Jane Eyre (Charlotte Brontë)

Post très intéressant, rotko...

Personnellement, St John est un personnage qui m'a toujours déplu, non qu'il me terrifie ou qu'il me fascine, mais il me laisse de glace. St John me paraît presque déshumanisé. Il est froid, distant, strict, sans chaleur. Il fait vraiment pâle figure à coté de Rochester.

Clelie a écrit:

l est froid, distant, strict, sans chaleur. Il fait vraiment pâle figure à coté de Rochester.

On peut penser qu'il apparait même comme un opposé à notre cher Edward...

Charlotte Brontë n'est pas si indulgente que cela vis-à-vis de Saint-John ; elle a beau prendre des précautions pour ne pas choquer le lecteur de son époque, elle laisse quand même entendre que toutes les bonnes actions de Saint John ne valent rien, parce qu'elles ne sont pas dictées par l'amour, mais par l'orgueil.
Saint-John est du côté du froid et de la mort ; chaque fois qu'il apparaît dans le roman, des images l'associent à la glace et à l'hiver. Alors que Rochester, lui, est du côté de la flamme et de la chaleur. Il a également un aspect "luciférien" qui le rend dangereux, mais aussi... terriblement séduisant!
Le roman a beau être plein de références religieuses, j'ai l'impression que par moments, elles sont détournées. Mais c'est ce qui fait son intérêt.

popila a écrit:

Saint-John est du côté du froid et de la mort ; chaque fois qu'il apparaît dans le roman, des images l'associent à la glace et à l'hiver. Alors que Rochester, lui, est du côté de la flamme et de la chaleur. Il a également un aspect "luciférien" qui le rend dangereux, mais aussi... terriblement séduisant! .

oui; pour le froid et la mort, c'est très juste. pour "l'indulgence" face à Saint John, c'est plus amha le fait de Jane actrice du roman que de l'auteur (censé être jane narratrice). Avec l'auteur, on regarde par-dessus l'épaule du personnage.

popila a écrit:

Le roman a beau être plein de références religieuses, j'ai l'impression que par moments, elles sont détournées. Mais c'est ce qui fait son intérêt.

Difficile d'imaginer que les paroles d'Helen Burns, figure de maria Brontë, soeur de Charlotte morte à l'ecole de Cowan Bridge (alias lowood) ne soient pas à prendre au pied de la lettre.
On est d'accord sur "par moments"

passionnant débat que tu as initié Rotko.
J'ai toujours trouvé que les aspects religieux de cet ouvrage était livrer aux lecteurs que nous sommes avec une vérité étonnante. Je ne suis pas certains qu'il y ait véritablement un jugement de valeur concernant Saint-John.

Je me demande vraiment si la vérité brute de ces personnages, il est vrai extrême, ne nous amène pas à émettre un jugement de valeur que l'auteur n'a pas forcement voulu faire.

Je viens de relire toutes les pages de ce topic et les pages du topic où je critiquais assez violement Rochester. La diversité d'opinion que l'on a sur ces personnages me fait dire qu'en fait... Leurs portraits doit simplement être d'une saisissantes vérités...

Bexounet
PS : pas vaiment sûr d'avoir été clair sur ce coup là, mais j'avoue être trop crevé pour tout refaire.

Tu as été très clair Bexounet.

Bexounet a écrit:

Je viens de relire toutes les pages de ce topic et les pages du topic où je critiquais assez violement Rochester. La diversité d'opinion que l'on a sur ces personnages me fait dire qu'en fait... Leurs portraits doit simplement être d'une saisissantes vérités...

Je suis entièrement d'accord avec toi. Des personnages lisses nous laisseraient indifférents, ceux-ci nous font réfléchir, ils provoquent le débat, ils sont vivants, quoi!

Je viens rejoindre la liste des lectrices tardives de Jane Eyre, que je viens de terminer (sous l'influence des éminents membres de ce forum, est-il besoin de l'avouer), en trois jours ! temps record ppour moi par les temps qui courent.

Je l'avais aussi comme plusieurs d'entre vous commencé lorsque j'avais 13 ans, sous le coup des Hauts de Hurlevent, totalement affamée et frustrée de l'absence d'un autre roman d'Emily Brontë. Il m'était alors tombé des mains (va comprendre pourquoi )

Là, je l'ai lu plutôt frénétiquement et j'ai été frappée par la modernité de Jane Eyre. Pour ma part je ne la trouve pas effacée, j'ai plutôt l'impression qu'elle se plie à des règles contre lesquelles elle ne peut pas lutter (Mrs Reed, Lowood, son patron) mais son caractère très affirmé voire naturellement emporté reprend parfois le dessus. Elle peut être douce, notamment avec les enfants (une réminiscence de sa propre enfance ?) mais je ne trouve pas que cela la caractérise.
Mais sa détermination, sa volonté d'indépendance, ses principes, qui me paraissent traduire une morale très personnelle sont extraordinairement modernes.

Son histoire avec Rochester est très prenante mais personnellement je n'ai pas accroché sur ce personnage (je ne ferai donc pas de concurrence aux membres de la Rochester team). On a un peu l'impression d'une double personnalité: il passe d'un extrème à l'autre et c'est très déroutant. Et puis je trouve qu'il a une façon de fuir les situations qui ne lui conviennent pas qui me rebute un peu. Mais enfin, il l'aime tellement... pourtant on dirait qu'il prend plaisir à la mettre sur des charbons ardents (l'épisode avec Blanche Ingram est particulièrement torturant, je trouve...)

Enfin, une petite anecdote, j'étais persuadée de connaître la fin car j'avais lu il y a quelque temps l'Affaire Jane Eyre, de Jasper FFjorde (j'espère que c'est ça, je me perds dans toutes ces consonnes), qui m'avait fort divertie. J'avais été toutefois très déçue de perdre le suspense mais bon, je me suis lancée quand même...
Arrivée à St John Rivers, je me disais, non ça n'est pas possible qu'elle parte aux Indes avec cet homme, son idéal est peut-être très élevé (encore que je plains les hindous qui auront refusé de se convertir...) mais il est épouvantable... bien que très agréable à regarder (les descriptions physiques ont été pour moi un régal) .
Et là, la téléphatie, l'incendie, Rochester mutilé...

Je me suis sentie bête, mais bête, la pôv'fille ! J'en ris encore.

Enfin je pense que je le relirai et j'ai hate de connaître ses autres oeuvres.

A titre personnel, je serai bien restée dans la vieille maison sur la lande... (soupir)

Quel livre !! J'ai litteralement dévoré Jane Eyre...

C'est un livre tellement différent de ceux de Jane Austen, j'entends par là, plus sombre, plus triste, plus religieux aussi.. mais tellement beau.

Certain passage (la fin surtout) m'ont fait pleurer la demande en mariage etait vraiment belle, leur séparation tellement cruelle et leur retrouvaille etait juste magnifique.

Je suis folle de Mr Darcy mais je crois que Mr Rochester est bien partie pour le remplacer, car il represente à mon sens le mâle dans son ensemble avec les bons cotés comme les mauvais.

J'adore la fin du livre, meme si elle est "triste".. Au début de leur histoire, c'est Jane qui ne croit pas possible que Rochester soit capable de l'aimer, elle est petite, sans un sou et pas tres jolie puis à la fin du livre, c'est au tour de Rochester qui ne croit pas sa Jane possible d'aimer un homme mutilé et aveugle comme lui... J'adore quand l'amour triomphe toujours

Je crois que je n'ai jamais ressentie autant d'émotion en lisant un livre que celui-ci. J'étais véritablement triste de le terminer mais je me console en me disant que se n'est que le premier des Bronté que je lis...

MissAcacia, AnneE, quel plaisir de lire vos commentaires. Merci de nous avoir fait partager vos impressions.

Je suis vraiment heureuse que notre forum puisse contribuer, même modestement, à la popularité de ce livre si marquant.

cat47 a écrit:

Je suis vraiment heureuse que notre forum puisse contribuer, même modestement, à la popularité de ce livre si marquant.

Alors là j'adhère totalement, j'ai mis plusieurs jours à en "sortir".

Et voilà une fan de plus de ce merveilleux roman ! Je te rejoins dans ce que tu dis ici AnneE :

Citation :

Je crois que je n'ai jamais ressentie autant d'émotion en lisant un livre que celui-ci.

C'est tout à fait ce que j'ai ressenti à la lecture du livre. J'étais relativement jeune quand je l'ai lu la première fois (13-14 ans), et ça a été une véritable révélation... Il est devenu et est toujours un roman de référence pour moi. Après cette lecture, j'étais persuadée que je ne lirais jamais plus rien d'aussi beau (heureusement ce n'était pas tout à fait vrai), mais j'avoue que l'émotion ressentie après avoir lu ce livre a été pratiquement inégalable depuis. C'était le premier véritable roman que je lisais avec autant d'attention, autant d'enthousiasme. Ce fut une découverte d'un ouvrage magnifique, mais aussi celle de l'amour de la lecture.

Comme le dit Cat, c'est vraiment plaisant de voir vos commentaires tout neufs et enthousiasthes sur ce livre...

Celine, Cat, le plaisir est pour moi de pouvoir partager mes sentiments sur ces magnifiques oeuvres...
Le fait de discuter avec vous de Jane Austen, des Bronté et des autres (que j'ai pas encore lu) c'est un vrai soulagement pour moi

Moi c'est Clelie, AnneE. Merci de ton avis tout frais et tout neuf sur ce roman splendide... C'est chouette de pouvoir en discuter à nouveau.

AnneE a écrit:

Quel livre !! J'ai litteralement dévoré Jane Eyre...
...Je crois que je n'ai jamais ressentie autant d'émotion en lisant un livre que celui-ci. J'étais véritablement triste de le terminer mais je me console en me disant que se n'est que le premier des Bronté que je lis...

Il s'est passé exactement la même chose pour moi il y a quelques mois .
Quand je dis que je l'ai dévoré c'est un euphémisme : je l'ai lu en 2 jours !!!

A quand vos commentaires sur la série de la BBC maintenant les filles ???

Ah, le fait de lire vos posts m'a rappelé la première fois que j'ai lu Jane Eyre... à que de bon souvenirs ! Je devais avoir 13 ou 14 ans, comme toi Clélie, et c'était le premier "vrai" roman que je lisais, la première fois que je sortais de la littérature de jeunesse.
Ce roman à été pour moi une vraie révélation, je n'ai plus pensé qu'à ça pendant des semaines et je dois dire que Rochester a sans doute été le premier homme dont je suis tombée amoureuse !
Tout comme toi, Clélie, je pensais ne jamais plus pouvoir trouver de livre qui me transporte et me passionne à ce point. Après "Jane Eyre", tout me semblait fade et plat. Bien sur, depuis, j'ai découvert Jane Austen et Elizabeth Gaskell entre autres, mais cet engourement premier que j'ai ressenti avec "Jane Eyre", je ne l'ai plus jamais retrouvé avec autant de force.
"Jane Eyre" m'a donné la passion de la littérature et restera toujours je pense le livre que je relirai avec le plus de plaisir.

Voila, je viens de finir ce roman, je l'ai dévoré en 2 jours. Je ne connaissais cette histoire que par l'intermediaire du film avec C. Gainsbourg que j'ai vu il y a de ça 3 jours.
Je m'attendais à ce que le livre soit bien mieux et j'avoue ne pas avoir été déçue.
La relation entre Jane et Mr Rochester est vraiment intéressante, ils sont à la fois tellement différents et tellement semblables.
Le personnage de Jane est trés attachant, on arrive facilement à se trouver des points communs avec elle.
Quand à Rochester que dire... certes son personnage est assez etrange parfois mais comment résister quand on connait les tourments qu'il a vécu et qu'il vit encore. Ce personnage m'a fait ressentir des sentiments assez contradictoires. Le passage de la diseuse de bonne aventure m'a révolté, à la place de Jane je n'aurais pas du tout apprécié ce vilain tour. Mais lorsqu'il lui fait part de l'evolution de ses sentiments ou qu'il lui raconte la vérité sur son "secret" comment ne pas craquer
Bref ce livre m'a vraiment ému et il fait maintenant officiellement parti des livres que je relis avec beaucoup de plaisir.

MissAcacia a écrit:

Rochester [...] personnellement je n'ai pas accroché sur ce personnage [...]On a un peu l'impression d'une double personnalité: il passe d'un extrème à l'autre et c'est très déroutant. Et puis je trouve qu'il a une façon de fuir les situations qui ne lui conviennent pas qui me rebute un peu.[...] on dirait qu'il prend plaisir à la mettre sur des charbons ardents (l'épisode avec Blanche Ingram est particulièrement torturant, je trouve...)

Rochester est peut-être un peu pervers ou mentalement dérangé
je vais me faire écorcher tout vif

La folie souffle en brise et en tempête sur ce livre.

Dans Jane Eyre, la protagoniste principale sent bien une présence inquiétante dans la maison et dans le passé de Rochester.
je mets en spoiler

Spoiler:

Pour ceux que ça intéresse, nous avons déjà pas mal disserté sur le personnage dans le topic And now tell us who you really are Mr Rochester.

En fait c'est moins Rochester qui m'intrigue actuellement que le personnage dont je parle dans le spoiler et qu'on appelle "la folle".

Avez-vous parlé d'elle ?
je crains qu'elle ne retienne ni la sympathie ni l'attention.

Pourtant Amos Oz a pour elle, dans un contexte familial précis, un mot de compassion :

Citation :

la pauvre recluse du grenier dans "Jane Eyre"

je pense avoir d'autres "tuyaux" intertextuels à son sujet.

Si ça vous interesse, on se tient au courant ?

Rotko, la critique féministe rapproche l'image de Bertha de celle de la femme (voire même de la femme artiste) au 19ème siècle : elle est tyrannisée par l'homme qui l'enferme et lui vole sa liberté grâce à une autorité universellement admise contre laquelle elle ne peut rien.

Cette critique pense de plus que Bertha symbolise la sexualité féminine ouvertement affichée qui fait peur à l'homme (ce que Sandy Welsh a montré dans son scénario de JE2006).
A noter que Jane et elle se ressemblent beaucoup, mais grâce à ses rencontres (entre autres Helen Burns) et la force de ses décisions, Jane réussira à canaliser sa rebellion.

Pour en savoir plus, un livre : The Madwoman in the attic, de Gilbert et Gubar.

Parfait, voilà des références interessantes, merci.

Par ailleurs, mais impossible de développer sans nuire à la lecture, on me signale un roman la prisonnière des Sargasses de Jean Rhys, L'imaginaire, Gallimard.

Citation :

La créole Antoinette Cosway raconte son enfance au domaine Coulibri, à la Jamaïque. Entre l'indifférence de sa mère et les révoltes des esclaves, son destin bascule : elle est envoyée dans un couvent qu'elle quittera à l'âge de dix-sept ans pour épouser un Anglais

Sur jean Rhys :

Citation :

Jean Rhys est née aux Antilles le 26 août 1894. Elle est décédée le 14 mai 1979. Sa mère était créole, son père un médecin gallois. Elle vécut son enfance aux Caraïbes et voyagea avec ses parents. Jean Rhys arrive à Paris dans les années 20...

Deux de ses livres connaissent un grand succès : Les tigres sont plus beaux à voir et La prisonnière des Sargasses (1966).

@ Rotko : nous avons déjà un topic spécifique consacré à Jean Rhys et à la prisonnière des Sargasses :

Juste un peu de HS et après, je pars sur And now tell us who you really are Mr Rochester, le pardon de Jane Eyre est une des choses que je peux comprendre, ou du moins essayer, mais que je ne peux pas partager. Pour moi cette tromperie jusqu'à l'église disqualifie totalement Rochester.
Je comprends néanmoins que Jane en est folle pour voir en lui une victime plus qu'un homme qui l'a trompée. Peut-être le fait qu'elle soit tellement sevrée d'affection (elle n'en a pas reçu beaucoup avant lui) a fortement joué dans ses propres sentiments, d'autant qu'elle le retrouve dans une position de dépendance physique et morale...
C'est finalement un tour de force qu'ils arrivent à bâtir la vie qui est décrite à la fin du roman sur une relation qui a des bases aussi... j'allais dire malsaines mais ce n'est pas vraiment le mot, torturées serait peut-être plus juste.
Allez, exit on the topic ad hoc MissAcacia

Je comprends ce que tu veux dire, MissAcacia, mais le pardon est donné après expiation : Rochester lave ses péchés dans le feu de TH, aussi bien moralement que physiquement.

Quant aux nouvelles relations qui en naissent... elles sont du moins plus saines que celles qui auraient été si Rochester n'avait pas été démasqué, ou pire, si Jane s'était enfuie avec lui dans la belle villa au bord de la mer...

Je crois que l'épilogue n'est pas tant magnifié que cela, car à présent les époux peuvent s'aimer sur un pied d'égalité : niveau financier, Jane possède maintenant l'héritage de son oncle et n'a pas besoin d'être entretenue... c'est ce qui la terrifiait dans la scène prénuptiale où Rochester voulait lui acheter des tas de robes chatoyantes et le beau voile de dentelle (qu'elle remplace discrètement par un voile tout simple) : c'est la peur de devenir une autre Céline Varens, la peur d'être réifiée. Ca ne peut marcher dans leur couple que si chacun respecte l'autre tel qu'il est.