêt (ou jugement) attendu à la suite de son appel - qui était, au soir de l'émission et aujourd'hui encore, une simple hypothèse. Le "possible" dont tu parles existait en effet... en tant que "possible", non en tant que réalité entérinée par une décision de justice. D'où le mensonge, selon moi. (Mais je conçois tout à fait que l'on analyse différemment les paroles de Caroline Fourest.)


Citation :
La vérité, celle intransigeante de la science, ne laisse aucune place à d'autres possibilités.Celle de la pensée, ouvre, au contraire la porte à tout débat. Les politiques le démontrent tout le temps.Laughing  C'est la philosophie du tout et de son contraire, si j'ose dire.

Personnellement, j'ai tendance à penser que la notion de "vérité" ne correspond qu'à une seule dynamique, qu'elle opère au sein des sciences dites dures, des sciences humaines, du quotidien ou du monde politique. Grossièrement, cette dynamique est la suivante:

Discours vrai = Etat du discours [EN ADEQUATION AVEC] Etat de la réalité décrite.
Discours faux = Etat du discours [EN INADEQUATION AVEC]  Etat de la réalité décrite.


Lorsque l'adéquation est totale, il y a vérité. Plus l'adéquation s'amenuise ou s'estompe, plus on s'éloigne de la vérité absolue pour s'approcher - graduellement - du mensonge.

En revanche, je dois préciser que, pour moi, il existe de très nombreux domaines ou types d’échanges où la vérité ne constitue pas l'objectif visé par les interlocuteurs. Par exemple, lorsque nous tentons de définir sur le Forum quelle est l'oeuvre la plus réussie de Jane Austen, si le dernier palmarès des Césars est mérité ou si l'adaptation de Fifty Shades of Grey doit être vue ou non, nous ne cherchons pas à atteindre une vérité, en ce sens que nous admettons qu'il n'existe pas une et une seule réalité à décrire, totale et définitive. Et que, par conséquent, il ne fait pas sens de juger de la véracité ou de la fausseté de nos discours, comme nous le ferions par exemple en écoutant les informations ou en lisant un ouvrage de vulgarisation sur le cancer du côlon. Dans les débats susmentionnés, la véracité des propos n’étant pas en cause, nous jugeons un discours à la qualité des descriptions et des arguments apportés par les différents interlocuteurs, non à une possible adéquation avec une réalité - qui, précisément, n'existe pas.

En politique, eu égard à la nature des débats, les choses sont assez semblables que sur le Forum. Par exemple, dans le débat qui fait rage en France aujourd’hui sur la réforme du Collège, il est impossible de qualifier l’une des positions de tout à fait vraie et l’autre de complètement mensongère car l’adhésion aux différents points de vue ne relève pas de la notion de vérité mais de visions politiques, sociales et anthropologiques différentes, voire antagonistes. On peut bien juger de leur intelligence, de leur caractère visionnaire, de leur rationalité, de leur audace et de tant d'autres traits mais, de vérité, il n'est pas question dans le débat.

@ Winter:


Citation :
Cela supposerait que cette vérité soit universelle, reflet d'un réel que tous partagent...

Je comprends ce que tu veux dire mais, dans cette discussion, je pense à de simples petits bouts de réel sur lesquels il est possible de tenir des discours vrais et faux. Et, partant, de se positionner vis-à-vis des mensonges proférés. Par exemple, dans le cas donné, c'est la nature d'un jugement judiciaire qui est en cause: soit l'arrêt - c'est-à-dire le jugement rendu après un appel - est en faveur de Caroline Fourest, soit il l'est en faveur de la plaignante, Rabia Bentot. Et c'est de la nature de l'arrêt qu'il est question ici.

Je parle bien de mensonge, c'est-à-dire de domaines sur lesquels il fait sens de parler de vérité ou de mensonge. Et ma question est la suivante: chez les intellectuels, les journalistes et les artistes, comment jugez-vous le mensonge, lorsqu'il est avéré? Quel est votre seuil de tolérance quant aux mensonges publiquement révélés? Pensez-vous qu'il devrait être obligation morale pour ceux qui font profession de s'exprimer publiquement ou relève-t-il au contraire du seul domaine de l'éthique et de la conscience personnelles?


Citation :
Dans le cas en question j'ai le sentiment que je joue la mauvaise foi, mais, dans la vie, la vérité peut être si différente d'un individu à l'autre que l'on peut se demander si c'est bien elle l'important ou si ce n'est pas plutôt l'intention ou non de vérité...

C'est vrai. Mais, pour moi, la plupart du temps, quand il y a intention de vérité, il n'y a pas mensonge mais simple erreur, plus ou moins inévitable. Le mensonge relève à mon sens d'une volonté délibérée, celle de décrire une réalité de manière faussée ou détournée, et ce dans un but bien précis.

@ Selenh:


Citation :
Mais important pour qui ? S'il n'y a pas de Dieu, donc d'évaluation transcendante, qui pèse cette importance ?

Moi, je dirais soi-même. Chacun d'entre nous.

Encore une fois, je voulais préciser que je parle bien des domaines où la vérité est en cause. Dans un débat d'idées sociales, politiques ou esthétiques, il me semble que celle-ci n'intervient pas. (Quoique certains philosophes, qualifiés de "réalistes absolus", ne seraient pas du tout d'accord avec moi. Mais passons.) En revanche, sur des questions factuelles très précises, il arrive que l'actualité nous démontre le mensonge d'une personnalité - ou d'un inconnu passé sur le devant de la scène.

Ma question est la suivante: quel est notre rapport social au mensonge?


Dernière édition par Dérinoé le Jeu 21 Mai 2015, 11:45, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 6 Icon_minitimeJeu 21 Mai 2015, 08:12

La plupart du temps le mensonge est insupportable! Il est une insulte à l’intelligence de l'interlocuteur, s'il est mal mené, totalement contreproductif. Mais bien mené, il est destructeur et humilie le dupe.
Mais le mensonge a ses vertus. Il peut être protecteur voire facilitateur surtout s'il est bénin.
Au fond j'en reviens à ce que j'ai déjà dit; cela dépend pourquoi l'on ment!
Quand on ment pour avoir raison, pour refuser de reconnaitre le réel qui dérange, dominer, contraindre, voler... ou quand on ment pour protéger, apaiser, faire rêver, créer une autre réalité moins douloureuse...

Après l'équation d'égalité entre la parole et le réel, aussi loin qu'il existe, ne supporte aucun écart! c'est le principe m^m de l'égalité. La vérité donc ne supporte aucun écart, pour moi. Chaque fois qu'un écart existe, on entre dans un état de non réalité, de vérité habillée, déguisée voire transformée. Est-ce supportable? ça dépend....(ça dépasse lol! )

Ruquier reste fidèle à lui m^m et son attitude franche force le respect, tellement elle est rare. Mais avoir un tel pouvoir lui confère un côté seigneurial en sa cour assez perturbant: juge, arbitre et exécuteur de la peine.... Le pouvoir absolu; minime, mais absolu!

Ce que tu dénonces dans le plagiat, c'est le mensonge pour cause d’intérêt personnel où le menteur s'enfonce en niant et tient bon aussi loin que ça lui est possible. Nul ne peut suivre une telle personne, nous nous mettons tous instantanément à la place du spolié! Mais le mensonge en l’occurrence n'est que l'habillage qui tente de camoufler un délit plus grave: le vol, non?

En vieillissant on apprend a être un peu moins intransigeant, à supporter que parfois l'égalité entre paroles et réel soit moins stricte... Ce n'est pas que l'on renonce à la pureté de la vérité, mais c'est juste que l'on sait que ça va venir, et qu'il faut laisser du temps au temps, comme on dit...enfin il arrive que l'on y arrive  Razz .
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 6 Icon_minitimeVen 22 Mai 2015, 09:50

@ Winter:

Citation :
La plupart du temps le mensonge est insupportable! Il est une insulte à l’intelligence de l'interlocuteur, s'il est mal mené, totalement contreproductif. Mais bien mené, il est destructeur et humilie le dupe.

Je pense que tu résumes là très bien le sentiment éprouvé par une majorité face au mensonge en général, qu'il soit public ou privé. J'ajouterais qu'il est l'acide le plus susceptible d'entamer le sentiment de confiance, sans lequel aucune relation, ou presque, n'est envisageable. Et alors, lorsque l'on parle de journaliste, on imagine à quel point la rupture de confiance peut être grave!

Citation :
Mais le mensonge a ses vertus. Il peut être protecteur voire facilitateur surtout s'il est bénin.
Au fond j'en reviens à ce que j'ai déjà dit; cela dépend pourquoi l'on ment!

Oui, c'est vrai.

Cela dit, je ne parviens pas à trouver d'exemples dans lesquels une personnalité bien connue aurait proféré ce que l'on appelle, à tort du reste, un "pieux mensonge". Soit que ceux-ci n'aient que rarement eu l'honneur d'une révélation publique, soit que le "mensonge égoïste" soit dominant au sein de l'espace médiatique mais, d'une manière ou d'une autre, il semble que les mensonges mis à jour chez nos célébrités relèvent assez nettement de la démarche égoïste et utilitaire.

À titre d'exemple, j'en reviens rapidement sur l'affaire Caroline Fourest qui, pour anecdotique qu'elle soit à l'échelle du pays, n'en demeure pas moins exemplaire de notre thème de discussion.

La journaliste, comme on l'a dit, a été condamnée en première instance en diffamation vis-à-vis d'une jeune femme appelée Rabia Bentot et de ses parents. Suite au jugement, elle a interjeté appel et attend toujours l'arrêt qui sanctionnera une fois pour toute l'affaire en cours et dira si, oui ou non, il y a eu diffamation. Il est donc vrai qu'au moment de l'émission, Caroline Fourest était présumée innocente - statut qu'elle aurait eu tout loisir de faire valoir face à Aymeric Caron en lui demandant gentiment de ne pas se substituer à la Loi. Toutefois, il est vrai également que ce soir-là, l'affaire étant toujours en cours, Caroline Fourest ne pouvait en aucun cas prétendre avoir gagné son procès. Comme elle ne pouvait nier que le seul jugement rendu jusqu'alors était celui d'une condamnation pour diffamation.

Caroline Fourest présente aujourd'hui son intervention dans l'émission de Laurent Ruquier sous le jour d'une imprécision d'autant plus excusable qu'elle découlerait d'une situation juridique relativement complexe pour le profane. Ainsi la journaliste n'aurait-elle pas compris les explications fournies par son avocat, Maître Richard Malka, et aurait donc vendu la peau de l'ours avant de l'avoir tué en croyant, de bonne foi, avoir déjà remporté son appel.

Pour ma part, je vois les choses de la manière suivante: durant toute l'interview, Aymeric Caron a cherché à discréditer, à tort ou à raison, les recherches de Caroline Fourest, en démontrant par exemple que plusieurs des citations mentionnées dans son livre étaient tronquées, dénaturant ainsi les propos de leurs auteurs. En rappelant au grand public la condamnation pour diffamation, il entendait donc apporter une pierre à son canon en démontrant le peu de fiabilité des productions de la journaliste. Or je crois que cette dernière acceptant très mal que l'on remette en cause sa fiabilité et sa rigueur de journaliste, elle a fait un gros mélange spontané entre l'impression laissée par les propos de son avocat - "Tu es bien partie pour remporter ton procès en appel" -, son besoin viscéral de se montrer sous l'habit d'une intellectuelle exemplaire et son agacement croissant envers les critiques de son virulent interlocuteur. De ce magma de sentiments et de colère est sortie une affirmation tout à fait erronée, martelée les yeux dans les yeux et donnant lieu à l'excommunication que l'on sait.

Bref, pour moi, un mensonge d'orgueil porté par le besoin d'ensevelir des erreurs journalistiques condamnables et condamnées sous le sable d'une victoire judiciaire finale. (Encore une fois, c'est une simple analyse personnelle: je sais que beaucoup interprètent de manière très différente les paroles de Caroline Fourest et adhérent tout à fait à son explication tardive.)

Il est intéressant de constater que nombre d'émissions radiophoniques ou télévisées ayant ensuite invité Caroline Fourest pour parler de son livre ont soigneusement évité de se positionner vis-à-vis des faits et des paroles. On parle de tout - de l'agressivité d'Aymeric Caron, de la sentence prononcée par Laurent Ruquier une semaine plus tard, de la perte de contrôle démontrée par Caroline Fourest durant l'interview ou des retombées médiatiques de cette-dernière - mais, de faits et de vérité, il n'est point question.

C'est comme si la chaudière centrale de l'affaire - à savoir la question de la vérité ou du mensonge - était totalement évacuée au profit d'un seul clash de personnalités et que, de toutes manières, il était impossible de démêler qui a tort ou raison, la brouille résultant d'un débat d'opinions. Or, la brouille ne résulte pas du tout d'un débat d'opinions: il s'agit de savoir si, oui ou non, au soir de l'émission, Caroline Fourest était en mesure de connaître l'état de son propre appel et, partant, si ses déclarations découlent de l'erreur cognitive ou du mensonge. On pourrait attendre de ceux qui traitent de l'affaire qu'ils effectuent une petite enquête, certes nécessairement partielle, et tirent ensuite leurs propres conclusions en se positionnant vis-à-vis de la question du mensonge. Mais non, le point s'est dissolu dans un grand débat sur la Gauche morale (késako?) et le choc des cultures journalistiques. Well well...


Citation :
Après l'équation d'égalité entre la parole et le réel, aussi loin qu'il existe, ne supporte aucun écart! c'est le principe m^m de l'égalité. La vérité donc ne supporte aucun écart, pour moi. Chaque fois qu'un écart existe, on entre dans un état de non réalité, de vérité habillée, déguisée voire transformée.

C'est vrai, oui.

Citation :
Ruquier reste fidèle à lui m^m et son attitude franche force le respect, tellement elle est rare. Mais avoir un tel pouvoir lui confère un côté seigneurial en sa cour assez perturbant: juge, arbitre et exécuteur de la peine.... Le pouvoir absolu; minime, mais absolu!

Je te suis tout à fait sur ce point: moi aussi, j'éprouve une sorte de malaise ambivalent vis-à-vis d'une telle attitude.

Sur le fond et dans l'absolu, je trouve assez rafraichissant d'introduire certaines valeurs morales - à l'instar du respect de l'exactitude, sinon de la vérité - au sein du monde médiatique. Mais, d'autre part, une telle posture implique des sous-entendus relativement contestables: sanction proférée à l'égard de certains quand d'autres échappent à la disgrâce sans raison clairement discernable, supériorité morale auto-proclamée, soustraction toute personnelle de personnes intéressant potentiellement le grand public d'une plate-forme de diffusion très importante et cetera.

Comme tu le dis très justement, on se retrouve plongé au sein d'un petit cirque - au sens romain du terme - où, dans une sorte de théâtre asphyxiant, la personne prétendument spoilée est également témoin, avocat, juge d'instruction et exécuteur des peines. Le système ne peut être qu'inique et vicié, à la fin des fins, sachant qu'il est très peu probable que Laurent Ruquier exclue par exemple l'un de ses meilleurs copains dans le milieu, quels que soient ses mensonges ou ses manquements à l'exactitude.


Citation :
Ce que tu dénonces dans le plagiat, c'est le mensonge pour cause d’intérêt personnel où le menteur s'enfonce en niant et tient bon aussi loin que ça lui est possible. Nul ne peut suivre une telle personne, nous nous mettons tous instantanément à la place du spolié! Mais le mensonge en l’occurrence n'est que l'habillage qui tente de camoufler un délit plus grave: le vol, non?

Oui. Le coeur du coeur du plagiat, c'est le vol. Un vol en l'occurrence consubstantiel au mensonge  mais, en effet, mon exemple n'est pas excellent, eu égard à notre discussion puisqu'il déplace le débat sur un autre type de méfait.

Citation :
En vieillissant on apprend a être un peu moins intransigeant, à supporter que parfois l'égalité entre paroles et réel soit moins stricte... Ce n'est pas que l'on renonce à la pureté de la vérité, mais c'est juste que l'on sait que ça va venir, et qu'il faut laisser du temps au temps, comme on dit...enfin il arrive que l'on y arrive  Razz .

Je pense que ce que tu écris là est très juste. Malheureusement.

Citation :
Il en va peut etre ainsi des peuples... Les peuples ont-ils un âge?

Ah! Excellente question. Je pense que les peuples ont l'âge de leurs générations présentes et qu'ensuite, on repart à zéro. La jeunesse nous guette à tout instant.
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 6 Icon_minitimeSam 30 Mai 2015, 13:19

Derinoe a écrit:
Je pense que les peuples ont l'âge de leurs générations présentes et qu'ensuite, on repart à zéro. La jeunesse nous guette à tout instant.
Je ne sais comment tu comprends cela (humour???), mais pour moi ce n'est pas la réalité...
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 6 Icon_minitimeSam 30 Mai 2015, 23:48

@ Winter:

Citation :
Je ne sais comment tu comprends cela (humour???), mais pour moi ce n'est pas la réalité...

Not du tout! Désolée pour la confusion. rabbit

Pour moi, la notion d'"âge psychologique" se fonde essentiellement sur celle de mémoire. Or, ce que je voulais dire, c'est que la mémoire des temps qui nous excèdent s'estompe à mesure que nous nous en éloignons. Les générations - disons les quatre générations qui se côtoient au sein d'une société - n'ont de sentiment réel que pour elles seules, à peine pour celles qui les précèdent directement et quasiment plus pour l'Histoire qui se grave dans la pierre et dans le marbre.

Nous savons (plus ou moins) ce qui s'est passé mais, aussi longtemps que nos proches ou nous-mêmes ne l'avons pas éprouvé dans notre chair, notre connaissance demeure éthérée et volatile. En un mot théorique.

C'est en ce sens que les peuples me paraissent avoir l'âge de leurs générations: l'âge de leur mémoire, dans le sens le plus immédiat, le plus charnel du l'expression.

Et toi, comment vois-tu les choses?
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 6 Icon_minitimeDim 31 Mai 2015, 09:34

dérinoé a écrit:
Pour moi, la notion d'"âge psychologique" se fonde essentiellement sur celle de mémoire.
et tu développes ensuite cette notion de mémoire.

Pour partie je suis bien d'accord, m^m si cette mémoire peut prendre bien plus de formes que la parole ou le souvenir. Elle peut s'inscrire dans certains gestes, certaines contraintes, convictions, pensées voire croyances dont nul de sait d'où cela sort, mais ne s'en défait pas, bien au delà des générations auxquelles tu fais allusion.
Mais, en fait, ce n'est pas à cela que je faisais allusion.

C'est surement idiot, mais pour moi les peuples ont l'age de leur évolution. Évidement leur histoire fait partie prenante de leur évolution, mais leur confrontation aux autres peuples, leurs égarements, aussi. Il est impossible à un poisson de se transformer en mammifère sans passer par d'autres phases intermédiaires. Impossible à une enfant de devenir mature lui aussi sans l'indispensable évolution que vont lui apporter les années d'expériences et de confrontations aux difficultés et joies de l'existence, sans parler de l'histoire et du temps nécessaire.

Ces parallèles entre vies d'individus et peuples sont sans doute un rien simplistes, mais ils résistent bigrement pour moi à la contradiction lol!
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 6 Icon_minitimeMar 02 Juin 2015, 22:28

@ Winter:

Citation :
C'est surement idiot, mais pour moi les peuples ont l'age de leur évolution.

Mais qu'entends-tu par "évolution"? Un processus psychologique ou un développement carrément biologique? Pourrais-tu me donner un exemple concret, à l'aune d'un peuple bien particulier, de ce que tu entends par "évolution"? Je crois que j'étais un peu hors-sujet avec mon histoire de mémoire et que je n'avais pas saisi du tout là où tu voulais en venir. Un peu de philo ? - Page 6 241957
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 6 Icon_minitimeSam 11 Juil 2015, 20:40

Sur le thème, brûlant, de la gestation pour autrui (souvent appelée G.P.A. dans la presse), un article de l'inénarrable Michel Onfray publié en juin 2015 sur son site officiel et intitulée Ventres affamés: vous le trouverez en cliquant ici.

Que pensez-vous de son argumentation et des différents éléments qu'il avance pour s'opposer à la légalisation de la P.M.A.? (Attention, quelques chutes de pierre sont attendues en fin de billet.) Wink


Dernière édition par Dérinoé le Sam 18 Juil 2015, 01:47, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 6 Icon_minitimeMar 14 Juil 2015, 11:24

-


Dernière édition par TimesNewRoman le Mer 14 Oct 2015, 16:47, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 6 Icon_minitimeMar 14 Juil 2015, 15:08

Tu as raison TNR; il existe tant de situations bonnes et moins bonnes, aujourd'hui comme autrefois; la famille des histoires pour enfants n'existent bien souvent que dans les histoires pour enfants, grands ou petits.

Moi, ce qui me fait réagir c'est l'idée de DROIT à l'enfant. C'est ma limite, je suis contre.
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 6 Icon_minitimeSam 18 Juil 2015, 01:45

@ TimesNewRoman:

Citation :
J'en pense que Michel Onfray s'aveugle de bonnes intentions chimériques et d'une réalité désintéressée inexistante.

M'enfin, TimesNewRoman! Michel Onfray, en bon philosophe, part de la réalité qu'il connaît le mieux, c'est-à-dire de la sienne propre: le désintéressement fait homme et la gratuité à bout de bras, comme chacun sait. Et comme en témoigne, du reste, le copyright dont il affuble son article en bas de page. (Ce soir, va y en avoir pour tout le monde.)

Citation :
A ce titre, son "dans la réalité, le projet de loi ignore l’affectivité, le sentiment, la construction de l’enfant à partir du noyau qui le voudrait et le constituerait affectivement en dehors de l’argent" me crève littéralement les yeux, tant la sentence m'apparaît erronée, de mauvaise foi, ignorante et par conséquent injuste dans la conclusion qu'en tire l'auteur.

Michel Onfray in Ventres affamés a écrit: a écrit:
"Quelle idée se fait-on de l’enfant quand on croit qu’il pourra vivre une vie sereine, équilibrée, harmonieuse, mentalement satisfaisante pour lui, les autres, son entourage, sa descendance, quand il apprendra qu’il a été acheté, vendu, porté par une inconnue qui l’a abandonné après avoir reçu son chèque ? Il faut vouloir ignorer tous les problèmes existentiels, ontologiques et identitaires afférents à l’abandon après un accouchement sous X ou au fait d’avoir connu un simple divorce suivi d’une famille dite recomposée (il faut éviter de dire une famille décomposée même si la décomposition est certaine et la recomposition pas sûre…), pour imaginer qu’un enfant est une chose facile à faire, à produire, à construire, à édifier, à élever au sens spirituel du terme"

Michel Onfray s'imagine-t-il vraiment que tous les individus arrivés d'une manière ou d'une autre sur cette riante planète, sont le fruit d'une grande, noble et durable passion entre un homme et une femme libres de toute aliénation ou compromission financière, roulés ensemble dans un foin certifié d'agriculture biologique, tous deux (pas le foin) conscients et soucieux du terrible investissement de la reproduction en cours et de l'équilibre du noyau fondateur?
Je crois pour ma part qu'un enfant espéré, désiré et né par gestation pour autrui, même rémunérée (puisqu'il s'agit du point de non retour soulevé par Onfray) ne sera pas plus désavantagé que ses camarades de maternité nés après une nuit d'amour - ou après beuverie, négligence, passivité, lassitude ou oubli d'un contraceptif quelconque. (Par souci de brièveté, je n'évoque pas la question de l'argent au sein du couple, avant et après reproduction, question tout à fait anecdotique, vulgaire et déplacée, comme chacun sait et peut s'en convaincre par simple expérience ou littératures interposées - je plaisante, bien entendu).

Je ne saurais dire à quel point je souscris à tes propos, TimesNewRoman. sunny

On peut déplorer, en philosophe, en citoyen ou en être humain, que notre société économique se fonde sur le modèle de la contre-partie mais, à moins d'avoir seize ans et de passer ses journées à fumer des pétards en vouant ses Profs, ses parents et le monde entier aux gémonies, une telle constatation, délestée de toute proposition alternative, ne saurait être prise au sérieux. Certes, il est éminemment regrettable que le capitalisme délirant dans lequel nous vivons - et dont la G.P.A. rémunérée, une fois instituée, ne serait qu'un échantillon parmi tant d'autres - repose sur la transaction et sur des valeurs monétaires que personne ne semble plus maîtriser. Et, certes, un tantinet de gratuité, ma bonne Dame, ne ferait pas de mal à notre pénible vivre-ensemble, nous sommes tous d'accord. Jusque là, je pense que la pensée onfrayenne fera facilement des émules, tant chez les jeunes que chez les plus de seize ans.

Mais, de deux choses l'une.

Peut-on d'abord attirer l'attention de Monsieur Onfray sur le fait qu'à ce jour, aucun contre-modèle à la fois démocratique et viable (j'exclue les variantes totalitaires, dictatoriales et despotiques aujourd'hui clairement rejetées par l'Occident) n'a jamais été proposée par les têtes pensantes de son acabit et qu'au vu de la nature humaine, la gratuité ne saurait constituer la règle mais l'exception? Que chacun observe d'un oeil alerte sa famille, son entourage ou, plus simplement, son petit porte-feuilles: on est assez vite renseigné sur le sens inné que nourrit l'Humain quant aux notions fondamentales de propriété, de bien matériel, de partage, de revenu, de dépense, de prestation de service et de spoliation.

Ensuite, rappelons que toutes les entreprises gratuites, c'est-à-dire non payantes, ne le sont jamais vraiment puisque, derrière tout projet bénévole, s'amoncellent un matériel, des fonds et un investissement personnel que seuls des financements ou auto-financements divers et variés permettent de mettre en oeuvre. À titre d'exemple, si l'Université Populaire de Caen, dont il brandit volontiers la paternité en exemple d'entreprenariat désintéressé, existe et fleurit aujourd'hui, c'est parce que lui-même possède les moyens de subsistance nécessaires lui permettant de libérer temps et énergie dans le cadre d'une occupation non-rémunérée. Si des cours peuvent être dispensés bénévolement par des enseignants de tous horizons, c'est parce qu'il existe des locaux et des installations de tailles honorables dont la construction a bien dû être financée par quelqu'un, qu'il s'agisse d'un privé ou de la collectivité toute entière. Enfin, si des individus, travailleurs, chômeurs, employés, retraités ou étudiants ont la possibilité de dégager du temps libre pour assister à des cours facultatifs et se cultiver dans des domaines économiquement peu porteurs, c'est parce que l'Etat et le système, bon an mal an, assurent un niveau de bien-être minimal permettant aux individus de dégager du temps et de jouir de leur loisirs l'esprit tranquille.

Le philosophe n'a-t-il toujours pas compris que le bénévolat exige nécessairement son financement et que, partout où l'on voit fleurir le don, c'est qu'il y a eu, en amont, rémunération? La gratuité naît de l'argent et il ne faut pas avoir vécu longtemps pour s'en apercevoir: lorsqu'il manque de tout et qu'il tire le diable par le queue au 15 du mois, l'Homme n'a d'autre souci que de se renflouer et l'heure n'est alors plus ni au don, ni à la gratuité, ni au désintéressement.

Combien de femmes Professeurs de philosophie, avocates, tenancières de salons de coiffure, ouvrières en usine ou secrétaires seraient-elles prêtes, selon Michel Onfray, à porter des enfants pour autrui sans contrepartie aucune, puisqu'à l'abri du besoin, et pour la seule beauté du geste?

Je ne compare pas la gestation d'un enfant avec la création d'une Université Populaire et je trouve essentiel que nous nous interrogions tous, publiquement et personnellement, sur la question à la fois politique, économique et éthique que représente la G.P.A.. En revanche, tout comme toi, TimesNewRoman, je me demande de quelle planète nous vient Michel Onfray lorsqu'il proclame que celle-ci serait tout à fait acceptable si elle était pratiquée dans cette gratuité que supposent le sentiment pur et l'affection!

Que n'a-t-il enseigné la philosophie aux lycéens en refusant le salaire que lui octroyait l'Etat, puisque l'argent corrompt et salit tout? Que ne distribue-t-il gratuitement ses livres sur la place du marché de Caen, puisqu'il ne saurait y avoir de valeur, d'honnêteté et de justice qu'au sein d'un sincère désintéressement? Pourquoi donc attendre du ventre et du corps des femmes un bénévolat que lui-même ne pratique pas quant aux fruits, bien réels, de son propre labeur? Parce que, me répondrez-vous, le fruit des entrailles ne se peut comparer aux fruits de l'esprit et qu'un humain ne saurait être ce produit que nous discernons dans un cours ou dans un traité. Mais justement! De cette prémisse, il faudrait débattre, discuter et démêler les noeuds gordiens, plutôt que d'imposer dogmatiquement son point de vue dès les premières lignes de la réflexion.

Que, pour des raisons diverses et variées, il s'oppose à la G.P.A., je peux parfaitement l'entendre. Mais qu'il ne la tolère que dans le bénévolat, garante supposée de rectitude morale et d'affection, cela me paraît tout à fait invraisemblable. Qu'il passe devant pour nous indiquer la route du désintéressement total et de la pure passion socratique: s'il ne s'écroule pas en chemin, nous lui emboîterons peut-être le pas. En attendant, pour ma part, je crois que je vais rester tout près de mon ventre, de mon ventilateur et de mon compte-salaire.


Citation :
Je ne pense pas (non plus) qu'un enfant né par GPA rémunérée sera plus malheureux que ses camarades d'école, tous tributaires dans leur développement d'un amour unique et singulier (s'il existe), dont on ne sait, chaque jour, comment il va s'exercer et avec quelles imperfections. L'amour en question pouvant être aussi bien celui d'un parent (seul), ascendant direct ou non, celui d'une famille d'accueil (agréée et rémunérée, elle aussi), celui d'un adoptant (soumis à conditions de ressources), etc. - l'affection ayant cette chance-là de naître et de se décupler sous les formes les plus originales.

Absolument. Et comme tu le soulignes justement, faut-il que l'Etat retire les subventions qu'il accorde aux couples exerçant l'activité de familles d'accueil, au motif que l'argent corrompt et salit les sentiments? Michel Onfray, qui n'a pas dû voir un enfant depuis belle lurette, doit ignorer qu'un être humain ne s'éduque pas que dans l'amour et l'eau fraîche mais que des moyens, prosaïquement financiers, sont requis pour que puissent s'épanouir les preuves bien tangibles de l'humaine affection. Je le croyais matérialiste et je le découvre plus christique que les grands Saints de l'Eglise catholique: Onfray, c'est d'amour et d'eau fraîche - et Dieu pourvoira au reste.

Alors encore une fois, ton argument ou le mien n'adoube en rien la G.P.A.: refuser à Michel Onfray l'argument de la gratuité, ce n'est pas encore plaider pour la légalisation de cette pratique. Mais l'entame de son article me laisse pantoise. Ici-bas, on échange contre rémunération ses bras, son dos, ses jambes, ses mains, ses yeux, sa capacité de concentration, sa parole, sa mémoire, son agilité, sa souplesse, sa puissance et jusqu'à son cul - mais, pour ce qui est du ventre des femmes, chérissons la gratuité et le don de soi.


Citation :
Bref, je ne crois pas que certains désirs d'enfant soient moins légitimes que d'autres parce que plus complexes dans leur réalisation (et infantiliser ces désirs-là, comme le fait Michel Onfray, m'apparaît assez inélégant, de même que qualifier ces enfants-là d'enfants "vendus"); je ne crois pas que participer financièrement à cette aventure soit une cause de traumatisme (supplémentaire) pour l'enfant à naître; je ne crois pas enfin qu'il existe un modèle idéal de cocon où serait assuré avec certitude le parfait équilibre de l'individu convié contre son gré à la grande farce terrestre...
My five cents sur le sujet. Wink

Oui, la chute de la démonstration est un modèle de dogmatisme chrétien qui ne déparerait pas au prêche du dimanche matin. Michel Onfray, qui sonde et les coeurs et les reins, sait que le désir d'enfant, chez ceux qui ne peuvent procréer selon la voie naturelle, découle d'une immaturité psychologique néfaste à la création d'une famille. Michel Onfray lit-il dans les boules de cristal? Dans les astres? Dans les entrailles aviaires? Non parce qu'à la fête du village, ça peut éventuellement le faire, avec un bob Bob l'Eponge* et une salopette bariolée.

Finalement, parler en philosophe, c'est simple: vous empruntez à Robert son marcel troué, à Lulu ses mégots cramés et à Jean-Maurice la chaise près du radiateur. Et après, vous lancez la bande-son du "Café du Commerce", version "Y a 'pus d'civilisation, ma bonne Dame", piste 1 à l'infini, direction la Voie lactée. Pourquoi s'embarrasser d'arguments, d'études de terrain et de démonstration? No brain, no pain, comme me le répète souvent une chère personne.

*Voyez que je ne perds pas mon âme d'enfant, malgré tout.


@ Winter:


Citation :
Tu as raison TNR; il existe tant de situations bonnes et moins bonnes, aujourd'hui comme autrefois; la famille des histoires pour enfants n'existent bien souvent que dans les histoires pour enfants, grands ou petits.

Entièrement d'accord avec toi, Winter.

Citation :
Moi, ce qui me fait réagir c'est l'idée de DROIT à l'enfant. C'est ma limite, je suis contre.

J'aimerais te poser une question, délibérément polémique. Je suppose que tu refuses d'entériner ledit Droit à l'enfant, dans la mesure où tu privilégies le Droit des enfants, soit le Droit protégeant l'intégrité morale et physique des enfants, et ce au détriment des seules desiderata adultes?

Ma question est la suivante: sur la base de ce présupposé, accepterais-tu que l'Etat - ton Etat, par exemple - pratique des stérilisations forcées sur ordre de la Cour et après jugement en bonne et due forme, et ce pour s'assurer que des condamnés ayant gravement violenté des enfants ne puissent plus procréer, ni se fournir en victimes à la source de leur propre usine corporelle? Accepterais-tu d'ôter à des personnes reconnues coupables de graves sévices sur mineurs ce fameux Droit à l'enfant qu'octroie la nature de manière aveugle?

Mon interrogation s'adresse à tous les intéressés, bien sûr, et pourrait être résumée de la manière suivante: à ceux qui se méfient du sacro-saint Droit à l'enfant, seriez-vous prêts à le retirer à la source à des êtres reconnus coupables de graves crimes sur mineurs?

Si oui, pourquoi? Si non, itou. Quant à moi, je retourne m'allonger dans le réfrigérateur, les amis. Good night!
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 6 Icon_minitimeSam 18 Juil 2015, 17:33

Je n'ai rien contre la GPA, c'est une affaire privée et de conscience comme l'IVG Chaque femme potentiellement peut avoir à faire ce choix et ça la regarde, elle et son couple. Personne n'a à s'en mêler.

Ce que je conteste c'est l'idée de droit, créant de fait un devoir à la société. Si c'est un droit, un du, cette société n'a pas le choix et doit mettre tout en œuvre pour que tous ses concitoyens y aient accès. Le droit à l'enseignement, à la prise en charge de la maladie, à la justice voire à la sécurité...et aujourd'hui à l'enfant.
Demain droit à une vie sexuelle épanouie, droit à un corps de mannequin ou que sais-je...la société me reconnait ce droit donc c'est son boulot de me l'offrir.
Légiférer pour protéger convenablement chaque partie prenante, faire confiance au corps médical, oui. Mais instituer un droit, ça ne me va pas.

Et surtout il ne faut pas me demander ce que je ferais aux lâches qui s'en prennent aux femmes, aux enfants... ou à toute vie humaine afin d'assouvir....je ne sais quoi et ça me laisse froide d'ailleurs!  Un peu de philo ? - Page 6 17735
Désolée si cela parait violent mais ces sujets le sont et rien qu'à l'idée que l'un de ceux que j'aime, dont je connais les espoirs, les rêves, les efforts consentis afin de les mettre en œuvre, le travail sur soi pour être meilleur et plus aimant... impossible de ne pas être extrêmement violente si on touche à leur personne. Et, de fait, il en va, par extrapolation, de m^m pour tous les autres, enfant, père, épouse ou soeur de quelqu'un
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Dérinoé
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 6 Icon_minitimeDim 19 Juil 2015, 20:18

@ Winter:

Merci pour ta réponse, Winter. Je ne suis pas certaine de t'avoir comprise mais tu me corrigeras sans autre si je t'ai prêté des pensées qui ne sont pas les tiennes.

Citation :
Désolée si cela parait violent mais ces sujets le sont et rien qu'à l'idée que l'un de ceux que j'aime, dont je connais les espoirs, les rêves, les efforts consentis afin de les mettre en œuvre, le travail sur soi pour être meilleur et plus aimant... impossible de ne pas être extrêmement violente si on touche à leur personne. Et, de fait, il en va, par extrapolation, de m^m pour tous les autres, enfant, père, épouse ou soeur de quelqu'un

Je ne trouve pas du tout que ton message soit violent, Winter, et suis convaincue que tu es loin d'être la seule à éprouver une sourde colère à l'idée de proches agressés ou violentés. Ce sont là des sentiments bien naturels, il me semble. Du reste, je ne pourrais concevoir une discussion philosophique délestée des impressions et des sentiments qui constituent tout un pan de notre vie intérieure et, ce faisant, les compagnons inévitables de la froide réflexion. Un peu de philo ? - Page 6 474727

Citation :
Je n'ai rien contre la GPA, c'est une affaire privée et de conscience comme l'IVG Chaque femme potentiellement peut avoir à faire ce choix et ça la regarde, elle et son couple. Personne n'a à s'en mêler.

Il me semble, justement, que non.

La G.P.A., comme l'I.V.G. que tu mentionnes, sont des res publicae, c'est-à-dire des objets éminemment politiques, débattus ouvertement et soumis à des votes démocratiques. Par contraste, on pourrait dire que le nombre de douches prises par jour ou le contenu du petit-déjeuner quotidien relèvent, eux, du privé, en ce sens que la Loi, et donc l'Etat, ne peuvent se mêler des décisions prises en conscience sur ces aspects-là de l'existence. Or, pour ce qui est de la G.P.A., la législation, et avec lui les appareils politique et judiciaire, intervient dans le champs d'action du citoyen, et ce à deux reprises au moins: d'abord en admettant ou en condamnant la pratique concernée, ensuite en entourant soit la permission, sot l'interdiction de dispositions légales précises mûrement réfléchies.

Je suppose que ce que tu veux dire, par "affaire privée", c'est que, favorable à l'autorisation de la G.P.A. en France, tu estimes que chacun doit pouvoir y recourir ou, au contraire, s'en détourner en conscience, selon ses croyances et ses besoins. Mais, si c'est bien là ton opinion, alors celle-ci constitue d'ores et déjà une position citoyenne et politique bien particulière, à savoir la légalisation de la G.P.A. en France, en 2015. Et de même pour l'I.V.G.: dire que chacun doit pouvoir agir comme il l'entend quant à ce processus médical, ce n'est pas suspendre son jugement, en bordure du chemin, mais soutenir, de manière positive, sa légalisation au sein du pays, la position de permissivité que tu défends impliquant nécessairement, en amont, son introduction dans la Loi.

À titre de comparaison, si tu dis à tes enfants que tu les laisses choisir, durant l'été, entre la colonie de vacances ou l'appartement familal, c'est que tu acceptes par avance chacune des deux options. De même, ta position sur la G.P.A. sous-entend-elle que tu admets aussi bien que l'on y recourt que l'on n'y recourt pas, selon sa philosophie et ses croyances propres. Or accepter que l'on y recourt, c'est nécessairement accepter la légalisation.

En ce sens, il me semble que ton avis de fond est tout à fait opposé à celui de Michel Onfray, favorable, lui, à interdiction, d'après ce que nous comprenons de son article. Ce faisant, mais j'y reviendrai plus bas, tu défends de facto l'idée de ce Droit à l'enfant qui semble te poser problème par ailleurs: en intégrant la G.P.A. comme possible moyen légal de procréation, tu souscris nécessairement à l'idée que la société doit rendre possible pour tous les couples - y compris les gens stériles et les homosexuels - la fondation d'une famille. Et que, partant, l'Etat doit offrir cette technologie supplémentaires aux citoyens, ce afin de garantir leur Droit à l'enfant.

Tu vois ce que je veux dire?


Citation :
Ce que je conteste c'est l'idée de droit, créant de fait un devoir à la société. Si c'est un droit, un du, cette société n'a pas le choix et doit mettre tout en œuvre pour que tous ses concitoyens y aient accès. Le droit à l'enseignement, à la prise en charge de la maladie, à la justice voire à la sécurité...et aujourd'hui à l'enfant.

J'ai l'impression que tu touches là au noeud de toute l'affaire. Il me semble, si je t'ai bien comprise, que ton point de vue véhicule deux questions, latentes à toute notre discussion:

1) Le "Droit à" implique-t-il, dans tous les cas et pas seulement pour la G.P.A., un "Devoir de" de la part l'Etat?

Tu réponds toi-même à cette question et je te rejoins tout à fait dans ta réflexion. Si, comme toi, je cherche quelques exemples, je répondrais immédiatement que oui, le "Droit à", s'il est sérieusement défendu, induit le "Devoir de".

Deux exemples. Primo, l'Etat estime que tous les enfants, quels qu'ils soient, doivent pouvoir bénéficier d'un niveau d'instruction minimal, et ce de manière gratuite. Il doit donc défendre et installer ce "Droit à" au sein de la société de sorte que celui-ci soit respecté par tous. Deuxio, l'Etat estime que, sur le marché de l'emploi, les humains doivent être traités indifféremment selon leur couleur de peau ou leur religion. Encore une fois, c'est à l'Etat de faire respecter, notamment par le biais de la législation, ce "Droit à" promis à tous les résidents.

Je ne peux passer en revue toutes les situations où au "Droit à" prôné par la collectivité répond un "Devoir de" pris en charge par l'Etat mais, en y réfléchissant bien, je ne vois pas de cas dans lesquels le premier, s'il est réellement désiré par la société, n'aille pas de pair avec le second. Un "Droit à" qui n'est pas assuré, soutenu, encadré par le "Devoir de" n'est tout simplement pas un "Droit à": quand on sait que seules l'obligation et la punition sont capables d'assurer (un peu) les "Droit à" des individus, on ne peut imaginer que ceux-ci soient appliqués par la collectivité dans le seul esprit de charité chrétienne. Ainsi l'installation d'un Droit implique-t-il toujours des Devoirs pour l'installateur - en l'occurrence l'Etat et la législation.

Au vu de la présente analyse, il me paraît que, refusant de créer un "Devoir de" pour ce qui est de l'enfant, tu es nécessairement opposée au "Droit à" que sous-tendrait la G.P.A. Mais dans ce cas et puisque le "Droit à" ne constitue pas l'une de tes motivations, quelles sont les raisons pour lesquelles tu es favorable à la G.P.A., laquelle repose essentiellement sur l'idée que l'incapacité à procréer par des voies naturelles ne devrait jamais ôter le "Droit à" d'une famille ou d'un individu?

Autrement dit, quels sont les arguments favorables à la G.P.A. qui ne découlent pas, in fine, du "Droit à" à l'enfant?

2) Le "Droit à" et le "Devoir de" qui l'accompagne doivent-ils être inconditionnels? Autrement dit, peut-on octroyer des Droits (légaux) et imposer des Devoirs (étatiques) sous conditions, en restreignant leurs champs d'application selon des circonstances prévues par la Loi?

Il me semble que oui. On peut tout à fait être favorable à la G.P.A. pour des familles ou des particuliers en mal d'enfants, chacun individuellement reliés à une mère porteuse, tout en interdisant par ailleurs formellement son usage à la chaîne dans le cadre d'un trafic pédophile. De même, pour ce qui est de l'I.V.G., la Loi prévoit-elle des modalités restrictives, à commencer par celle de la limite temporelle assignée à douze semaines. Et il en va de même pour quasiment tous les Droits octroyés par la Loi.

À te lire - mais dis-moi si je me trompe - j'ai le sentiment que c'est l'idée d'un "Droit à" inconditionnel et totalement laxiste qui te fait bondir. Plus que le "Droit à" dans son essence même.


Citation :
Demain droit à une vie sexuelle épanouie, droit à un corps de mannequin ou que sais-je...la société me reconnait ce droit donc c'est son boulot de me l'offrir.

...et pourquoi pas?

Si l'Etat était en mesure d'assurer l'épanouissement sexuel ou la beauté des corps, pourquoi ne traduirions-nous pas ce pouvoir en "Droits à" et en "Devoirs de"? Aujourd'hui, il est absolument impossible, pour l'Etat, de garantir ce type de services-là. Mais prenons-nous une seconde pour Georges Orwell et imaginons que ce soit possible. Pourquoi pas?

N'oublions pas, du reste, que le "Droit à" ne créée aucune obligation pour le citoyen: personne n'est contraint, encore heureux, de recourir à l'I.V.G. (sauf injonction médicale grave). De même, personne ne serait contraint d'user de son Droit à une vie sexuelle épanouie ou à un corps de mannequin.

Et j'irais même plus loin. À quelle demande répond la légalisation de la prostitution en Suisse (où seul le proxénétisme est interdit), sinon au "Droit à"... une vie sexuelle a minima, qu'elle soit épanouie ou non? Voilà déjà un Droit institué en faveur du bien-être sexuel de l'individu. (Disons de l'homme. Mais c'est la même chose.)


Citation :
Légiférer pour protéger convenablement chaque partie prenante, faire confiance au corps médical, oui. Mais instituer un droit, ça ne me va pas.

C'est là où je ne te comprends pas. "Légiférer pour protéger convenablement chaque partie prenante", c'est nécessairement instituer un "Droit à". Pourquoi autoriser la G.P.A., sinon dans le cadre d'un "Droit à l'enfant" que ni la stérilité, ni l'homosexualité ne devraient, selon nous, pouvoir amoindrir ou supprimer?

Je repose donc ma question initiale: quelles sont les raisons d'être favorable à la légalisation de la G.P.A., sinon cette défense d'un "Droit à", pour certaines catégories de la population?
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 6 Icon_minitimeLun 20 Juil 2015, 13:28

Dérinoé a écrit:
La G.P.A., comme l'I.V.G. que tu mentionnes, sont des res publicae, c'est-à-dire des objets éminemment politiques, débattus ouvertement et soumis à des votes démocratiques
Un débat public ? Personnellement je n’en n’ai guère connu. Pour moi ce serait demander à une population ce qu'elle pense, après que soient exposées les opinions, qu’on espère être des avis, des uns et des autres, plus ou moins spécialistes ou habilités d'ailleurs. D'éternels débats entre des intervenants qui s’empoignent de média en média. Mais ce n’est pas ce qui se passe. Une fois le débat hyper médiatisé clos, les élus du moment se donnent, par voie d’un vote majoritaire, le droit de faire passer tel ou tel possible.. Il n'y a jamais de débat public qui en bonne logique devrait etre sanctionné par un référendum. Ce n'est pas ce que veulent nos élites, qui pensent faire avancer la société au nom d'un peuple qui a autre chose à faire qu'à penser et qui du reste dans sa grande majorité n’est pas formaté pour cela.  Very Happy
Et puis un référendum, ce n'est qu’une expression lors d'un temps T d'une population... Qui nous dit que quelque temps T plus tard, la m^m question aurait la m^m réponse...???
Citation :
la position de permissivité que tu défends impliquant nécessairement, en amont, son introduction dans la Loi.
On ne légifère pas toujours, loin de là. Les professionnels de santé en leur temps, n'ont attendu le résultat d'aucun débat public pour proposer la fécondation "éprouvette".
Personne n'a autorisé l'IVG, qui se fait depuis des millénaires. Le législateur a décidé de sa légalité, pas de son existence et au passage de son remboursement par la sécu.
HS @Aujourd'hui, faut-il remettre cela en cause en légiférant sur cet embryon, parce ce qu'il a vocation à aller à son terme, dans l'utérus de l'une au nom de l'autre ?
Légiférer tout laisse à penser que ce qui n’est pas interdit est autorisé. Et donc l'absence d'interdiction est une potentielle autorisation (ou permissivité), non?
Par exemple, des laboratoires  mettent au point chaque jour de nouvelles formules, dont le législateur ne connaitra seulement l'existence que dans X années, si elles font parler d'elles.. en mal. Peut être sur certaines d'entre elles devra-t-il légiférer. Mais en attendant, en l'absence d'interdiction,  notamment dans le champ des possibles que le législateur (en retard de X années sur la société) n’a m^m pas envisagé, le seul frein de ces labos est la conscience des chercheurs (comme en son temps la conscience des médecins). Ce n’est pas la loi qui les guide mais son esprit....
Pourquoi pour certaines choses mettons-nous des décennies à nous poser des questions(généralement pour interdire) et pour d'autres (notamment quand il s'agit des particuliers) doit-on attendre que le législateur tranche?
La population n'a pas attendu que le législateur l'autorise ou non. Bon nombre de couples gays s'offrent, les uns aux autres, paternité et maternité.

Tout le monde sait que ce n'est pas le débat. La société avance et fait ce qu'elle veut en s'insinuant dans les espaces que la loi ne manque pas de créer. La loi, l’Etat ne peut tout maitriser.
Dans ce domaine, l'Etat pour moi n'a pas vocation à s'en mêler, et quand il le fait il se ridiculise s'il interdit ce qui existe et continuera d'exister, m^m dans la clandestinité, m^m via d'autres continents. Il ne peut donc qu'autoriser et  offrir ou se taire!
Perso je préconise qu’il se taise et se contente de régir la sécurité des parties en présence, tout abords confondus.

PS

Dérinoé a écrit:
À titre de comparaison, si tu dis à tes enfants que tu les laisses choisir, durant l'été, entre la colonie de vacances ou l'appartement familal, c'est que tu acceptes par avance chacune des deux options.
Je suis tellement d'accord que je ne leur ai jamais laissé le choix   lol!  je n'étais pas prête à cela et je me suis protégée, et l'ai avoué ... j'ai assumé leur rancoeur, frustration et autre ressentiment, parce que c'était leur droit le plus strict.... en revanche, quand je leur ai laissé le choix, ils savaient qu'ils l'avaient, intégralement, sans arrière pensée, et que quoiqu'ils choisissent, je serais à leur côté...  Après c'est ma façon de voir, ça n'engage que moi !
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 6 Icon_minitimeSam 25 Juil 2015, 13:15

Winter a écrit:

Perso je préconise qu’il se taise et se contente de régir la sécurité des parties en présence, tout abords confondus.

Je suis désolé, mais je ne partage pas ton point de vue Winter.

Je pense (mais peut être à tort) que tu regardes le rôle que l'état doit avoir en considérant ton point de vue comme universel.

Je reprends ton exemple des couples gays qui "s'échangent" des enfants. J'habite en Belgique et ces questions (hormis la grossesse pour autrui) sont réglées (y compris la FIV) depuis longtemps. Et ça me convient.

J'ai cherché un autre contre-exemple car le seul que je trouve est assez dérangeant, la encore, je m'en excuse.

Prenons le cas de la mutilation des jeunes filles. Voilà typiquement une pratique qui dans les faits continue en France comme en Belgique. L'état doit-il se taire ?

Rien que d'en parler, ma tension à pris 2 mmHg !
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 6 Icon_minitime

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