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 Un peu de philo ?

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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 10 Icon_minitimeVen 28 Aoû 2015 - 9:32

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Sethy
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 10 Icon_minitimeVen 28 Aoû 2015 - 10:17

Lorsque je lis un intervenant, j'essaye de comprendre ce qu'il pense, globalement. Ensuite, je réponds progressivement mais sans oublier le schéma global.

Ce que je trouve dommage, c'est que toi Derinoe, et toi TNR, vous ne faites pas cet effort avec les propos des autres intervenants.

Je pense que dans tout raisonnement, il y a une granularité propre. Certains points s'énoncent en un phrase à peine, d'autres demandent une articulation plus complexe. En refusant de les considérer, d'abord, dans la vue d'ensemble, vous dénaturez le propos d'une part avant de forcer votre interlocuteur à se répéter en boucle d'autre part.

L'image que je m'en fais est celle du regard jeté sur un tableau. Si on se situe à la distance optimale, celle voulue par l'artiste, on a une vue d'ensemble. Ceci n'empêche bien sur pas de s'en approcher pour voir un détail, où même d'avoir le nez dessus pour observez la technique de l'auteur. Mais à se refuser une vision globale, on passe volontairement à côté de la dimension la plus importante.

Pour en revenir à la discussion, il est évident que chaque étape d'un raisonnement doit être discutable et discuté, mais si on a le sentiment que son interlocuteur refuse de considérer un enchainement logique, on a l'impression de tourner en rond et de perdre son temps.

L'impression que tout ça me laisse est celle de l'avocat, qui faute d'arguments, use et abuse de la procédure.

Je pense en connaitre la raison profonde, c'est que sous des dehors d'ouverture, le point de vue défendu est quasiment dogmatique. La discussion qu'on a ressemble à celle qu'auraient des croyants et des athées. Sauf que, autant je peux comprendre que sur des sujets aussi sensibles (pour certains) on ait recours à ce type de pose, autant je trouve dommage d'en faire un mode de communication général.
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 10 Icon_minitimeVen 28 Aoû 2015 - 10:39

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Dérinoé
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 10 Icon_minitimeVen 28 Aoû 2015 - 12:41

@ Sethy:

Citation :
Ce que je trouve dommage, c'est que toi Derinoe, et toi TNR, vous ne faites pas cet effort avec les propos des autres intervenants.

As usual, deux points.

Tout d'abord, pour autant que je comprenne nos échanges, les intervenants de ce débat ne constituent pas deux blocs de granit monolithiques dont chaque binôme partagerait à la fois un seul coeur et un même souffle.

Winter et toi constituez deux personnalités intellectuelles et morales différentes, chacun de vous possédant sa manière propre de répondre, d'argumenter ou d'illustrer un propos; il est même possible, sinon probable, que, nonobstant vos accords de fond bien réels, vos avis respectifs divergent sur un certain nombre de points plus ou moins secondaires. De la même manière, TimesNewRoman et moi-même formons deux entités intellectuelles indépendantes, pourvues - la chose n'a pu t'échapper - de plumes et de structures mentales excessivement différentes. Là où TimesNewRoman tend à sélectionner les éléments qui lui paraissent les plus fondamentaux et à ramasser son argumentaire en quelques lignes fines et concises, parfois lapidaires, j'exerce pour ma part une dissection longue et systématique, cherchant à faire émerger les structures presque architecturales qui sous-tendent nos argumentaires à tous. Pour le dire autrement, je crois que, d'une flèche fine et aiguisée, TimesNewRoman vise le coeur, quand j'incline pour ma part à passer la cible entière au jet, millimètre par millimètre carré.

Or, le fait que tu nous englobes dans une même critique, TimesNewRoman et moi-même, tout en te plaçant a priori sur le même banc que Winter, et ce indépendamment des différences d'expression et de forme abyssales qui nous distinguent tous les quatre, révèle pour moi que le point d'achoppement ne se fait pas sur ce défaut d'esprit de synthèse que tu nous reproches mais sur la contradiction que nous te portons.

Car en effet, TimesNewRoman et moi-même pensons et nous exprimons de manière totalement divergente, sinon antagoniste, donnant à voir des logiciels mentaux passablement étrangers l'un à l'autre. Dès lors, il me paraît virtuose, sinon impossible, de nous reprocher à toutes deux, d'un seul et même geste, une attitude commune dans le pratique dialectique. La seule chose qui nous réunisse en ce débat - et encore, partiellement -, ce sont nos vues sur le spécisme, lesquelles ont l'heur de t'excéder lorsqu'elles tendent à bousculer ta propre vision des choses.

D'une manière générale, Sethy, ta critique très englobante visant à réunir dans une même main deux personnes évidemment différentes perd en crédibilité car elle révèle au fond le seul point commun bien réel que tu leur trouves, à savoir, dans notre cas, le (mauvais) goût d'une contradiction obstinée. Pour le reste, excepté notre convergence philosophique, je ne nous vois aucune similitude - ni dans le mode de réponse en général, ni dans l'esprit de synthèse en particulier. Si un doute devait subsister, je t'invite fortement à comparer nos réponses respectives à ton dernier message en date, à commencer par la présente.

Ensuite, pour ce qui est de l'esprit de synthèse même, il me semble qu'incapable d'admettre que l'on puisse te comprendre sans pour autant t'approuver, tu conçois tout désaccord philosophique comme un défaut de communication conduisant ton interlocuteur à manquer les points centraux de ton discours. Mais, de mon point de vue, je crois saisir tes réponses de manière très satisfaisante - pour ce qui est des jalons principaux à tout le moins - sans pour autant rallier ton opinion sur notre sujet.

La scission, Sethy, ne se fait pas sur la compréhension mais sur l'adhésion. Note, c'est une chose assez récurrente, au sein des débats philosophiques.


Citation :
Je pense que dans tout raisonnement, il y a une granularité propre. Certains points s'énoncent en un phrase à peine, d'autres demandent une articulation plus complexe. En refusant de les considérer, d'abord, dans la vue d'ensemble, vous dénaturez le propos d'une part avant de forcer votre interlocuteur à se répéter en boucle d'autre part.

Puisque nous nous parlons franchement, je vais te dire, moi aussi, comment je vois les choses. J'ai le sentiment que tu commences à te rendre compte que certaines de tes réponses ne sont satisfaisantes que vues de loin et que, dès lors qu'elles sont examinées en chacune de leurs parties constitutives, elles présentent (comme toutes les opinions, les miennes en premier) des défauts de fabrication bien visibles qu'il devient ensuite difficile de colmater.

Citation :
L'image que je m'en fais est celle du regard jeté sur un tableau. Si on se situe à la distance optimale, celle voulue par l'artiste, on a une vue d'ensemble.

En ce lieu, tu n'es pas un artiste et tes réponses ne constituent pas des tableaux. De mon point de vue, en Philosophie, une argumentation doit pouvoir être admirée de loin, observée de près, pressée comme un fruit jusqu'à extraction de tous ses présupposés implicites et de toutes ses conséquences tues, malmenée par le haut, bousculée par le bas et attaquée de tous les côtés. Et, si elle survit à cet énergique traitement, peut-être pourra-t-on la considérer comme valable, d'un point de vue rationnel.  

Sinon, on peut aussi s'assoir tous ensemble dans les prés et composer des odes à la nature, un brin de muguet entre les gencives. C'est un art merveilleux - mais un exercice tout différent.


Citation :
Ceci n'empêche bien sur pas de s'en approcher pour voir un détail, où même d'avoir le nez dessus pour observez la technique de l'auteur. Mais à se refuser une vision globale, on passe volontairement à côté de la dimension la plus importante.

Te rends-tu compte que ta vision repose sur l'idée implicite qu'une argumentation peut être pertinente dans sa globalité tout en se révélant branlante dans ses parties constitutives, considérées une à une? On part cotangente sur l'infini, là.

Tu raisonnes comme si ta démonstration était formée par deux segments indépendants - le tout et les parties -, le premier étant susceptible de posséder une excellence argumentative tout à fait absente des secondes.


Citation :
Pour en revenir à la discussion, il est évident que chaque étape d'un raisonnement doit être discutable et discuté, mais si on a le sentiment que son interlocuteur refuse de considérer un enchainement logique, on a l'impression de tourner en rond et de perdre son temps.

Encore faut-il qu'il y ait enchaînement logique.

Citation :
L'impression que tout ça me laisse est celle de l'avocat, qui faute d'arguments, use et abuse de la procédure.

Si je devais reprendre ton analogie, je dirais que tu me fais penser à un avocat qui, surpris et dépité, commence à se rendre compte que le procureur n'entend pas déclarer forfait, malgré le génie évident des arguments présentés.

Citation :
Je pense en connaitre la raison profonde, c'est que sous des dehors d'ouverture, le point de vue défendu est quasiment dogmatique.

Le tien, donc?

Citation :
La discussion qu'on a ressemble à celle qu'auraient des croyants et des athées.

Puis-je attirer ton attention sur le fait que l'athéisme, pas plus que la croyance, n'a les moyens de ses démonstrations assurées et, qu'en ce sens, l'un comme l'autre font preuve de certain dogmatisme mal placé, seul l'agnosticisme pratiquant les vertus d'un doute déclaré.

J'espère que je ne vais pas trop avant dans l'analyse, Sethy, mais je me dois de t'informer que l'image, si elle ne sert pas ton propos, ressemble à ces lapsus calami trahissant le fond véritable d'une pensée, à savoir le dogmatisme qui caractérise la tienne, dès lors qu'elle est âprement discutée.

Maintenant, à seul titre de contre-exemples, il me semble que les passages suivants, glanés au sein de ma dernière réponse, témoignent d'une sincère ouverture au relativisme et à la contradiction:


Citation :
Sethy a écrit:
Peut être que nos comportements nous amènerons à l'extinction, mais nous ne serons jamais qu'une espèce de plus qui disparaitra.

Dérinoé a écrit:
Entièrement d'accord sur ce point.

Citation :
Sethy a écrit:
C'est toi qui veut m'enfermer dans cette dualité.

Dérinoé a écrit:
Tout à fait. Je nous y enferme du reste tous autant que nous sommes.

Citation :
Sethy a écrit:
A mon tour de t'enfermer dans la mienne.

Dérinoé a écrit:
Mais volontiers. La réciprocité n'est-elle pas la clef de tous les rapports humains?

Citation :
Sethy a écrit:
Même si on veut placer certains animaux (tous ?) à égalité avec les humains, on arrivera toujours à exclure une partie d'être vivant dont on a besoin pour exister**.

Dérinoé a écrit:
[...] Nonobstant, ce sont là deux points très importants que tu soulèves et auxquels, pour ma part, je ne peux apporter de réponse valable - c'est-à-dire argumentée - à l'heure où je t'écris: d'une part, le nombre et la nature des espèces animale auxquelles les antispécistes entendent attribuer un statut différent de celui qui prévaut actuellement et, d'autre part, la viabilité de l'écosystème découlant d'une telle refonte juridique.

Je te propose la chose suivante: je jetterai un coup d'oeil sur les textes des antispécistes, en notamment dans ceux de Peter Singer qui planche sur ces questions depuis quelques décennies, et vous rapporterai ensuite les réponses formulées par les spécialistes, si toutefois j'en trouve. Nous pourrons ensuite en discuter ensemble et les examiner une à une pour déterminer si elles sont convaincantes ou non.

Citation :
Sethy a écrit:
Je prends ici exister dans un sens large, avoir des enfants et ne pas leur refuser viandes, poissons, oeufs et lait* par exemple. De facto, on met une barrière. D'autres la mettrons un peu plus loin ou un peu moins loin, mais cette barrière ne sera que subjective. Dès lors on a plus affaire à une discussion entre deux points de vues opposés, mais bien une discussion qui se limite à la place où on met cette barrière.

Dérinoé a écrit:
Je suis entièrement d'accord avec ta description du débat et garde toujours à l'esprit le caractère in fine subjectif de toute position philosophique. Mais, si tu veux, pour moi, le but d'une telle réflexion polyphonique ne réside pas dans l'émergence d'une impossible objectivité, mais dans l'examen et le rabotage éventuel de nos subjectivités respectives, ce au profit d'une plus grande rationalité.

Citation :
Sethy a écrit:
*Si je cite aussi le lait, c'est parce que j'imagine (peut être à tort) qu'à l'origine les vaches ne devaient pas être traites 2x par jour. J'imagine donc toujours, qu'il doit exister des races de vaches sauvages que la domestication n'a pas encore déréglée.

Dérinoé a écrit:
C'est une bonne question!

Citation :
Sethy a écrit:
L'exploitation, même si elle est à l'origine de l'explosion du nombre d'humain sur terre, est aujourd'hui nécessaire à nourrir tout le monde.

Dérinoé a écrit:
En es-tu sûr? Je ne connais pas assez la géographie, la démographie ou l'ingénierie agro-alimentaire pour me prononcer de manière valable sur ce point mais, sachant un peu quelles maffias économiques règnent aujourd'hui sur les grands marchés de l'alimentation, je me dis qu'il s'agit peut-être là d'une antienne préformatée, sans rapport avec la réalité de nos ressources, quelles qu'elles soient.

Citation :
Sethy a écrit:
A te lire j'ai l'impression que si on écrit "je mange de la viande", cela revient à écrire "j'aime qu'on soit violent et brutal avec les animaux".

Dérinoé a écrit:
En toute sincérité, je t'assure que non. Je ne porte aucun jugement moral personnel sur nos différentes positions. Je tente seulement d'en examiner à la fois les présupposés et les conséquences, ce afin de déterminer leurs degrés respectifs de cohérence et de rationalité.

Citation :
Sethy a écrit:
Manger de la viande nécessite forcément de tuer un animal, mais cela implique-t-il violence, brutalité ?

Dérinoé a écrit:
C'est une bonne question. [...]

Citation :
Sethy a écrit:
D'abord, je ne me pense pas spéciste, ensuite je viens de montrer que de mon point de vue, dans ce débat toutes les positons sont éminemment subjectives (mais celles de ceux qui se revendique "anti-spéciste").

Dérinoé a écrit:
Tout à fait. Et je te rejoins sur ce point. Du reste, mon attitude me porte plus souvent au Relativisme (modéré) qu'au Réalisme absolu. Mais, encore une fois, dans mon optique, la discussion ne tend pas à prouver le caractère parfaitement objectif des positions en présence mais à déterminer lesquels, de leurs arguments respectifs, présentent un plus haut degré de pertinence, au vu d'une pensée rationnelle.

Citation :
Sethy a écrit:
Mais c'est vrai qu'il y a quelques années, j'ai été étonné par une développement totalement inattendu. L'Europe a proscrit l'usage de certains métaux dans les télévisions. Je m'étais dit : "Oui, oui, c'est bien, mais ça n'empêchera pas de continuer à vendre des télévisions hors d'Europe avec ces métaux lourds.". Et en fait non, ça coûte plus cher d'avoir deux chaines de fabrication, du coup, c'est le monde entier qui bénéficie d'écrans sans métaux lourds !

Dérinoé a écrit:
Très bon exemple, dont je n'avais pas connaissance, du reste. C'est à ce genre de réactions en chaîne que je pensais, en effet.

Citation :
Sethy a écrit:
Effectivement, je ne lui offre aucun argument substantiels. Mais la où nous ne sommes pas d'accord, c'est dans la "vertu" que tu attribues à l'antispéciste, car je prétends que son attitude est tout aussi incohérente que la mienne car il n'aurait pas entrepris la démarche pour un souriceau ou un nid de jeunes araignées. Nos deux attitudes ne sont dès lors pas si éloignées, puisque dans les deux cas, on agit parfois et parfois pas.

Dérinoé a écrit:
[...] Ensuite, je ne considère pas l'antispécisme comme parfaitement cohérent: seulement, sur certains points fondamentaux, je le trouve plus cohérent que le spécisme. C'est dire si ses vertus, comme tu les nommes, sont limitées. Mais, même à pas de fourmi, mieux vaut toujours mieux que moins bien, non?

C'est là un dogmatisme qui, malgré tout, me paraît assez modéré.

Citation :
Sauf que, autant je peux comprendre que sur des sujets aussi sensibles (pour certains) on ait recours à ce type de pose, autant je trouve dommage d'en faire un mode de communication général.

Merci, mon Révérend. J'y songerai d'ici au prêche du week-end prochain. Wink


Dernière édition par Dérinoé le Lun 31 Aoû 2015 - 10:36, édité 2 fois
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Leibgeber
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 10 Icon_minitimeSam 29 Aoû 2015 - 7:07

Voilà un débat de haute tenue sur une question fort délicate. Il demande beaucoup d'attention et de méditation pour y intervenir de manière tout à fait appropriée, trop pour moi en ce moment alors que je suis attaché à la question animale. Pour ma part, je crois que certains devraient raisonner sur les animaux en les plaçant toujours bien en face de leurs yeux : le chien de la famille que l'on a adopté pour se balader avec, les vaches qui ne voient jamais la lumière du jour pour assurer un prix du lait le plus bas possible, les oies qui ne peuvent même pas bouger dans leur cage pour que l'on puisse se délecter de leur foie malade, etc., toutes situations qui ne sont pas hypothétiques et qui pourraient poser chaque jour d'épineuses questions morales à chacun, du moins à ceux qui reconnaissent aux animaux une nature sensible et intelligente. Quant à son chien et son bien-être : sa disponibilité pour ses sorties. Quant aux vaches : si l'on est prêt à payer plus cher le lait ou à limiter sa consommation (comme celle de la viande, toutes deux souvent excessives) pour qu'elles puissent paître tranquillement dans les champs. Quant aux oies : de s'interdire de manger du foie-gras par pure éthiqueté pour ainsi dire.

La question animale n'est pas seulement une question sur laquelle les législateurs auraient à plancher sans rien requérir de chaque individu en attendant. Elle est d'autant plus grave que les animaux ne peuvent pas se défendre eux-mêmes. En anglais, dans le passé du moins, on  les désignait souvent par dumb things, littéralement « choses muettes », livrées tout entières aux hommes pour s'en servir sans parcimonie comme pour considérer qu'elles ne sont pas des « choses muettes » et en tirer les conséquences, quelques qu'ils leur conviennent, tout dépendant donc d'eux.  Mais alors on pourrait certes considérer qu'ils ont toute possibilité d'être hypocrites si la question est au-dessus de leur force de sorte qu'ils ne changent finalement rien ou pas grand-chose tout en se prenant pour qui ils veulent, y compris des êtres éminemment moraux.

Mon blog sur les sœurs Brontë : https://thewandererofthemoors.blogspot.com/


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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 10 Icon_minitimeSam 29 Aoû 2015 - 10:19

Ton post m'inspire 3 réflexions.

Le constat que tu dresses avec des animaux "à vitesse variable" me semble le reflet de la réalité. Je n'ai pas d'animal de compagnie, et je ne mange que très, très rarement du foie gras Wink Pour ce qui est des vaches, j'ai déjà répondu que j'essaye de choisir mes achats (oeufs de poules au sol, etc.). Aujourd'hui, l'humain a pris une telle place, qu'il n'en reste plus beaucoup pour d'autres animaux. Pour ce qui est des animaux de compagnies, c'est une question difficile : vaut-il mieux qu'ils vivent le temps de leurs vie (imaginons une famille capable de "bien" les soigner) ou au contraire, est-il mieux qu'ils ne voient jamais le jour ?

Pour ce qui est de la seconde réflexion, je commence par une disgression. Je pense que le principe de parcimonie n'existe pas dans la nature. Ce que je veux dire par la, c'est qu'en observant la nature de loin, on a l'impression qu'à l'exception de l'homme, chaque espèce ne prend que la place qui lui revient et que les individus ne consomment que les aliments dont ils ont besoin. Je crois au contraire que cette harmonie n'est que le résultat d'une lutte entre espèces et que s'il en avait la possibilité, chaque individu/espèce occuperait la plus grande place possible et s'accaparerait le plus de ressources possible. Le premier exemple qui me vient est celui de l'ours, qui lorsqu'il est presque gavé (avant l'hibernation) et devant la multitude de saumons, fini par ne plus manger que les filets, laissant la plus grande du poisson. J'ai déjà cité l'exemple de la pinède dans laquelle les aiguilles empêchent toute forme de vie concurrente. Il suffit par exemple de voir ce qu'il se passe quand une espèce est déplacée de son habitat "habituel". Si elle n'a pas de prédateur dans son nouveau biotope, elle se développe de manière fulgurante. A l'échelle de temps des espèces, il ne faudra pas longtemps pour qu'une maladie fasse son apparition, qu'un prédateur découvre cette nouvelle source de nourriture abondante. Ce que j'explique ici, n'est rien d'autre que la théorie de l'évolution. Ceci rejoint également ce que j'expliquais sur le fait que tôt ou tard, il y aura de nouveaux prédateurs et/ou de nouvelles maladies.

Sans justifier les "excès" de l'homme, je pense donc que ce message "prend le plus possible, d'espace, de nourriture, etc." ne vient pas de notre part humaine, ou pas seulement, mais qu'elle vient principalement de notre part animale. Cela me semble d'ailleurs très logique car c'est un comportement de survie.

Pour ma part, j'ai de l'admiration devant les personnes capables de renoncer spontanément à un confort acquis. Ca peut paraitre facile, mais je pense tout le contraire. Un exemple, quelqu'un qui gagne bien sa vie reçoit une petite augmentation, ça aura un petit impact positif. Essayez 6 mois plus tard de lui reprendre ce (dans ce cas-ci) superflu et c'est le drame ! Renoncer volontairement à un confort ou à consommer ou des choses qu'on aime bien de manière permanente n'est donc pas simple.

Je pense d'ailleurs que c'est l'une des explications du malaise que nous, occidentaux, ressentons sans souvent pouvoir l'exprimer clairement : l'idée que dans les décennies à venir, nous allons perdre de nombreux acquis du fait de la "mondialisation". Et cela fait peur. Mais n'est-ce pas que justice ? Pourquoi les autres êtres humains vivants n'ont-ils pas le droit au même confort que nous ?

En d'autres mots, ce qu'aujourd'hui seule une frange d'entre nous est capable de faire (renoncer à une consommation régulière de viande par exemple) risque d'être la norme pour beaucoup dans le futur.

Edit : je discutais de ce (genre de) sujet il y a quelques années avec un collègue et nous étions arrivé à une constatation étonnante. Si on pense à la politique de l'enfant unique en Chine, qui pris à un certain niveau n'est pas une si mauvaise idée que cela. Y aurait-il eu moyen de l'imposer dans une autre forme de gouvernement qu'une dictature ?
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Winter
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Winter


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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 10 Icon_minitimeSam 29 Aoû 2015 - 11:46

Dérinoé a écrit:
Mais ma question est la suivante, Winter: pourquoi cette distinction t'amène-t-elle à conforter la domination du premier, et non une volonté d'équité de traitement soutenue par la responsabilité qu'implique les privilèges de la conscience et de la réflexion?
Beaucoup d’êtres humains sont encore sur la touche de cette équité dont tu parles.
Le terme de "dominer" je l’entends par  "être au dessus". En étant au dessus, par la force, la capacité intellectuelle ou autre cela peut entrainer des abus sur le dominé, évidemment, mais c’est un possible ce n’est pas une obligation.  

Est ce que cela sous entend qu'il faille pour autant se comporter comme des enfants à qui tout est permis? Ai-je mis cela dans mon vocable? pas du tout ! Dominer, nous donne des droits supérieurs au reste du monde, de fait. Avoir plus de droits entraine pour moi un surcroit de devoirs. L'un n'existe pas sans l'autre. Les animaux n'ont pour moi aucun devoir: nous , si, parce que l'on domine. Je sais ce que cela peut avoir de paternalisme, je m’en rends bien compte en l’écrivant.

Si j'ai bien compris, est défendu l'égalité strict entre tous les vivants du monde animal: égalité de droits(avec les "produits de la mer"  moins égaux que les autres...). Le principe par exemple?! : s'il est interdit de tuer un humain il doit être interdit de tuer un animal. Principe qui ne me choque pas, dans un monde linéaire voire prévisible.
La vie et le monde ne sont ni linéaires ni prévisibles (enfin pas trop). Nous passons notre existence à faire des choix, à nous orienter .... Les animaux également, le plus souvent. Qu'est ce qui prévaut à nos choix? Nos instincts? nos valeurs? Le monde animal a des valeurs? Le chat peut-il comprendre que c'est mal de manger le mulot? que les croquettes sont un substitut moralement bien plus judicieux. Croquettes constituées ...de plantes et principalement de maïs. Bon il le digère mal, voire y est allergique. Mais ce serait le prix de l'équité...
Etre égaux en droit oblige de fait à une égalité en devoir... Nous ne sommes pas les égaux des animaux ou, si on préfère, les animaux ne sont pas nos égaux. Si nous devions exiger de tous un égal traitement, en sachant par ailleurs qu'il est évidemment pas raisonnable de demander aux animaux de se plier à nos valeurs morales d'équité (au sens où on n'y arriverait pas et que l'on ne demande pas ce qui est impossible)comment faire pour exiger des humains davantage que n'en peuvent donner les animaux ? Ce ne serait pas équitable. Tout le monde devrait revenir aux seules lois qui régissent le monde animal? De quel animal parle-t-on ? les mammifères qui clairement nous sont les plus proches? Et les oiseaux? Les reptiles? Les poissons? le krill? On s'arrête à qui et pourquoi?
Que sait-on du monde végétal? Que découvrirons nous un jour sur cet aspect de la vie?

Citation :
Oui, je suis d'accord avec toi. ... Mais, pour moi, la question centrale est la suivante: comment l'Etat doit-il réagir à ce genre de tentatives, qu'elles soient effectuées par des êtres humains ou par des animaux? Et, surtout, quels sont les principes moraux avec lesquels nous entendons façonner les Lois concernées?
C'est un autre débat là, Dérinoé, non?
TNR a écrit:
TNR a écrit:
   Winter a écrit:
     Si l'on place la vie humaine au dessus de la vie animale, pourquoi conclure que l'on est pret à tolérer que n'importe quoi leur soit fait? Je trouve cette façon bipolaire de voir le monde réductrice
   Pourquoi pas, dans un monde spéciste? Tu reconnaîtras (ou non) que le statut de l’animal, bien meuble sensible, est des plus hypocrites. Si on ne lui veut pas de mal, pourquoi tolère-t-on ce mal? Si on autorise le mal, pourquoi protège-t-on certains animaux, à dose homéopathique et à l'avenant de nos disponibilités morales?
Winter a écrit:

Citation :
   on ne tolère ni le viol ni le vol ni l'assassinat. Ils se perpétuent pourtant chaque jour Il est impossible de mettre un représentant de la loi derrière chaque être humain, c'est pourquoi on tente de faire intégrer l'idée d'autodiscipline... mais ce n'est ni simple ni totalement fiable. Pour autant ne doit-on renoncer?
Je comprends ta phrase mais je n'ai pas saisi le sens de l'argument.
TimesNewRoman demandait, il m'a semblé,  pourquoi on tolérait le mal fait aux animaux et je lui répondais que le fait que certains se comportent comme cela ne veut pas dire qu'on le tolère. Cela veut juste dire que nous n'avons pas toujours les moyens de l'empêcher.

Dérinoé a écrit:
Citation :
   Tuer pour manger c'est la vie (...)
Pourquoi? Selon qui? Selon quel critère? À partir de quelle Philosophie?
"Pourquoi" Je me nourris de viande, de protéines animales;
"Qui a prévalu à cela?"  Un peu de philo ? - Page 10 371150  le fond des âges? ... mon éducation?
"A partir de quelle philosophie?" Tu es dure avec moi là!!
Oui je constate que certaines personnes vivent sans manger de viande  (elles mangent néanmoins du poisson, ce qui est étrange pour moi parce que ça laisse à penser que ce n'est pas de la viande aux sens protéines animales, ... mais bon...) et elles survivent. Je sais que la viande n'est pas indispensable au sens strict. Mais faire l'amour non plus, au sens strict .. marcher des heures en foret pas davantage, et connaitre les écrits d'Aristote.. je ne t'en parle m^m pas. Pourtant, la vie sans cela, pour certains d'entre nous, n'est plus tout à fait la vie... ce n'est surement pas une philosophie, cela doit donner l’impression d’être bien basique, bien pauvre, mais là ..tout de suite...pas mieux.
Maintenant je peux comprendre que cela choque.

Dérinoé a écrit:
   Pas du tout, je ne penche pas vers une rendement quelconque. Les demandes sont presque illimitées mais les sommes qui y sont consacrées représentent un ensemble fini. Alors il faut faire des choix.
Très bien. Et quels sont les critères - moraux - procédant à la hiérarchisation de tes choix?
La vie, et notamment celle des humains.

Citation :
Ce n'est pas que ta réponse me déplaise mais je constate qu'elle contredit un certain nombre de valeurs importantes pour toi et, de ce fait, je me demande quelles sont les raisons qui t'amènent à accepter la préséance de l'ordre naturel dans ce cas-ci, mais pas dans d'autres.
Nous sommes issus du monde animal, cela ne fait plus de doute pour personne, j'espère. Pourtant, alors m^m qu’on en garde certains réflexes(et certains pourraient dire que c'est une chance...), on veut s'extraire des lois qui régissent le monde animal(c'est vrai que c'est parfois quand ça nous arrange) . Nous venons d'un monde que nous renions à chaque instant de notre existence, le plus souvent.

C'est cet homme là que j'aime, celui qui ne pas laisse ses "instincts" parler, mais ses choix, ses valeurs.  Est-ce que cela fait de moi une personne  qui n'a pas conscience que nous sommes loin d'être tous dans le m^m état d'esprit, dans le m^m instant d'analyse ou d'évolution personnelle?  Je ne crois pas. Et c'est sans doute ce qui parfois me fait parler différemment. Je sais que tous ne sont pas ainsi tout le temps.
Je suis aussi très pragmatique je crois et d'avoir déjà beaucoup vécu m'a permis de ne me faire que peu d'illusions sur mes homologues, que j'évite en règle générale de trop fréquenter, c'est vrai.

Citation :
..alors que, sur d'autres questions, tu admettras une patente inéquité de traitement.
il n'y a pas de patente iniquité de traitement entre celui réservé aux humains et celui réservé au reste du monde animal, dans mon esprit.
Je persiste à dire que je désapprouve avec vigueur la souffrance endurée par quiconque. Mais à choisir, si je ne peux faire quelque chose que pour l'un des deux, la mort dans l'âme de ne pouvoir faire du bien au deux, c'est l'humain que je choisis, définitivement.


Leibgeber, mon chien bénéficie de soins pour vivre, avec une leucémie et un souffle cardiaque de 5 sur une échelle de 6, très très supérieurs à ce que beaucoup d'humains sur cette planète peuvent prétendre, et ça me coute une blinde. Le fait que ces humains ne puissent avoir accès à ces soins, ces médocs, doit-il me faire renoncer à dépenser pour lui, à le soigner? On fait les choses de façon indigne dans certains cas pour les animaux, notamment ceux menés à l'abattoir, c'est vrai. Et on se comporte également de façon indigne pour certains humains qui manquent de l'essentiel. C'est dans ce monde là que nous nous débattons tous


Dernière édition par Winter le Dim 30 Aoû 2015 - 12:21, édité 5 fois
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Sethy
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 10 Icon_minitimeSam 29 Aoû 2015 - 20:41

Quelqu'un m'a fait savoir par MP que mon exemple de la pinède était erroné. Je lui ai demandé de poster sa réponse ici.

D'après ce que la personne m'en disait, il est vrai que les pinèdes s'étendent mais elles ne subsistent pas, ce sont des arbres pionniers, mais qui sont remplacés par d'autres par la suite.

Voilà, la rectification est apportée.

Edit : je n'ai pas trouvé d'autres exemples aussi parlant, mais voici une page wiki qui décrit les différents types de luttes que se livrent les plantes. On y trouve, entre autre, des procédés proches que ceux que j'évoquais à tort pour le pin :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Allélopathie
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Dérinoé
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 10 Icon_minitimeDim 30 Aoû 2015 - 16:57

@ Leibgeber:

Je pensais bien que, si tu venais à passer par ce fil, notre discussion ne pourrait te laisser indifférent.


Citation :
Voilà un débat de haute tenue sur une question fort délicate.

Merci, Leibgeber. Je trouve aussi. Wink

Citation :
Pour ma part, je crois que certains devraient raisonner sur les animaux en les plaçant toujours bien en face de leurs yeux (...)

Citation :
La question animale n'est pas seulement une question sociale sur laquelle les législateurs auraient à plancher sans rien requérir de chaque individu en attendant. Elle est d'autant plus grave que les animaux ne peuvent pas se défendre eux-mêmes.

Quand tu as dit ça, tu as tout dit.

@ Winter:


Citation :
Notre monde ne peut pas traiter les animaux dans leur ensemble comme nous tentons de traiter les humains dans leur ensemble. Nous n’en n’avons pas les moyens. Beaucoup d’êtres humains sont encore sur la touche de cette équité dont tu parles.

C'est un point à la fois excessivement difficile et tout à fait central que soulève ta remarque. Il présuppose une réflexion d'ordre métaphysique sur la nature et les multiples modulations du mal, tel qu'il se présente à nous et en nous sous toutes ses différentes formes.

Ta constatation recouvre un certain nombre de problèmes, lesquels, à rebours, remontent tous vers la question essentielle que sous-tend bonne partie de notre discussion. Il faudrait d'abord tenter de déterminer si tous les maux - à commencer par la maltraitance humaine, la maltraitance animale et la maltraitance végétale - se valent, d'un point de vue moral, ou si, au contraire, il est légitime de les étager sur une échelle allant du plus grave au plus acceptable. Un tel questionnement impliquerait ensuite de déterminer quels sont les critères d'évaluation éthiques susceptibles de juger, de manière plus ou moins fondée, de la gravité des différentes expressions du mal. Enfin, cet examen nécessiterait à son tour que l'on se penche sur la définition fondamentale du mal, afin de déterminer si lesdites expressions ne sont que les différents déclinaisons d'une même entité - le Mal - ou si, indépendantes les unes des autres, elles ne présentent aucune essence commune et ne se rapprochent au fond qu'au sein de nos usages langagiers - les maux.

Autrement dit et pour raccrocher plus concrètement toutes ces questions au thème qui nous occupe, il faudrait s'interroger tout d'abord sur la nature du mal et, dans un deuxième temps, sur la légitimité de nos critères d'évaluation quant à ses différentes manifestations quotidiennes. Le mal qui touche les humains est-il ontologiquement plus grave et plus dommageable que celui qui atteint les animaux ou le végétal? Toutes les formes de maux se valent-elles, qu'elles soient délibérément provoquées ou subies par le simple coup du sort? Quels sont les critères nous permettant d'affirmer qu'une acte ou une situation est mauvais, quel que soit l'être vivant impliqué?

La philosophe Corinne Pelluchon mentionnée plus haut par TimesNewRoman, répond à certaines de ces questions, notamment lorsqu'elle suggère que toutes les formes de maux procèdent d'un seul et même noyau et qu'en attaquant ce dernier par quelque bout que ce soit, c'est toujours le même unique Mal que l'on tend à écorner. Je me permets de reproduire quelques paragraphes de l'article déjà cité par deux fois sur ce fil car ils offrent une réponse possible à cette passionnante question de la nature et de la hiérarchisation des maux, notamment au regard de la pensée antispéciste:


Corine Pelluchon a écrit:
Que personne ne dise qu’à se soucier des animaux, on oublie les hommes, les terribles souffrances que des milliards d’entre eux endurent, parce qu’il y a la guerre, qu’ils sont exploités comme des forçats ou qu’ils meurent de faim ! Car cette clameur immense qui vient de nos compagnons qui n’ont ni ordinateur ni tribunal pour nous accuser parle aussi des hommes, du mal qu’ils sont capables de commettre.

Le mal qui est en nous, ce penchant à dominer autrui, à exercer sur lui sa puissance pour le dompter et l’anéantir, pour que sa volonté soit réduite à la simple obéissance, pour qu’il ne soit plus rien qu’un jouet dans nos mains, s’exprime sans détours dans la manière dont nous agissons avec les bêtes.

Quand un être, humain ou non humain, n’est pas protégé par la loi, et que règle l’impunité, alors il court tous les risques, car le monstre qui est en nous peut surgir pour l’exterminer. Je ne dis pas que tout le monde deviendrait un tortionnaire si la guerre éclatait, qu’il violerait, arracherait les bébés du ventre de leur mère, comme cela arriva maintes fois dans l’histoire, y compris la plus récente, et comme cela a été narré par de nombreux auteurs, que l’on pense à la trilogie rwandaise de Jean Hatzfeld ou aux analyses de Patrick Clervoy dans L’effet Lucifer: Du décrochage du sens moral à l’épidémie du mal. Je dis qu’il faut regarder en face la réalité du mal et réfléchir aux conditions ( et pas seulement aux circonstances) qui font qu’il «prend» sur un individu. Qu’est-ce qui fait qu’un être, autrefois loyal et droit, est vaincu par le mal, qu’il l’exerce ou qu’il en soit le complice et l’observe comme un voyeur? Je dis aussi que ce mal est déjà victorieux quand on tolère le martyre des bêtes. Pire, il est à notre porte, prêt à franchir toutes les barrières installées par la morale et le droit, quand on l’encourage, comme c’est le cas avec certaines traditions (corrida, grind, etc.).

La dénonciation de la violence est indispensable, mais il faut prendre garde à ne pas installer une sorte de concurrence entre les victimes de la domination (les femmes, les enfants, les pauvres, celles et ceux qui subissent le racisme ou toute autre forme de discrimination, les animaux). Car toutes les violences sont liées; elles s’enracinent dans le même penchant au mal.

La question qui se pose à chacun de nous, quelle que soit sa responsabilité, est de savoir quels sont les contrepoids permettant de lutter contre le mal. De quels ressorts disposons-nous dans la culture pour planter au cœur du sujet, comme un arbre de vie, la compassion ? Comment décloisonner le moi pour qu’il intègre en son sein la vie des autres, qu’il sente qu’il n’est pas une substance, un atome ou un empire dans un empire, mais un rapport : rapport à soi et à autrui, rapport aux autres, humains et non humains, aux êtres passés, présents et futurs qui débordent en amont et en aval sa propre vie, rapport à la nature ?

Il me semble que l’on a là l’une des tâches principales de l’éthique, d’une éthique qui soit aussi une transformation de soi. Les connaissances, y compris la connaissance de soi, ne produisent aucune transfiguration du sujet. La raison seule est impuissante à changer le cours du monde; elle n’incite pas les individus à modifier leurs styles de vie et leur comportement. Pourtant, la raison, qui ne demande pas l’adhésion à une croyance, est notre alliée dans ce travail visant à élaborer une nouvelle éthique aidant l’homme contemporain, qui est armé jusqu’aux dents, à s’abstenir du mal et à transmettre à ses descendants un monde habitable.

La tâche est rude, mais elle est nécessaire. Assurément, nul n’y peut parvenir seul, mais nous avons là un objectif, comme un programme, parce que, pour certains d’entre nous, l’époque est si dangereuse que nous n’avons pas d’autre choix que de répéter ce mot de Kant : « tu dois, donc tu peux. »


Corine Pelluchon, "L'été meurtrier pour les animaux" in Libération de Philo, 28 juillet 2015.

Comme on peut le lire dans cet article, qui est à la fois philosophe et militant, il existe une position métaphysique selon laquelle tous les maux, qu'ils soient exercés contre les humains ou contre les animaux, découlent de la même source et révèlent, dans les individu spectateurs que nous sommes très souvent, les mêmes mécanismes, collaboration passive contre résistance acharnée.

Et pour compléter la position défendue par Corine Pelluchon, j'aimerais ajouter ici un certain nombre d'extraits glanés dans l'oeuvre de l'un de mes écrivains favoris, Marguerite Yourcenar. Comme certains d'entre vous le savent peut-être, l'auteur belge fut membre, au cours de sa vie, d'un très grand nombre d'associations luttant contre les discriminations humaines et animales et, de ce fait, prit régulièrement la plume pour dénoncer les violences infligées aux animaux en toute légalité. Outre ses articles et ses lettres ouvertes, nombre de ses essais ou de ses romans témoignent indirectement de sa vision du vivant, humains, animaux et végétaux confondus.

Jean Nakos - spécialiste de la question animale au sein des religions et fondateur des Cahiers antispécistes* - lui a consacré un joli article où je puise les citations reproduites ci-après. Vous pourrez retrouver l'article de Jean Nakos, Marguerite Yourcenar et la compassion envers les animaux, en cliquant ici. Comme vous le verrez, Marguerite Yourcenar précède Corine Pelluchon sur le chemin philosophique où tous les vivants, quels qu'ils soient, ne sont que les déclinaisons polymorphes d'une même entité ontologique, le mal touchant l'un d'entre eux étant alors de même nature et de même force que le mal touchant tous les autres.

Sur l'origine de sa conception du vivant en général:


Marguerite Yourcenar a écrit:
J’ai plusieurs religions comme j’ai plusieurs patries, si bien qu’en un sens je n’appartiens peut-être à aucune. Je ne songe pas à renier l’Homme qui a dit que ceux qui ont faim et soif de la justice seraient rassasiés (dans un autre monde, car ce n’est pas vrai dans le nôtre), et que les purs verraient Dieu, et qui pour salaire s’est fait crucifier [...] mais je renonce encore moins à la sagesse taoïste [...] Je sais gré pour ce qu’ils m’ont appris de précieux sur moi-même et pour autant que j’en ai entrepris et poursuivi l’étude, au Tantrisme [...] et au Zen [...] Surtout, je reste profondément attachée à la connaissance bouddhique, étudiée à travers ses différentes écoles, qui, comme les différentes sectes chrétiennes, me paraissent moins se contredire que se compléter. Non seulement sa compassion pour tout être vivant amplifie nos notions, souvent étroites, de la charité [...] elle nous met en garde contre les spéculations métaphysiques ambitieuses pour nous inciter, surtout, à nous mieux connaître.

Marguerite Yourcenar et Mathieu Galey, Les yeux ouverts, 1980 p. 313, cité par Jean Nakos, "Yourcenar et la compassion envers les animaux" in Les Cahiers antispécistes. Réflexion et action pour l'égalité animale, CA n° 33, novembre 2010.

Sur sa conception de l'animal:

Marguerite Yourcenar a écrit:
Ce qui me paraît importer, c’est de posséder le sens d’une vie enfermée dans une forme différente. C’est déjà un gain immense de s’apercevoir que la vie n’est pas incluse seulement dans la forme en laquelle nous sommes accoutumés à vivre, qu’on peut avoir des ailes au lieu de bras, des yeux optiquement mieux organisés que les nôtres, au lieu de poumons des branchies. Ensuite il y a le mystère des migrations et des communications animales, le génie de certaines espèces [...] Et puis, il y a toujours pour moi cet aspect bouleversant de l’animal qui ne possède rien, sauf la vie, que si souvent nous lui prenons.

Marguerite Yourcenar, Souvenirs pieux, 1974, cité par Jean Nakos, "Yourcenar et la compassion envers les animaux" in Les Cahiers antispécistes. Réflexion et action pour l'égalité animale, CA n° 33, novembre 2010.

Sur la similitude entre le mal infligé aux humains et le mal infligé aux animaux:

Marguerite Yourcenar a écrit:
« Tu ne feras pas souffrir les animaux, ou du moins tu ne les feras souffrir que le moins possible, ils ont leurs droits et leur dignité comme toi-même », est une admonition bien modeste ; dans l’actuel état des esprits, elle est, hélas, quasi subversive. Soyons subversifs. Révoltons-nous contre l’ignorance, l’indifférence, la cruauté, qui d’ailleurs ne s’exercent si souvent contre l’homme que parce qu’elles se sont fait la main sur les bêtes. Rappelons-nous, puisqu’il faut toujours tout ramener à nous-mêmes, qu’il y aurait moins d’enfants martyrs s’il y avait moins d’animaux torturés, moins de wagons plombés amenant à la mort les victimes de quelconques dictatures si nous n’avions pas pris l’habitude de fourgons où des bêtes agonisent sans nourriture et sans eau en route vers l’abattoir, moins de gibier humain descendu d’un coup de feu si le goût et l’habitude de tuer n’étaient l’apanage des chasseurs. Et dans l’humble mesure du possible, changeons (c’est-à-dire améliorons s’il se peut) la vie.

Marguerite Yourcenar et Mathieu Galey, op. cit., p. 156-157, cité par Jean Nakos, "Yourcenar et la compassion envers les animaux" in Les Cahiers antispécistes. Réflexion et action pour l'égalité animale, CA n° 33, novembre 2010.

Marguerite Yourcenar a écrit:
Je me dis souvent que si nous n’avions pas accepté, depuis des générations, de voir étouffer les animaux dans des wagons à bestiaux, ou s’y briser les pattes comme il arrive à tant de vaches ou de chevaux, envoyés à l’abattoir dans des conditions absolument inhumaines, personne, pas même les soldats chargés de les convoyer, n’auraient supporté les wagons plombés des années 1940-1945. Si nous étions capables d’entendre le hurlement des bêtes prises à la trappe (toujours pour leurs fourrures) et se rongeant les pattes pour essayer d’échapper, nous ferions sans doute plus attention à l’immense et dérisoire détresse des prisonniers de droit commun [...] Et sous les splendides couleurs de l’automne, quand je vois sortir de sa voiture, à la lisière d’un bois pour s’épargner la peine de marcher, un individu chaudement enveloppé dans un vêtement imperméable avec une « pint » de whisky dans la poche du pantalon et une carabine à lunette pour mieux épier les animaux dont il rapportera le soir la dépouille sanglante, attachée sur son capot, je me dis que ce brave homme, peut-être bon mari, bon père ou bon fils, se prépare sans le savoir aux « Mylaï » [village vietnamien dont la population fut massacrée par un détachement américain]. En tout cas, ce n’est plus un « homo sapiens ».

Marguerite Yourcenar, ibid, p. 293-294, cité par Jean Nakos, "Yourcenar et la compassion envers les animaux" in Les Cahiers antispécistes. Réflexion et action pour l'égalité animale, CA n° 33, novembre 2010.

Sur le végétarisme en particulier:

Marguerite Yourcenar a écrit:
La viande, le sang, les entrailles, tout ce qui a palpité et vécu lui répugnait à cette époque de son existence, car la bête meurt à douleur comme l’homme, et il lui déplaisait de digérer des agonies.

Marguerite Yourcenar, L'Oeuvre au Noir, 1968, cité par Jean Nakos, "Yourcenar et la compassion envers les animaux" in Les Cahiers antispécistes. Réflexion et action pour l'égalité animale, CA n° 33, novembre 2010.

Et toi, qu'en penses-tu, Winter?

*Les Cahiers antispécistes. Réflexion et action pour l'égalité animale est un journal fondé en 2007 par Jean Nakos, fonctionnaire à l'OTAN et auteur de plusieurs livres portant sur la question animale au sein des religions. Cette revue, que vous pouvez consulter gratuitement en cliquant ici, publie régulièrement des auteurs internationaux, chercheurs spécialisés ou citoyens engagés pour la cause animale. Vous pourrez entre autres y retrouver Peter Singer, grand spécialiste australien déjà cité sur ce fil, ou J. M. Coetzee, Prix Nobel de Littérature sud-africain très apprécié sur le Forum. À ma connaissance, une immense majorité des articles y est publié en français.

Citation :
Le terme de "dominer" je l’entends par  "être au dessus". En étant au dessus, par la force, la capacité intellectuelle ou autre cela peut entrainer des abus sur le dominé, évidemment, mais c’est un possible ce n’est pas une obligation.
 
Je suis d'accord avec toi.

Citation :
Nous sommes, à mon sens, au dessus de la chaine alimentaire de l'ensemble du monde animal, au motif que nous avons réussi à nous extraire des lois qui le régissent, de la prédation, et que le reste du monde à plus à craindre de nous que nous de lui... on domine. Est-ce que cela est remis en cause ? Est ce que cela sous entend qu'il faille pour autant se comporter comme des enfants à qui tout est permis? Ai-je mis cela dans mon vocable? pas du tout ! Dominer, nous donne des droits supérieurs au reste du monde, de fait. Avoir plus de droits entraine pour moi un surcroit de devoirs. L'un n'existe pas sans l'autre. Les animaux n'ont pour moi aucun devoir: nous , si, parce que l'on domine. Je sais ce que cela peut avoir de paternalisme, je m’en rends bien compte en l’écrivant.

D'accord. En lisant ta précédente réponse, j'avais cru comprendre que tu justifiais l'inéquité de traitement animale par la supériorité de notre statut humain, au vu des chaînes naturelles de l'alimentation et de la prédation.

Citation :
Si j'ai bien compris, est défendu l'égalité strict entre tous les vivants du monde animal: égalité de droits(déjà on constate que les "produits de la mer" sont moins égaux que les autres...).

Je suis d'accord avec toi. Du reste, même chez les défenseurs de la cause animale ou de l'antispécisme, il peut exister des gradations entre différentes espèces.

Citation :
Le principe : s'il est interdit de tuer un humain il doit être interdit de tuer un animal. Principe qui ne me choque pas, dans un monde linéaire voire prévisible. Mon souci c'est que la vie et le monde n'est ni linéaire ni prévisible (enfin pas trop). Nous passons notre existence à faire des choix, à nous orienter vers....

Oui mais, Winter, la société, notamment au travers de sa Législation et de son système judiciaire, passe son temps à introduire, artificiellement j'en conviens, du prévisible au sein de notre vivant: en instaurant un système à la fois incitatif, dissuasif et répressif, elle tente de cadrer et d'aplanir ces lignes mouvantes que tu décris toi-même, ce afin de rendre la vie humaine aussi "prévisible" que possible. Un exemple: dans un Etat démocratique comme la France et sauf notables exceptions, le citoyen moyen peut quitter son domicile sans s'attendre  à recevoir un coup de couteau ou une balle perdue à chaque coin de rue, la Loi instaurant un climat très défavorable tant pour l'usage des armes en général que pour le meurtre en particulier. Et il en va de même pour tout le prévisible inoculé à grands coups d'injections légales dans le grand corps social qui, laissé à lui-même, serait à la fois désorganisé, violent et anarchique.

De ce fait, je ne vois pas pourquoi, sur un plan philosophique au moins, il serait impossible d'interdire la mise à mort de l'animal en refreignant, sur cette question comme sur tant d'autres, notre goût instinctif pour l'imprévisibilité.

Mais c'est là tout le point du débat: doit-on se restreindre, pour l'animal, comme nous le faisons pour autrui - et, si non, pourquoi?


Citation :
Les animaux également, le plus souvent. Qu'est ce qui prévaut à nos choix? Nos instincts? nos valeurs? Le monde animal a des valeurs? Le chat peut-il comprendre que c'est mal de manger le mulot? que les croquettes sont un substitut moralement bien plus judicieux. Croquettes constituées ...de plantes et principalement de maïs. Bon il le digère mal, voire y est allergique. Mais c'est le prix de l'équité...

Excellente question: faut-il imposer l'antispécisme aux animaux essentiellement carnivores? Je n'ai aucune réponse à cette interrogation-là. Instinctivement, je te dirais que non, mais sans autre argument qu'un certain bon sens nutritionnel.

Si vous avez des avis à ce sujet, je suis très intéressée à vous lire.


Citation :
Etre égaux en droit oblige de fait à une égalité en devoir...

Pour moi, non. Par exemple, je reconnais à une personne profondément handicapée mentale les mêmes Droits - sinon plus encore - que ceux que l'Etat a l'heur de m'accorder, sans pour autant lui assigner les mêmes Devoirs, que ce soit sur un plan légal ou moral. De même pour un enfant ou une personne plongée dans le coma: il me paraît juste et équitable qu'ils disposent de Droits fondamentaux identiques aux miens sans que j'attende d'eux pour autant quelque symétrie que ce soit au niveau des Devoirs.

D'une manière générale, que ce soit pour les humains ou entre les espèces, je ne crois pas que les antispécistes recherchent une égalité mathématique des Droits et des Devoirs fondamentaux. Il s'agit plutôt d'ajustements adaptés à chaque catégorie mais permettant à toutes d'obtenir une équité de traitement légale et morale, au moins pour les valeurs fondamentales.


Citation :
C'est un autre débat là, Dérinoé, non?

Pour moi, non. Ces questions procèdent du même débat car elles nous enjoignent à penser la vie animale comme nous pensons déjà (plus ou moins) la vie humaine. Et c'est là le point névralgique de notre discussion: doit-on franchir la barrière des espèces et, traitant le vivant en tant qu'il est vivant, offrir aux animaux et aux végétaux la même protection fondamentale que celle que nous octroyons aux Hommes ? Ou, au contraire, faut-il considérer le critère de l'espèce comme une justification rationnelle d'inéquité de traitement?

Citation :
TimesNewRoman demandait, il m'a semblé, pourquoi on tolérait le mal fait aux animaux et je lui répondais que le fait que certains se comportent comme cela ne veut pas dire qu'on le tolère. Cela veut juste dire que nous n'avons pas toujours les moyens de l'empêcher. Partant du principe que c'est inéluctable, en mode fataliste, doit-on renoncer à dire et faire comprendre que ce n’est pas acceptable?

Merci pour l'explication: je n'avais pas saisi le contexte de ta réponse. Wink

Je ne suis pas d'accord avec toi, Winter. Tu écris que le fait que certains se comportent de manière violente ou brutale avec les animaux ne signifie pas que nous le tolérions ce type d'attitude. Or pour moi, nous le tolérons. Tous autant que nous sommes. Nous le tolérons parce que les moyens juridiques à disposition pour faire cesser et punir une maltraitance animale sont réduits à leur potion congrue, voire inexistants dans certains cas. Parce que peu de citoyens, politiques ou non, oeuvrent pour une modification desdits moyens juridiques et que, lorsqu'il le font, ils sont au mieux accueillis par la condescendance de ceux qui estiment se livrer à de plus nobles combats, et au pire par une dédaigneuse indifférence.

Mon amie - celle qui a alerté le Service public quant au chat vraisemblablement coincé sur les voies - s'est entendue répondre par le préposé au Service client: "Je vois que votre vision du monde et vos priorités sont tout à fait justes, Madame." (Et je n'ose imaginer quelle eut été la réaction si elle avait appelé pour une souris agonisant sur la voie.) Le Monsieur en question tolère cette maltraitance - légale - que constitue la négligence d'un animal là où une intervention serait possible, et ce parce que le système moral et juridique dans lequel il est évolue l'incite fortement à la tolérer.

La seule manière dont nous disposons pour rendre une action réellement intolérable, c'est la Loi. La punition, le châtiment. Tout le reste tombe de facto dans cette grande fosse bigarrée que nous appelons "tolérance" et qui laisse se perpétrer devant nous des actes tout à fait répréhensibles, même aux yeux du spéciste le plus convaincu. De fait, pour reprendre ton exemple, lorsqu'un crime se commet contre un être humain, nous ne le tolérons pas, puisque, même lorsque nous n'avons pu l'empêcher, nous traquons le coupable et sanctionnons son acte par le biais de la Législation. Plus encore, nous condamnons également ceux qui, ayant eu connaissance du crime en cours, auraient pu intervenir (ne serait-ce que de manière minimale) et ne l'ont pas fait.

Mais dans le monde dans lequel nous vivons, par la configuration d'une Loi que nous ne nous cherchons pas à amender, nous tolérons la maltraitance animale. Même si, comme souvent, nous acceptons les faits le coeur tranquille alors que nous nous effarouchons pudiquement des mots et des pensées qu'ils sous-tendent en nous renvoyant à ce que nous sommes plus sûrement que des miroirs.


Citation :
"Pourquoi" Je me nourris de viande, de protéines animales; que cela me vienne du fond des âges ou simplement de mon éducation, c'est.
"Qui a prévalu à cela?"   le fond des âges? ... mon éducation?

D'accord.

Je te pose une question, en te priant bien de croire qu'elle n'est ni ironique dans le ton, ni agressive sur le fond: t'est-il déjà arrivé, une fois adulte, de refuser certains principes fondateurs de ton éducation? Et si oui, pourquoi en es-tu venue à les rejeter?

Question ouverte à tous, d'ailleurs. Je vais y réfléchir également.


Citation :
"A partir de quelle philosophie?" Tu es dure avec moi là!!

Pardon, pardon. Je me suis très mal exprimée: je ne parlais pas de "Philosophie" au sens académique du terme mais - et tu as répondu plus haut de manière très claire - à une vision du monde ou de la vie, quelle qu'elle soit, qui t'aurait amenée à accepter délibérément une alimentation carnée. Aucun rapport, donc, avec les théories si chères à nos universitaires bien-aimés - et avec mes excuses pour la maladresse.

Citation :
Je sais que la viande n'est pas indispensable au sens strict. Mais faire l'amour non plus, au sens strict .. marcher des heures en foret pas davantage, et connaitre les écrits d'Aristote.. je ne t'en parle m^m pas.

Pour Aristote, je n'aurais pas dit mieux. (Sacré Toto! Toujours une petite thèse indéchiffrable sous le bras.)

En revanche, pour l'amour ou la marche... En es-tu sûre? Pourrait-on survivre, au sens le plus strict du verbe, sans affection, aussi décharnée soit-elle, ni exercice physique aucun?


Citation :
Pourtant, la vie sans cela, pour certains d'entre nous, n'est plus tout à fait la vie... ce n'est surement pas une philosophie, cela doit donner l’impression d’être bien basique, bien pauvre, mais là ..tout de suite...pas mieux.
Maintenant je peux comprendre que cela choque.

Cela ne me paraît absolument pas basique. Bien au contraire.

Citation :
La vie, et notamment celle des humains. Préserver la vie humaine vient tout en haut de ma "hiérarchisation". Y compris dans les besoins autres des hommes, préserver la vie doit être tout en haut de nos choix, de nos finances disponibles.

D'accord. Question suivante: pourquoi préserver la vie humaine dans son ensemble, et pas uniquement celle des personnes susceptibles de t'importer, à titre personnel ou politique? Pourquoi vouloir sauver ou cultiver l'existence d'êtres qui ne sont rien pour toi, qui peut-être même te répugneraient profondément si tu les connaissais mieux?

En d'autres termes, entre règne du vivant au grand complet, règne humain dans son ensemble et humains choisis selon des critères personnels, comment opères-tu le découpage?


Citation :
Nous sommes issus du monde animal, cela ne fait plus de doute pour personne, j'espère. Pourtant, alors m^m qu’il en garde certains réflexes, l'être humain ne cesse depuis toujours de tenter de s'extraire des lois qui régissent le monde animal.
Il fait des efforts considérables pour cela. Il ne tolère pas l'aléatoire, l'inexplicable qui s'abat sans distinction ; il considère la perte du juste intolérable alors que le salopard est bien vivant ; il met des valeurs derrière ces actions aussi souvent que possible… Nous venons d'un monde que nous renions à chaque instant de notre existence.

C'est très juste, je pense, et de surcroît très bien écrit.

Citation :
Je suis aussi très pragmatique et d'avoir déjà beaucoup vécu m'a permis de ne me faire que peu d'illusions sur mes homologues, que j'évite en règle générale de trop fréquenter, c'est vrai.

Sur ce point, je te reçois cinq sur cinq.

Citation :
Mais je les aime je crois, je les admire parfois et les mets au dessus du reste du monde terrestre pour leur immense potentiel, leur côté "être illuminé" mais je leur en veux aussi de  laisser si souvent tout cela au vestiaire. C’est peut être ces deux états d’esprit qui me font paraitre bien contradictoire…

Ne trouves-tu pas les capacités animales infiniment dignes d'admiration, elles aussi?

Citation :
Je persiste à dire que je désapprouve avec vigueur la souffrance endurée par quiconque. Mais à choisir, si je ne peux faire quelque chose que pour l'un des deux, la mort dans l'âme de ne pouvoir faire du bien au deux, c'est l'humain que je choisis, définitivement.

Et je comprends.

Citation :
Je te suis sur la première partie de ton affirmation, mais pas sur la seconde. Je persiste à croire en lui, et en sa capacité tôt ou tard à savoir doser, le plus souvent possible...vous êtes là pour les y aider Wink

On est mal, on est très mal. Déjà que j'ai grand peine à brancher mon multi-prises dans sa fiche tous les matins.

Fondamentalement, mais je repasserai te donner mon avis définitif dans cinquante ans, je trouve l'humain d'un manque de fiabilité quasiment parfaite. Quand je pense qu'il nous faut des millénaires toujours renouvelés pour reconnaître, dans une peau plus ou moins foncée, des lèvres plus ou moins charnues, des yeux plus ou moins étirés, des cheveux plus ou moins bouclés, une physionomie plus ou ou moins ramassée, des systèmes génitaux plus ou moins visibles, un être de la même espèce, je me dis que, pour ce qui est de la terre et de l'animal, il nous reste encore quelques éternités à épuiser.


Citation :
Je doute... les intérêts de quelques uns prévalent le plus souvent .... par exemple qu'est-ce qui explique que nos gouvernants fassent construire de monstrueux espaces commerciaux sur les terres à blé les plus riches de la planètes ? L'idée que notre monde va avoir du mal à nous nourrir tous?

Je ne saurais dire à quel point je te rejoins sur ce point.


Dernière édition par Dérinoé le Lun 31 Aoû 2015 - 19:41, édité 2 fois
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MessageSujet: L'homme est un singe parvenu pour l'homme   Un peu de philo ? - Page 10 Icon_minitimeLun 31 Aoû 2015 - 7:14

(NOTA : mon message répond à son tour à Sethi et à Winter. Je ne dispose pas en effet d'une connexion libre, ce qui m'empêche de suivre le débat au fur et à mesure de son déroulement. Je m'excuse de ce décalage avec Dérinoé.)


L'homme constitue une espèce prédatrice, encore qu'il soit issu, non du monde carnassier, celui des loups ou des lions, mais du singe qui est plutôt végétarien. A cet égard, je serais une personne on ne peut plus proche de ma part animale puisque je suis végétarien – sans manger de poisson : a-t-on jamais vu un singe pêcher avec une ficelle comme instrument rudimentaire ? De la sorte, est-ce que ce ne serait pas avec le développement de ses facultés intellectuelles et ainsi de la civilisation que l'homme se serait mis à manger de la viande ? Dans The Inheritors, William Golding, auteur passionnant sur l'identité profonde de l'homme, imagine que ses héros néandertaliens mangent de la viande, dans les rares occasions où cela survient, avec mauvaise conscience, le ressentant comme quelque chose d'impur.

Quand Thomas Hobbes définit « l'homme comme un loup pour l'homme », on pourrait considérer que c'est de l'homme en tant qu'être civilisé dont il parle, celui qui est devenu carnassier en prenant pour insigne le loup, le lion ou l'aigle tel un parvenu de la force. Mais l'homme n'est ni lion ni aigle, et il demeurerait finalement bien un singe quelque peu frustre, dissipé et dilapidateur. S'il possède de la force, c'est grâce à des outils conçus par son intellect. Sans eux, il ne pourrait guère que prendre ses jambes à son cou devant un lion ou un loup, et qui sait peut-être, dans une telle situation, on le verrait en appeler à sa véritable part animale en essayant de grimper dans un arbre. Toutefois, n'ayant plus les membres adéquats, il se ferait finalement dévorer : plus d'homme pour ainsi dire, car ce qui le faisait homme, c'était d'être un singe ayant développé des outils et qui se prenait pour autre chose, certes, pour flatter son amour-propre.

Mais est-ce déplorable de descendre des singes ? Ne révèlent-ils pas une certaine inclination à la tranquillité et à la bonne humeur ? Ne nous sommes- nous pas quelque peu faux et névrotiques quant à notre image ? Prenons Le Livre de la Jungle où Mowgli, adopté par une meute de loups, arbore un port digne et fier, comme un être « marqué » par une noblesse qui en impose aux autres animaux, sauf aux singes méprisés pour leur paresse et  leur désinvolture.

Le bestiaire du Livre de la Jungle est certes symbolique et non naturaliste, il n'en resterait pas moins, à ce qu'il me semble du moins, révélateur d'une vision idéaliste de l'homme comme un être au faîte de l'ordre naturel, vision contraire à la théorie darwiniste qu'a évoqué Sethy où aucune espèce n'est considérée comme ayant plus de valeur que les autres. Il ne faut pas confondre la chaîne alimentaire avec une pyramide métaphysique.

En tous les cas, comme l'homme descend du singe, et non du loup, Rudyard Kipling aurait peut-être été davantage inspiré en le faisant arborer, en résonance avec la nonchalance de sa véritable parenté, un port droit et souple, comme un être « marqué » par une décontraction modeste de bon aloi.

Par décontraction, je n'entends pas la coolitude qui signe notre société de consommation et amollit les individus face à tous les problèmes de notre époque de sorte qu'ils s'en remettent volontiers aux législateurs et aux scientifiques pour les résoudre.   Rudyard Kipling aurait sans doute eu à nouveau de quoi tourner en ridicule les singes de nos jungles urbaines, singes carnivores, motorisés, avides de jeux et obnubilés par les contacts sociaux, le plus souvent superficiels, alors qu'ici et là le monde s'effrite sous un soleil tapant toujours plus dur et que tant d'animaux sont maltraités pour le plaisir, et non pas seulement la santé, de tels parangons de l'échelle alimentaire. Bien sûr, je suis excessif et satirique. Malheureusement, comme depuis toujours en fait, être à la fois fort sans être dominateur, mais responsable, et intelligent sans être vaniteux, mais lucide, reste quand même toute une éducation à faire pour notre espèce.

En pointant nos origines, je ne vise personne dans ce débat qui, je le répète, me frappe par sa qualité, de tous les côtés, et, pour ma part, enrichit mes réflexions sur la condition des animaux, y compris l'homme qu'on doit envisager dans sa nature trouble aussi bien que dans la situation complexe et terrible qu'il a générée au fil de bien de siècles incertains.

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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 10 Icon_minitimeLun 31 Aoû 2015 - 13:26

Les singes dont nous nous sommes séparés il y a environ 9 millions d'années, avaient un régime omnivore à dominante végétarienne, si on en juge par leurs descendants.
Ceci, joint aux études archéologiques qui ont pu traiter de l'alimentation, tend à montrer que l'homme ne s'est pas mis à manger de la viande, il en a semble-t-il toujours eu une part dans son alimentation, plus ou moins importante suivant les époques et les contextes, ce qui conduit certains à parler d'adaptivore voire de comportement opportuniste.
Par exemple, pendant les ères glaciaires, il était difficile de manger des fruits ou même des racines en hiver, d'autant que la demande calorique pour résister au froid augmentait, le régime est donc devenu plus carné - voire quasi exclusivement si on prend le cas de la société traditionnelle inuit). Ce qui n'empêche pas un respect de l'animal, voire une déification, des rites, des sacrifices, comme certaines civilisations (de nombreux peuples amérindiens, notamment me semble-t-il) ont pu le transmettre jusqu'à une époque récente.

Je n'ai pas lu l'écrit de Willam Golding dont tu parles mais il faut sans doute se méfier des interprétations à plusieurs millénaires de distance sur le dégoût.

J'ai par contre lu les théories les plus fantaisistes sur l"herbivorie de l'espèce humaine. J'ai même lu sur un blog que l'être humain avait des canines non saillantes, comme les principaux herbivores (sic). Il n'est pas facile de trouver des informations sérieuses sur le sujet.

Ceci dit, cela ne remet nullement en cause la légitimité du choix d'être végétarien et ne justifie pas non plus l'excès de consommation de viande que l'on constate à l'heure actuelle ni les problème de conditions d'élevage, transport, abattage etc... déjà largement commentés.
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 10 Icon_minitimeLun 31 Aoû 2015 - 15:00

(Je viens de voir la réponse de Miss Acacia, mais j'avais déjà rédigé en partie la mienne).

Je viens de lire sur le sujet des pré-hominidés et hominidés. Le glissement du régime herbivore vers l'omnivore se passe entre 7 millions et 2 millions d'années. A titre de comparaison l'homo sapiens apparait il y a 200.000 ans.

Pour ce qui est du singe, certaines espèces pratiquent la chasse en groupe, contre d'autres mammifères un peu plus petit que lui, voir contre ses propres congénères. Ici une vidéo qui illustre ce comportement (voir un peu après la 40ème minute, si vous avez le coeur bien accroché) : https://www.dailymotion.com/video/xjfurx_les-animaux-cannibales-documentaire-1994-attention-scenes-choquantes_animals . Le commentaire peut se discuter, mais pas les images et je suis désolé de le dire, je ne vois aucun signe de culpabilité dans leur attitude.

Je suis d'ailleurs bien embêté pour commenter la suite de ton intervention Leibgeber, dans la mesure où tu fais appel à des auteurs de fictions. Pour ma part, peu importe de qui on descend, loup, singe ou agneaux. Tous luttent pour la survie. J'en profite pour poser une autre question dérangeante. Aujourd'hui, qui survit ? Le loup ou le mouton ? Même élevé par la main de l'homme, il n'empêche que le mouton des pâturage vit, lui. Autre question tout aussi dérangeante, si on devient tous végétarien, quelle place laisserons-nous aux autres animaux ? Y en aura-t-il encore une ? Ici, je ne me place pas en tant qu'être "hautement" moral, mais bien d'observateur de notre monde tel qu'il est.
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 10 Icon_minitimeMar 1 Sep 2015 - 1:57

@ Leibgeber:

Citation :
(NOTA : mon message répond à son tour à Sethi et à Winter. Je ne dispose pas en effet d'une connexion libre, ce qui m'empêche de suivre le débat au fur et à mesure de son déroulement. Je m'excuse de ce décalage avec Dérinoé.)

Sans problème, Leibgeber. Mais merci d'avoir pensé à le préciser en préambule de ton message. Wink

@ Tous:

J'ai lu toutes vos interventions et il me semble que, pour intéressants que soient les débats portant sur l'évolution de l'espèce humaine, ils demeurent à la périphérie de la question centrale posée par la pensée antispéciste, à savoir: est-il philosophiquement justifié de considérer la barrière de l'espèce comme un motif de discrimination positive et négative, que ce soit sur un plan moral ou juridique?

Bien que les positions respectives formulées par Leibgeber et par Sethy soient tout à fait opposées, les arguments avancés présentement par les deux parties repose sur l'imbrication prétendument évidente des deux hypothèses suivantes:

I) D'abord, il existe une loi naturelle prédéterminant le comportement des espèces, la nôtre y compris.
II) Ensuite, il est rationnellement justifié de considérer cette loi naturelle comme une directive de vie quant aux rapports que nous entretenons avec le monde en général, et avec les différentes espèces en particulier.

La divergence des positions respectivement adoptées par Leibgeber et par Sethy vient de ce que chacun d'eux adhère à une vision différente de la constitution biologique de l'Homme, la conclusion éthique ou juridique susmentionnée variant en conséquence elle aussi. Mais, dans un cas comme dans l'autre, chacun d'eux tend à inférer la justification d'un mode de vie bien précis - l'un antispéciste, l'autre spéciste - à partir d'une conception supposée des lois naturelle régulant la vie humaine.

Or, au sein du débat qui nous divise, ce sont en réalité deux autres options qui s'offrent à chacun de nous.

1) Soit, contrairement à Leibgeber ou à Sethy, nous nions pour quelque raison scientifique l'existence d'une loi naturelle régissant le comportement fondamental de l'être humain au sein de son environnement, règnes animal et végétal compris. Auquel cas, le débat consistera essentiellement à déterminer, arguments à l'appui, si, oui ou non, cette loi naturelle existe.
2) Soit, à l'instar de Leibgeber et de Sethy, nous admettons pour quelque raison scientifique l'existence d'une loi naturelle régissant le comportement fondamental de l'être humain au sein de son environnement, règnes animal et végétal compris. Auquel cas, le point nodal du débat consistera à démontrer par des arguments d'ordre métaphysique ou éthique qu'à partir de ladite loi naturelle, nous sommes parfaitement en droit de considérer nos comportements spontanés ainsi que nos pulsions comme le socle de règles de conduite, tant pour l'individu que pour la société entière.

Sur le plan de l'argumentation, cette seconde démonstration reposerait donc sur deux deux pans distincts :

2a) Tout d'abord et comme je viens de l'écrire, la démonstration selon laquelle la nature, telle qu'elle nous modèle et nous prédétermine génétiquement, peut et doit constituer le fondement de nos lois éthico-juridiques. Ou, pour prendre un exemple concret, il faudra que les tenants de cette thèse expliquent pourquoi des pulsions telles que la mise à mort et l'exploitation des animaux pour notre seul profit peuvent constituer la base d'une organisation sociale juste et sensée.
2b) Ensuite, une clarification quant au statut accordé à la nature en tant que principe régulateur au sein même de l'espèce humaine. Ou, pour prendre un exemple concret, il faudra que les tenants de cette thèse expliquent si, oui ou non, les principes de domination inhérents à notre espèce doivent également s'exercer entre humains ou si, au contraire, ils ne sont légitimes que dans le traitement de la question animale. Si tel devait être le cas, il leur faudrait alors justifier - rationnellement - du recours à la loi naturelle dans le seul cadre des rapports interspécifiques, et non au sein de l'espèce humaine également.



***


Pour conclure, je reviens très rapidement sur un texte ancien déjà mentionné au cours de cette discussion, à savoir le Gorgias de Platon. Dans ce dialogue où Socrate se confronte, sur la question de la vie juste, à trois interlocuteurs successifs, Calliclès, rhéteur farouchement opposé à la démocratie, défend l'idée selon laquelle une société saine ne saurait être guidée que par le principe de nature, avec ce qu'il comprend de hiérarchisation infrangible, de domination tous azimuts et, par conséquent, d'inéquité de traitement parfaitement assumée.

Je reproduis ci-après un extrait du texte, traduit en français,* dans lequel Calliclès expose pour Socrate sa conception de la vie juste:


Platon a écrit:
CALLICLÈS:

"C'est cela même, Socrate. Comment, en effet, un homme serait-il heureux, s'il est asservi à quoi que ce soit? Mais je vais te dire avec toute liberté ce que c'est que le beau et le juste dans l'ordre de la nature. Pour mener une vie heureuse, il faut laisser prendre à ses passions tout l'accroissement possible, et ne point les réprimer; [492a] et lorsqu'elles sont ainsi parvenues à leur comble, il faut être en état de les satisfaire par son courage et son habileté, et de remplir chaque désir à mesure qu'il naît. C'est ce que la plupart des hommes ne sauraient faire, à ce que je pense ; et de là vient qu'ils condamnent ceux qui en viennent à bout, cachant par honte leur propre impuissance. Ils disent donc que l'intempérance est une chose laide, comme je l'ai remarqué plus haut, ils enchaînent ceux qui ont une meilleure nature, et, ne pouvant fournir à leurs passions de quoi les contenter, ils font, par pure lâcheté, l'éloge de la tempérance [492b] et de la justice. Et, dans le vrai, pour ceux qui ont eu le bonheur de naître d'une famille de rois, ou que la nature a faits capables de devenir chefs, tyrans ou rois, y aurait-il rien de plus honteux et de plus dommageable que la tempérance? Tandis qu'ils peuvent jouir de tous les biens de la vie, sans que personne les en empêche, ils se donneraient eux-mêmes pour maîtres les lois, les discours et la censure du vulgaire? Comment cette beauté prétendue de la justice et de la tempérance [492c] ne les rendrait-elle pas malheureux, puisqu'elle leur ôterait la liberté de donner plus à leurs amis qu'à leurs ennemis, et cela tout souverains qu'ils sont dans leur propre ville? telle est, Socrate, la vérité des choses, que tu cherches, dis-tu. La volupté, l'intempérance, la licence, pourvu qu'elles aient des garanties, voilà la vertu et la félicité. Toutes ces autres belles idées, ces conventions contraires à la nature, ne sont que des extravagances humaines, auxquelles il ne faut avoir nul égard. [492d]"

SOCRATE:

"Tu viens, Calliclès, d'exposer ton sentiment avec beaucoup de courage et de liberté : tu t'expliques nettement sur des choses que les autres pensent, il est vrai, mais qu'ils n'osent pas dire. Je te conjure donc de ne te relâcher en aucune manière, afin que nous voyions clairement quel genre de vie il faut embrasser. Et dis-moi, tu soutiens que, pour être tel qu'on doit être, il ne faut point gourmander ses passions, mais leur lâcher la bride, et se ménager d'ailleurs de quoi les satisfaire ; et [492e] qu'en cela consiste la vertu."


Platon, Gorgias, 491e-492e, traduction de Victor Cousin in Oeuvres de Platon, Tome III, 1821, pp. 314-315.

Il faut bien comprendre que, sans être contraints d'épouser toutes les vues de Calliclès, c'est à un mode de vie similaire qu'invitent ceux pour qui la biologie doit légitimement façonner notre mode de vie éthique et politique. À l'instar de Socrate, j'invite donc les tenants de cette position à argumenter pour leur thèse avec "courage et liberté" et à ne se "relâcher en aucune manière, afin que nous voyions clairement quel genre de vie il faut embrasser".

*Vous pouvez consulter la traduction de Victor Cousin, aujourd'hui tombée dans le domaine public, sur le site du regretté Philippe Remacle, universitaire belge ayant compilé, classé et mis en ligne un nombre très important d'éditions grecques et de traductions françaises désormais disponibles sur la Toile gratuitement. Retrouvez donc l'extrait susmentionné sur Remacle.org, en cliquant ici.



***


Quoi qu'il en soit de nos avis sur nos ancêtres néandertaliens ou sur le fonctionnement du règne animal, tel que nous l'observons aujourd'hui, il faut bien garder à l'esprit que c'est à cette question-là, et non à d'autres, que l'antispécisme nous enjoint de répondre: à supposer que la loi naturelle existe, notre éthique et nos Législations doivent-elles, oui ou non, dériver de la loi naturelle en question?

À vous lire. Wink
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MessageSujet: Ménage à trois   Un peu de philo ? - Page 10 Icon_minitimeMar 1 Sep 2015 - 12:13

Merci pour les informations données par MissAcacia et Sethy sur le comportement alimentaire de l'homme et des primates au fil du temps. Mon texte était ironique, j'espère que ce ton était sensible. Je ne suis pas devenu végétarien pour « retrouver ma part animale » de singe, je rebondissais sur les propos précédents à cet égard, mais à cause des abominations de l'élevage industriel. Peut-être celles-ci ont-elles été déjà « largement commentées », pour reprendre MissAcacia, peu voire rien n'est fait, notamment parce que la question de la condition animale n'est pas seulement morale et écologique, elle est aussi économique. En témoigne la révolte des éleveurs tout au long de cet été contre le prix d'achat trop faible imposé par les grands distributeurs. Le débat ne s'est certes pas porté sur le prix que les animaux, eux, paient et ainsi les habitudes des consommateurs. Si elles n'évoluent pas, les animaux seront toujours maltraités comme dans une spirale infernale.

Ironique étais-je donc. Je ne prétends pas que l'homme descend de primates dénués d'agressivité, elle fait certes partie de la nature de toutes les espèces. Toutefois, elle a une fâcheuse tendance à causer du tort si on la laisse prendre le pas sur le reste, chacun en a sans doute fait l'expérience regrettable. A cet égard, l'homme se distingue par ses capacités à méditer et à changer même s'il pâtit alors aussi, d'une part, de ses passions, comme la vanité en étant porté à se croire plus beau qu'il n'est, d'autre part de son environnement culturel. C'est dans cette perspective que j'ai évoqué Rudyard Kipling et Le Livre de la Jungle comme symptomatique d'une manière idéalisée d'envisager l'essence de l'homme, ou du moins celle du gentleman achevé, car Rudyard Kipling ne manquait pas de lucidité sur les faiblesses des hommes moyens, pour ne pas dire de misanthropie...

Quant à ma référence à William Golding, je l'ai faite parce que la psyché humaine reste à connaître véritablement. N'est-ce pas, la science psychologique est loin d'être unifiée et ce que William Golding s'est figuré ne manque pas d'intérêt à mon sens. Tous les auteurs que j'ai cités, de façon malicieuse de part leurs origines britanniques, Hobbes, Darwin, Kipling et Golding, ont réfléchi sur la nature profonde de l'homme. Je pourrais encore évoquer H.G. Wells aujourd'hui comme je poursuis la lecture de L'Amour et Mr. Grisham (roman intelligent, drôle et poétique que je recommande) où il est question de « la lutte pour l'existence », idée populaire au 19ème siècle et au début du 20ème chez les Britanniques (on la retrouve chez Charlotte Brontë – et de six !), mais passons.

Pour répondre à Sethy, je n'ai jamais affirmé que chacun devait devenir végétarien. Pour moi, c'est d'abord à chacun de voir en y réfléchissant profondément. Toutefois, si l'on a un peu de cœur, la situation actuelle des animaux ne peut qu'apparaître intolérable et devrait faire vouloir son amélioration, ce qui passerait par une modification des habitudes de chacun, j'insiste. Je ne crois pas que les législateurs se mettraient d'accord pour établir de nouvelles lois de manière autoritaire, comme dans certains domaines, tant les animaux sont comptés pour peu dans notre culture.

Le cœur. Un peu de cœur tout simplement et être conséquent avec lui. Malheureusement, beaucoup en ont, mais n'ont pas conscience du sort des animaux comme nous en sommes coupés : c'est au supermarché, et non dans les bois, que les hommes trouvent leur viande produite loin des regards.

Pour répondre enfin à Dérinoé, sur quoi fonder des lois sinon la psyché humaine ? Sur Dieu ? Certes, seulement faut-il avoir la foi, et encore faut-il alors ne pas se tromper sur le message divin. Sur de grands principes comme la Justice ? Mais comment être juste si on ne tient pas compte des uns et des autres ? Je suis bien obligé de m'accorder, tout végétarien que je suis, avec ceux qui considèrent les équilibres naturels. Quand un prédateur disparaît à cause de l'homme, ses proies ont tendance à proliférer, comme les sangliers dans certaines de nos régions, ce pourquoi on pratique des chasses régulatrices, même si des campagnes de stérilisation seraient moins cruelles, ce qui serait alors une affaire de moyens et donc de choix faits par la société.

Je crois qu'elle pourrait faire ceux qui respectent davantage les animaux, ils seraient plus conformes à la part de bonté existant indubitablement chez l'homme. C'est d'elle dont dépend le sort des animaux aussi que de la force avec laquelle elle est assumée, individuellement et collectivement. A cet égard, Dérinoé a été inspirée avec son passage de Platon : si nos appétits peuvent nous incliner à dévorer de la viande, nous ne nous réduisons pas à eux. La raison peut élever sa voix pour inciter à la tempérance, le cœur à l'empathie.

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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 10 Icon_minitimeMar 1 Sep 2015 - 13:18

Je ne crois pas à une "loi naturelle". Si j'utilise le mot croire, c'est à dessein. Car il s'agit pour moi de croyance. Je ne crois pas non plus au fait que la nature recèle une sorte d'harmonie dont l'homme moderne aurait perdu la clé. C'est pour moi, également une vision déiste. Il n'y a pas eu et il n'y a pas de "main" qui a mis tout ça en place. Il faut voir le problème dans l'autre sens : la vie a utilisé ce qu'elle avait à disposition, ce qui ne garanti nullement que la nature dispose de ces ressources ni en quantité, ni en qualité. Ni d'ailleurs que la "solution" trouvée par la nature est la plus efficace. C'est le hasard qui prédomine. C'est pour ça que j'ai mis entre guillemet "loi naturelle" dans ma première phrase. Ce n'est pas le moi loi qui me dérangeait, mais l'association des deux qui pouvait laisser entendre une forme de transcendance. Plutôt qu'une loi, je me livrerais à une constatation. Quand j'observe le vivant, j'ai l'impression qu'il "utilise tout ce qui est à sa disposition pour survivre".

Un exemple qui me parait intéressant est celui des alpages et de la vie en autarcie. Imagine-t-on meilleur image que celle de l'homme intégré à son environnement que celui de cette vie au grand air ? Sauf que, ces populations manquaient d'Iode, ce qui engendrait des maladies comme le crétinisme ou l'hyperthyroïdie. Pourquoi manquaient-elles d'Iode ? Car le sel "gemme" (cristallisé) dont elle disposait était tellement pur, qu'il ne contenait pas d'Iode, contrairement au sel marin. C'est ça le hasard.

Quand on parle de la part d'animalité dans l'homme, c'est réducteur. C'est juste parce que les animaux sont des prédateurs (mobiles), mais les végétaux sont mus par les mêmes besoins. Y a-t-il de meilleur exemple que celui des plantes ... carnivores ? Ces plantes vivent dans (je crois) des tourbières, pauvre en azote qu'elles trouvent dans les animaux que leurs sucs digèrent.

Pour moi, on ne pouvait pas avoir ce débat "spéciste vs anti-spéciste", sans préciser ces points qui me semblent essentiels.

Tout comme on ne peut pas réduire l'humain à cette seule vision, on ne peut pas s'en affranchir. Placé dans des conditions favorables (comme nous, qui avons du temps à consacré à ces débats), l'humain peut effectivement "s'élever", mais si on en vient à supprimer ces conditions favorables, l'instinct de survie reprendra le dessus sauf peut être chez de très rares individus.

D'où me vient cette idée que le cannibalisme est à proscrire (car finalement, n'est-ce pas ça la question de ce débat) ?

Je pense qu'elle est à la fois culturelle (ou collective), à la fois apprise (ou personnelle) mais également instinctive. Ceci dit, il y a quelques dizaines d'années, des survivants à un crash d'avion n'ont du leur salut qu'à la consommation de viande humaine. Devrais-je condamner leur comportement ?

http://www.lepoint.fr/c-est-arrive-aujourd-hui/20-decembre-1972-bien-avant-chabal-il-existait-deja-des-rugbymen-cannibales-dans-les-andes-20-12-2012-1604056_494.php

Voilà typiquement ce que je voulais montrer et où l'instinct de protéger l'espèce en entier fait face à un instinct encore plus fort : celui de survie individuelle. C'est un peu comme ces coquillages en spirale, chaque compartiment protège les compartiments précédents.

L'humain devrait être soutenu, protégé, en tout temps, en tout lieu et en toutes circonstances, mais c'est déjà une utopie. Indubitablement la place de l'animal est encore moins bonne. C'est probablement la, la racine de notre désaccord et pourquoi, j'ai difficile avec cette manière de séparer les choses entre spéciste et anti-spéciste, car la séparation elle-même m'apparait totalement artificielle et utopique.

Il y a un absolu, dans la position qui veut qu'on assimile droits des animaux et droits des humains qui fait que je ne peux pas adhérer. Absolu, qui me rappelle d'ailleurs une forme de croyance.

Et c'est probablement ça, l'absence d'absolu (ou si vous voulez, de croyance) que je me suis employé à montrer.
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 10 Icon_minitimeMar 1 Sep 2015 - 22:41

@ Leibgeber:

Citation :
Le cœur. Un peu de cœur tout simplement et être conséquent avec lui.

Je comprends l’idée, Leibgeber, mais, pour ma part, j’ai toujours quelques réticences à en appeler aux sentiments, et ce parce qu’ils s’imposent ou se dérobent selon des configurations mentales qui ne sont pas de notre plein ressort. Si, face au spectacle de la condition animale, une personne n’est pas frappée des mêmes émotions que toi, il te sera sans doute très difficile de lui transmettre par voie de parole la compassion, la colère ou l’effroi qui t'animent dans certains cas. Et inversement, du reste, puisque les sentiments d'un antispéciste, pour sincères qu'ils soient, ne sauraient, par rayonnement, transfigurer tes réactions les plus viscérales pour te rallier ainsi à la cause opposée. De même qu’il me paraît impossible de transvaser la foi dans un être qui en est dépourvu par la simple descriptions de ses croyances religieuses les plus profondes. Ni les émotions, ni la foi, quelle qu’elle soit, ne sont dépourvus de valeur mais, dans un débat d’ordre philosophique, elles demeurent une modalité de vie et de pensée difficilement audible pour celui qui ne les partage pas déjà. Et ce de quelque bord que l'on soit.

C’est pour cette raison que, dans un échange comme le nôtre, je privilégierais toujours le recours aux arguments, lesquels sont susceptibles d’être acceptés ou contredits sur la base de ces terrains communs que constituent la logique, la rigueur et la cohérence intellectuelles. Je ne crois par que la rationalité soit supérieure au cœur que tu préconises toi-même mais elle bénéficie d’un avantage de poids, dans un échange dialectique : tous, nous en sommes dotés, si bien qu'elle permet à des êtres excessivement différents, issus de tous bords et de tous horizons, de se comprendre, de se rejoindre et de s’opposer sur des codes intellectuels communs.


Citation :
Malheureusement, beaucoup en ont, mais n'ont pas conscience du sort des animaux comme nous en sommes coupés : c'est au supermarché, et non dans les bois, que les hommes trouvent leur viande produite loin des regards.

Sans aucun doute. Loin des yeux, loin du cœur : l’adage est valable en cette sorte de choses également.

Citation :
Pour répondre enfin à Dérinoé, sur quoi fonder des lois sinon la psyché humaine ? Sur Dieu ? Certes, seulement faut-il avoir la foi, et encore faut-il alors ne pas se tromper sur le message divin. Sur de grands principes comme la Justice ?

Je suis bien d’accord avec toi, Leibgeber. Quand on a refusé aux lois de la nature le statut de principes directeurs en matière de moral et de Droit, on n’a encore rien dit des fondements que l'on aimerait voir favorisés en ces deux domaines. Encore faut-il déterminer quelles valeurs morales nous souhaitons privilégier et, dans un même temps, à quels types de raisonnement nous entendons adosser notre Législation.

La réponse ne s’impose pas d’elle-même – et c’est du reste pourquoi nous en discutons présentement – mais cette absence d’évidence ne nous contraint en aucun cas à considérer les comportements, les pulsions et les hiérarchies que nous croyons ou savons naturels comme des fondements de notre éthique et de nos Lois. En tous temps, en tous lieux, il est permis à l'Homme de développer un mode de vie plus ou moins naturel, qu'il s'agisse de la question animale ou d'éthique en général.


Citation :
Mais comment être juste si on ne tient pas compte des uns et des autres ? Je suis bien obligé de m'accorder, tout végétarien que je suis, avec ceux qui considèrent les équilibres naturels. Quand un prédateur disparaît, ses proies ont tendance à proliférer, comme les sangliers dans certaines de nos régions, ce pourquoi on pratique des chasses régulatrices, même si des campagnes de stérilisation seraient moins cruelles, ce qui serait alors une affaire de moyens et donc de choix faits par la société.

Certes. Mais, sur ces questions, voilà comment je vois les choses : si la société en venait un jour à admettre la pertinence de la pensée antispéciste et, partant, l’obligation morale de préserver toute vivant comme nous préservons la vie humaine, elle commencerait par éradiquer et par punir un certain nombre de maltraitances et de mises à mort considérées comme clairement injustifiées, avant de se pencher, dans un deuxième temps, sur les problèmes écologiques très complexes que tu mentionnes et qui, eux, exigeront en effet de très longues réflexions.

Mais avant que d’en arriver à ces débats complexes, subtiles et éminemment techniques où biologistes, ingénieurs, urbanistes et spécialistes du monde animal seront les premiers à devoir s’exprimer, il y aurait déjà un certain nombre de réformes juridiques susceptible d'être instauré à moindre frais, d'un point de vue intellectuel.


Citation :
(...) si nos appétits peuvent nous incliner à dévorer de la viande, nous ne nous réduisons pas à eux. La raison peut élever sa voix pour inciter à la tempérance, le cœur à l'empathie.

Tout à fait, c’était bien l’idée de ce passage. Ce qui me frappe, dans notre débat, c’est que la totalité des participants, tous bords confondus, semble acquise à des principes progressistes plutôt éloignés des injonctions naturelles qui gouverne la vie de l'Homme aux seules fins de survie et de domination. Or, étonnamment, lorsqu'il s'agit des animaux, ces dispositions politiques égalitaires ne suffisent pas éliminer d’elles-mêmes l’argument des "lois naturelles" très souvent évoqué, sous une forme ou sous une autre, au sein de ce débat. Pour ma part, j'y décèle une forme de contradiction interne puisqu'en recourant au principe de domination interspécifique pour fonder notre Droit en matière d'animaux, les spécistes devraient logiquement l'intégrer à la vie en communauté humaine et, ainsi, offrir à nos instincts les plus répandus de forger les Lois de nos cités.

Durant l’Antiquité classique, Calliclès, comme certains Sophistes également, a défendu l’idée d’une cité développée sur le modèle de la loi naturelle régissant les espèces. Mais, comme on le constate en lisant l’extrait du Gorgias susmentionné, un tel gouvernement justifierait des comportements que peu, ici, serait prêt à accepter, horrifié, face aux humains, des actes qu'ils admettent très bien sur des animaux.

Pour moi, tout le paradoxe est là.


@ Sethy :


Citation :
Je ne crois pas à une "loi naturelle". Si j'utilise le mot croire, c'est à dessein. Car il s'agit pour moi de croyance. Je ne crois pas non plus au fait que la nature recèle une sorte d'harmonie dont l'homme moderne aurait perdu la clé. C'est pour moi, également une vision déiste. Il n'y a pas eu et il n'y a pas de "main" qui a mis tout ça en place.

À ma connaissance, l’expression de "loi naturelle" ne présuppose, ni n’implique aucun cas l’idée d’un esprit transcendant, lequel régulerait la marche du monde et des êtres selon une pensée consciente organisée. Pour moi, l’expression – que je croyais par ailleurs consacrée parmi les spécialistes de la biologie – renvoie simplement à l’existence de rapports de causes à effets systématiques (ou, à tout le moins, réguliers) inhérents à la nature, c’est-à-dire présents dans la configuration et les mécanismes même du vivant, indépendamment de toute interventionnisme externe. Pour le dire autrement, elle recouvre pour moi un certain nombre de principes d'auto-régulation, attribuables à la constitution "génétique" du vivant.

À titre d’exemple, la volonté de survie conduit nombre d’espèces à certains comportements tranchés, permettant d’assurer, soit à titre individuel, soit au regard de l'espèce, le prolongement et la préservation de la vie, contre la menace d'une possible disparition.

Ainsi, nombres d’espèces vivant en groupes ont-elles tendance à se délester plus ou moins rapidement des membres incapables de concourir activement au fonctionnement de la bande : au-delà de toute notion éthique, elles évacuent ainsi un danger et une menace potentiels en se débarrassant instinctivement des individus malades, blessés, handicapés, dangereux ou inaptes à la vie sociale. De même, il semble que, dans une immense majorité de cas, les partenaires se sélectionnent sur un ensemble de critères objectifs (généralement lié à la vaillance, la robustesse, la puissance, l'endurance et la capacité de domination), ce dans la recherche d’une procréation viable et efficace, laquelle, au-delà de l'existence individuelle, offre une garantie de survie pour l’espèce.

Ainsi, cette loi naturelle que constitue le désir, impérieux, de la survie engendre-t-elle, à titre de cause, des actes et des comportements instinctifs et spontanés, pulsions dirigées qui, pour autant que je sache, ne témoignent pas de la présence d'un esprit créateur au-dessus de nos têtes.

D'ailleurs, dans un même genre d’idée, je suppose que le processus des structures dissipatives et de l’entropie que tu décrivais toi-même il y a quelques jours procède lui aussi de cette loi naturelle souveraine qui est celle de la survie.


Citation :
Il faut voir le problème dans l'autre sens : la vie a utilisé ce qu'elle avait à disposition, ce qui ne garanti nullement que la nature dispose de ces ressources ni en quantité, ni en qualité. Ni d'ailleurs que la "solution" trouvée par la nature est la plus efficace. C'est le hasard qui prédomine.

Je ne crois pas qu’il y ait contradiction entre l’existence du hasard et la prévalence d'un certain nombre de lois naturelles au sein du vivant.

Citation :
C'est pour ça que j'ai mis entre guillemet "loi naturelle" dans ma première phrase. Ce n'est pas le moi loi qui me dérangeait, mais l'association des deux qui pouvait laisser entendre une forme de transcendance.

Cette récupération existe bel et bien au sein de certains cercles de croyants qui, de la constatation des mécanismes propres à la nature, infèrent une injonction divine de comportement. (Tu noteras que ce sont généralement les mêmes qui, par ailleurs, prônent la continence sexuelle, le jeûne et l’aumône, toutes formes d’attitudes récurrentes au sein des espèces, comme chacun peut le constater.)

Citation :
Plutôt qu'une loi, je me livrerais à une constatation. Quand j'observe le vivant, j'ai l'impression qu'il "utilise tout ce qui est à sa disposition pour survivre".

Je crois bien que c’est ce que l’on pourrait appeler une loi naturelle, Sethy.

Citation :
D'où me vient cette idée que le cannibalisme est à proscrire (car finalement, n'est-ce pas ça la question de ce débat) ?

Ce que j’aimerais comprendre, surtout, c’est d’où te vient cette idée de cannibalisme tout court, dans un débat où le seul point lié à l’alimentation oppose régime carné et régimes non-carnés ?

D'autre part, je dois te dire qu’au terme de plusieurs jours d’échanges et de débats, je me demande comment tu en arrives à réduire la question éthique et politique protéiforme posé par l’antispécisme au seul problème du type d'alimentation socialement admis. À toutes fins, je te renvoie au récit sur lequel j’ai ouvert la discussion et qui, comme tu dois l’avoir compris, ne traite ni de cannibalisme – que les employés du Service public se rassurent –, ni de végétarisme, ni même de nutrition en général.


Citation :
L'humain devrait être soutenu, protégé, en tout temps, en tout lieu et en toutes circonstances, mais c'est déjà une utopie.

Pourquoi ?

Qu’y a-t-il de si estimable, de si bon, de si juste dans la vie humaine pour qu’elle puisse susciter en nous un instinct de protection généralisé que les autres espèces – animales et végétales – n’ont pas su s’attirer jusqu'à aujourd'hui ? Quel mérite extraordinaire reconnais-tu aux humains dans leur ensemble pour vouloir leur offrir une protection "en tout lieu et en toutes circonstances" quand tant d'entre eux passent leur vie à détruire et à saccager de la plus belle manière ce qui les entoure.


Citation :
Indubitablement la place de l'animal est encore moins bonne. C'est probablement la, la racine de notre désaccord et pourquoi, j'ai difficile avec cette manière de séparer les choses entre spéciste et anti-spéciste, car la séparation elle-même m'apparait totalement artificielle et utopique.

Sethy, tu démontres une propension aussi naturelle – exceptionnellement, je ne parlerai pas de loi – que désarmante à pontifier. Et par là, je veux dire qu’au lieu d’expliquer et d’argumenter pour emporter la conviction de tes interlocuteurs, tu te contentes d’affirmer, de manière gratuite et péremptoire, des énoncés qui, parce qu’ils sont pour toi évidents, te semblent pouvoir se passer de démonstration au yeux du monde.

Si tu le permets, j’aimerais te rappeler que, lorsque notre échange a été interrompu, je venais d’expliquer, longuement et pour la seconde fois, pourquoi il ne saurait y avoir pour moi de troisième voie philosophique en la matière, toute position tombant nécessairement soit dans le spécisme, soit dans l’antispécisme.

Pour mémoire :


Sethy, puis Dérinoé a écrit:
Sethy a écrit:
Je profite de cette occasion pour préciser un élément. "Vous" me qualifiez de "spéciste" ou "anti-spéciste". Je ne suis pas d'accord avec cette vision dichotomique (bien que j'ai l'impression que je devrais écrire : manichéenne) des choses. Je pense que ces sujets sont beaucoup plus subtils et qu'il n'est pas possible de les réduire à ces simples notions.

Dérinoé a écrit:
Tout d'abord, je crois, en effet, que les questions qui nous occupent ne permettent que deux positionnements philosophiques: le spécisme et l'antispécisme. De ce fait, Sethy, la position que tu défends hic et nunc te place résolument du côté des spécistes.

Du reste, je te pose la question, Sethy : quelle serait cette fameuse alternative dont tu soulignes la subtilité? Pourrais-tu, en quelques termes clairs, définir une position qui, sans être ni spéciste, ni antispéciste, relèverait d'une pensée complètement alternative sans tomber dans aucun des deux éventails en présence? Je pense qu'en formulant une telle position de manière structurée et analytique, tu éclairerais à profit un point litigieux.

Maintenant, selon moi, tu confonds la palette de nuances offerte par chacune des deux positions avec l'existence d'une troisième voie, laquelle constituerait un intermédiaire valide, indépendant du spécisme et de l'antispécisme tout à la fois. Sur ce point, tu te trompes. Comme chaque pensée philosophique et à l'instar, par exemple, du Libéralisme, du Socialisme ou du Féminisme, le spécisme et l'antispécisme possèdent tous deux une gamme de couleurs assez importante, laquelle va du radicalisme le plus strict à la modération la plus pondérée, et ce en passant par un nuancier intellectuel excessivement fin. Et j'ajoute que, malgré leur opposition fondamentale, un spéciste hyper-modéré se trouvera sans doute plus proche d'un antispéciste hyper-modéré que d'un spéciste radical. À titre de comparaisons, la chose se vérifie du reste très bien en politique où, sur un certain nombre de points, la Droite douce rejoint plus volontiers la Gauche centriste que la Droite la plus libérale ou la plus dure.

Mais, quelle que soit la richesse du nuancier proposé, cette vaste palette connaît une rupture, nette et radicale, en son milieu, laquelle départage l'éventail en deux demi-lunes symétriques: l'une relevant du spécisme, l'autre de l'antispécisme, et ce indépendamment de leurs variantes intrinsèques. Le point de rupture, et les spécistes de ce débat le formule de manière explicite, revient à considérer que, pour des raisons diverses et variées, le vivant connaît une hiérarchie et un ordonnancement naturels, lesquels sont aujourd'hui légitimement répercutés par la morale et par la Loi. C'est grosso modo cette thèse-là qui oppose de manière univoque les deux parties du débat et, pour ma part, je ne connais aucun philosophe, ni aucun débatteur sérieux ayant esquissé de troisième voie sur cette question.

Pour moi, soit tu considères que, sur la base d'arguments divers et variés, les Droits octroyés aux êtres humains doivent être étendus à d'autres catégories du vivant, soit, à l'inverse, tu estimes que notre Législation a raison de se faire le relai de l'ordre naturel, lequel, dans une implacable téléologie, hiérarchise de lui-même les différentes strates du vivant. Mais d'entre deux, guère. Selon la bonne vieille loi de non-contradiction formulés par Aristote il y a quelques lunes déjà, il est logiquement impossible de maintenir une position selon laquelle l'Homme doit exercer sa domination sur les autres espèces et ne le doit pas. De même, il serait intenable de défendre l'idée que les animaux mérite une protection éthico-légale les plaçant à égalité de traitement avec les êtres humains et ne le méritent pas.

Que tu concèdes aux animaux certains aménagements légaux ne fait pas de toi un antispéciste. Que je reconnaisse la difficulté énorme de préserver toutes les espèces en même temps sans tomber dans un large chaos économico-écologique ne fait pas de moi une spéciste non plus. Ce qui nous départage sur le fond, ce sont nos visions respectives du vivant et de sa place au sein de notre économie politique.

À toutes fins (il paraît que l'espoir est ce qui meurt en dernier), je me permets de reproduire ci-après les réponses déjà opposées à Winter sur ce sujet:

Spoiler:

Plutôt que d’affirmer que le problème est beaucoup plus « subtil » que je ne le suppose ou de considérer ma distinction comme « artificielle » et « radicale », je souhaiterais que tu aies le courage de répondre à ma question et de démontrer, arguments à l'appui, qu’il existe bel et bien une alternative claire, nette et univoque aux deux positions bien connues de tous.

Citation :
Il y a un absolu, dans la position qui veut qu'on assimile droits des animaux et droits des humains qui fait que je ne peux pas adhérer.

Le fait que tu rejettes cette assimilation démontre précisément que tu es un spéciste, Sethy, n’en déplaise à ta profonde subtilité. Comprends-tu que tu égrènes les énoncés contradictoires comme des perles sur un fil ? Tu rejettes le binôme exclusif du spécisme et de l’antispécisme, suggérant par là que tu adhères toi-même à une (mystérieuse) troisième voie, tout en offrant, par ton refus d'une refonte du Droit animalier, l’un des plus beaux aveux de spécisme qui soient.

Citation :
Absolu, qui me rappelle d'ailleurs une forme de croyance.

Sur ce point, tu démontres une malhonnêteté intellectuelle qui n'est pas à ton honneur.

TimesNewRoman, Leibgeber et moi-même, par des développements souvent longs et aussi étayés que possible, avons assez démontré que nous ne tenons pas l'antispécisme pour un dogme religieux intouchable dont le rejet constituerait une forme d'hérésie morale justifiant l'injure ou l'anathème. Et cela sans compter les nombreuses modulations, les doutes et les aveux d'ignorance concédés par chacun de nous sur les points les plus épineux du débat. Tu peux nous reprocher de ne pas être toujours suffisamment clairs ou de ne pas saisir tous les arguments qui nous sont opposés. En revanche, il me paraît parfaitement aberrant de nous comparer à une caste de prêtres obtus cherchant à stigmatiser, sans débat, sans argument et sans démonstration, tous ceux qui n'auraient pas le bon goût de partager nos vues. Dont j'ajoute par ailleurs qu'elles ne convergent sans doute pas sur tous les points.


Citation :
Et c'est probablement ça, l'absence d'absolu (ou si vous voulez, de croyance) que je me suis employé à montrer.

J’ai dû manquer le train. Je ne l’ai pas même vu passer. Mais il est vrai qu'en principe, je voyage plutôt à pied.


Dernière édition par Dérinoé le Ven 4 Sep 2015 - 18:28, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 10 Icon_minitimeMer 2 Sep 2015 - 10:41

Voici une info qui pourrais intéresser certain(e)s

La librairie Mollat organise une conférence de Michelle Serres au TnBA, à Bordeaux. Toutes les places ont déjà été réservées, du coup, la conférence sera filmée et retransmise en direct sur leur site Arrow

Çà se passera le vendredi 18 septembre à 18h Very Happy
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Winter
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 10 Icon_minitimeMer 2 Sep 2015 - 17:53

Dérinoé
Citation :
....t'est-il déjà arrivé, une fois adulte, de refuser certains principes fondateurs de ton éducation?....
Les principes fondateurs qui m'ont été inculqués?? non... J'ai remis en question certaines façons de voir ou de comprendre, notamment les autres; mais fondateurs? non. Pour ce qui est des animaux mon père nous a toujours interdit de les approcher[(basse-cour, chien ou chat, insectes (ah les cigales quand on en attrapait une...ça pouvait ronfler pour nous..)] tant que nous n'aurions pas intégré que ce n'était pas des jouets à notre bon vouloir, et ce n'était pas quelqu'un à qui on désobéissait facilement. Son regard bleu acier vous avez des teintes parfois .. !!  Razz  

Citation :
Mais c'est là tout le point du débat: doit-on se restreindre, pour l'animal, comme nous le faisons pour autrui - et, si non, pourquoi?
Je ne mange pas les êtres humains. Pourquoi s'en abstenir? Là encore il doit s'agir de préceptes ou tabous absolus mis en place il y a si longtemps...peu d'espèces le font: certains insectes et certains singes... mais peu en réalité. IL semble que ce soit une « loi » que nous partageons, en période d'accès normal à la nourriture.
Citation :
Pour moi, non. Par exemple, je reconnais à une personne profondément handicapée mentale les mêmes Droits - sinon plus encore - que ceux que l'Etat a l'heur de m'accorder, sans pour autant lui assigner les mêmes Devoirs, que ce soit sur un plan légal ou moral. De même pour un enfant ou une personne plongée dans le coma: il me paraît juste et équitable qu'ils disposent de Droits fondamentaux identiques aux miens sans que j'attende d'eux pour autant quelque symétrie que ce soit au niveau des Devoirs.
Il y a donc une situation de mise sous tutelle, de "minorité légale", d'immaturité patente qui classent certains  humains. Leur situation les situe de fait sous le joug d'autres humains, d'une administration ou de professionnels. On ne leur reconnait plus la possibilité de choisir pour eux m^mes, ils sont déchus d'un droit d'autonomie, on ne répondra pas positivement à certaines de leurs demandes...Ils seront dominés, de la façon la plus bienveillante possible, j'espère, mais ils les seront et le sont.
Irresponsables, les animaux sont dans cette situation de tutelle, de domination, le plus souvent, non ?
Citation :

Mais dans le monde dans lequel nous vivons, par la configuration d'une Loi que nous ne nous cherchons pas à amender, nous tolérons la maltraitance animale..
Si l'on parle des ces quantités incroyables d'animaux qui ont été abandonnés cet été plus encore que d'habitude, étrangement, c'est une maltraitance intolérable au sens où les gens doivent savoir quand ils prennent un animal de compagnie, que s'engager ce n'est pas comme sur sa console : il suffit de cliquer et c'est  «  game over ».. Doit-on en arriver au parcours du combattant qu'est l'adoption humaine qui prend des tournures ubuesque parfois? A voir!?!
Mais si l'on parle des animaux d'élevage, je rappelle qu'ils sont nés pour leur viande et que sans cela ils n'existeraient tout simplement pas. Je ne vais redire ce que je pense de la maltraitance en général...
Citation :
En revanche, pour l'amour ou la marche... En es-tu sûre? Pourrait-on survivre, au sens le plus strict du verbe, sans affection, aussi décharnée soit-elle, ni exercice physique aucun?
Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire. J'ai parlé de l'acte d'amour ou de balades en forêt, comme les pratiquent les passionnées "d- par-che-nous", qui vivent, parlent et ne pensent que par cela...chercher pas...un truc local.. affraid
Rien à voir avec l'affection, qui trouve toujours un support quoiqu’on face, ou de l'agitation, de l'exercice, qui se pratique n'importe où y compris en ville devant les vitrines...
Citation :
Il s'agit plutôt d'ajustements adaptés à chaque catégorie mais permettant à toutes d'obtenir une équité de traitement légale et morale, au moins pour les valeurs fondamentales
Qui seront les futurs êtres  qui décideront qui fait bien et qui fait mal? Quelles espèces mériteront et quelles autres peurront aller se faire voir??Une équité à géométrie variable, selon .... qui? Qui décidera? Au nom de quoi? qui aura-t-il de différent d'avec aujourd'hui? la frontière? et ceux qui sont de l'autre côté...pourquoi?
Je n'en suis pas. Mon système n'est pas  le meilleur, j'en conviens bien volontiers, mais il a le mérite d'une hiérarchie claire et bipolaire humains/non-humains-confondus. M^m si je ne soigne pas les araignées qui ont l'outrecuidance de s'introduire chez moi, dans la mesure du possible je les expulse sans dommage. Un jour peut être serai-je  obligée de les manger sous peine de perdre la vie.... Je suis le plus fort et je fais au mieux pour tous, en tout cas comme j'aimerais que l'on fasse pour les miens...

Citation :
Question suivante: pourquoi préserver la vie humaine dans son ensemble, et pas uniquement celle des personnes susceptibles de t'importer, à titre personnel ou politique? Pourquoi vouloir sauver ou cultiver l'existence d'êtres qui ne sont rien pour toi, qui peut-être même te répugneraient profondément si tu les connaissais mieux?
Dans l'ordre de choix, il est très clair, pour moi, qu'auront priorités ceux et celles qui me sont proches d'une manière ou d'une autre. S'il advient, à Dieu ne plaise, que je doive choisir au milieu d'étrangers, sans réfléchir je le ferai si c'est dans mes cordes, par ordre de facilitation, avec une attraction  privilégiée pour les enfants.... qui seront peut être de futurs assassins, c'est vrai et je le sais. Cela ne peut pas changer mon choix d'urgence, et je ne me sens nullement responsable. Au temps T je fais un choix rationnel selon des règles que me suis préétablies, si possible à froid. Après la vie choisit.
Citation :
Ne trouves-tu pas les capacités animales infiniment dignes d'admiration, elles aussi?
Et plus encore que je ne saurais dire, oui! Après je ne suis pas sûre qu'ils aient le choix. Qu'est qui prévaut aux nôtres et aux leurs? Ce que j’appelle  «  instinct » tu choisis de le nommer « pulsion ». On sent bien entre ces deux termes  le message un rien différent qu’ils portent, tu ne trouves pas. Les animaux ont droit à des instincts qui deviennent des pulsions chez l’humain. Parce que l’humain, supérieur, a le mental en théorie de relativiser et donc de se dominer au profit des autres. S’il ne le fait pas on le juge assujetti  à ses pulsions ! L’animal qui se laisse aller à détruire alors qu’il n’a pas faim, le fait par instinct de chasse…

Sethy a écrit:
la vie a utilisé ce qu'elle avait à disposition, ce qui ne garanti nullement que la nature dispose de ces ressources ni en quantité, ni en qualité. Ni d'ailleurs que la "solution" trouvée par la nature est la plus efficace. C'est le hasard qui prédomine.
Je mettrais quelques nuances. Je pense comme toi que le hasard est surement le plus souvent à la manœuvre, mais la sélection de ces nouveaux "possibles" ne lui doit rien. La "nature" est terriblement pragmatique et ne conserve que les plus forts ou les plus adaptés...elle sélectionne fichtrement et en permanence. Nul n'est certain de conserver sa place.
Citation :
Pourquoi manquaient-elles d'Iode ? Car le sel "gemme" (cristallisé) dont elle disposait était tellement pur, qu'il ne contenait pas d'Iode, contrairement au sel marin. C'est ça le hasard.
Là encore j'ai du mal à te suivre. Pour moi ce n'est pas un hasard. certains peuples ne se nourrissent que de poissons, parce qu'aucune autre protéine n'existe dans les alentours. Le hasard pour moi qui peut prévaloir à l'évolution, c'est ce singe qui goûte à une patate douce qui a roulée dans l'eau de mer, la trouve à son gout et décide dorénavant de tremper ses patates dans l'eau de mer. C'est ce qui explique que parfois au sein d'une m^m famille d'origine les groupes se scindent parce que leurs "meurs" ne sont plus en phase, entre les mangeurs de "patates salés", apprenant à leur petits cette pratique, et ceux qui ne les ont pas imité. Et point n'est besoin à une plante d'être carnivore pour prendre l'essentiel de la place, mon jardin et ma lutte incessante pour imposer du "fragile" dans un monde végétal de brute en parle savamment.
Citation :
Tout comme on ne peut pas réduire l'humain à cette seule vision, on ne peut pas s'en affranchir. Placé dans des conditions favorables (comme nous, qui avons du temps à consacré à ces débats), l'humain peut effectivement "s'élever", mais si on en vient à supprimer ces conditions favorables, l'instinct de survie reprendra le dessus sauf peut être chez de très rares individus.
C'est évident, et certains peuples, bien moins favorisés, passent un temps considérable à tenter de survivre et ne peuvent pas se poser ces questions ou d'autres du reste.

Personnellement les préceptes de Calliclès et de Socrate m'ennuient un peu par leur aspect duel si prononcé. Il faut être soit l'un soit l'autre. L'un fou de "je veux donc je peux" ou l'autre "je veux MAIS je dois"... Un juste milieu entre soi et les autres, entre ses instincts et leur nécessaire analyse ou réajustement au nom des droits des autres... me paraitrait à moi infiniment plus mature.
Après évidemment c'est bien plus facile à dire....

Merci ludi33  Very Happy
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Leibgeber
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MessageSujet: Roide comme la justice   Un peu de philo ? - Page 10 Icon_minitimeJeu 3 Sep 2015 - 6:48

(NOTA : je réponds à Sethy et Dérinoé, désolé à nouveau pour le décalage avec Winter. Comme j'en ai déjà fait part, j'ai des difficultés à me connecter.)

J'aimerais, Dérinoé, que tu ne me considères pas comme antispéciste comme je ne suis pas vraiment au fait sur le sujet bien que le peu que j'en sais présente des aspects douteux profonds pour moi, tu as toi-même critiqué mon approche de la condition des animaux pour lesquels j'aspire tant au respect, que l'on ne doute pas de cela. Je me demande si Sethy n'aurait pas raison en refusant de considérer la question de la condition animale dans une opposition spéciste - antispéciste parce que cela en ferait une affaire absolue : si vous n'êtes pas l'un, vous êtes l'autre. Est-ce qu'opposer spécisme et antispécisme ne serait pas comme opposer libéralisme et communisme, l'histoire ayant montré combien s'attacher à des idéologies radicales pouvaient causer de graves maux en simplifiant trop la réalité ?

Celle des animaux s'inscrit dans un monde dominé par les hommes. Est-ce que cela ne signifierait pas que, plus on voudrait préserver les premiers, plus les hommes devraient changer ? Est-ce qu'une société ne pourrait pas devenir antispéciste sans un profond bouleversement culturel et social aux répercussions peut-être mal mesurées ? Sethy me semble pertinente. On serait fondé, Dérinoé, de te demander quelle serait au juste l'organisation d'une société antispéciste et comment on pourrait la réaliser de la manière la moins préjudiciable aux hommes comme aux animaux eux-mêmes !

- Mais c'est quoi ce végétarien, s'étrangle peut-être Dérinoé, un traître au sein de notre triumvirat avec TimesNewsRoman, un végétarien qui attend son heure pour nous balancer aux requins tel Napoléon lors de la Révolution française, est-ce concevable ? Le fourbe !

Certes, ma révolte bout contre ton diktat logique ! Dans une société où la bonne volonté manque terriblement pour améliorer le sort des animaux, je redoute qu'elle ne t'oblige à vouloir instaurer une tyrannie. Par contre, si tu étais partisane de la démocratie, tu devrais t'interroger sur la viabilité de ton projet pour tous ceux qu'ils concernent, question qui engage leurs désirs et pas seulement le tien encore que les uns et les autres peuvent être faux ou transitoires en raison des conditionnements et des habitudes auxquels ils sont soumis, ce qui les rend heureusement susceptibles d'évolution.

Cette possibilité d'évolution vers ce que les autres reconnaîtraient finalement comme plus souhaitable requiert un peu de patience, de manière certes des plus malheureuses en l'occurrence vu les cruautés que subissent les animaux. Toutefois, c'est ce à quoi il faudrait se résigner parce que ce serait perdre le moins de temps possible dans une situation où il apparaît que les législateurs ne décideront aucune mesure significative s'ils ne perçoivent pas un désir répandu de changement parmi la population. Dans certains domaines, ils prennent des initiatives sans forcément se soucier de son opinion, car telle est notre démocratie où l'investissement politique est devenu faible, mais dans le cas des animaux, il ne faut pas rêver, il y a trop d'enjeux économiques et culturels qui les entourent. Quant à l'élevage industriel par exemple, si une partie de la population ne se résout pas pour le moins à limiter sa consommation de viande et de lait (on pourrait ajouter le cuir, car on élève spécialement des animaux pour cela), je crains que toute idéologie radicale ne puisse qu'échouer à se faire entendre. Je serais ravi cependant si l'on me montrait que j'ai tort, car il n'y a que les animaux qui me préoccupent dans tous mes propos.

Si j'ai raison, il faudrait donc faire attention à ne pas s'écraser contre les murailles de ces enjeux avec trop de rage ou de logique là où de toute façon elle ne règne pas y compris lorsque la survie de l'homme lui-même est en jeu à cause de la pollution et du changement climatique. Quand je compare le nombre de cyclistes et celui des automobilistes à Saint-Etienne où je réside, j'en viens à me demander s'il n'y a pas moins des premiers que de végétariens !

Problématique par principe selon moi, la raison seule l'est a fortiori dans la conduite d'un débat comme tu en as traité dans ton dernier message, Dérinoé. Si je ne nie pas sa nécessité, je crois qu'elle souffre d'être froide et contraire au cœur réceptif d'abord aux sentiments, ce qu'il n'y a pas lieu de déplorer puisque nous en avons un ! La raison doit certes s'exercer en tant que moyen de régulation des élans souvent désordonnés du cœur comme pousser les choses peut être parfois bienvenu, mais se refuser à en appeler aux sentiments est tout bonnement absurde. Toutefois, je serais d'accord avec toi, Dérinoé, si tu me rétorquais qu'il convient de ne pas être excessif en la matière et de rester honnête.

Je fais ces dernières remarques en ayant E.M. Forster en tête, pour faire une énième référence à la littérature britannique. Et de sept ! Si j'en fais autant, c'est qu'une manière de traiter les questions sociales dans un esprit concret et d'ouverture marque la littérature britannique et, comme j'apprécie cet esprit et que je crois que le temps des révolutions est derrière nous de toute façon, j'essaie modestement de m'en inspirer. Enfin, si tu préfères, Dérinoé, utiliser le seul moyen de la raison, soit, ce n'est pas du tout vain, mais demande-toi si j'ai bien tort de suivre une inspiration me portant à mêler les registres pour essayer de stimuler mes éventuels lecteurs.

Pour ce qui est de ce que l'on devrait désirer pour les animaux si l'on voulait être juste sans témoigner d'un radicalisme au-dessus des forces de nos sociétés, pour ma part ne cachant pas que je trouve à l'antispécisme un mauvais air univoque et totalisant comme Sethy : que nos habitudes changent dans un esprit de limite, esprit qui devrait aussi être le nôtre pour faire face au défi écologique. Qu'on le veuille ou non, tout le monde a une part de responsabilité à assumer.

Je décevrai peut-être TimesNewsRoman et Dérinoé, mais il faut se rendre compte à quel point toute amélioration du sort des animaux est difficile à obtenir et que la raison ne préside certes pas augustement à nos sociétés de manière générale...

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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 10 Icon_minitimeJeu 3 Sep 2015 - 22:09

Si on élevait d'autres humains afin de les manger, autrement dit, si on traitait les humains comme les animaux ... toute cette discussion serait caduque. C'est en cela que le cannibalisme est un élément déterminant de la discussion. Si le cannibalisme peut apparaitre dans les situations extrêmes (comme celles d'un accident d'avion et qu'il puisse être éventuellement accepté, je ne parle pas de ce qui se passe en Corée du Nord encore que ...), alors selon moi, la frontière entre traitement spécifiquement réservé aux humains et traitement spécifiquement réservé aux animaux disparait (ou en tout cas, n'est plus cette frontière absolue dont il est question). De même des comportements tels que le trafic d'organes prélevés sur des sujets non consentants et d'autres formes d'esclavage, affaiblissent cette barrière.

A la limite, si on devait raisonner de manière purement logique, les anti-spécistes devraient cautionner ces comportements sur les animaux, puisqu'on les applique à l'homme et qu'ils ne veulent pas de disparité de traitement entre animaux et hommes.

Evidemment, je sais bien qu'ils ne le cautionnent pas, mais alors ça veut dire qu'il faut relativiser le propos, et dès lors que le modèle spéciste/anti-spéciste n'est pas adapté. Et c'est que je pense car il pêche par de nombreux défauts : utopiste quand à sa vision idéale du sort réservé à l'homme par l'homme, peu conséquent dans la séparation du vivant en deux catégories (ceux qui ont les mêmes droits que les hommes et les autres), peu clair dans la notion du bien être animal (où doit vivre un chat pour être "heureux" ?, dans un champ avec des gerboises ?).
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 10 Icon_minitimeVen 4 Sep 2015 - 0:20

Quelques points en vrac, moi aussi j'ai un temps de connexion limité par des contraintes externes.

Leibgeber a écrit:
[justify]    Merci pour les informations données par Miss Acacia et Sethy sur le comportement alimentaire de l'homme et des primates au fil du temps. Mon texte était ironique, j'espère que ce ton était sensible. Je ne suis pas devenu végétarien pour « retrouver ma part animale » de singe, je rebondissais sur les propos précédents à cet égard, mais à cause des abominations de l'élevage industriel.

Je pense que ce qui a déclenché ma réaction, c'est que j'ai été assez sidérée par le nombre de sites et blogs végétariens qui essaient, plus ou moins sérieusement, de démontrer l'herbivorie originelle et l'omnivorie acquise des humains.
J'avoue que j'étais restée sur des raisons comme la tienne (dégoût de l'élevage industriel, refus de tuer des animaux pour se nourrir, pas de goût pour la viande...), qui me paraissent tout à fait justifiées. Mais je me demande pourquoi d'aussi nombreuses personnes cherchent, parfois frénétiquement, une justification physiologique. Auraient-elles des difficultés à assumer leur choix ? Cherchent-elles des arguments "imparables" pour convaincre ? Est-ce une stratégie de prosélytisme ?

Dérinoé a écrit:
@ Sethy :[/color]

Citation :
Je ne crois pas à une "loi naturelle". Si j'utilise le mot croire, c'est à dessein. Car il s'agit pour moi de croyance. Je ne crois pas non plus au fait que la nature recèle une sorte d'harmonie dont l'homme moderne aurait perdu la clé. C'est pour moi, également une vision déiste. Il n'y a pas eu et il n'y a pas de "main" qui a mis tout ça en place.

À ma connaissance, l’expression de "loi naturelle" ne présuppose, ni n’implique aucun cas l’idée d’un esprit transcendant, lequel régulerait la marche du monde et des êtres selon une pensée consciente organisée. Pour moi, l’expression – que je croyais par ailleurs consacrée parmi les spécialistes de la biologie – renvoie simplement à l’existence de rapports de causes à effets systématiques (ou, à tout le moins, réguliers) inhérents à la nature, c’est-à-dire présents dans la configuration et les mécanismes même du vivant, indépendamment de toute interventionnisme externe. Pour le dire autrement, elle recouvre pour moi un certain nombre de principes d'auto-régulation, attribuables à la constitution "génétique" du vivant.

À titre d’exemple, la volonté de survie conduit nombre d’espèces à certains comportements tranchés, permettant d’assurer, soit à titre individuel, soit au regard de l'espèce, le prolongement et la préservation de la vie, contre la menace d'une possible disparition.

Ainsi, nombres d’espèces vivant en groupes ont-elles tendance à se délester plus ou moins rapidement des membres incapables de concourir activement au fonctionnement de la bande : au-delà de toute notion éthique, elles évacuent ainsi un danger et une menace potentiels en se débarrassant instinctivement des individus malades, blessés, handicapés, dangereux ou inaptes à la vie sociale. De même, il semble que, dans une immense majorité de cas, les partenaires se sélectionnent sur un ensemble de critères objectifs (généralement lié à la vaillance, la robustesse, la puissance, l'endurance et la capacité de domination), ce dans la recherche d’une procréation viable et efficace, laquelle, au-delà de l'existence individuelle, offre une garantie de survie pour l’espèce.

Ainsi, cette loi naturelle que constitue le désir, impérieux, de la survie engendre-t-elle, à titre de cause, des actes et des comportements instinctifs et spontanés, pulsions dirigées qui, pour autant que je sache, ne témoignent pas de la présence d'un esprit créateur au-dessus de nos têtes.

D'ailleurs, dans un même genre d’idée, je suppose que le processus des structures dissipatives et de l’entropie que tu décrivais toi-même il y a quelques jours procède lui aussi de cette loi naturelle souveraine qui est celle de la survie.

Winter a écrit:
Sethy a écrit:
la vie a utilisé ce qu'elle avait à disposition, ce qui ne garanti nullement que la nature dispose de ces ressources ni en quantité, ni en qualité. Ni d'ailleurs que la "solution" trouvée par la nature est la plus efficace. C'est le hasard qui prédomine.
Je mettrais quelques nuances. Je pense comme toi que le hasard est surement le plus souvent à la manœuvre, mais la sélection de ces nouveaux "possibles" ne lui doit rien. La "nature" est terriblement pragmatique et ne conserve que les plus forts ou les plus adaptés...elle sélectionne fichtrement et en permanence. Nul n'est certain de conserver sa place.
Citation :
Pourquoi manquaient-elles d'Iode ? Car le sel "gemme" (cristallisé) dont elle disposait était tellement pur, qu'il ne contenait pas d'Iode, contrairement au sel marin. C'est ça le hasard.
Là encore j'ai du mal à te suivre. Pour moi ce n'est pas un hasard. certains peuples ne se nourrissent que de poissons, parce qu'aucune autre protéine n'existe dans les alentours. Le hasard pour moi qui peut prévaloir à l'évolution, c'est ce singe qui goûte à une patate douce qui a roulée dans l'eau de mer, la trouve à son gout et décide dorénavant de tremper ses patates dans l'eau de mer. C'est ce qui explique que parfois au sein d'une m^m famille d'origine les groupes se scindent parce que leurs "meurs" ne sont plus en phase, entre les mangeurs de "patates salés", apprenant à leur petits cette pratique, et ceux qui ne les ont pas imité. Et point n'est besoin à une plante d'être carnivore pour prendre l'essentiel de la place, mon jardin et ma lutte incessante pour imposer du "fragile" dans un monde végétal de brute en parle savamment.

Ce que je comprends du propos de Sethy, c'est qu'il n'existe pas dans la "nature" de solution unique qui pourrait être appelée une loi. Ce qui existe de façon spontanée, c'est un ensemble de mécanismes, des principes de fonctionnement (physiques et chimiques, puisqu'au départ on part de là) qui se combinent de diverses façons suivant les circonstances, sous l'effet du hasard. C'est notamment le cas de la reproduction sexuée, qui est le principal moteur de l'évolution (la méiose divise le patrimoine génétique en deux pour chacun des parents et la recombinaison de ces deux moitiés de patrimoine au cours de la fécondation se fait totalement au hasard). C'est encore plus vrai pour les mutations, qui sont le deuxième moteur de l'évolution. Là c'est vraiment le pur hasard d'une "erreur" de copie dans la succession de bases G/T/A/U qui codent les gènes et qui crée une modification qui sera viable ou pas.
La où je rejoins Winter c'est que ce sont les contraintes extérieures (climat, sol, concurrence intra ou interspécifique pour les ressources disponibles, prédation...), et non plus le hasard, qui vont sélectionner les solutions les mieux adaptées dans un contexte donné. Solutions qui ne sont pas forcément parfaites, au moins dans un premier temps.
Je n'aurais sans doute pas choisi un exemple "humain" (ex. des goitres dans les alpes lié au manque d'iode) mais il y a dans l'exemple de Sethy, l'idée d'une conquête d'un territoire par une espèce qui n'y est pas forcément bien adaptée au départ, sans doute au fait que, sous l'effet de la concurrence due à l'expansion démographique, l'homme est allé coloniser des espaces plutôt hostiles où il ne serait peut-être pas resté s'il avait eu un autre choix.

Quant aux fameuses "lois naturelles", je pense que c'est un raccourci de langage. En tout cas, je ne pense pas que ce soit un terme consacré dans les milieux spécialisés. Il y a des systèmes de fonctionnement et des comportements plus répandus que d'autres dans le règne animal mais on trouve pratiquement toujours des cas qui dérogent à la loi supposée. L'exemple du principe de non solidarité que tu cites Derinoé se retrouve dans nombre d'espèces mais il y en a aussi (je n'ai pas d'exemple précis en tête à part les cétacés) qui sont solidaires voire qui aident leurs congénères blessés ou en difficulté (à respirer dans le cas de certaines espèces de dauphins ou de baleines). De même dans l'élevage des petits il y a absolument de tout, depuis ceux qui larguent des oeufs dans le milieu et se désintéressent de la suite, jusqu'à ceux qui protègent et nourrissent leur petit pendant des mois. Les règles systématiques sont rarissimes, à l'exception peut-être de la biologie cellulaire (et encore).

J'ai trouvé l'exemple du sanglier proposé par Leibgeber intéressant. Ce n'est pas vraiment une question de fonctionnement complexe d'écosystème à laquelle il faut accorder de longues réflexions. En fait c'est un problème assez simple et très humain dans ses causes. Effectivement, on a supprimé les prédateurs naturels (loup, ours, lynx) mais on a aussi influé directement sur la dynamique de la population de sangliers: involontairement en mélangeant la race sauvage avec des races domestiques élevées en semi-liberté (et plus prolifiques) et volontairement en favorisant l'augmentation des populations pour la chasse en procurant des ressources alimentaires supplémentaires (agrainage, cultures à gibier...). Le souci c'est que l'augmentation de population n'a pas cru linéairement, elle s'est littéralement emballée. Résultat: des impacts sur les cultures, mais aussi sur la faune sauvage par concurrence pour les ressources, destructions de milieux et prédation (notamment les oiseaux nichant au sol) ou dissémination de parasites (notamment les tiques).
Et là, la bonne question: qu'est-ce qu'on fait ? Leigeber propose de stériliser au lieu de tuer pour limiter la population. Ce n'est pas facile à mettre en place, d'une part, et c'est une mutilation définitive, d'autre part. Bref, d'un point de vue du bien-être animal, on a le choix entre la peste et le choléra. Mais si on ne fait rien ça ne sera pas sans conséquences pour d'autres espèces (pas nous uniquement).

L'exemple est intéressant pour attirer l'attention sur la difficulté mais aussi la nécessité du choix dans certaines circonstances. Depuis le départ, il y a un balancement entre une discussion sur les priorités à mettre entre animal et humain lorsqu'il faut faire des choix sous l'effet de contraintes fortes (sauver ou ne pas sauver le chat sur les voies) et le sujet de la maltraitance animale des animaux de compagnie ou d'élevage (le refus de cette situation allant de la simple préoccupation pour le bien-être animal jusqu'à ne pas manger de viande ou ne pas porter de cuir pour ne pas donner la mort à un animal qu'on considère comme ayant le même droit à la vie que nous même et nos semblables). Or, pour moi, ce sont deux sujets distincts. Tu peux ne pas sauver le chat et te préoccuper du bien être des animaux d'élevage, voire même refuser de manger de la viande. Dans ce cas, es-tu spéciste, ne l'es-tu pas ? Faut-il absolument te ranger dans des catégories bien cloisonnées et étanches ? Est-ce pertinent ? Les doutes exprimés précédemment me semblent fondés.

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Winter
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 10 Icon_minitimeVen 4 Sep 2015 - 14:57

Miss Accacia a écrit:
Je pense que ce qui a déclenché ma réaction, c'est que j'ai été assez sidérée par le nombre de sites et blogs végétariens qui essaient, plus ou moins sérieusement, de démontrer l'herbivorie originelle et l'omnivorie acquise des humains.
Sérieux??
Citation :
... Faut-il absolument te ranger dans des catégories bien cloisonnées et étanches ? Est-ce pertinent ? Les doutes exprimés précédemment me semblent fondés.
Pour le reste, j'aime bien ton analyse et tes arguments.

Pour l'exemple concernant les problèmes de goitres des certains montagnards et surtout montagnardes, on m' m^m raconté que les garçons étaient encouragés ou  "apprenaient" (par mimétisme je suppose) à préférer les filles qui en "possédaient" un. Il était très mal vu d'aller chercher son épouse dans la vallée qui de plus semblait laide à beaucoup. C'est cette drôle d'histoire que m'avait racontée une connaissance Annécienne lol!
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 10 Icon_minitimeVen 4 Sep 2015 - 18:08

@ Ludi33:

Citation :
La librairie Mollat organise une conférence de Michelle Serres au TnBA, à Bordeaux. Toutes les places ont déjà été réservées, du coup, la conférence sera filmée et retransmise en direct sur leur site Arrow

Merci beaucoup pour l'information, Ludi33. Si je peux me permettre une question indiscrète, comptes-tu y assister toi-même?


@ Winter:

Merci beaucoup pour ton message et pour les arguments que tu développes, Winter. Je réponds présentement à Leibgeber mais ne joue en aucun cas à saute-mouton: ma prochaine missive sera pour toi, sans faute et avec joie. sunny


@ Leibgeber:


Citation :
J'aimerais, Dérinoé, que tu ne me considères pas comme antispéciste comme je ne suis pas au fait sur le sujet.

 Sans aucun problème, Leibgeber. Je te prie de m'excuser pour le malentendu: au vu de ton action personnelle en matière de défense des animaux et des opinions exposées dans tes précédents messages, j'avais cru comprendre que tu étais antispéciste. "Mea culpa, mea culpa, j'ai écrit "giraffe" avec deux "f"", comme dit le poète.

Citation :
Je me demande si Sethy n'aurait pas raison en refusant de considérer la question de la condition animale dans une opposition spéciste - antispéciste parce que cela en ferait une affaire absolue : si vous n'êtes pas l'un, vous êtes l'autre.

Je me demande, pour ma part, s'il ne serait pas plus intéressant de jouer au football avec les mains, sur des terrains de quarante mètres par vingt, en opposant deux équipes de sept joueurs, gardiens de but compris? M'est avis que cette idée pourrait faire son chemin...

Cela dit, je te ferai ici la même réponse qu'à Sethy, en lui apposant toutefois le sceau de l'ultimatum. Par deux fois au cours de cette conversation, j'ai exposé, de manière argumentée et approfondie, les raisons qui me confortent dans une vision dualiste de ce débat, spécistes contre antispécistes. Pour la dernière fois, je recopie ci-après les arguments déjà évoqués en faveur de ce bipartisme philosophique, en te priant de bien vouloir les lire et d'en prendre connaissance, si toutefois tu souhaitais donner suite à notre échange.


Il y a longtemps, Dérinoé a écrit:
En réponse à Winter, Dérinoé a écrit:
Il me semble que dans le débat ouvert par la pensée antispéciste, il n'existe aucune position intermédiaire et que, par conséquent, le fait de se déclarer pour le blanc (en l'occurrence, la domination de Droits légaux et moraux favorables aux seuls humains) implique nécessaire une opposition au noir (dans notre cas, une inéquité de traitement légale et morale à l'égard des animaux). La position intermédiaire qu'incarne Petit Faucon n'existe que dans les mots puisque, projetée sur des situations de la vie quotidienne, elle revient à discriminer l'animal à l'avenant de besoins purement humains, ce afin de garantir à l'Homme une satisfaction considérée comme impérieuse, que ce soit sur un plan économique, politique, social ou géographique.

Pour le dire autrement, tout spéciste déclarant se préoccuper en premier lieu de l'intérêt des humains tout en respectant néanmoins le vivant dans sa globalité affirme en réalité que:

1) d'abord, il part du principe que l'Homme valant plus que l'animal, il convient de l'avantager dans tous les cas et dans toutes les situations possibles;
2) et que, par conséquent, la sauvegarde ou la protection des autres espèces, si elles doit être prise en compte, ne saurait être appliquée que si elle s'avère sans dommage aucun pour l'être humain.

C'est du reste pour cette raison que, dans la situation rapportée par mes amies, un spéciste considèrera que, le sauvetage immédiat impliquant un dommage temporel et économique pour des êtres humains (à savoir les usagers et les employés du réseau concerné), il ne saurait être pratiqué que de manière secondaire, soit lorsque tout désavantage pour l'Homme aura été écarté.

Or, dans ce cas précis et au regard d'une claire hiérarchie des êtres vivants, la préséance des intérêts des humains implique nécessairement un sauvetage très tardif - voire pas de sauvetage du tout, si ce dernier devait se révéler incompatible avec les besoins des usagers. Sur un exemple aussi simple que celui-là, il n'existe aucune position intermédiaire. Soit l'on décide qu'un être vivant, quel qu'il soit, mérite d'être secouru en pareille situation, et ce malgré la perte de temps et d'argent infligée aux Hommes; soit on part du principe que l'intérêt des humains passe avant tout et que, de ce fait, une intervention ne saurait être justifiée que si elle ne présente pas le moindre désagréments pour eux. Dans cette affaire, si l'on est pour le blanc, on est nécessairement contre le noir.

Pour bien éclairer cette binarité intrinsèque au problème, je me propose de prendre un exemple similaire, extrait, lui, de notre seule espèce humaine. Imaginons que, dans un régime d'apartheid, une personne blanche octroie une priorité absolue aux Blancs, affirmant toutefois se préoccuper de manière secondaire des êtres humains en général, Noirs y compris. Et, pour être plus précis encore, supposons qu'elle octroie aux Blancs une priorité totale quant à l'accès aux soins médicaux dans leur ensemble, tout en admettant qu'il faille secourir les Noirs dans la mesure du possible, une fois les Blancs bien servis et tout à fait rassasiés.

En adoptant cette position éthique et malgré la nuance offerte par un souci de soin secondaire concédé aux Noirs, la personne blanche validerait une position raciste, laquelle, sur la base d'une hiérarchie ontologique assignée aux couleurs de peau, entérinerait un régime de discriminations considérées comme moralement acceptables. Sa concession ne la placerait en aucun cas dans un juste milieu philosophique, entre racisme et égalitarisme: elle relèverait sans conteste d'une vision du monde raciste. Raciste modérée ou bienveillante, certes, mais raciste quand même.

De même, dans le débat qui nous occupe, il me semble qu'il n'existe aucune position intermédiaire: soit on confère aux humains une suprématie morale et légale, ce au détriment des autres espèces, soit on tend à considérer que toutes les espèces, quelles qu'elles soient, doivent être équitablement traitées. Mais, quels que soient les nuances ou les ajouts dont on gratifie son spécisme, on n'en demeure pas moins spéciste.

De ce fait, pour moi et sur ce problème bien particulier, si l'on est pour le blanc, c'est nécessairement au détriment du noir.


***


En réponse à Sethy, Dérinoé a écrit:
Tout d'abord, je crois, en effet, que les questions qui nous occupent ne permettent que deux positionnements philosophiques: le spécisme et l'antispécisme. De ce fait, Sethy, la position que tu défends hic et nunc te place résolument du côté des spécistes.

Du reste, je te pose la question, Sethy : quelle serait cette fameuse alternative dont tu soulignes la subtilité? Pourrais-tu, en quelques termes clairs, définir une position qui, sans être ni spéciste, ni antispéciste, relèverait d'une pensée complètement alternative sans tomber dans aucun des deux éventails en présence? Je pense qu'en formulant une telle position de manière structurée et analytique, tu éclairerais à profit un point litigieux.

Maintenant, selon moi, tu confonds la palette de nuances offerte par chacune des deux positions avec l'existence d'une troisième voie, laquelle constituerait un intermédiaire valide, indépendant du spécisme et de l'antispécisme tout à la fois. Sur ce point, tu te trompes. Comme chaque pensée philosophique et à l'instar, par exemple, du Libéralisme, du Socialisme ou du Féminisme, le spécisme et l'antispécisme possèdent tous deux une gamme de couleurs assez importante, laquelle va du radicalisme le plus strict à la modération la plus pondérée, et ce en passant par un nuancier intellectuel excessivement fin. Et j'ajoute que, malgré leur opposition fondamentale, un spéciste hyper-modéré se trouvera sans doute plus proche d'un antispéciste hyper-modéré que d'un spéciste radical. À titre de comparaisons, la chose se vérifie du reste très bien en politique où, sur un certain nombre de points, la Droite douce rejoint plus volontiers la Gauche centriste que la Droite la plus libérale ou la plus dure.

Mais, quelle que soit la richesse du nuancier proposé, cette vaste palette connaît une rupture, nette et radicale, en son milieu, laquelle départage l'éventail en deux demi-lunes symétriques: l'une relevant du spécisme, l'autre de l'antispécisme, et ce indépendamment de leurs variantes intrinsèques. Le point de rupture, et les spécistes de ce débat le formule de manière explicite, revient à considérer que, pour des raisons diverses et variées, le vivant connaît une hiérarchie et un ordonnancement naturels, lesquels sont aujourd'hui légitimement répercutés par la morale et par la Loi. C'est grosso modo cette thèse-là qui oppose de manière univoque les deux parties du débat et, pour ma part, je ne connais aucun philosophe, ni aucun débatteur sérieux ayant esquissé de troisième voie sur cette question.

Pour moi, soit tu considères que, sur la base d'arguments divers et variés, les Droits octroyés aux êtres humains doivent être étendus à d'autres catégories du vivant, soit, à l'inverse, tu estimes que notre Législation a raison de se faire le relai de l'ordre naturel, lequel, dans une implacable téléologie, hiérarchise de lui-même les différentes strates du vivant. Mais d'entre deux, guère. Selon la bonne vieille loi de non-contradiction formulés par Aristote il y a quelques lunes déjà, il est logiquement impossible de maintenir une position selon laquelle l'Homme doit exercer sa domination sur les autres espèces et ne le doit pas. De même, il serait intenable de défendre l'idée que les animaux mérite une protection éthico-légale les plaçant à égalité de traitement avec les êtres humains et ne le méritent pas.

Que tu concèdes aux animaux certains aménagements légaux ne fait pas de toi un antispéciste. Que je reconnaisse la difficulté énorme de préserver toutes les espèces en même temps sans tomber dans un large chaos économico-écologique ne fait pas de moi une spéciste non plus. Ce qui nous départage sur le fond, ce sont nos visions respectives du vivant et de sa place au sein de notre économie politique.

Maintenant, chaque fois que j'ai demandé à Sethy de m'expliquer, de manière simple et concise, quelle serait cette troisième voie alternative ne relevant ni du spécisme, ni de l'antispécisme, mais d'un modèle philosophique indépendant, je n'ai obtenu aucune réponse. Rien. Nichts. Nada. Néant total.

Arrivée à ce point du débat, je formulerai mes attentes de la manière suivante: tant que vous - Sethy et toi - n'aurez pas expliqué avec précision la nature de cette tierce position ne relevant ni du spécisme, ni de l'antispécisme, mais d'une vision des espèces nouvelle et indépendante, je resterai en marge de vos messages. Plus encore, pour que nous évitions de retomber une fois de plus dans le bain flou de la digression lyrico-scientifique qui est notre lot depuis le début des échanges, je vous demanderai de formuler vos éventuelles réponses, quelles qu'elles soient, sur le mode syllogistique suivant:

Définition(s)

1) Définition 1.
2) Définition 2.
3) Définition 3. (Et cetera.)

Hypothèse(s)

1) Hypothèse 1.
2) Hypothèse 2.
3) Hypothèse 3. (Et cetera.)

Prémisse(s)

1) Prémisse 1.
2))Prémisse 2.
3) Prémisse 3. (Et cetera.)

Conclusion.

1) Conclusion 1.
2) Conclusion 2.
3) Conclusion 3. (Et cetera.)

Une fois le canevas exprimé en des termes clairs et précis, libre à vous de proposer des développements annexes plus ou moins fournis à titre de complément. Mais, n'importe comment, je vous demande instamment de commencer par synthétiser votre point de vue de manière concise et logique, de sorte que je puisse me rapporter à un schéma univoque dans la suite éventuelle de nos entretiens.

La réciprocité étant la clef de tous les rapports humains, je vais moi-même me soumettre à l'exercice, s'agissant de ma propre hypothèse. Ainsi, si vous entendez me contredire ou me questionner, vous pourrez vous aussi vous référer à ce bref condensé.



***


Définitions

1) À titre personnel, je définis la notion de "spécisme" comme suit:

* Pensée philosophique de nature éthique et politique qui, pour des raisons variables, admet le critère de l'espèce somme justification suffisante d'une inéquité de traitement dans les Droits fondamentaux respectivement assignés aux humains et aux animaux.

2) À titre personnel, je définis la notion d'"antispécisme" comme suit:

* Pensée philosophique qui, pour des raisons variables, refuse d'admettre le critère de l'espèce comme justification suffisante d'une inéquité de traitement dans les Droits fondamentaux assignés respectivement aux humains et aux animaux.

3) Dans ce débat, je définis la notion d'"équité de traitement" comme suit:

* Disposition morale et légale prise par une communauté déterminée afin de garantir aux individus la préservation de certains Droits-socles, considérés comme la base infrangible de toute autre disposition juridique ultérieure, ce en tenant compte des capacités et des besoins singuliers de chaque individu.

4) Dans ce débat, je définis la notion de "Droit fondamental" comme suit:

* Forme de Droit moral et légal possédant un caractère hyper-général et garanti par l'Etat indépendamment de la situation, de l'état, des capacités ou de la constitution des individus.

Les Droits fondamentaux recouvrent essentiellement les trois domaines suivant:

a) la préservation de la vie en tant que vie;
b) la préservation de l'intégrité physique;
c) la préservation de l'intégrité mentale.

Hypothèse

Sur la question du statut légal accordé à l'animal, j'estime qu'il n'existe aucune position philosophique alternative au spécisme et à l'antispécisme, laquelle constituerait un mouvement indépendant des deux courants susnommés.

Prémisses

1) Sur la question du statut animal, il existe une grande variété de positions éthiques, politiques et légales.

2) Cette grande variété de positions se scinde néanmoins en deux grandes catégories qui les recouvrent toutes:

a) le spécisme.
b) le antispécisme.

3) La ligne de démarcation fondamentale entre ces deux courants dépend du positionnement philosophique adopté vis-à-vis de la notion d'"espèce".

4) Il n'existe que deux positionnements cohérents (et donc non-contradictoires) vis-à-vis de la notion d'espèce: soit l'on considère qu'une différence d'espèce suffit, par elle-même et en elle-même, à justifier une divergence de traitement légal entre Hommes et animaux; soit l'on considère qu'une différence d'espèce ne suffit pas à justifier par elle-même et en elle-même, une divergence de traitement légal entre Hommes et animaux.

5) De fait, la position consistant à souhaiter une amélioration du traitement légal des animaux sans viser pour autant l'équité de traitement quant aux trois Droits fondamentaux susmentionnés relève clairement du spécisme. (Voir définition du Droit fondamental proposée plus haut.)

Conclusion

En matière de condition animale et dans la mesure où tout individu doit se positionner vis-à-vis de la notion d'espèce, il n'existe que deux alternatives possibles: soit, pour une raison ou une autre, la différence d'espèce constitue un critère de discrimination acceptable, soit, pour une raison ou une autre, la différence d'espèce ne constitue pas un critère de discrimination acceptable.

Par conséquent et à moins de contrevenir aux lois de la logique les plus élémentaires, il n'existe aucun entre-deux philosophique non-contradictoire.




***



Citation :
Est-ce qu'opposer spécisme et antispécisme ne serait pas comme opposer libéralisme et communisme, l'histoire ayant montré combien s'attacher à des idéologies radicales pouvaient causer de graves maux en simplifiant trop la réalité ?

J'essayerai de me montrer plus fine à l'avenir.

Citation :
Celle des animaux s'inscrit dans un monde dominé par les hommes. Est-ce que cela ne signifierait pas que, plus on voudrait préserver les premiers, plus les hommes devraient changer ?

Je sens que tu vas bientôt rejoindre Sethy sur la lune. N'oubliez pas de nous envoyer quelques cartes postales de la galaxie. Depuis que j'ai visionné Gravity, je fantasme sur les grands espaces vides.

Citation :
Est-ce qu'une société ne pourrait pas devenir antispéciste sans un profond bouleversement culturel et social aux répercussions peut-être mal mesurées ?

Je te le concède: pour être viable et fructueuse, la réforme des moeurs politiques, quelle qu'est soit, exige des efforts soutenus, constants et obstinés. Mais l'humain étant par nature courageux, tenace et audacieux, nous ne craignons rien de ce côté-là.

Citation :
Sethy me semble pertinente.

Sethy me semble être un homme. Accessoirement.

Citation :
On serait fondé, Dérinoé, de te demander quelle serait au juste l'organisation d'une société antispéciste et comment on pourrait la réaliser de la manière la moins préjudiciable aux hommes comme aux animaux eux-mêmes !

Déleste-toi du conditionnel, Leibgeber: tu es fondé à me demander quelle sera au juste cette société antispéciste et comment la réaliser de la manière la plus équitable pour tous.

Comme déjà souligné à plusieurs reprises, je ne possède ni les compétences, ni les connaissances nécessaires qui me permettraient de répondre à toutes les questions, notamment écologiques, posées par une refonte anstispéciste de notre système légal. En revanche, je suis absolument certaine que, de la même manière qu'il a été possible de soumettre notre économie à l'abrogation de l'asservissement des esclaves, au démantèlement des empires coloniaux ou à l'éducation systématique des filles, de même qu'il a été envisageable d'instaurer la scolarité gratuite et obligatoire pour tous les enfants contre tout bon sens comptable, de même est-il sans aucun doute possible de refaçonner nos modèles financiers pour parvenir à une équité de traitement aussi complète que possible.

Je ne connais pas une réforme sociale fondée sur le principe d'une plus grand équité de traitement qui n'ait, au choix ou tout ensemble, généré des coûts monstrueux pour la société, exigé une éducation nouvelle parmi les nouvelles générations ou imposé des restrictions, parfois drastiques, aux catégories jusque là dominantes.


Citation :
Mais c'est quoi ce végétarien, s'étrangle peut-être Dérinoé, un traître au sein de notre triumvirat avec TimesNewsRoman, un végétarien qui attend son heure pour nous balancer aux requins tel Napoléon lors de la Révolution française, est-ce concevable ? Le fourbe !

Je vois que tu as gardé la main, depuis les (excellents) scenarii qui avaient jadis fait ton succès sur le fil du Féminisme.

Dieu me pardonne, Leibgeber, mais je n'ai jamais pensé que toi et moi jouions dans la même équipe. Cela dit, je te lirai avec d'autant plus de plaisir que je te sais désormais spéciste: dans la discipline qui est la nôtre, la vraie joie naît toujours de la contradiction.


Citation :
Certes, ma révolte bout contre ton diktat logique !

À lire ta prose, je comprends tout à fait.

La logique, au sens le plus commun du terme, ne procède en aucun d'un dictat personnel. Elle organise nos structures mentales à tous sur quelques grandes modalités de raisonnement, à l'instar, par exemple, du principe de non-contradiction décrit par Aristote il y a quelques siècles déjà. Sans elle, il nous serait probablement incapable de communiquer comme nous le faisons présentement et, ne t'en déplaise, il n'est jusqu'à l'expression des sentiments qui plie devant ses lois.


Citation :
Dans une société où la bonne volonté manque terriblement pour améliorer le sort des animaux, je redoute qu'elle ne t'oblige à vouloir instaurer une tyrannie.

Pourrais-tu me préciser comment les motifs de la rationalité et de l'argumentation prônées dans mon dernier message accostent à ton esprit sous la forme d'un navire de tyrannie ?

Citation :
Par contre, si tu étais partisane de la démocratie, tu devrais t'interroger sur la viabilité de ton projet (...)

De quel projet parles-tu exactement? Il semble qu'à l'instar de Monsieur Jourdain faisant de la prose sans le savoir, je produise des projets à l'insu de mon plein gré. C'est une sorte de créativité naturelle: les systèmes politiques naissent tout en armes par ma bouche, sans même que je m'en rende compte. Je devrais peut-être envoyer un brouillon à Thomas Piketty: il pourrait s'en inspirer en vu du Prix Nobel?

Citation :
(...) pour tous ceux qu'ils concernent, question qui engage leurs désirs et pas seulement le tien (...)

Tu fais bien de préciser, Leibgeber. Sur ce point très précis, j'avais un doute.

Citation :
(...) encore que les uns et les autres peuvent être faux ou transitoires en raison des conditionnements et des habitudes auxquels ils sont soumis, ce qui les rend heureusement susceptibles d'évolution.

Je te sens taquin, là. Ne me dis que tu essaies de défendre l'idée de la relativité des systèmes philosophiques, quels qu'ils soient: je ne te croirais pas.

Citation :
Cette possibilité d'évolution vers ce que les autres reconnaîtraient finalement comme plus souhaitable requiert un peu de patience (...)

C'est vrai? J'avais plutôt le sentiment que nous évoluions à la vitesse de la lumière, sur ce fil.

Citation :
Toutefois, c'est ce à quoi il faudrait se résigner parce que ce serait perdre le moins de temps possible dans une situation où il apparaît que les législateurs ne décideront aucune mesure significative s'ils ne perçoivent pas un désir répandu de changement parmi la population.

Comment, le panorama depuis la lune?

Citation :
Dans certains domaines, ils prennent des initiatives sans forcément se soucier de son opinion, car telle est notre démocratie où l'investissement politique est devenu faible, mais dans le cas des animaux, il ne faut pas rêver, il y a trop d'enjeux économiques et culturels qui les entourent. Si une partie de la population ne se résout pas pour le moins à limiter sa consommation de viande et de lait ou bien encore de cuir (car on élève spécialement des animaux pour cela) (...)

Ton constat me paraît tout à fait inédit. Je me demande si chercheurs et journalistes ne devraient pas se pencher sur les rapports étroits entre lobbys industriels et statut légal des animaux? Il y a peut-être quelque chose à creuser...

Citation :
(...) je crains que toute idéologie radicale ne puisse qu'échouer à se faire entendre.

Raisonner, en effet, constitue un acte radical. Il y a des personnes qui ne s'en remettent jamais.

Citation :
Je serais ravi cependant si l'on me montrait que j'ai tort, car il n'y a que les animaux qui me préoccupent dans tous mes propos.

Que dire? Essaie de reprendre la discussion depuis le début et de consigner les arguments antispécistes formulés jusqu'ici pour les évaluer un à un? Tu glaneras au passage quelques mentions intéressantes de chercheurs et d'écrivains ayant consacré de profondes réflexions aux thèses antispécistes: Corine Pelluchon, Peter Singer, H. Tristram Engelhardt, Jean-Claude Wolf, Jean Nakos, J. M. Coetzee et Marguerite Yourcenar, si mes souvenirs sont bons.

Citation :
Si j'ai raison, il faudrait donc faire attention à ne pas s'écraser contre les murailles de ces enjeux avec, non pas trop de pureté, mais trop de rage ou de logique (...)

Tu ne trouveras pas d'exercices plus opposés aux manifestations de la rage que ceux de la logique et de l'argumentation. Mais dans la mesure où tous deux appellent, selon toi, à l'instauration d'un régime autoritaire, je comprends que ces notions soient confuses dans ton esprit.

Citation :
Problématique par principe selon moi, la raison seule l'est a fortiori dans la conduite d'un débat comme tu en as traité dans ton dernier message. Si je nie pas sa nécessité, je crois qu'elle souffre d'être froide et contraire au cœur réceptif d'abord aux sentiments, ce qu'il n'y a pas lieu de déplorer puisque nous en avons un ! La raison doit certes s'exercer en tant que moyen de régulation des élans souvent désordonnés du cœur comme pousser les choses peut être parfois bienvenu, mais se refuser à en appeler aux sentiments est tout bonnement absurde.

Nonobstant l'argument déjà mentionné quant à la versatilité des émotions, je ne sais pas si, sur un plan politique, tu prends bien la mesure de ton amoureux éloge du coeur en tant que technique communicationnelle visant à emporter l'adhésion d'un interlocuteur?

Peux-tu imaginer qu'aux temps, pas si révolus, où les femmes et les Noirs oeuvraient pour l'obtention de l'équité de traitement qui leur était alors refusée sur un plan légal, ils aient plaidé leur cause non en cherchant à démontrer, par l'argument, le caractère infondé de la discrimination, mais en appelant à la bonté, à la douceur, à la gentillesse du bon maître mâle et du bon maître blanc? Est-ce bien à cette sorte de mendicité émotionnelle que tu appelles?


Citation :
Toutefois, je serais d'accord avec toi, Dérinoé, si tu me rétorquais qu'il convient de ne pas être excessif en la matière et de rester honnête.

Grands dieux! Tu me connais, Leibgeber: jamais je te ne rétorquerai une chose pareille.

Citation :
Je fais ces dernières remarques en ayant E.M. Forster en tête, pour faire une énième référence à la littérature britannique. Et de sept ! Si j'en fais autant, c'est qu'une manière de traiter les questions sociales dans un esprit concret et d'ouverture marque la littérature britannique (...)

Parce qu'elle porte sur le monde concret, la philosophie éthique et politique est elle aussi éminemment concrète.
Et parce qu'il n'a de sens que dans le cadre d'un échange équitable, l'argument est peut-être le plus grand marqueur d'ouverture que l'on puisse imaginer.

Nonobstant, je t'invite à relire les derniers échanges en date: ils font état de larges extraits issus de l'oeuvre de Marguerite Yourcenar qui, n'ayant pas la vertu d'être britannique, a au moins celle de formuler des pensées philosophiques parfois pointues dans un français exquis et, de surcroît, accessible à tous.


Citation :
Pour ce qui est de ce que l'on devrait désirer pour les animaux si l'on voulait être juste sans témoigner d'un radicalisme au-dessus des forces de nos sociétés (...)

Le fait que tu considères l'hypothèse d'une équité de traitement interspécifique comme une forme de radicalisme extrême me paraît très révélatrice de ta vision du monde.

Question: penses-tu que l'équité de traitement entre les sexes entérinée aujourd'hui par nos Lois relève, elle aussi, d'un radicalisme au-dessus de tes forces? Ou, du tabouret où tu apaises les masses, ton grand coeur consent-il à la gent féminine l'aumône de petits Droits (pas trop extrêmes, bien sûr) et de modestes aménagements légaux ?


Citation :
(...) pour ma part ne cachant pas que je trouve à l'antispécisme un mauvais air univoque et totalisant comme Sethy (...)

...qui te garde toute son amitié, j'en suis certaine. Wink

Citation :
Je décevrai peut-être TimesNewsRoman et Dérinoé, mais il faut se rendre compte à quel point toute amélioration du sort des animaux est difficile à obtenir (...)

Surtout TimesNewRoman, en fait. Je le lui dis souvent: "Ténénère, tu n'es pas réaliste. Tes histoires d'équité de traitement, c'est de la romance pour jeunes filles en fleur, de la jupe en organdi et percale blancs, de la mousse de marron à la liqueur de fraise." Mais que veux-tu? Sa fraicheur d'esprit aura toujours raison de mes démonstrations les plus brillantes. Cette fille a décidément une très mauvaise influence sur moi.



***



Pour le reste, Leibgeber et Sethy, vous avez le marché bien en mains: soit vous me décrivez de manière claire et structurée cette troisième voie alternative qui semble faire l'unanimité sur le fil, soit je vous souhaite une bonne continuation à tous deux dans vos échanges futurs. Pour ma part, je ne goûte le débat philosophique que dans l'hypermétropie: soit nous évaluons des idées précises et circonscrites de très près, en examinant mot à mot leurs présupposés, signification et implications propres, soit je préfère partir à la chasse aux truffes.



***



@ MissAcacia:

Je te vois revenue à de meilleurs sentiments, MissAcacia. J'ai même l'impression que tu commences à saisir le frémissement d'un début de prémisse quant au problème qui nous occupe depuis quelques semaines déjà.


Citation :
Quant aux fameuses "lois naturelles", je pense que c'est un raccourci de langage. En tout cas, je ne pense pas que ce soit un terme consacré dans les milieux spécialisés. Il y a des systèmes de fonctionnement et des comportements plus répandus que d'autres dans le règne animal mais on trouve pratiquement toujours des cas qui dérogent à la loi supposée. L'exemple du principe de non solidarité que tu cites Derinoé se retrouve dans nombre d'espèces mais il y en a aussi (je n'ai pas d'exemple précis en tête à part les cétacés) qui sont solidaires voire qui aident leurs congénères blessés ou en difficulté (à respirer dans le cas de certaines espèces de dauphins ou de baleines). De même dans l'élevage des petits il y a absolument de tout, depuis ceux qui larguent des oeufs dans le milieu et se désintéressent de la suite, jusqu'à ceux qui protègent et nourrissent leur petit pendant des mois. Les règles systématiques sont rarissimes, à l'exception peut-être de la biologie cellulaire (et encore).

Point un. Pour ton information personnelle, le terme de "loi" ne constituerait un abus de langage que s'il n'était utilisé que dans les domaines des sciences dures ou expérimentales, pour désigner un rapport de cause à effet systématique et irrépressible. Mais sache que, dans une acception plus molle, les sciences humaines ou sociales y recourent également pour décrire un rapport de cause à effet régulièrement observé sur des objets d'études aussi variés que le comportement humain, les textes anciens ou la langue. En ce sens, je ne vois aucun problème à user de ce terme de manière plus lâche et plus ouverte dans le domaine de la biologie, quand bien même il y revêt une acception secondaire.

Point deux. Je n'ai jamais écrit que les comportements d'exclusion au sein des espèces vivant en groupe constituaient une loi naturelle. En revanche, ils me paraissent découler d'une loi naturelle, laquelle domine du reste de manière systématique la vie de toutes les espèces, à savoir la pulsion viscérale de la survie. Ainsi, celle-ci, à titre de cause, engendre-t-elle un certain nombre de conséquences comportementales bien déterminées, à l'instar de l'exclusion ou du rejet des individus perturbateurs, mais aussi de la hiérarchisation des groupes, des sessions d'accouplement régulières, de la gestion implacable des ressources à disposition, des soins apportés aux petits et cetera, et cetera, et cetera.

Pour mémoire:


Dérinoé a écrit:
Pour moi, l’expression – que je croyais par ailleurs consacrée parmi les spécialistes de la biologie – renvoie simplement à l’existence de rapports de causes à effets systématiques (ou, à tout le moins, réguliers) inhérents à la nature, c’est-à-dire présents dans la configuration et les mécanismes même du vivant, indépendamment de toute interventionnisme externe.


Dérinoé a écrit:
À titre d’exemple, la volonté de survie  conduit nombre d’espèces à certains comportements tranchés, permettant d’assurer, soit à titre individuel, soit au regard de l'espèce, le prolongement et la préservation de la vie, contre la menace d'une possible disparition.

Ainsi, nombres d’espèces vivant en groupes ont-elles tendance à se délester plus ou moins rapidement des membres incapables de concourir activement au fonctionnement de la bande : au-delà de toute notion éthique, elles évacuent ainsi un danger et une menace potentiels en se débarrassant instinctivement des individus malades, blessés, handicapés, dangereux ou inaptes à la vie sociale. De même, il semble que, dans une immense majorité de cas, les partenaires se sélectionnent sur un ensemble de critères objectifs (généralement lié à la vaillance, la robustesse, la puissance, l'endurance et la capacité de domination), ce dans la recherche d’une procréation viable et efficace, laquelle, au-delà de l'existence individuelle, offre une garantie de survie pour l’espèce.

Ainsi, cette loi naturelle que constitue le désir, impérieux, de la survie engendre-t-elle, à titre de cause, des actes et des comportements instinctifs et spontanés, pulsions dirigées qui, pour autant que je sache, ne témoignent pas de la présence d'un esprit créateur au-dessus de nos têtes.

Nonobstant, j'attire ton attention sur le fait que ce sont les spécistes de ce débat qui recourent régulièrement à l'observation de la nature, suggérant par là qu'un modèle culturel éloigné des impulsions de survie les plus primaires ne saurait être envisagé sur les plans politiques et sociaux.
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 10 Icon_minitimeSam 5 Sep 2015 - 9:36

Dérinoé a écrit:
Le point de rupture, et les spécistes de ce débat le formule de manière explicite, revient à considérer que, pour des raisons diverses et variées, le vivant connaît une hiérarchie et un ordonnancement naturels, lesquels sont aujourd'hui légitimement répercutés par la morale et par la Loi.
Modestement évidemment...
le vivant connaît une hiérarchie et un ordonnancement naturels
Je ne suis pas sûre que tu puisses nous démontrer que c'est un leurre, que rien de tel n'existe dans ce monde, que les interactions que l'animal ou le végétal vivent ne sont pas majoritairement de cette ordre.
Quand à "naturel"... c'est juste un mot, le plus courant pour nommer le monde terrestre qui nous entoure, nous a pré-existé et nous survivra, j'en suis convaincue, sous une forme où une autre. Mais dès qu'un "espace" est limité, que la mise à disposition des moyens de survie le sont du coup également, alors se crée dans ce monde "animaux-végétal" une hiérarchie, un ordre.

Pourquoi? parce que tous veulent vivre et vont jusqu'à se battre pour cela, avec tous les moyens possibles. Cet ordre, pour moi,  n'est pas un objectif mais un moyen, parce que se battre en règle général est dangereux pour tous les protagonistes, que l'on ne s'y résout que contraint le plus souvent... Il est donc logique de penser que c'est à minima que cela se fait pour une grande majorité, juste pour vivre ou survivre ! Parce que c'est la seule chose qu'on ait tous: on est vivant et vivant on veut rester.
Si l'être humain se réfère à cette hiérarchie, c'est sans doute parce que c'est facile, compréhensible par tous.
Toutes les religions ont eu le succès qu'on leur connait parce qu'elle ont "humanisé" les hommes (du moins c'est ce qu'on pense) en tentant de les faire sortir de ces lois là, avec les dérives que l'on connait tous, en tentant de donner du sens ou des valeurs à ce qui n'en n'a pas. La nature n'a pas de sens, d’existence. Y a que la vie (naitre/se reproduire ou pas/mourir), sous des formes foisonnantes, envahissantes, colonisant chaque micro espace du globe.
Nos lois, nos règlements (religion laïque?) tentent tous d'aller dans le sens d'une tentative d’égalité, ou tout du moins tentative de palier les inégalités entre les hommes (avec les dérives que l'on connait).

Existe-t-il une manière "spontanée" (j'ose plus parler de nature) de vivre autrement? Regarder le monde avec le désir de tout faire pour tous, animaux compris (enfin certains, ceux qui auront obtenu l'estampillage) équitablement? C'est quoi l'équité? jusqu'où cela va, le droit à? chacune des frontières que l'on pose abandonne ceux qui sont au delà. Et la question suivante c'est pourquoi pas eux aussi?

Et surtout, que se passe-t-il à l'heure du choix? Il n'est pas facile d'en faire un seul quand on ne hiérarchise pas, quand on ne classe pas. On peut aussi décider que le hasard décide de tout, ou le premier arrivé et c'est un choix comme un autre... mais on fait un choix en permanence, pour tout.

Souvent revient le mot "moral" dans vos argument à TNR et toi. Oui c'est immoral de laisser se noyer l'être humain pour sauver le chien(ou le rat ou...) Pourquoi? Il est possible que l'animal soit un être pensant avec un monde à lui, fait de rêves, d'espoir, de désirs, de peurs, d'imaginaire, de croyances... C'est possible, mais pas certain.
Pour l'homme, c'est certain. M^m le plus faible d'entre nous, m^m la personne la plus handicapée mentalement, tu l'as dit toi m^m, a plus de droits que les autres encore, est davantage investie que les autres.
Donc le choix ne fait aucun doute, je vais vers ce dont je suis sûre. Parce qu'en choisissant le chat ou le chien, j'aurai abandonné un être vivant à la certitude de sa mort prochaine, à sa connaissance de sa mort prochaine. Je l'aurai laisser seul face à sa peur et sa solitude consciente. Peut être que l'animal sait, mais je n'ai aucune preuve de cela. En revanche, l'être humain sait et j'en ai la preuve constamment. Il sait qu'il est mortel, et cela a tout changé pour lui. Peut être là la première définition de sa supériorité, parce que déclencheur de presque tout le reste...
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MessageSujet: Re: Un peu de philo ?   Un peu de philo ? - Page 10 Icon_minitimeSam 5 Sep 2015 - 21:16

Avant de me livrer à ton petit exercice, Derinoe, je vais essayer de montrer ce qui ne va pas (pour moi) avec la manière d'amener le raisonnement. En cela d'ailleurs, l'exercice était intéressant, car il m'a permis de mieux sentir le problème.

Nous sommes parti de l'histoire d'un chat prostré sur des voies.

Assez rapidement, tu as introduit le modèle spéciste/anti-spéciste, dont pour ma part je n'avais jamais entendu parler. Ayant déjà eu des discussions concernant les catégories d'animaux (ceux qu'on doit protéger et les autres), j'ai plus ou moins senti de quoi il s'agissait. A priori, je n'ai rien contre utiliser un modèle comme grille de lecture.

Mais, et je crois que c'est la premier point qu'il faut remettre en question, il n'y a eu aucune évaluation pour voir si le modèle s'adaptait à la situation. J'utilise souvent les modèles et les analogies mais il faut toujours prendre garde, car un modèle ne sera jamais parfait, tout comme une analogie montrera à un moment ou à un autre ses limites.

Ensuite, tu nous as imposé ce modèle comme la seule forme de lecture pertinente applicable au problème du chat. A partir de ce moment la, tu as réduit toutes nos réactions selon ce modèle.

Selon moi, ce modèle n'est pas adapté. J'ai essayé de le montrer avec toute une série d'exemple, complété par d'autres (le problème de la régulation des sangliers, le cannibalisme, le rat et le chat, la plante qui est également une forme de vie).

D'ailleurs, je reviens un instant sur le rat et le chat. Globalement, si j'ai bien compris votre point de vue, dans le cas du rat, on n'aurait rien du faire. Quel serait dès lors votre avis, si le rat qui semble prostré sur les voies porte un petit collier rose ? Même question, si une fillette ou un garçonnet est occupée à pleurer après son petit animal favori ?

Bref, au vue de ce qui précède, je pense que le modèle n'est pas adapté. Est-ce qu'il est incohérent, non. Il est juste inadapté. Evidemment, comme tout modèle "approchant", il va plus ou moins coller tant qu'on ne s'écarte pas trop de la situation initiale, mais il me semble totalement caduque pour représenter la complexité des comportements humains vis-à-vis des animaux.

Un exemple :
Je trouve licite, de dire "si on s'en réfère au modèle, ..."
Je trouve réducteur, d'écrire "si vous dites cela, vous êtes "irrévocablement" (anti-)spéciste et dès lors je peux en conclure que ..."

Ai-je un autre modèle à proposer ? Pas vraiment. Mais ce n'est pas parce que je ne peux pas réduire la complexité du comportement à un modèle simpliste, qu'un autre modèle simpliste est de-facto valable.

Néanmoins, je vais jouer le jeu et proposer un modèle simpliste, plus comme illustration de l'utilisation d'un modèle, que pour le faire mien dans le cas présent. Le modèle que je propose de considérer est celui de la raison et de la passion. Je le compléterai par la suite.

Dans "mon" modèle, j'imagine que chaque humain a, face à chaque situation, une part de raison et une part de passion qui vont guider son choix. Dans le cas du chat, ce qui a joué pour les employés, c'est la raison. Tandis que pour les femmes témoins, c'est la passion qui est à l'oeuvre. Quand on évoque le cas du rat, c'est la raison qui est à l'oeuvre quand on écrit qu'il est dans son biotope  (en omettant, le fait que l'animal était prostré).

Imaginons les deux cas suivants.

Une personne se retrouve seule sur une ile déserte, et pour un long moment. Sur l'ile, pousse des carottes et il y a des lapins. Il n'y a aucune autre forme de nourriture (végétaux, champignons, animaux, etc). Suivant les convictions de la personne en matière d'alimentation, on peut prévoir deux types de comportements. J'ai envie d'écrire, tout deux basés sur la raison. Le végétarien va manger des carottes tandis qu'après quelques semaines de régime carotte, le non-végétarien va tenter de poser des collets, de tuer un lapin, de le vider et de le manger.

Imaginons maintenant la même ile, avec de l'herbe et des lapins. La choix basé sur la raison, quelles que soit ses convictions alimentaire est de bouffer du lapin. Le choix basé sur la passion est de se laisser crever de faim.

Par contre, si sur l'ile déserte, il n'y a que de l'herbe et un autre humain, il y aura probablement peu d'Hannibal Lecter ... Par contre, si l'autre fait mine de s'en prendre à vous, alors vous n'aurez probablement aucune peine à essayer de l'éliminer.

J'y ajoute un troisième type de comportement : l'indifférent (si vous trouvez un meilleur terme, je prends). Il s'agit du comportement qui ne pose pas de choix à son auteur. Ca peut être, d'attraper biquette qui gambade sur l'ile pour la traire, de manger les huitres, mais cela peut aussi englober le chasseur qui pratique son "sport" pour le plaisir. Ou dans mon cas des deux humains sur l'ile, le cas (j'espère très général) qui veut que très peu auront même l'idée de tuer l'autre pour le manger.

Ce que je propose, c'est que selon les situations, chaque humain va soit se comporter de manière indifférente, soit raisonnée, soit passionnée.

Je propose ce modèle, qui à l'air de bien coller. Qu'en pensez-vous ?

Trois sous-question :
- est-il un bon candidat ?
- y a-t-il des cas qui le disqualifie globalement et qui le rendent caduque ?
- quelqu'un voit une limite ?

Si je dois "projeter" mon avis sur ce modèle, je dirais que ce qui va faire que nous soyons indifférent, raisonnable ou passionné dépend d'abord et avant tout de notre état de besoin au moment de faire ce choix. Ensuite, que le choix sera guidé par une part d'inné (instinct de survie de soi, des siens, de l'espèce, ...) et une part d'acquis (conviction, éducation, ...).

Pour faire le lien avec ce que j'écrivais précédemment, je dirais que la part d'inné, est celle qui a émergée de par élimination de tout autre comportement moins propice à la survie tandis que la part d'acquis est une manifestation de l'évolution.
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