Nombre de messages : 8654 Age : 35 Localisation : Paris Date d'inscription : 24/06/2009
Sujet: Adam Driver, acteur troublant, entre puissance physique et vulnérabilité discrète Sam 6 Nov 2021 - 20:23
J'ouvre un topic à cet acteur que je ne connais pas tant, mais que j'apprécie de plus en plus : j'ai nommé Adam Driver. Je sors du cinéma (j'ai vu The Last Duel), et j'ai eu envie de pouvoir parler du film dans un endroit adapté. Et quoi de mieux qu'ouvrir une chambre à Mister Driver ?
Adam Driver, acteur américain au physique imposant et atypique, aux oreilles décollées et à la voix grave (que je qualifierais de "sourde"), a fait quelques films avant d'accéder à une plus grande notoriété avec la série Girls. C'est un acteur connu pour son passage dans les Marines américains, et son ultra-sérieux sur les plateaux de tournage. Très discret sur sa vie privée, il est incapable de se voir à l'écran, a fortiori de regarder ses propres films. Adam Driver a aussi récemment ému dans les chaumières en devenant un centaure pour la maison Burberry et son parfum Hero.
Adam Driver est (à mon avis ) ce qu'il y a de mieux dans la postlogie Star Wars. Lambton a déjà parlé de lui dans Paterson de Jim Jarmusch par ici . Dans Silence de Scorsese, il interprète un prêtre plein de ferveur et au caractère entier. Il est gauche et attendrissant dans le film Logan Lucky, qui est à la fois un film de looseur à la fois un film de casse. Il est mi-ironique, mi-grave, dans le film BlacKkKlansman. Le film Marriage Story, où il interprète avec Scarlett Johansson un couple qui se déchire, lui vaut une nomination à l'Oscar du meilleur acteur. En 2021, il enchaîne les passages au cinéma, sans pour autant jouer des personnages sympathiques avec Annette, Le dernier duel, et à venir House of Gucci (ces deux derniers films étant signés Ridley Scott).
Wikipédia a écrit:
2011 : J. Edgar de Clint Eastwood : Walter Lyle 2012 : Gayby de Jonathan Lisecki : Neil 2012 : Not Waving But Drowning de Devyn Waitt : Adam 2012 : Frances Ha de Noah Baumbach : Lev 2012 : Lincoln de Steven Spielberg : Samuel Beckwith 2013 : The River de Sam Handel : Joe 2013 : Bluebird de Lance Edmands : Walter 2013 : Inside Llewyn Davis de Joel et Ethan Coen : Al Cody 2013 : Et (beaucoup) plus si affinités (The F Word) de Michael Dowse : Allan 2014 : Tracks de John Curran : Rick Smolan 2014 : Hungry Hearts de Saverio Costanzo : Jude 2014 : C'est ici que l'on se quitte (This Is Where I Leave You) de Shawn Levy : Phillip Altman 2015 : While We're Young de Noah Baumbach : Jamie 2015 : Star Wars : Le Réveil de la Force (Star Wars: The Force Awakens) de J. J. Abrams : Kylo Ren (Ben Solo) 2016 : Midnight Special de Jeff Nichols : Paul Sevier 2016 : Paterson de Jim Jarmusch : Paterson 2016 : Silence de Martin Scorsese : le père Francisco Garupe 2017 : Logan Lucky de Steven Soderbergh : Clyde Logan 2017 : The Meyerowitz Stories de Noah Baumbach : Randy 2017 : Star Wars : Les Derniers Jedi (Star Wars: The Last Jedi) de Rian Johnson : Kylo Ren (Ben Solo) 2018 : L'Homme qui tua Don Quichotte (The Man Who Killed Don Quixote) de Terry Gilliam : Toby 2018 : BlacKkKlansman : J'ai infiltré le Ku Klux Klan (BlacKkKlansman) de Spike Lee : Flip Zimmerman 2019 : The Report de Scott Z. Burns : Daniel J. Jones 2019 : The Dead Don't Die de Jim Jarmusch : Ronald Peterson 2019 : Marriage Story de Noah Baumbach : Charlie 2019 : Star Wars, épisode IX : L'Ascension de Skywalker (Star Wars: Episode IX – The Rise of Skywalker) de J. J. Abrams : Kylo Ren (Ben Solo) 2021 : Annette de Leos Carax : Henry McHenry 2021 : Le Dernier Duel (The Last Duel) de Ridley Scott : Jacques Le Gris 2021 : House of Gucci de Ridley Scott : Maurizio Gucci
Ma première rencontre avec lui a été via Star Wars : Le réveil de la Force, où je ne l'avais pas trouvé terrible (j'avais dit : "il aurait mieux fait de ne jamais retirer son masque"). Et puis dans la foulée du film, le sketch parodique Undercover Boss avait retourné mon avis de manière spectaculaire. L'acteur y joue le double rôle de Kylo Ren/Matt the radar technician, et il s'y montre doué et bourré d'autodérision, ce qui m'a pour toujours acquise à sa cause.
Undercover boss:
Adam Driver est charismatique, il a une assise physique implacable, mais je suis captivée par la manière dont il sait se fondre dans le décor quand ses rôles l'exigent, comme une capacité à se rendre invisible. Je perçois chez lui une sorte d'extrême contrôle sur sa manière de se mouvoir, et de moduler sa voix et son articulation. Tous ses personnages ont en commun un petit quelque chose de gauche, qui leur donne ensemble densité, mystère, ainsi qu'un soupçon de fragilité, aussi odieux puissent-ils être. Bref, drôle de mélange qu'Adam Driver, entre virilité intimidante et subtilité de son jeu d'acteur tout en rondeur...
Voici donc pour la présentation d'Adam Driver. Je reviendrai rapidement pour venir donner mon avis sur Le dernier duel, que j'ai trouvé captivant.
cléopatre Traveler of both time & space
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Sujet: Re: Adam Driver, acteur troublant, entre puissance physique et vulnérabilité discrète Sam 6 Nov 2021 - 20:41
Le titre du topic Un parfait résumé de cet acteur que j'adore
Annwvyn a écrit:
Adam Driver est charismatique, il a une assise physique implacable, mais je suis captivée par la manière dont il sait se fondre dans le décor quand ses rôles l'exigent, comme une capacité à se rendre invisible. Je perçois chez lui une sorte d'extrême contrôle sur sa manière de se mouvoir, et de moduler sa voix et son articulation. Tous ses personnages ont en commun un petit quelque chose de gauche, qui leur donne ensemble densité, mystère, ainsi qu'un soupçon de fragilité, aussi odieux puissent-ils être. Bref, drôle de mélange qu'Adam Driver, entre virilité intimidante et subtilité de son jeu d'acteur tout en rondeur...
Entièrement d'accord avec ce paragraphe Ca doit d'ailleurs être ce contrôle qui lui donne son intensité physique et émotionnelle, comme s'il était une flèche qui va droit à son but. Bref j'adore cet acteur
Merci pour l'ouverture de ce topic, où je repasserai à coup sûr
Marganne Lioness of Brittany
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Sujet: Re: Adam Driver, acteur troublant, entre puissance physique et vulnérabilité discrète Sam 6 Nov 2021 - 21:35
ah, le dernier duel, j'avais très envie de voir ce film (j'adore Ridley Scott et Jodie Cormer), mais je n'ai pas réussi à me libérer la première semaine pour aller voir le film au cinéma, la 2ème semaine, les séances étaient très réduites et le film n'est plus à l'affiche du tout dans mon cinéma de province
Je suis donc réduite à attendre sa sortie en DVD, je reviendrai sur le topic
Tatiana A view from the past
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Sujet: Re: Adam Driver, acteur troublant, entre puissance physique et vulnérabilité discrète Sam 6 Nov 2021 - 21:38
Merci le topic Annwvyn, et la présentation de cet acteur que je ne connais presque pas . En fait, en parcourant la filmographie que tu as postée, je me rends compte l'avoir seulement vu dans Lincoln - et encore, sans me souvenir de son rôle . A lire ce tu dis de son jeu, il serait temps que je m'y intéresse . Le dernier duel est dans mes projets, et on m'a dit beaucoup de bien de Marriage Story, disponible sur Netflix. Je me laisserai peut-être tenter.
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Zakath Nath Romancière anglaise
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Sujet: Re: Adam Driver, acteur troublant, entre puissance physique et vulnérabilité discrète Sam 6 Nov 2021 - 21:43
J'aime beaucoup Adam Driver même si je ne l'ai pas vu dans tant de films que ça. Je l'ai découvert avec Le Réveil de la Force où il m'a pour ma part convaincue d'entrée.
Je l'ai vu ensuite dans Silence de Martin Scorcese (c'est beau mais c'est ch... lent), L'Homme qui tua Don Quichotte où il joue un personnage assez tête-à-claque (mais le costume du XVIIe qu'il porte sur la fin lui va à merveille et je rêve depuis de le voir jouer un genre de spadassin dans un film de capes et d'épées), ou encore The Dead don't Die où il est bien mais j'ai trouvé le film complètement loupé.
Dernièrement je l'ai vu dans Le Dernier Duel dont je copie-colle ma critique:
Ridley Scott est un réalisateur capable du meilleur, du pire et de tout entre les deux. Son premier film les Duellistes faisait partie du meilleur et montrait déjà deux hommes s'affronter leur vie durant sur un fond de reconstitution historique. De là à se dire que ce nouveau film serait pour Scott une belle manière de boucler la boucle, il n'y a qu'un pas mais il n'est pas du genre à prendre sa retraite et a déjà House of Gucci sur les fourneaux. Scott n'en est pas non plus à son coup d'essai en matière de Moyen Âge: le director's cut de Kingdom of Heaven est une fresque éblouissante, son Robin Hood en revanche peinait à savoir sous quel angle attaquer le mythe. Heureusement, en qualité, Le Dernier Duel rappelle le premier (on retrouve aussi, entre autres, Harry Gregson-Williams à la musique et Marton Csokas dans un second rôle). Malgré quelques rapides batailles et évidemment ce duel furieux qu'on nous promet d'entrée et qui tient ses promesses, il ne s'agit pas d'un film épique mais intimiste, centré sur trois personnages, Jean, Jacques et Marguerite, dont on découvrira les points de vue respectifs l'un après l'autre.
Cette structure à la Râshomon s'éloigne de celle du livre d'Eric Jager qui présentait d'abord la version de Marguerite avant de livrer la défense de Le Gris, instillant un temps un doute même si pour lui, tout en étudiant les diverses hypothèses, la version de Marguerite est la plus probable. La décision ici des scénaristes (Damon et Affleck réunis à l'écriture après Will Hunting qui lança leur carrière, cette fois assistés de Nicole Holofcener) n'est pas de dire que tout est vrai d'un certain point de vue, que toutes les "vérités" se valent. Marguerite passe en dernier et à ce stade, on a un panorama complet des événements et on se rend compte que le chapitre de Jean était le plus parcellaire et c'est surtout sur sa personnalité que le regard va évoluer
Spoiler:
(valeureux guerrier et mari affectueux qui n'a pour seul défaut que d'être trop droit pour ce monde d'intrigue, puis sous l’œil de Le Gris rustre impulsif et enfin, brute qui considère sa femme comme sa propriété et le viol de celle-ci comme une attaque contre lui-même seul).
Il faut noter que si l'on voit le viol sous deux angles différents, d'abord dans le chapitre consacré à Le Gris et ensuite dans celui de Marguerite, et bien que la deuxième fois soit beaucoup plus brutale, la première ne laisse pas vraiment planer le doute. On comprend juste pourquoi Le Gris, lui, s'estime innocent bien qu'il ne le soit pas, en se croyant forcément irrésistible auprès d'une femme qui était juste polie avec lui précédemment et en s'imaginant une romance où il n'y en a pas. Le but n'est donc pas de jouer sur l’ambiguïté mais de parler de la condition de la femme à l'époque et de montrer comment les affaires de viol étaient traitées et les victimes considérées
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(on réalise d'ailleurs que Marguerite a également été violée par son mari mais le concept de viol conjugal n'entre pas en considération, pour aucun des personnages).
Toute la dernière partie du film, des réactions de l'entourage de Marguerite à la scène du procès, est donc éprouvante, d'autant qu'elle renvoie à des sujets qui sont toujours d'actualité.
Les scénaristes/acteurs ne se donnent pas le beau rôle: Matt Damon joue de la sympathie initiale que l'on peut avoir en général à l'égard de ses personnages pour la retourner progressivement tandis que Ben Affleck s'amuse en suzerain partouzeur et peroxydé. Adam Driver est plus attendu en personnage complexe, à la fois comptable rigoureux des finances de son maître et compagnon de débauche de celui-ci, cultivé mais brutal, et son chapitre ne cherche pas à le rendre plus sympathique. Jodie Comer est lumineuse en noble dame qui entend obtenir justice plutôt que de s'écraser, réalisant trop tard
Spoiler:
que son mari va l'utiliser dans sa lutte contre son rival
. On croise également un Adam Nagaitis presque aussi sournois que dans The Terror, Harriet Walter en belle-mère peu commode, Alex Lawther en Charles VI qui laisse entrevoir l'araignée qu'il a au plafond ou encore Michael McElhatton, qui ne complote bizarrement pas. Esthétiquement, c'est sans surprise un plaisir pour l’œil avec de beaux paysages de Dordogne, notamment.
En dépit de quelques maladresses (le mulet de Matt Damon, la manie d'appeler le comte par son prénom ce qui donne au début un côté un peu ridicule aux dialogues à base de "Pierre a décidé ceci, Pierre a fait cela"... comme s'il était le voisin de pallier et pas le suzerain des personnages ou encore les visières des casques où on sacrifie à l'esthétique le pratique pour ne pas dire la raison pour un motif nébuleux), Le Dernier Duel est un beau film qui expose son propos de manière claire, voire pédagogique, mais sans lourdeur. Certains films de Scott ont beau accabler, il prouve qu'il est encore capable du meilleur.
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clinchamps Oshaberi Sensei
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Sujet: Re: Adam Driver, acteur troublant, entre puissance physique et vulnérabilité discrète Sam 6 Nov 2021 - 23:37
Belle présentation, Annwvyn, qui me donne envie de ressortir "silence" de l'étagère où il prend la poussière depuis quelques années !
Annwvyn Subtle scent of rain
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Sujet: Re: Adam Driver, acteur troublant, entre puissance physique et vulnérabilité discrète Dim 7 Nov 2021 - 12:01
Je suis contente que ce nouveau topic vous plaise ou vous intéresse. Et j'espère qu'il sera l'occasion de belles découvertes, et d'échanges à venir. Marganne, j'espère que tu auras l'occasion de regarder Le dernier duel, je pense que je craquerai pour le DVD moi-aussi. Tatiana, je serais preneuse de ton avis sur Marriage Story, je n'ai pas eu le courage de regarder.
Zakath, je partage ton avis sur Le dernier duel sur la plupart des points. A part peut-être sur la partie Jacques Le Gris, qui ne me l'a peut-être pas rendu sympathique, mais (et de manière très fourbe) me l'a rendu séduisant... Certes, on n'est pas au point de Jean de Carrouges qui se donne très artificiellement le beau rôle du noble chevalier, on garde une certaine honnêteté (les scènes de libertinage notamment), mais cette partie est la plus "romantique" du film, et Jacques Le Gris se donne une image de bel homme, méritant, cultivé, éloquent, respectueux de ses amis et même pieux... Dans un autre film, il aurait pu être le héros, ça fait réfléchir.
D'ailleurs, le regard de Marguerite est essentiel sur ce sujet. Toutes les scènes
Spoiler:
"romantico-dégoulinantes" vues par Le Gris deviennent des passages où il est un peu ridicule à faire des effets de manche. Ce regard féminin m'a énormément amusée... un peu parce que ça sentait le vécu...
Ce film m'a captivée. Depuis hier que je l'ai vu, je n'arrive pas à m'en détacher. J'hésite à retourner le voir, et en tous les cas, j'investirai dans le DVD (j'aimerais acheter le scénario, mais pas sûre qu'il soit commercialisé).
Le film est très classique et très réussi pour ce qui est de la réalisation, et du soin apporté aux décors et aux costumes (j'ai quand même trouvé les images un peu "grises"). Le duel aussi est réussi, mais étonnamment ce n'est pas ce qui m'a le plus intéressée (je connaissais la fin, cela m'a permis de regarder peut-être un peu trop sereinement ). J'ai adoré la narration en trois parties. Le risque était de saucissonner deux heures de films en trois grosses demi-heures expéditives et sans profondeur. Mais dans Le dernier duel, chaque partie étoffe la précédente qui pouvait paraître parcellaire, et ce n'est qu'à la fin que le film est entier.
Toutes les scènes ne sont pas en double/triple. Chaque personnage laisse aussi voir sa propre vie, ce qui nous en apprend plus sur lui. Mais ensuite, qu'il est fascinant de jouer au jeu des sept erreurs ! Les scènes en double/triple sont captivantes, les mots utilisés, l'élocution des personnages, les regards, il y a d'infimes variations, et les acteurs ont fait un formidable travail de nuances (tous sont excellents, au diapason, c'est remarquable). La scène reste la même, et pourtant le ressenti oscille vers des impressions différentes. Marguerite change presque de personnalité en fonction des parties, son mari la voit par exemple comme une jeune fille naïve qui aime les robes... Certaines scènes disparaissent, et il est intéressant de se demander pourquoi untel a été marqué par une scène, et pourquoi l'autre ne s'en rappelle pas du tout. Par exemple, Jacques Le Gris sait très bien que Jean de Carrouges lui a sauvé la vie
Spoiler:
mais le moment où il le remercie n'est pas dans ses souvenirs, comme s'il préférait ne pas s'appesantir sur le sujet !
Le scénario est aussi remarquable dans son regard sur les femmes. J'avais peur que le propos #metoo soit trop appuyé ou maladroit, et j'ai trouvé au contraire que tous les sujets relatifs au consentement
Spoiler:
- est-ce qu'elle dit la vérité ? - qui risque le plus dans l'affirmation de la vérité ? - qu'est ce qui importe le plus, la justice pour la femme ou l'honneur meurtri du mari ? - si elle est enceinte, c'est qu'elle a eu un orgasme (scoop numéro 1). - si elle a eu un orgasme, ce n'était pas un viol (scoop numéro 2). - pourquoi aurait-il eu "besoin" de violer une femme, alors que toutes les femmes se jettent à ses pieds ? - si elle l'a trouvé séduisant, c'est qu'elle a désiré ce qui lui est arrivé.
étaient disséminés ça et là, naturellement et sans répétitions (le spectateur n'est pas pris pour un imbécile), la primauté étant donnée à l'intrigue (les personnages sont focalisés sur leur petite vie, et pas sur un quelconque débat généralisé sur la condition des femmes). Cette humilité du scénario, ce choix de raconter une histoire avant tout, m'a beaucoup plu. Le film appuie là où ça fait mal, mais on est loin de toute caricature. Je m'attendais par exemple à ce que le personnage de Jacques Le Gris soit une sorte de brute épaisse... eh bien pas du tout, par certains côtés je l'ai trouvé plus estimable que Jean de Carrouges.
Malgré l'actualité du propos, on sent bien qu'on est au Moyen-Age, du côté des attitudes des uns et des autres, et le réalisateur n'a pas cédé à la facilité d'actualiser les comportements. Ce respect de l'époque du récit m'a plu. Par exemple, dans la scène précédant directement le viol
Spoiler:
Marguerite est très clairement jetée en pâture, elle est presque prisonnière chez elle (je me suis même demandé si sa belle-mère n'avait pas volontairement quitté le logis)... Et dès le moment où elle ouvre la porte et voit Le Gris, elle sait que son sort est scellé, et s'exprime peu.
Cela m'a frappée parce qu'il me semble qu'une femme d'une autre époque, même dès le XIXème siècle, aurait peut-être (et attention, j'essaye de parler avec beaucoup de précaution et sans jugement) d'abord dit fermement à Le Gris qu'elle ne partageait pas ses "sentiments", et lui aurait opposé fermement son propre ressenti (en mode "Elizabeth Bennet met un râteau à Mr Collins" ). Ici, Marguerite semble comme interdite de s'exprimer, le ressenti, l'individualité des femmes étant complètement niés, il lui suffit donc de deviner ce que Le Gris entend par "sentiment", parce qu'elle connaît l'individu, et elle n'a d'autre choix que de fuir.
Grosse lucidité également sur le courage de Marguerite : elle-même le dit, si elle avait su qu'elle avait un risque d'y laisser sa peau, elle se serait tue, comme toutes les autres. Là encore, cela souligne qu'on est bien au Moyen-Age, bien qu'on trouve évidemment des échos à notre époque (et plus que des échos, si on regarde certains pays ).
Je reprocherais malgré tout deux choses à ce film. J'ai trouvé que la troisième partie (Marguerite) était assez édulcorée. Son récit commence au mariage, ce qui semble être un parti pris symbolique et intéressant, mais ensuite c'est assez parcellaire, et j'aurais aimé revoir plus des scènes vues d'abord dans le regard son mari. J'ai eu l'impression qu'on accélérait un peu le rythme, quitte à sacrifier un peu de Marguerite (un comble) histoire que le film ne dure pas trois heures !
Le deuxième reproche que je ferais est le manque de souffle romanesque, ou d'émotion. Tout est très appliqué, très soigné, très précis, très chorégraphié (notamment la scène de "poursuite" avant le viol), mais finalement, j'ai trouvé que beaucoup des personnages laissaient peu accès à leur humanité. Celui qui m'a le plus semblé être de "chair", c'est Matt Damon/Jean de Carrouges, dont on voit toutes les failles. J'ai eu l'impression que le réalisateur, devant la gravité du sujet, n'avait pas osé donner à l'ensemble une dimension "romanesque", comme Gladiator pouvait l'avoir, comme si la rigueur avait pu devenir un excès de prudence. La musique elle-même se fait assez discrète, et ça a peut-être joué.
Voilà en tout cas une partie de ce que j'ai retenu. Ce qui est sûr, c'est que ce film m'a vraiment captivée, et que sous l'apparence d'une histoire assez simple et séquencée, il se révèle particulièrement dense et fluide. Belle habileté et grande maîtrise ! Un grand bravo aux scénaristes (Matt Damon, Ben Affleck, et Nicole Holofcener), et aux acteurs.
Dernière édition par Annwvyn le Jeu 11 Nov 2021 - 13:17, édité 1 fois
Juliette2a Tenant of Hamley Hall
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Sujet: Re: Adam Driver, acteur troublant, entre puissance physique et vulnérabilité discrète Dim 7 Nov 2021 - 19:46
Oh; excellente idée d'ouvrir ce topic ! Merci ! J'adore Adam Driver, son charme naturel, sa prestance et sa voix particulière ! Mon rôle préféré est celui de Paterson Merci pour vos retours sur The Last Duel !
Annwvyn Subtle scent of rain
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Sujet: Re: Adam Driver, acteur troublant, entre puissance physique et vulnérabilité discrète Dim 14 Nov 2021 - 0:34
J'ai revu Le dernier duel aujourd'hui, et j'ai encore d'avantage apprécié le film sur le plan de la réalisation, de l'écriture du scénario, et du jeu des acteurs. Je pense que j'avais besoin de confirmer tout ceci une bonne fois pour toute, ayant été hantée par ce film pendant plusieurs jours. Deux trois choses ont varié, j'ai trouvé quelques défauts par ci par là, j'ai trouvé Jacques Le Gris plus antipathique , et la scène de duel plus longue et violente.
En revanche, j'ai une question pour Zakath qui a vu le film, si tu as de la mémoire. J'ai l'impression d'avoir vu une scène la première fois, et qui avait disparu aujourd'hui. Je me demande si je perds la tête (c'est le plus probable puisque les cinémas ne coupent pas les films ainsi, j'imagine).
Je parle de la scène du marché, où Jacques Le Gris commente les mérites de Marguerite avec son ami Louvel. Je croyais que cette scène se terminait
Spoiler:
par Jacques qui aperçoit Marguerite en hauteur, la salue d'un signe de tête très digne, alors que celle ci lui sourit et ferme la fenêtre. J'étais sûre d'avoir vu cette scène, et je l'attendais même de pied ferme.
Or aujourd'hui, il n'y avait plus que la version de Marguerite, vue de la pièce en haut de la tour, et suivie du salut pas du tout digne et plein de flagornerie de Jacques Le Gris.
Bref, ai je donc inventé une scène avec Adam Driver ? J'étais tellement persuadée d'avoir vu ces deux saluts, différents dans leur style.
Zakath Nath Romancière anglaise
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Sujet: Re: Adam Driver, acteur troublant, entre puissance physique et vulnérabilité discrète Dim 14 Nov 2021 - 8:56
Alors là, je ne saurais dire. Je me souviens bien de la scène dans le chapitre de Marguerite, mais est-ce qu'elle était dans la version Le Gris? Je vois mal le projectionniste s'amuser à couper arbitrairement un bout du film, ça c'est certain
Spoiler:
mais je me souviens en fait surtout qu'il y a un décalage entre ce que pense Le Gris des sentiments de Marguerite pour lui (et il en parle avec Louvel, il me semble, ce qui aurait sa place dans son chapitre à lui) et ensuite on a la scène où on voit qu'en fait Marguerite le trouve un peu ridicule
. Tu me met le doute, là, il faudra attendre le dvd pour vérifier .
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Annwvyn Subtle scent of rain
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Sujet: Re: Adam Driver, acteur troublant, entre puissance physique et vulnérabilité discrète Dim 14 Nov 2021 - 9:15
Merci de ta réponse Zakath. J'attendrai aussi le DVD pour vérifier, même si le plus probable est que j'ai imaginé cette scène. J'étais tellement certaine d'avoir vu les deux saluts (l'un élégant et sobre, l'autre tout l'opposé) en miroir. Ridley Scott aurait dû me demander conseil, dans ma tête la scène est bien !
Annwvyn Subtle scent of rain
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Sujet: Re: Adam Driver, acteur troublant, entre puissance physique et vulnérabilité discrète Dim 5 Déc 2021 - 12:25
Je suis allée voir House of Gucci hier, et je suis contente de l'avoir vu. Le film a quelques longueurs (certaines scènes de dialogues s'éternisent un peu), quelques excès (certains acteurs paraissent parfois "en roue libre"), mais pour le reste, le film tient la route qu'il s'est assignée, et j'ai trouvé ça réussi et intéressant.
J'ignore quelle était la réalité de la famille Gucci. Le film en tout cas, prétend que les dernières années des Gucci à la tête de la maison Gucci (entre 1970 et 1990) n'ont pas été les plus glorieuses (euphémisme ). Ridley Scott prend en effet le parti de réaliser une satire, et il ne fait pas dans la dentelle : tubes d'opéra pour marquer le côte "bling-bling" de la marque et de ses représentants, chansons en Anglais dont les textes soulignent assez largement l'intrigue racontée, acteurs exagérément expressifs chacun réinterprétant à sa manière l'accent italien, galerie de costumes infinie et au bout goût parfois contestable. Le film fait dans la démesure, mais le rythme reste tranquille et appliqué, et le film m'a in fine paru habilement maitrisé.
House of Gucci porte bien son nom, puisqu'au-delà de l'histoire centrale de Maurizio Gucci, assassiné par son ex-femme Patrizia, c'est bien la famille qui est au centre du film. Maurizio Gucci (Adam Driver) et sa femme Patrizia Reggiani (Lady Gaga) vont ensemble achever de décrédibiliser la marque. Tous les personnages sont des looseurs (millionnaires certes), chacun à leur manière (Jeremy Irons est un patriarche mourant, Al Pacino l'oncle un peu magouilleur, Jared Leto le cousin excentrique et stupide, et Adam Driver l'héritier faible et manipulable). C'est à la fois drôle et grotesque, à la fois tragique, à la fois touchant et pathétique car tous les personnages sont humains. Le cocktail est surprenant et réussi.
Amis d'Adam Driver, allez voir ce film ! L'acteur y est très présent, et le film laisse une jolie place à sa palette d'acteur, tout en sensibilité et en introversion bouillonnante, avec son personnage discret, taiseux et passif, encombré de sa haute stature, aux antipodes de sa femme et de sa famille, irrésistiblement expansifs et chaotiques. Il forme un duo plus que crédible avec Lady Gaga, qui est pour le moins excellente dans le rôle de Patrizia, femme issue de milieu modeste, sans culture, et qui sera prête à tout (y compris à se mêler de ce qui ne la regarde pas, et à assassiner son mari ) pour "réussir".
Ridley Scott se moque beaucoup, et sans complaisance, mais chacun des acteurs apporte une vraie profondeur à son personnage, et surprise, l'ensemble est harmonieux. Je n'aurai pas forcément envie de revoir le film, mais je pense que ça vaut au moins le visionnage !
Juliette2a Tenant of Hamley Hall
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Sujet: Re: Adam Driver, acteur troublant, entre puissance physique et vulnérabilité discrète Dim 5 Déc 2021 - 16:38
Merci pour ton retour, Annwvyn ! Je n'étais pas motivée pour voir ce film, mais le duo Adam Driver / Lady Gaga est un très bon argument
Annwvyn Subtle scent of rain
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Sujet: Re: Adam Driver, acteur troublant, entre puissance physique et vulnérabilité discrète Dim 5 Déc 2021 - 19:57
J'espère que tu pourras le voir Juliette, c'est en effet un duo d'acteurs qui fonctionne très bien !
Zakath Nath Romancière anglaise
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Sujet: Re: Adam Driver, acteur troublant, entre puissance physique et vulnérabilité discrète Ven 13 Mai 2022 - 17:12
Je ne sais pas si vous avez vu la nouvelle mais Adam Driver a décroché le rôle principal pour le prochain film de Francis Ford Coppola, Megalopolis:
C'est intéressant de voir Coppola pouvoir enfin s'attacher à un ambitieux projet de longue date avec un joli casting. Espérons que ce soit un retour en grande forme.
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Annwvyn Subtle scent of rain
Nombre de messages : 8654 Age : 35 Localisation : Paris Date d'inscription : 24/06/2009
Sujet: Re: Adam Driver, acteur troublant, entre puissance physique et vulnérabilité discrète Mer 14 Juin 2023 - 14:42
Je signale pour les amateurs d'Adam Driver que le film Annette de Leos Carax avec Marion Cotillard, est actuellement en ligne sur le site d'Arte dans sa sélection Festival de Cannes. Ayant manqué moi-même de voir ce film à plusieurs reprises, cette fois-ci sera peut-être la bonne !
Juliette2a Tenant of Hamley Hall
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Sujet: Re: Adam Driver, acteur troublant, entre puissance physique et vulnérabilité discrète Mer 14 Juin 2023 - 19:14
Je suis intéressée par ton avis, Annwvyn ! Annette est un film qui m'a perturbée, mais qui est en même temps fascinant
Annwvyn Subtle scent of rain
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Sujet: Re: Adam Driver, acteur troublant, entre puissance physique et vulnérabilité discrète Mer 14 Juin 2023 - 19:51
Et je ne vais pas trop trainer, je viens de réaliser que le film n'est en ligne que jusqu'au 16 juin !
EDIT : j'ai retrouvé les avis sur Annette dans le topic du cinéma.
Juliette2a a écrit:
Annette (France / Etats-Unis) : le Festival de Cannes m’a permis de regarder ce film que je n’aurais jamais vu au cinéma. Le style de Leos Carax ne me plait pas, mais la présence d’Adam Driver et les avis positifs lus ici et là m’ont poussée à aller le voir. Et bien, hormis les chansons et l’interprétation d’Adam Driver (toujours excellent ), je n’ai pas été convaincue… Néanmoins, je dois avouer que j’ai vu ce film en VO sans sous-titres et que je suis quand même restée jusqu’au bout, donc ce film a tout de même un effet hypnotique sur le spectateur !
ludi33 a écrit:
Annette : j'ai trouvé le film visuellement très beau (quand on commence comme çà... ) et l'idée d'en faire une comédie musicale intéressant. Par contre, je n'ai pas été convaincue par l'histoire, et encore moins par Annette (mais je n'en dit pas plus pour ne pas spolier) que j'ai trouvé ridicule. Le film est plutôt long et aurait peut-être gagné à être plus court.
WayOfEvasion a écrit:
Tout d'abord Annette, le dernier film de Leos Carax avec entre autres Adam Driver et Marion Cotillard.
Je n'avais pas vu de films sous cette forme depuis La La Land et j'ai adoré La B.O composée par Sparks est géniale, La performance d'Adam Driver exceptionnelle. Le fil narratif est vraiment chouette et l'idée
Spoiler:
de la poupée en lieu et place du bébé
est excellente quand on voit la finalité de l'histoire. J'ai passé un super moment.
Juliette2a Tenant of Hamley Hall
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Sujet: Re: Adam Driver, acteur troublant, entre puissance physique et vulnérabilité discrète Jeu 15 Juin 2023 - 19:39
Effectivement, il ne reste pas beaucoup de temps pour le voir Merci d'avoir recopié nos avis ici !
Annwvyn Subtle scent of rain
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Sujet: Re: Adam Driver, acteur troublant, entre puissance physique et vulnérabilité discrète Jeu 15 Juin 2023 - 22:29
C'est chose faite, j'ai vu le film hier soir. Je pensais que vue l'heure et vue sa longueur j'allais le couper en deux et finir plus tard, mais j'ai été happée (et j'étais un peu stressée par la fin) donc j'ai finalement tout vu d'une traite. C'est un film qui doit gagner à être vu au cinéma, avec la musique à fond, et les images sombres et les décors baroques, tout un ensemble de bric et de broc démesuré, qui va bien avec un grand écran et un public.
Eh bien, même sur mon écran d'ordinateur, je ressors emballée ! J'aurais mille choses à dire sur Annette. Ce film est quand même très spécial, c'est lugubre, je ne sais même pas à qui de mon entourage je me risquerais à le conseiller. Et pourtant, j'en ressors bizarrement touchée, consolée. La musique m'a embarquée (98 % du film est chanté, il peut être bon de le savoir - je l'ignorais).
Je ne savais pas grand chose du film (ou j'avais oublié), je m'attendais à le trouver dérangeant (il y a de quoi ) et curieusement, ça n'a pas été vraiment le cas. Je peine un peu à comprendre pourquoi, mais je crois avoir identifié plusieurs raisons.
D'abord, il y a le cadre assez familier pour moi (le début et la fin, c'est comme du théâtre, on voit la troupe, ils vont nous raconter une histoire, ils saluent et nous demandent de parler du film autour de nous). Ensuite, l'histoire, est aussi familière, Anne (Marion Cotillard) est une héroïne de conte à l'ancienne, candide, innocente, la grâce incarnée, elle mange des pommes et se regarde dans le miroir...
Et puis, et c'est vraiment une chose qui m'a frappée, c'est que l'ensemble a beau être sombre et tortueux, avec un onirisme effrayant, le propos du film m'a paru étonnamment sain. Déjà, le personnage de Henry McHenry (Adam Driver) n'est jamais présenté comme autre chose que ce qu'il est : un type attiré par "l'abysse", agressif, plein de colère, un individu toxique qui épouse une princesse de conte de fée. A aucun moment, on ne nous fait croire que c'est le prince charmant. J'ai trouvé ça sain, comme si j'étais à côté du réalisateur, à l'extérieur de l'histoire de ce couple, et qu'il me racontait cette histoire triste, avec gravité et recul, sans me mentir et sans m'obliger à la vivre (et merci pour ça ). Il y a aussi certaines répliques, bien cachées dans les chansons que j'ai trouvées pleines de punch, comme cette phrase chantée par des femmes, et disant "c'est incroyable que les hommes qui se détestent eux-mêmes escomptent justement qu'on les aime" (c'est sorti de nulle part, c'est posé là, ça m'a plu).
Donc c'est comme si j'avais eu le récit d'une histoire tragique, d'une tragédie à la Shakespeare, dans l'outrance, mais par un auteur/réalisateur ayant la tête sur les épaules. Le message de ce film m'a paru aussi doux et honnête que Henry McHenry est un horrible bonhomme ! La fin est un bon exemple, en plus d'être nécessaire (elle justifie presque à elle-seule le titre du film)
Spoiler:
et extrêmement triste (on comprend qu'Annette a subi ses parents, et qu'elle a souffert à cause d'eux qui pourtant l'ont mise au monde), elle propose aussi une émancipation. J'ai trouvé ça bienveillant et encourageant, sans naïveté mais aussi sans colère.
C'est aussi pour ça que la "poupée" Annette est plutôt une idée qui m'a séduite. Quand je l'ai vu arriver, j'ai bien eu quelques frissons, la peur de la poupée diabolique. Et finalement non, je pense que ça a parlé à mes émotions d'une manière différente, moins directe que si c'avait été une vraie petite fille, mais profondément, parce qu'avec une charge symbolique. Et quand arrive la vraie petite fille, j'ai trouvé ça fort.
Je ne sais pas bien-sûr ce qui me restera de ce film plus tard, mais il suffit un peu d'écouter la musique pour se rappeler mes impressions. SPARKS est un groupe que je ne connaissais pas (en même temps, je ne connais pas grand chose en groupes !) mais j'ai tout de suite adhéré à la BO. C'est, je pense, la condition pour supporter le film. J'ai aussi appris que le film a mis 9 ans à être réalisé, et que les musiciens de SPARKS en ont été les initiateurs et les scénaristes (et ils connaissaient Leos Carax qui avait utilisé une de leurs chansons dans son film Holy Motors) et leur discours de réception du César de la meilleure musique est tout émouvant.
Extraits de la BO sans spoiler l'histoire:
L'ouverture du film, avec Leos Carax lui-même :
La chanson d'amour hypnotico-tragico-romantico-kitsch des deux protagonistes :
Le calme avant la tempête, la chanson annonce que ça ne peut pas être un conte de fée jusqu'au bout...
J'ai trouvé la distribution excellente, le couple Marion Cotillard-Adam Driver est très crédible (je précise que je ne fais pas partie des détracteurs de l'actrice, dont j'ai toujours plutôt aimé le jeu). Le personnage d'Anne n'est pas le plus intéressant, mais Marion Cotillard l'incarne bien, avec un visage d'ange, et beaucoup de douceur (et elle chante bien, et je ne sais pas si elle a été doublée pour les séquences de chant lyrique ). Je ne connaissais pas Simon Helberg, que j'ai trouvé bien lui aussi, même si en retrait par rapport aux deux autres.
Adam Driver quant à lui n'a pas volé sa nomination au César du meilleur acteur. Le film est en réalité façonné autour de son personnage et de son interprétation. Henry est le protagoniste, il est aussi un monstre, comme en produisent les contes ou les tragédies de Shakespeare (ou la vraie vie malheureusement parfois...), et c'est sûrement le pire rôle dans lequel j'ai vu Adam Driver jusque là (et un des plus laids personnages de fiction de ma vie de cinéphile à mon avis ). L'acteur est vraiment épatant (et je ne dis pas ça parce que j'ai de l'amitié pour lui et que j'ai ouvert ce topic). Le travail sur son corps est impressionnant (dans les scènes de stand up notamment), le réalisateur filme très bien son corps, avec les muscles tendus, les aspérités, les zones d'ombre. Il chante mal , mais cela ne m'a pas dérangée parce que son personnage est précisément plein de haine/désir face aux voix trop pures. Et pour le reste, eh bien, il joue admirablement, le regard, l'intensité silencieuse, tout y est, même les trois ou quatre coupes de cheveux...
Une fois Annette achevé, je me demande bien ce que j'ai vu. J'ai l'impression d'avoir mélangé Babylon de Damien Chazelle avec L'étrange Noël de Monsieur Jack et Le Fantôme de l'Opéra (la musique et le film avec Gérard Butler), d'avoir mixé tout ça au shaker, et voilà Annette qui sort. Pas spécialement goûtu à première vue, mais qui fonctionne étonnamment bien. Un genre de créature de Frankenstein de cinéma, mais avec une lumière d'une pureté indicible au fond, mais tout au fond du fond...
Et le plus frappant, c'est qu'à la fin, pour un film barré et onirique, j'ai l'impression que c'est aussi un film qui exige du spectateur qu'il soit lucide sur sa vie, qu'il sache distinguer la réalité des fantasmes, qu'il sache s'accepter et donner la priorité aux bonnes choses (protéger les enfants innocents par exemple...). Une ode à la créativité... et au sérieux. Ca me paraît être un joli tour de force, en même temps qu'une bouffée d'Art dans la figure.
Quand j'écris tout ça, je me demande si je n'extrapole pas un peu... mais c'est si dur de mettre les bons mots !
Juliette2a Tenant of Hamley Hall
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Sujet: Re: Adam Driver, acteur troublant, entre puissance physique et vulnérabilité discrète Ven 16 Juin 2023 - 19:13
Et bien, quel retour ! Ravie de lire que le film t'a plu
cléopatre Traveler of both time & space
Nombre de messages : 12761 Age : 30 Localisation : Santa Carla Date d'inscription : 25/04/2012
Sujet: Re: Adam Driver, acteur troublant, entre puissance physique et vulnérabilité discrète Ven 16 Juin 2023 - 20:47
Eh bien ça c'est de la critique! Comme je te le disais ailleurs, tu as réussi à me donner envie de le voir! Moi qui 1. n'aime pas les comédies musicales 2. n'aime pas Marion Cotillard 3. n'aime pas Sparks Et je vais le regarder hein! D'ici un mois ou 4 ans, on sait pas, mais je le verrai
Annwvyn Subtle scent of rain
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Sujet: Re: Adam Driver, acteur troublant, entre puissance physique et vulnérabilité discrète Sam 17 Juin 2023 - 10:54
Oui, Juliette, j'avais beaucoup de choses à dire... Je ne sais pas ce qu'il m'en restera plus tard, mais j'ai eu l'impression de découvrir plein de choses en voyant ce film, et d'en ressentir aussi un petit peu.
Cléopâtre, je pense que Marion Cotillard est le problème le moins embêtant pour apprécier le film, qui est quand même très très musical. Pour SPARKS, ne connaissant pas leur travail habituel, je ne peux pas juger, mais étant donné qu'ils sont à l'initiative du film, ça doit leur ressembler un peu. Contente de d'avoir donné envie en tout cas, même si tu détestes, je suis sûre que c'est une œuvre où tu trouveras au moins Adam Driver en peignoir des choses qui te plairont.
cléopatre Traveler of both time & space
Nombre de messages : 12761 Age : 30 Localisation : Santa Carla Date d'inscription : 25/04/2012
Sujet: Re: Adam Driver, acteur troublant, entre puissance physique et vulnérabilité discrète Sam 17 Juin 2023 - 18:47
Annwvyn a écrit:
je suis sûre que c'est une œuvre où tu trouveras au moins Adam Driver en peignoir des choses qui te plairont.
Je pense! Déjà la mise en scène et le travail sur la lumière! Et Adam
Comme tu te posais la question, j'ai cherché, et Marion Cotillard ne chante pas dans les scènes de chant lyrique, mais c'est elle dans les scènes "normales"
Vavyala Wood Full Of Song
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Sujet: Re: Adam Driver, acteur troublant, entre puissance physique et vulnérabilité discrète Dim 18 Juin 2023 - 20:40
Même si je ne suis pas sûre de rencontrer ce film, merci Annwvyn d'avoir pris le temps de faire une critique construite! Cela donne l'impression d'un film complexe dans sa construction, intéressant!
Annwvyn a écrit:
Il y a aussi certaines répliques, bien cachées dans les chansons que j'ai trouvées pleines de punch, comme cette phrase chantée par des femmes, et disant "c'est incroyable que les hommes qui se détestent eux-mêmes escomptent justement qu'on les aime" (c'est sorti de nulle part, c'est posé là, ça m'a plu).
Cette réplique cachée est bien trouvée et fait écho à des observations que je n'avais pas réussi à aussi bien synthétiser. Merci pour le partage!
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Sujet: Re: Adam Driver, acteur troublant, entre puissance physique et vulnérabilité discrète
Adam Driver, acteur troublant, entre puissance physique et vulnérabilité discrète