Un génie de la littérature : Stefan ZWEIG

J'ai terminé il y a quelques jours ma lecture du Monde d'hier C'était le premier Zweig que je lisais.

J'en garde de très bons souvenirs. Comme déjà mentionné dans le topic, la peinture qu'il fait de la Vienne de la fin du XIXe siècle, mais aussi de l'Autriche et de l'Allemagne après la première guerre mondiale puis, la montée du nazisme, est particulièrement passionnante. Alors oui, bien sûr, nul doute qu'il n'idéalise la période de sa jeunesse, mais je ne sais pas si c'est très grave, au final...
J'ai aussi particulièrement apprécié un passage où il parle de son écriture, du fait que s'il écrit d'un premier jet disons 1000 pages, il n'en gardera que 200 au final...Là encore, il exagère peut-être, mais il explique ainsi qu'il met un point d'honneur à être le plus clair, précis et concis possible dans son écriture.

Il y a tout de même aussi des longueurs. La juxtaposition de ses rencontres avec le énième plus grand poète de son temps, celle de ses voyages, tout cela m'a un peu moins intéressée. Il parle peu de sa vie privée et passe complètement sous silence ses proches, ses épouses, en particulier (je n'ai compris que vers la fin qu'il était marié). Cela peut se comprendre, respect de la vie privé, tout ça, mais enfin, sans en faire de grands discours, il aurait au moins pu mentionner un peu plus l'existence de ses épouses à ses cotés (euh..pas en même temps, hein )

Et évidemment, à chaque fois qu'il parle du "monde d'aujourd'hui" (pour le comparer à celui d'hier), on a envie de le réconforter, de lui dire que cela n'aura qu'un temps, que même si le 21e siècle n'est pas folichon, au moins, Hitler a été vaincu et on a réconcilié l'Europe (puisque c'était son rêve, sa vision)...J'espère qu'il le sait, quelque part.

Et bien, justement, Léti, pour prolonger ta lecture, je te conseille le documentaire d'Arte en replay, disponible ICI, dont nous avons parlé juste avant.

En effet, merci Petit Faucon, et Nefelibata

Merci Léti pour ton retour sur ce livre qui patiente sagement sur mes étagères depuis déjà quelques années. J'aimerais profiter de ma visite à Vienne ce printemps ( ) pour le lire, ce sera l'occasion idéale.

Oh, quelle chance de visiter Vienne, Tatiana Il faut que je m'organise ça moi aussi.
En tous cas, commencer ce livre lors d'un tel voyage me semble une excellente idée, en effet

Oh profite bien de ton séjour Tatiana ! Je suis tombée amoureuse de cette ville et j'aimerais beaucoup y retourner, elle est magnifique

En fait ce ne sera pas une première, j'y étais il y a une dizaine d'années, j'avais eu un coup de cœur pour cette capitale . D'où mon envie d'y retourner.

Quelle chance tu as Tatiana, d'aller à Vienne. (il n'est pas exclu que j'y aille cette année d'ailleurs, j'organise une semaine de vacances avec une amie mi-avril, et l'Autriche est candidate ).

En ce qui concerne Zweig maintenant, sur un coup de tête, je viens de réserver ma place pour aller voir la pièce Amok au Théâtre de Poche-Montparnasse , la semaine prochaine. Il s'agit de l'adaptation d'une nouvelle de Stefan Zweig, que je ne connaissais pas.

Wikipédia a écrit:

Amok ou le Fou de Malaisie (en allemand Der Amokläufer est une nouvelle de l'écrivain autrichien Stefan Zweig publiée en 1922.

Le narrateur fait la rencontre sur un bateau d'un ancien médecin allemand parti pratiquer en Indonésie. Ce dernier est sous l'effet d'une vive et soudaine obsession pour une femme, sentiment qu'il met en parallèle avec l'amok.

L'amok est un comportement meurtrier, toujours individuel, observé en de nombreux endroits du monde par l'ethnographie, puis théorisé à partir de sa forme institutionnalisée en Malaisie.

L'acteur est seul en scène, et il s'agit d'Alexis Moncorgé (le petit fils de Jean Gabin, que j'avais déjà trouvé excellent dans le rôle d'Octave Mouret dans la mise en scène d'Au bonheur des dames). Si je ne me trompe pas, Alexis Moncorgé a lui même adapté la nouvelle de Zweig. Le metteur en scène est Caroline Darnay.

La pièce avait eu des retours très excellents lors du dernier festival d'Avignon, ce qui a achevé de me convaincre. Je viendrai vous donner des nouvelles, mais je m'attends à un grand spectacle.

Quelle bonne idée que cette pièce ! J'aime bien la nouvelle, même si ce n'est pas pas ma préférée, elle a un côté moite et"force du destin" qui est impressionnant.

Super Annwvyn hâte d'avoir ton retour! Idem ce n'est pas ma préférée mais l'écriture de Zweig y est merveilleuse comme d'habitude

Et voilà, j'ai assisté ce soir à Amok. C'était au théâtre de Poche-Montparnasse, petite salle qui implique une proximité fabuleuse avec les comédiens. Le comédien en l'occurence, puisqu'Alexis Moncorgé était seul sur scène. Je ne vais pas mentir, et dire que la pièce m'a bouleversée. Mais j'ai trouvé la nouvelle de Zweig intéressante, et la performance d'Alexis Moncorgé vraiment remarquable. J'en reste assez émue, pour tout dire.

Je ne connais pas la nouvelle de Zweig, donc je ne juge pas l'adaptation, mais seulement la pièce. Je peux simplement vous dire que ce n'est pas une lecture, mais bien une histoire qui prend vie sous nos yeux, par le récit du personnage principal qui se confie au public. En ceci, parce que le public vit l'histoire, je peux dire que c'est bien adapté. En ce qui concerne la qualité du texte, je n'ai rien de particulier à dire, c'est sans doute moins soutenu que Zweig (ça passe extrêment bien à l'oral), mais ça reste un texte riche.



J'ai une faiblesse pour Alexis Moncorgé depuis que je l'ai vu il y a un an dans le rôle d'Octave Mouret dans l'adaptation théâtre d'Au bonheur des dames. Il a certainement le physique avenant du personnage, le côté cordial et charismatique, et "la barbe soignée" (pour les yeux couleur vieil or, il faisait trop sombre et j'étais un tout petit peu trop loin pour vérifier ! ). Ce soir, je l'ai trouvé vraiment remarquable, à peine quelques accrocs sur une grosse heure de monologue c'est impressionnant (en fait, de l'extérieur ça paraît simple... mais le travail que ça doit demander est très impressionnant !). Sa voix était posée, et assurée. Le personnage principal est (ou devient ? L'est-il vraiment ?) fou, et le comédien sombre sous nos yeux. Mais le jeu d'Alexis Moncorgé est appliqué, sans surrenchère. Son interprétation est donc à l'image du texte, sur le fil, et on devine simplement, la profondeur et la complexité de l'humain derrière.

Amok avait déjà d'excellentes critiques, reconnaissant les mérites du comédien, donc j'y allais, presque sûre de ne pas être déçue. La mise en scène sert bien le comédien (ce sont surtout des effets de lumière et des effets sonores), et on se croirait tantôt sur le bateau, tantôt dans les chaleurs moites de la Malaisie (à noter que la metteur en scène joue Henriette Desforges dans ABDD ! ).

Que pourrais-je reprocher à cette pièce ? Peut-être parfois le côté un peu fluet d'Alexis Moncorgé. Il joue vraiment très bien, il habite le rôle, mais il n'a pas la flamboyance d'un Pierre Niney, ce qui fait que peut-être je n'ai pas été bouleversée. Mais je chipote vraiment, son côté mesuré et nuancé m'a beaucoup plu finalement, et correspond sans doute plus à Zweig qu'une passion et une folie extériorisée de A à Z.

Je n'ai rien de plus à ajouter, sinon que j'ai eu le sentiment de partager un moment privilégié. A la fin de la pièce, le comédien est venu s'exprimer, pour remercier le public d'être venu (quelle humilité encore de la part d'un comédien professionnel... je suis toujours impressionnée...), pour dire que la troupe était toute nouvelle et avait d'autres projets, mais qu'elle n'avait aucun moyen de faire de la publicité, et donc qu'il fallait qu'on fasse marcher le bouche à oreille. Alexis Moncorgé nous a remercié de notre écoute de ce soir, disant que chaque soir est différent. Je me suis sentie personnellement très émue. Donc, ce monsieur Moncorgé m'a fait une très très bonne impression.

Merci pour ton avis Annwvyn et contente qu'il soit positif !
Ça me donne vraiment hâte de voir bientôt l'adaptation d'ABDD (grâce à toi encore une fois )

Merci pour ton retour enthousiaste Annwvyn . Ce n'est pas tous les jours qu'une adaptation de Zweig est proposée au théâtre, et on ne peut que saluer l’initiative qui sort des sentiers battus. Ce que tu dis d'Alexis Moncorgé me donne une nouvelle fois très envie de le découvrir, après ton écho d'Au bonheur des dames. Souhaitons-lui un avenir théâtral radieux, et des propositions de rôles aussi intéressantes que celles dont tu as fait la chronique .

Merci de ton retour sur Amok, ANnwvyn !

Si j'ai bien compris, Alexis Moncorgé est seul sur scène pendant toute la pièce ? C'est effectivement une gageure.
Je suppose donc qu'il joue le rôle du médecin, qui devient "amok", celui qui raconte l'histoire au narrateur, qui lui-même nous la raconte (dans le livre).
En tous cas Zweig est un  formidable conteur d'histoires, et Amok est une histoire prenante.

Petit Faucon a écrit:

Si j'ai bien compris, Alexis Moncorgé est seul sur scène pendant toute la pièce ?

Je suppose donc qu'il joue le rôle du médecin, qui devient "amok", celui qui raconte l'histoire au narrateur, qui lui-même nous la raconte (dans le livre).

Exactement, c'est un seul-en-scène. Je réalise que j'aime bien cet exercice, qui n'est ni une lecture, ni une pièce, peut-être parce qu'un lien se créé entre le comédien et le public, qui est son unique interlocuteur. J'avais beaucoup aimé Des fleurs pour Algernon avec Grégory Gadebois (c'était vraiment brillant ), et cette seconde expérience ne m'a pas déçue (même si elle s'est avérée un peu moins marquante ).

Alexis Moncorgé est effectivement ce médecin qui devient fou, et il s'adresse au public, comme s'il le rencontrait sur le bateau, à son retour de Malaisie. Il nous raconte son histoire, nous explique pourquoi il fuit la foule. De temps en temps, le personnage prend la voix des autres personnes de l'histoire (la femme, le boy), mais c'est toujours le médecin qui parle.

C'est aussi Alexis Moncorgé qui a adapté la nouvelle d'ailleurs. Je serais extrêmement curieuse de savoir pourquoi ce choix. Ca m'a turlupiné pendant une bonne partie de la représentation...

C'est vrai que la personne qui est sur scène peut incarner plusieurs personnages, et jouer sur les glissements de l'un à l'autre

Je sors du théâtre de Poche (vraiment minuscule pour le coup, heureusement que je suis arrivée avec quasi 1h d'avance : j'étais au premier rang, je pouvais presque toucher le comédien^^) et j'ai bien aimé cette mise en scène d'Amok.
L'histoire est trop oppressante pour dire que j'ai adoré mais la performance d'Alexis Moncorgé est bluffante ! Tenir quasiment 1h30 seul sur scène, pour un rôle extrêmement physique c'est chaud ! Il est vraiment excellent une nouvelle fois, je vais suivre sa carrière de près car il a beaucoup de potentiel.

Alexis Moncorgé est nommé une seconde fois aux Molière pour la révélation masculine. C'est sans doute pour Amok, et j'espère de tout coeur qu'il va gagner. Ce serait mérité !

Bon sang ne saurait mentir

Beaucoup aimé Le Monde d’hier, malgré quelques longueurs. Étonnamment, le style m’a gênée dans un premier temps par sa lourdeur, alors que cela n’a pas été le cas dans les quelques biographies que j’ai lues (Fouché, Marie-Antoinette et Marie Stuart). Je ne me suis encore pas aventurée dans ses nouvelles et autres fictions.

C’est un document tout à fait à part, ni autobiographie ni mémoires, davantage un livre de souvenirs (terme qui figure dans son sous-titre), une évocation mélancolique d’un monde révolu. Il ne mentionne que rarement sa vie personnelle, au point que lorsqu’on entrevoit sa mère, alors âgée, en 1936-1938, elle surgit de quasi nulle part.

De par l’atmosphère qu’il dépeint, celle d’avant 1914 mais aussi le monde intellectuel dans lequel a baigné Zweig, il constitue un témoignage passionnant   . J’ai en particulier apprécié les pages consacrées à la réaction des populations à l’annonce de l’assassinat à Sarajevo en juin 1914 et de la déclaration de guerre, puis aux mentalités pendant la Première Guerre. En outre, la description des mœurs dans l’empire austro-hongrois des années 1900 représente une source tout à fait intéressante sur cette époque.

La vie de Zweig m’était parfaitement inconnue et j’ai ainsi appris combien il était cultivé et cosmopolite, découvert sa passion des autographes et son culte voué à la littérature. J’ignorais également le temps consacré à ses voyages (sans aucun passeport !), la quasi-totalité de sa vie d’adulte ayant été passée en pérégrinations à travers l’Europe et un peu au-delà. C’était un homme en perpétuel mouvement. Car l’Europe comptait par-dessus tout pour cet amoureux de la culture et curieux de tout qui a eu la chance de rencontrer les plus grands esprits de son temps. Il raconte par exemple merveilleusement son amitié avec Romain Rolland, et dresse d’autres portraits très intéressants (tout en passant hélas très vite sur d’autres comme Roger Martin du Gard). J'ai moins accroché à celui de Freud, il arrive à la fin du livre lorsque ses longueurs se font sentir.

Le livre s’achève en 1940, et le lecteur connaît bien sûr la suite…. qui ne sera pas longue pour Zweig hélas   . On n’a aucune peine à saisir son horreur de la guerre dans ces pages, et, exilé alors que l’Europe est une nouvelle fois plongée dans le chaos, on mesure son désespoir.

J’en ai profité pour regarder le documentaire "Stefan Zweig, histoire d’un Européen" diffusé en janvier dernier sur Arte et coréalisé par François Busnel. Complément illustré utile au livre, ce portrait donne une vue d’ensemble de l’existence de l’écrivain et de son œuvre mais, surtout, ne comporte malheureusement aucune intervention de connaisseurs de Zweig et de son œuvre, aucune interview du tout d’ailleurs. Sa durée, une petite cinquantaine de minutes à peine, ne permet pas l'alternance entre passages documentaires et extraits d'entretiens.

Tatiana, merci pour ton avis détaillé
Je suis d'accord avec toi du début à la fin ) Même si le côté collectionneur d'autographes m'a un peu ennuyée, sans doute en partie par déformation professionnelle (la collection par opposition au fonds, tout ça...:p)

Son amour de l'Europe en particulier et des voyages en général fait vraiment plaisir à lire, par contre.

De mon côté sa description de l'étoffement de sa collection d'autographes m'a rendue rêveuse, en essayant d'imaginer son prestige et ce qu'elle pourrait donner dans une exposition . Si je me souviens bien il a fait don des documents les plus prestigieux à la bibliothèque nationale autrichienne avant de quitter définitivement son pays, ce doit être un superbe héritage.

Je suis allée voir Stefan Zweig, adieu l'Europe, film sur les années d'exil de Stefan Zweig en Amérique.

Si les acteurs sont vraiment très bons, le film dégage un certain ennui. Il est découpé en scènes s'attachant à un évènement particulier de la vie de Zweig, sauf que ces évènements sont très anecdotiques et on peut se demander s'il n'y avait pas plus intéressant à raconter que la visite d'une plantation de canne à sucre pendant laquelle Zweig écrit un télégramme, ou Zweig rencontrant une vague connaissance et lui expliquant les horaires de bus.

Pour ma part, je connais très très mal Stefan Zweig, tant par ses œuvres (je n'ai lu que Le joueur d'échec), que par sa vie (je savais qu'il s'était suicidé avec sa seconde épouse), et le film ne m'a strictement rien appris sur lui.

Donc si on ne peut rien reprocher aux acteurs et que l'esthétique est parfois très belle, le film reste pour moi très dispensable.

Merci pour ton avis, Ludi ! C'est dommage s'il ne nous délivre pas beaucoup de détails sur la vie de Stefan Zweig

Merci Ludi, comme dit Juliette, c'est dommage