Françoise Chandernagor : L'Allée du Roi et autres livres

De rien !

Il y a un aspect que j'ai peu évoqué : c'est la façon dont l'amour entre Antoine et Cléopâtre est traité. Ce n'est ni une vision romantique classique (comme dans Shakespeare ou dans les films) ni une vision décadente et débauchée (comme dans les textes latins de l'époque obéissants à la propagande d'Auguste et la série Rome), mais une évocation très humaine et qui sonne vrai. En plus, ils ne sont que les personnages secondaires, ce qui change considérablement des représentations habituelles qui font à ce couple de légende une place de choix en passant souvent les enfants à la trappe.

Césarion a une importance particulière, car en plus d'être le fils aîné de Cléopâtre (et son co-pharaon) ainsi que le grand frère à la fois protecteur et méfiant (chez les Ptolémée, on a fâcheusement tendance à s'entre-assassiner joyeusement au sein des fratries), il est également le fiancé de Séléné, selon la tradition égyptienne où le pharaon épouse toujours une de ses sœurs. Ça donne une couleur particulière à leur relation, évidemment, parce que ce n'est pas tout à fait banal comme rapports fraternels (même si, vu l'âge des enfants, ces fiançailles rentent très théoriques) ! J'ai beaucoup aimé cet enfant, le portrait qui en est donné et la façon dont Françoise Chandernagor lui rend la vie, en le montrant si lucide sur sa situation et les dangers qui le menacent.

Françoise Chandernagor était l'invitée de l'émission "À voix nue" sur France Culture la semaine dernière   

Au cours des 5 parties de 27' environ, elle a évoqué bien sûr ses romans et leur élaboration, mais aussi ses origines et sa passion de l'Histoire (elle parle de "religion" à son sujet, c'est dire à quel point elle s'y intéresse). L'entendre est passionnant, elle s'exprime avec élégance et vivacité. De quoi me donner envie de lire d'autres livres d'elle prochainement.

J'ai lu L'enfant des Lumières, qui m'a séduit par plusieurs aspects. D'abord, c'est une peinture très intéressante de la société française d'une époque charnière allant de 1770 à 1789. On côtoie toutes les couches de la population, depuis les paysans marchois vivant dans une misère affreuse jusqu'à l'élite aristocratique parisienne. C'est bien sûr une fiction, mais la rigueur dont fait preuve Françoise Chandernagor est admirable   . Aucun détail n'est laissé de côté, et j'ai apprécié la description de la vie quotidienne de Mme de Breyves à la Commanderie, faite entre autres de difficultés matérielles non négligeables et de beaucoup d'incertitudes liées au climat. Avec nos moyens actuels, on a du mal à mesurer la difficulté de la vie paysanne et rurale de la seconde moitié du XVIIIe siècle   

En plus d'un très beau portrait de femme de son temps (Mme de Breyves est plutôt froide, mais au fur et à mesure qu'on découvre son histoire on comprend les traumatismes laissés par plusieurs drames) à l'histoire conjugale originale (couple très uni et passion des Antiquités du côté d'Henri), c'est une des plus belles histoires de relation entre une mère et son fils qu'il m'ait été donné de lire   . Est-ce parce que Françoise Chandernagor est elle-même mère de 3 garçons (qui n'étaient peut-être pas tous nés au moment de la publication de ce roman) qu'elle a su si bien la raconter ? Relation construite progressivement, fragile parce que mettant en scène deux êtres très opposés.

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En ce sens j'ai beaucoup aimé

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Elle se montre souvent décontenancée par l'attitude de son fils, surtout lorsqu'il est enfant et adolescent. Le bonhomme n'est pas facile, mais sa tendresse maladroite envers sa mère m'a fait fondre. Il se mue par la suite en jeune homme audacieux et courageux qui a de la suite dans les idées. Elle se montre dure voire cruelle avec lui, tout en pensant agir pour son bien. Certains de ses choix nous paraissent contestables aujourd'hui, mais c'est aussi une plongée dans les principes éducatifs d'une partie de la société influencée (ou pas) par l'Emile de Rousseau.

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J'ai trouvé qu'il y a quelques longueurs dans la première moitié, jusqu'à l'arrivée

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J'ai apprécié aussi de croiser des personnages historiques comme Necker (même s'il n'a pas le beau rôle) ou Beaumarchais.

J'entame La chambre de Françoise Chandernagor.

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3ème jour de lecture de groupe en solitaire J'aime beaucoup l'histoire bien sûr, moins poignante que je pensais, du moins pour l'instant. Je pense que c'est dû au style de l'auteure.

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Je viens tenir compagnie à Cassandre  

J'ai commencé La chambre, en lisant d'abord les sources, et la postface, dans laquelle F Chandernagor écrit qu'elle a volontairement écrit ce livre, qui, je le rappelle, évoque les derniers mois du petit Louis XVII enfermé dans la prison du Temple, en omettant sciemment divers termes tels que "roi, prison du Temple, monarchie, guillotine, révolution" afin de rendre plus universel son récit d'un enfant emprisonné par la raison d'Etat.

J'en suis donc au 7e chapitre, et contrairement à toi, Cassandre, je trouve que le style de l'auteure, très réservé, absolument pas dans le pathos, rend son récit d'autant plus poignant, et d'autant plus fort ; pour l'instant je suis profondément émue, voire bouleversée, et l'on sent la colère de l'auteure lorsqu'elle parle de la bêtise et de l'absurdité administrative.

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Du coup je sais gré à F Chandernagor d'avoir choisi de donner un aspect universel à son récit.

Merci de me rejoindre Petit Faucon Je comprends ton point de vue mais nous sommes d'accord sur son style réservé, après notre ressenti est différent.

J'ai lu 150 pages et je trouve que ce n'est pas trépidant, il ne se passe pas grand chose. Mais cette histoire reste vraiment horrible

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. Comment peut-on traiter ainsi un enfant ?

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Oui c'est terrible Cassandre, et en plus cette histoire est prégnante, elle me reste dans la tête bien longtemps après avoir fermé le livre.

Je t'admire d'en avoir déjà lu la moitié, en ce qui me concerne, je trouve que le livre se lit assez lentement ...
Je ne pense pas avoir fini avant la fin de l'année

C'est vrai que cette histoire reste dans la tête.

J'ai bien avancé ce matin chez le coiffeur. Demain, le reste de la famille arrive, je doute d'avoir beaucoup de temps pour lire. Les autres me rattraperont.

Je suis en vacances ce soir, je pense le commencé demain.

Désolée, je suis un peu en retard. Je pensais commencer dans la salle d'attente du médecin hier, mais il m'a pris à l'heure... On peut même plus compter sur les médecins pour avoir le temps de bouquiner

Ne te désole pas, Ludi ! sur 9 personnes potentiellement intéressées nous ne sommes que 3 pour l'instant, donc tu n'es pas en retard, bien entendu !!!

Et prends bien soin de ta santé, c'est plus important que tout 

Merci pour vos analyses, mes amies, même si paradoxalement elles achèvent de me décider à ne pas lire ce livre maintenant. Et peut-être même jamais.

Récemment encore une rédaction d'élève m'a fendu le cœur et décidément non, le thème des enfants maltraités dans l'art j'oublie, je ressens déjà trop l'horreur de mon impuissance dans la réalité.

Je te comprends Selenh

Je comprends Selenh C'est un sujet sur lequel il y a tellement à faire encore aujourd'hui. Ce que j'aime dans le livre, c'est quand elle dit que les révolutions broient les innocents

J'ai attaqué le livre et j'en suis au chapitre 6. Pour l'instant je ne suis pas emballée par le livre, je trouve que c'est un peu confus. Ceci dit l'absence du nom de l'enfant donne une autre portée au livre. L'ambiance est oppressante, , c'est peut être ça qui ralentit ma lecture.

Génial que tu nous rejoignes Nat C'est vrai que l'ambiance du livre est angoissante. Pas vraiment une lecture de Noël


J'en suis au procès du médecin qui était en charge du petit mais je n'arrive pas à déterminer si c'est un vrai procès ou un fictif

Cassandre a écrit:

Pas vraiment une lecture de Noël

peut-être que si !

ayant lu le livre il y a fort longtemps, j'en ai gardé un souvenir terrible, j'ai été indignée par les débordements dûs à cette révolution qui au demeurant, me paraissait juste pour des tas de raisons.

Mais à la fin du livre, j'étais honteuse des actions qui avaient amené ce petit innocent dans ce donjon, et je crois qu'à ce moment là, le 14 juillet fête nationale m'a paru sous un jour assez nouveau. Au 14 juillet, si la nation est en joie, une autre partie est en deuil, aurions nous pu procéder autrement à l'époque ?

Je crois qu'il est très difficile de juger plus de 3 siècles après Je me suis posée la question, que fallait-il faire de ce petit roi ? En le libérant il aurait retrouvé ses adeptes et essayer de conquérir son trône. Scénario effrayant pour les révolutionnaires. Mais le laisser croupir en prison de façon aussi abjecte, ce n'est pas acceptable. Ils auraient pu lui trouver une résidence convenable où, même emprisonné, il aurait vécu plus normalement.

Cassandre, je ne juge pas. Je constate simplement que les révolutions engendrent des crimes en même temps que les espérances les plus folles, mais la barbarie qui est en nous prédomine au détriment de la raison.

En analysant, les vecteurs qui conduisent à la révolution, nous ne pouvons pas nous empêcher de penser que pour mener à bien les révoltes, ils faut des personnages assez troublants qui emploient des criminels larvés. Au demeurant, la révolution aurait eu lieu il y a 70 ans, n'aurait certainement pas donné de meilleurs résultats, les enfants ont toujours été la cible des lâches, la France était en état de guerre civile, et la guerre engendre toujours des crimes et de viols contre des personnes innocentes hélas, les guerres toujours présentent en font foi.

Chère Fée, je ne voulais pas dire que tu jugeais, je ne l'ai même pas pensé Je le disais de façon générale, en lisant La chambre, on va toutes émettre un jugement sur la Révolution et je pense que c'est difficile d'analyser les événements si longtemps après.

Sur la Révolution, je suis d'accord avec toi, que de crimes commis. Et quand on voit qu'une personne dirigeait un jour et qu'on lui coupait la tête le lendemain, c'était vraiment un sacré bazar

Comme tu le dis, les dirigeants étaient des personnages bien troublants, surtout pour laisser un enfant vivre d'une façon qui ne leur faisait pas honneur.

Pour en revenir au livre, j'en suis au procès fictif et c'est vraiment terrible de voir que tous ces actes ont été commis par des hommes normaux qui ne faisaient qu'obéir au règlement, règlement qui n'avait pas tout prévu. Quand l'auteure donne le détail des factures payées au marchand de vins, on voit bien qu'ils étaient tous ivres.

J'ai tout juste commencé, et pour l'instant, je n'arrive pas à rentrer dans le livre. Je trouve le style assez impersonnel et le tout peu impliquant. J'attends d'avancer un peu plus pour me prononcer plus

J'ai lu les neuf premiers chapitres, et suis plutôt emballée. Comme je m'attendais à une histoire poignante voire terrible au vu du thème, ma lecture correspond à mes attentes. La description des lieux est très précise, trop parfois, car j'ai du mal à me représenter la chambre si minutieusement décrite. Un croquis ou plan n'aurait pas été superflu. Le chapitre où l'auteur parle à la première personne et s'adresse directement au lecteur m'a décontenancé, on dirait qu'elle veut le prendre à témoin.

Il est clair que dès les premières phrases les révolutionnaires, et les absurdités de leur administration, apparaissent comme des bourreaux inhumains. Ce qui frappe, c'est l'immense solitude de cet enfant de 8 ans livré à lui-même qui a perdu tous ses points de repère. Il est à la fois intéressant et déchirant de suivre ses gestes au quotidien   , ses longues journées où le moindre petit fait inhabituel devient important. Ce petit garçon semble à la fois oublié de tous et surveillé de très près.
J'apprécie aussi les détails livrés au cours du récit sur les années précédentes de l'enfant, les moments passés avec son père, les bribes dont il se souvient concernant sa famille. Sa mère, sa sœur et sa tante étaient enfermées à l'étage au-dessus de sa chambre mais elle n'apparaissent autrement que comme "les femmes". Le pire est qu'il pense bien faire en dénonçant ceux qui se montrent gentils avec lui, ne serait-ce que pendant un court instant.

Le style me plait beaucoup - mais là encore ce n'est pas une surprise car c'est le troisième roman de F. Chandernagor que je lis - je le trouve aussi pudique, et suis frappée par la précision de ses évocations, aussi bien des lieux que de la psychologie de son triste héros. Elle entre au plus profond de son être.

Malgré la présence de ma famille, j'ai réussi à avancer dans ma lecture.

Il y a enfin des fonctionnaires plus intelligents au Temple et ils voient que le petit ne va pas bien. Son alimentation est changée, ses habitudes de vie aussi, mais n'est-ce pas trop tard ? Il a passé 18 mois en isolement total, une situation intolérable pour un adulte, alors pour un enfant ...

L'auteure cite "il n'y a pas de fête sans des verres cassés" et le petit représente vraiment les verres cassés.

J'aime aussi beaucoup le style de F. Chandernagor, je relirai d'autres livres d'elle.

Moi aussi j'ai pas mal avancé, j'en suis au chapitre 24, aux 2/3 je dirai.

Une fois le choc émotionnel passé, je suis reconnaissante à l'auteure d'avoir panaché les points de vue : ceux de Goupilleau le notaire, de David le peintre, de Bengale l'aide cuisinier, de Laurent le responsable de la prison. Et aussi d'avoir morcelé son récit en plusieurs morceaux, des moments où on est dans la tête de l'enfant (les plus durs), où on examine le fonctionnement de la prison du point de vue de l'économe, du menuisier, et même ce moment où l'auteure apostrophe directement ses personnages comme Goupilleau ou David.

Je reste effarée (je le savais, mais ça me plonge quand même dans la stupeur à chaque fois) par cette mécanique de la Terreur, les dénonciations les épurations les décapitations, tout ce sang, tout ce vertige et cette folie du sang, de la foule qui s'échauffe, ça reste pour moi incompréhensible ; comme le génocide au Rwanda, comme la nuit de la Saint Barthélémy, comme les pogroms ...