Jeu littéraire pour chasser les idées noires

Voici ma participation:

Citation :

Son feutre festonné d’une coquille et le bourdon à la main le dispensent de se nommer. Il marche depuis si longtemps, sans se retourner, à quoi bon. Ses pas l’éloignent du passé, son pessimisme s’allège au fil des lieues, tout devient clair voire transparent. Avançant plein ouest, le soir le soleil nimbe la route du lendemain. La nuit, il suit la ligne continue de la Voie Lactée, elle mène au bout de son monde nouveau. Dans sa poitrine ce bloc oppressant depuis tant d’années se désagrège, peu à peu, dilué à chaque expir, sublimé légèrement en un souffle boisé qui se perd le long du chemin.

Joli l'Ami ! Quelle bonne trouvaille avec ces mots, je n'y aurais jamais pensé ! J'aime beaucoup le "souffle boisé".

Merci Annwvyn, tes commentaires sont rafraîchissants.

C'est merveilleux L'Ami ! J'ai repensé en te lisant au pèlerinage d'Ansiau dans La Pierre angulaire de Zoé Oldenbourg. Ou plutôt à ce que je vivais dans la peau et l'âme de ce personnage... Tu me donnes envie de le relire.

Merci Selenh, je vais me procurer ce livre dont je ne connais pas (encore) l’autrice. Ce que je connais par contre, c’est cette expérience inoubliable d’avoir cheminé à travers la France et l’Espagne jusqu’à Saint Jacques de Compostelle. Je regrette de n’avoir pu rentrer à pied, parce que le retour fait aussi partie d’une " reconstruction" complémentaire.

Attention, L'Ami ! Il ne faut pas commencer par La Pierre angulaire mais par un autre roman qui se déroule à partir du mariage d'Ansiau et Aalaïs, au début de leur vie d'adulte, et qui a fait les délices de mon adolescence : Argile et cendres. Genre «au douzième siècle, vie d'un petit fief boueux  du côté de Troyes». L'autrice est une historienne rigoureuse (spécialiste des cathares) et une bonne romancière. Lis l'article suivant, tu vas voir, elle gagne à être connue.

Spoiler:

La Pierre angulaire, qui a reçu le Prix Femina en 1953, un 17 avril, il y a pile 71 ans, donc, est plus austère (la périphrase du titre désigne la Foi). On quitte le fief de Linnières avec Ansiau, pour pérégriner vers Jérusalem, à travers les terres cathares en pleine combustion.

Je te recommande aussi une de ses œuvres d'historienne qui a fait date, en tout cas auprès des occitanistes comme mon père et moi (mais où sont les neiges d'antan...) c'est Le Bûcher de Montségur, Gallimard, dans la collection «90 jours qui ont fait la France», de 1959, comme moi...

Et tant que j'y suis, en écho :

Selenh a écrit:

Au sortir du bois, sans se retourner, elle continue vers le lac. Ce soir il est un bloc d'argent légèrement transparent, nimbé d'une lueur surnaturelle. Sans cesser de marcher, elle fait glisser par dessus sa tête son chainse tâché de sang, festonné de suie, et elle se jette, sanglotante et nue, dans l'eau purificatrice de son enfance abolie.

Selenh, merci pour ces précisions, je prends note et vais faire une OPA amicale chez mon libraire. En 1953 j’étais un enfant qui courait nu-pieds sur les plages de la Mer de Chine et j’ignorais encore les frasques de Simon de Montfort et d’Arnaud Amalric.

Quant à ton texte: Que cela est si bien dit et terrifiant.

Selenh je ne connaissais pas non plus Zoé Oldenbourg ses livres n'ont pas l'air faciles à trouver

Bravo pour ton texte, d'une concision glaçante

L'Ami j'aime beaucoup, ton texte est empli de sérénité, merci de nous faire partager ton expérience de pèlerin

Annwvyn, excellent ah les affres de l'adolescence

Selenh, ton texte est glaçant. Il m'apprend au passage le mot "chainse", mais vraiment, j'en ai des frissons...

Merci Rosalind ! Je ne sais pas si vraiment mon personnage est un adolescent, ou plutôt un jeune adulte. Je crois en tout cas qu'il n'est pas très sain, je le sens trop obsédé par la jeune femme pour être honnête.

Merci pour ta réponse Annwvyn

J'ai dû mal comprendre ton texte, j'ai cru qu'il s'agissait de deux élèves, le garçon étant fasciné par une jeune fille de sa classe

Je poste ici le texte d'Aquarelle

Aquarelle a écrit:

Nimbée de ses longs cheveux châtains, légèrement courbée vers le grillage de séparation, la jeune fille observait avec sérieux les gazelles qui s’étaient avancées vers elle. De sa main droite dépassant d'un corsage festonné aux manches, elle caressait la tête de l'animal le plus proche.
Le jeune homme qui arrivait à sa hauteur stoppa d'un bloc sur cette charmante apparition. L'élégance de la jeune fille épousait parfaitement l'élégance du jeune fauve.
Mais elle ne se retourna pas et continuait de caresser la gazelle entre ses deux cornes qu'il imaginait à tort être des bois.
Elle semblait absente à tout ce qui n'était pas l'animal. Lui, le passant inconnu était tout simplement transparent pour elle !
Il ne bougeait pas, de plus en plus fasciné.
Était-elle Yvonne de Galais  ?
Était-il Augustin Meaulnes  ?
Le jeune  homme ne savait plus... Il se frotta les yeux qui s'embuaient de rêve et se hasarda :  " Euh... Bonjour...Comme elle est belle cette gazelle ! "

Joli, Aquarelle !

Annwvyn, j’avoue un peu tardivement, ton texte m’a rappelé dans ma jeunesse des amourettes avortées, par l’indifférence de certaines et le mépris pour d’autres. J’ai pris de sacrés râteaux crénom de nom. Ceci  dit, je n’ai jamais eu de haine contre ces demoiselles. Que du désespoir !

L'Ami désespéré certes, mais que de souvenirs d'amours adolescentes    et c'est tout à ton honneur d'être fleur bleue  

Aquarelle ton jeune homme timide est tout à l'opposé de l'inquiétant personnage d'Annwvyn  

A mon tour ! mon personnage est encore trop jeune pour les tourments amoureux  

Citation :

Le garçonnet avance légèrement sur le sable mouillé, scrutant la laisse de mer festonnée de dépôts fascinants. Un bloc de bois flotté rejoint dans son sac les trésors du jour, rejetés par la récente tempête, coquillages nacrés transparents, os de seiches et fragiles gorgones.
Au loin sur la ligne d’horizon le soleil plonge déjà, nimbé de cuivre et d’or.  
Il se retourne pour répondre à l'appel insistant de sa mère, et rebrousse chemin à regret, avec la ferme intention de continuer ses recherches le lendemain.

Dame Rosalind, comment résister à l’appel des deux mer et mère ? (Oui, ça ne se dit pas, mais je n’ai pas pu m’en empêcher )

L'Ami a écrit:

comment résister à l’appel des deux mer et mère ?

En lisant Le silence de la mer

Roz,j'adore ton texte, parce que non seulement il m'évoque  des souvenirs  personnels avec mon petit garçon, quand j'étais  jeune  maman,  mais aussi parce qu'il est rempli de mots qui sont beaux et forment des images magnifiques.

 Selenh, je confirme  , ton texte est magnifiquement glaçant !
Comme tu m'as étonnée  l'Ami par ce texte dont la sérénité  finale m'a enchantée . la dernière  phrase  est une merveille.
Quant à  toi , Annwyn, sans le savoir, j'ai été  l'envers de ta photographie  des amours de l'adolescence : sources de bonheur...ou de terreur.J'ai bien  aimé  qu'on se retrouve  sur ce thème. Je salue ton style  toujours  travaillé  avec succès  .  
Il me reste à  dire à  Elianor  que dès  la lecture de ses mots, j'ai pensé  au Grand Meaulnes.

Merci pour tes commentaires Aquarelle

C'est toujours passionnant de constater que les mots nous conduisent sur des chemins si différents

Etrange qu'ils t'aient évoqué le Grand Meaulnes les bois ???

Pour ma part c'est feston/ festonné qui m'a emmenée sur une plage, et nimbé au soleil couchant

Non , ce sont tous les mots qui m'ont emmenée vers Yvonne de Galais , aussi bien  nimbé que se retourner  que festonné  .Cela a été  comme une évidence  .

Et comment as-tu eu l'idée de transposer cette histoire au zoo ?

Je voyais la main de la jeune fille s'approcher d'un grillage .Alors tout naturellement je " les ai vus" se croiser dans un zoo ( je pensais à celui de Doué- la- Fontaine particulièrement attirant.Et à l'élégance et la finesse de la gazelle qui s'accordaient à celles de la jeune inconnue.

Bon Dame Rosalind, cette discussion ça me donne soif: Un ch’tit canon bien frais, un coup d’Entre-Deux-Mers, cépage sauvignon, en silence, si tu veux ?

🤫

Roz, j'adore ton texte qui me fait replonger dans des moments parmi les meilleurs de ma vie. Magnifiquement assorti à ta ban, qui plus est.    

Rosalind a écrit:

Selenh je ne connaissais pas non plus Zoé Oldenbourg ses livres n'ont pas l'air faciles à trouver

J'en ai trouvé cinq, mais des ebooks, avis à ceux qui ont une liseuse. Les trois dont je vous ai parlé, Les Croisades et une biographie de Catherine de Russie.

"Argile et Cendres- Tome 1, tome 2 " Commandés dans une librairie. J'attends

Merci pour vos textes, tous bien différents, mais tous aussi réussis C'est  drôle de voir où une même liste de mots peut entrainer chacun sur des pistes aussi dissemblables !


Désolée de t’avoir imposé un mot que tu n’aimais pas Annwvyn … Quelle force dans le ressentiment de cet adolescent/ jeune homme. Je n’aimerai pas être la cible de son amour dévorant et nocif  

L’Ami, j’aime beaucoup ton texte, avec le jacquaire dont l’esprit s'allège à mesure de son avancée sur la route. Je trouve également « le souffle boisé » très beau et apaisant  

Selenh, un texte terriblement concis et un peu effrayant ! On aimerait bien savoir ce qu’« elle » a fait  

Aquarelle, j’aime cette rencontre presque magique et irréelle. C’est un beau clin d’œil au Grand Meaulnes  
Roz, quel mignon chercheur de trésor . J’aime l’ambiance estivale et la douceur de ton texte

Je donnerai mon verdict demain, au cas où d'autres participants soient inspirés d'ici là