Une auberge pour les admirateurs de Jane Austen, et bien plus encore... |
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| Traduire Shakespeare, mission impossible? | |
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+7clinchamps cat47 Aislynn Emily-de-Winter Darcy mimidd Fée clochette 11 participants | |
Auteur | Message |
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Fée clochette Soul dancing on the breeze
Nombre de messages : 26773 Age : 79 Localisation : sur le chapeau de Mrs Bennet, ayez pitié de mes pauvres nerfs ! Date d'inscription : 03/03/2008
| Sujet: Traduire Shakespeare, mission impossible? Mar 20 Avr 2010 - 10:23 | |
| - Dans le topic de Romeo et Juliette, Aislynn a écrit:
- Donc, à la suite d'une association d'idées trop longue à développer et totalement hors sujet, je me suis offert le livre et je l'ai commencé.
Ma foi, c'est la première fois que je lis Shakespeare et je dois dire que je tombe des nues en découvrant son vocabulaire et ses sous-entendus !
Exemple : "Arrière, salope !" (en plus, venant d'un père qui s'adresse à sa fille, honnêtement ça me choque)
ou encore, tout au début (parlant des filles de la maison adverse) : "oui, je les passerai au fil de l'épée ou je les enfilerai, prends-le dans le sen qu'il te plaira" / "celles qui le sentiront, elles le prendront dans le vrai sens"
Bah... ( EDIT Cat47 : Ce à quoi Fée Clochette a répondu et moi j'ai divisé le sujet! ) Aislynn certes, nous étions plus vert dans le mot à cette époque et ce n'était absolument pas choquant du tout nous avons beaucoup perdu tout au long des siècles, mais surtout au 19e qui s'est mis, au nom du bon ton à édulcorer et éliminer pas mal d'expressions totalement imagées d'une verdeur réjouissante. |
| | | mimidd Aki no Hoshizora
Nombre de messages : 15717 Localisation : with a Japanese man singing for Rotterdam Date d'inscription : 17/04/2006
| Sujet: Re: Traduire Shakespeare, mission impossible? Mar 20 Avr 2010 - 10:54 | |
| Après vérification dans les textes, pour les sous entendus, je n'ai rien à redire , mais côté vocabulaire, je pense qu'il faut davantage rejeter la faute sur le traducteur que sur le Barde. Parce que dans mon édition à moi (librio, traduction par François Victor Hugo), les deux passages que tu cites sont traduits un peu différemment : - Citation :
- Sam. when I have fought with the men, I will be cruel with the maids; I will cut off their heads.
Gre. The heads of the maids? Sam. Ay, the heads of the maids, or their maidenheads; take it in what sense thou wilt. Gre. They must take it in sense that feel it. - Citation :
- - quand je me serai battu avec les hommes, je serai cruel envers les femmes. Il n'y aura plus de vierges !
- Tu feras donc sauter toutes leurs têtes ? - Ou tous leurs pucelages. Comprends la chose comme tu voudras - Celles là comprendront la chose, qui la sentiront. et - Citation :
- out on her, hilding !
- Citation :
- arrière, éhontée !
"Hilding" signifiant "personne méprisable". Y'a quand même un écart entre "éhontée" et "salope" . J'avoue que la traduction que j'ai me choque beaucoup moins, sans non plus avoir l'impression que le traducteur a amoindri les propos originaux _________________ ずっと続く道 これからも変わらずに 同じことで笑っていよう 一人じゃないよ アホな仲間と =☆= In a road that keeps going without change, let’s keep laughing about the same things. =☆= =☆=☆=☆= You’re not alone. You’ve got this stupid friend with you (道, 丸∞すばる) =☆=☆=☆=
Dernière édition par mimidd le Mar 20 Avr 2010 - 11:42, édité 2 fois |
| | | Darcy Romancière anglaise
Nombre de messages : 6092 Date d'inscription : 09/03/2009
| Sujet: Re: Traduire Shakespeare, mission impossible? Mar 20 Avr 2010 - 11:04 | |
| En fait cette traduction convient mieux!! |
| | | Emily-de-Winter Romancière anglaise
Nombre de messages : 2737 Age : 29 Date d'inscription : 03/03/2010
| Sujet: romeo et juliette Mar 20 Avr 2010 - 17:21 | |
| C'est sûr que "arrière salope" je ne m'en souvenais pas dans ma version |
| | | Aislynn Ready for a strike!
Nombre de messages : 943 Age : 57 Localisation : En mer, sous les étoiles Date d'inscription : 06/12/2009
| Sujet: Re: Traduire Shakespeare, mission impossible? Mar 20 Avr 2010 - 19:01 | |
| - mimidd a écrit:
- Après vérification dans les textes, pour les sous entendus, je n'ai rien à redire , mais côté vocabulaire, je pense qu'il faut davantage rejeter la faute sur le traducteur que sur le Barde.
- Citation :
- - quand je me serai battu avec les hommes, je serai cruel envers les femmes. Il n'y aura plus de vierges !
- Tu feras donc sauter toutes leurs têtes ? - Ou tous leurs pucelages. Comprends la chose comme tu voudras - Celles là comprendront la chose, qui la sentiront. et
- Citation :
- out on her, hilding !
- Citation :
- arrière, éhontée !
"Hilding" signifiant "personne méprisable". Y'a quand même un écart entre "éhontée" et "salope" .
J'avoue que la traduction que j'ai me choque beaucoup moins, sans non plus avoir l'impression que le traducteur a amoindri les propos originaux Ah, OK ! Oui, je préfère nettement cette traduction aussi. Cela étant, je suis un peu étonnée quand même : j'aurais pensé qu'il n'y avait qu'une seule traduction, une fois pour toute -cette pièce n'est pas neuve-, toujours la même Encore une fois, je suis tombée sur la mauvaise REMBOURSEZ ! (snif). |
| | | Fée clochette Soul dancing on the breeze
Nombre de messages : 26773 Age : 79 Localisation : sur le chapeau de Mrs Bennet, ayez pitié de mes pauvres nerfs ! Date d'inscription : 03/03/2008
| Sujet: Re: Traduire Shakespeare, mission impossible? Mer 21 Avr 2010 - 9:38 | |
| Je soupçonne mimidd de posséder la traduction de François-Victor Hugo, le quatrième fils de notre grand écrivain et poète. Il devait beaucoup aimer William Shakespeare, et au nombre de ses traduction il y a : o Roméo et Juliette o Hamlet o Jules César o Othello o Le Roi Lear o Titus Andronicus o Les Joyeuses Commères de Windsor o Le Songe d’une nuit d’été o Sonnets o Le Phénix et la colombe Certe il a traduit éhonté pour hilding, mais est-ce bien ce mot, pour moi c'était shameless. D'autre part, je ne connais pas la première traduction de SHAKESPEARE. Pour nous aider, nous aurions vraiment besoin d'un professeur spécialiste de Shakespeare, en anglais. Je me souviens d'avoir étudier La tempête, et Les joyeuses joyeuses commères de Windsor, et notre professeur nous avait mises en garde sur les mots... La langue de l'époque comme notre vieux français était assez étonnante. Le mot employé, ne signifiait pas toujours ce qui nous était substitué à la traduction (qui est 19e et n'attendons pas du fils de VH de la verdeur, mais un langage bien plus précieux pour un public bourgeois)... alors que Shakespeare s'adressait au peuple, dans un langage parfois gaillard. D'ailleurs, les grands de cette époque étaient tout aussi vert de paroles et lestes dans les descriptions. ROMEO et JULIETTE de François-Victor Hugo est en ligne, Aislynn tu peux comparer, et cherche qui a traduit ta pièce, ce serait intéressant de voir l'évolution des pensées, et pouvoir retourner aux sources aussi et pour plus de compréhension du texte voir aussi il y a le passage incriminé et je trouve cela fort intéressant. |
| | | Darcy Romancière anglaise
Nombre de messages : 6092 Date d'inscription : 09/03/2009
| Sujet: Re: Traduire Shakespeare, mission impossible? Mer 21 Avr 2010 - 10:25 | |
| En tout cas, merci pour cette confrontation dans les traductions, c'est très intéressant.
Dernière édition par Darcy le Mer 21 Avr 2010 - 14:00, édité 1 fois |
| | | cat47 Master of Thornfield
Nombre de messages : 24251 Age : 67 Localisation : Entre Salève et Léman Date d'inscription : 28/01/2006
| Sujet: Re: Traduire Shakespeare, mission impossible? Mer 21 Avr 2010 - 13:55 | |
| Je trouve moi aussi cette discussion très intéressante. "Salope" est peut-être un peu fort, je pense que le traducteur a voulu se donner un genre. Dans la version que j'ai, le mot "hilding" est traduit par "traînée", c'est un peu entre "salope" et "éhontée", qui lui, fait plutôt victorien, non? Cette discussion m'a fait penser à l'intéressante préface de l'édition de La Pléiade intitulée Traduire Sheakespeare écrite par Jean-Michel Déprats. Je me dis qu'elle vaudrait un sujet à elle toute seule (bon, j'aurais un peu peur de me retrouver toute seule dessus, je vous l'avoue ) car elle soulève de nombreux points de réflexions qui peuvent par ailleurs être liés aux discussions sur la fidélité des adaptations. Ce texte commence par une citation d'André Gide : "...s'il n'est pas d'auteur qui mérite plus d'être traduit que Shakespeare, il n'en est pas sans doute qui reste plus difficile à traduire, ni qu'une traduction risque plus de défigurer." Tout cela pour dire, que je pense que Shakespeare était plutôt leste, comme l'a dit Fée Clochette, est que la traduction que tu possèdes, Aislynn, a le mérite d'illustrer cette verdeur. Je vais relire cette préface et voir si j'y trouve une indication sur le style des premières traductions. _________________
Dernière édition par cat47 le Mer 21 Avr 2010 - 14:20, édité 1 fois |
| | | clinchamps Oshaberi Sensei
Nombre de messages : 72622 Age : 81 Localisation : Dans les bois du Fushimi Inari-taïsha Date d'inscription : 09/01/2007
| Sujet: Re: Traduire Shakespeare, mission impossible? Mer 21 Avr 2010 - 14:07 | |
| Discussion très intéressante !! je préfère nettement "traînée" à ""hontée" qui fait vraiment un peu trop daté ! Je n'ai jamais rien lu de Shakespeare, mais je me souviens que lorsque j'avais 19 ans (pas de commentaire je vous prie !!! ) j'ai vu jouer "roméo et Juliette" et que j'avais été frappée par les sous entendus égrillards et gaulois (si l'on peut dire pour le grand Will) parce que les idées reçues qui se trimballent sur cette pièce c'est : amour tragique et romantique. |
| | | cat47 Master of Thornfield
Nombre de messages : 24251 Age : 67 Localisation : Entre Salève et Léman Date d'inscription : 28/01/2006
| Sujet: Re: Traduire Shakespeare, mission impossible? Mer 21 Avr 2010 - 15:00 | |
| Je n'ai pas mis trop de temps pour trouver dans ce fameux texte un passage permettant de démontrer l'évolution de la traduction à travers les âges et la tendances édulcorante de la traduction de François-Victor Hugo. Déprats donne l'exemple d'une phrase de la première Sorcière dans Macbeth : - Citation :
- "Aroynt thee, witch", the rumpfed ronyon cries.
- Jean-Michel Déprats, dans Traduire Shakespeare, Bibliothèque de La Pléiade, Gallimard 2002 a écrit:
- Le syntagme "Rumpfed ronyon" a été rendu successivement par : "la carogne au croupion bien nourri" (François-Victor Hugo, vers 1860), la rogneuse au gros derrière (Maurice Maeterlinck, 1910), "la rogne à la croupe trop grasse" (Jean Richepin, 1914), "la galeuse au gros fessier" (Pierre Leyris, 1977), "ce gros cul de matrone" (Yves Bonnefoy, 1983), "la galeuse au gros cul" (ma traduction, 1985). (...) Le mouvement qui conduit les traducteurs successifs à passer de "croupion" à "cul" en un peu plus d'un siècle montre l'évolution de la sensibilité et du goût, la modification de la perception et de la lecture du texte original.
Aislynn, ta traduction est-elle signée Jean-Michel Déprats? Je fais de l'ironie mais franchement, les arguments de Déprats, que je ne peux pas reproduire intégralement ici par manque de temps et qui tournent autour de la différence d'expressivité des deux langues et des différences culturelles, et donc de perception, entre les époques et même entre les pays, sont passionnants. _________________
Dernière édition par cat47 le Mer 21 Avr 2010 - 15:59, édité 1 fois |
| | | Fée clochette Soul dancing on the breeze
Nombre de messages : 26773 Age : 79 Localisation : sur le chapeau de Mrs Bennet, ayez pitié de mes pauvres nerfs ! Date d'inscription : 03/03/2008
| Sujet: Re: Traduire Shakespeare, mission impossible? Mer 21 Avr 2010 - 15:21 | |
| D'ailleurs un siècle avant, notre Rabelais était pas mal aussi, mais là n'est pas le propos... cependant, il n'hésitait pas à parler de dard et aiguillette nouée, que j'avais pris pour un poignard et des rubans qui ornait la braguette du monsieur, ce qui pour les deux termes étaient justes, mais pas pour le texte de Rabelais, nous les élèves en avions été estomaqués. D'ailleurs, si je m'en souviens, c'est que j'avais eu la surprise de ma vie de petite adolescente nunuche. Oui Shakespeare aimait marier les actions et les genres pour mieux caractériser ses personnages.... en l'occurrence, ce n'est pas Roméo qui s'exprime ici, mais qui déjà, je ne sais plus... il a plutôt un tempérament d'homme qui viole et conquiert pas celui d'un amoureux transis il y a longtemps que je n'ai plus lu Roméo, et une révision s'impose Roméo est très jeune, l'autre certainement beaucoup moins, il a vécu il est plus trivial dans ses appréciations. |
| | | esperluette Magnolia-White Ampersand
Nombre de messages : 9312 Date d'inscription : 11/07/2009
| Sujet: Re: Traduire Shakespeare, mission impossible? Mer 21 Avr 2010 - 15:50 | |
| Je me rappelle avoir aussi été surprise en lisant Roméo et Juliette par des expressions assez... imagées. (Même s'il ne me semble pas avoir lu le mot "salope"). Et j'avais aussi été étonnée par le nombre d'éléments comiques de la pièce, je ne m'attendais pas du tour à ça mais en fait l'aspect romantique n'est pas le seul présent, c'est super intéressant. La question des traductions est très intéressante, merci pour ton exemple, Cat. Je m'en rends compte en version d'anglais, quand on corrige avec le prof, c'est très complexe de rendre toutes les subtilités d'un texte (le pire étant peut-être les préposition et verbes à particule, c'est l'horreur à retranscrire !). |
| | | clinchamps Oshaberi Sensei
Nombre de messages : 72622 Age : 81 Localisation : Dans les bois du Fushimi Inari-taïsha Date d'inscription : 09/01/2007
| Sujet: Re: Traduire Shakespeare, mission impossible? Mer 21 Avr 2010 - 18:53 | |
| Si je me souviens bien, Roméo tout jeune godelureau qu'il soit, au tout début, quand il parle avec Thybalt, avant de rencontrer Juliette, est assez hardi dans son langage, ainsi que lorsqu'ils parlent de Rosalinde, (ou Rosamonde ?) |
| | | Aislynn Ready for a strike!
Nombre de messages : 943 Age : 57 Localisation : En mer, sous les étoiles Date d'inscription : 06/12/2009
| Sujet: Re: Traduire Shakespeare, mission impossible? Mer 21 Avr 2010 - 19:25 | |
| - cat47 a écrit:
- Aislynn, ta traduction est-elle signée Jean-Michel Déprats?
Je fais de l'ironie mais franchement, les arguments de Déprats, que je ne peux pas reproduire intégralement ici par manque de temps et qui tournent autour de la différence d'expressivité des deux langues et des différences culturelles, et donc de perception, entre les époques et même entre les pays, sont passionnants. Ma traduction est de Pierre Jean Jouve et Georges Pitoëff *recopie bêtement ce qui est écrit sur la couverture* C'est vrai que c'est très intéressant, cette histoire. Fée Clochette, tu as raison de préciser que Shakespeare écrivait pour un public populaire : on l'a rangé dans les "classiques" et les "grands auteurs", mais peut-être qu'il n'aurait pas trop aimé ça (pour le peu, très, très peu que je connais de lui, je suis assez littéraire mais je ne connais quasi rien des "classiques" étrangers. |
| | | Fée clochette Soul dancing on the breeze
Nombre de messages : 26773 Age : 79 Localisation : sur le chapeau de Mrs Bennet, ayez pitié de mes pauvres nerfs ! Date d'inscription : 03/03/2008
| Sujet: Re: Traduire Shakespeare, mission impossible? Mer 21 Avr 2010 - 20:22 | |
| Aislynn je crois que nous classons dans littérature classique toutes oeuvres qui perdurent à travers les siècles (en disant cela je me dis qui a lu chez nous Marmontel ? il aurait tant voulu justement être classique et il a tant écrit) et rien que pour cela, Shakespeare en aurait été surpris puis fier, car il ne me semblerait pas à priori être un homme modeste ! de son temps il se battait pour être le meilleur et avoir de l'argent... nerf du théâtre, monter des pièces encore actuellement c'est onéreux. D'accord il écrivait d'une part parce qu'il avait un certain talent et qu'il avait en lui ce feu qui brûle n'importe quel écrivain. (Un jour je regardais Jean Teulé dans une table ronde organisé par Jean - Pierre Elkkabach. Il expliquait qu'il avait passé beaucoup de temps à lire dans les premières années de la vie, qu'ensuite, il s'était dit qu'écrire devait être sa vie, et depuis il ne se voyait plus faire autre chose : lire les autres, écrire et se relire, c'était une passion dévorante et cette vie à se relire, le comblait) ce devait bien être pareil pour notre Shakespeare, sinon il n'aurait pas autant livré de chefs d'oeuvre, qui sont souvent tirés de farces populaires et de légendes anciennes traditionnelles, mais rendues tellement plus attrayantes par le génie de sa plume. Car ne captive pas qui veut ! Ensuite il devait gagner sa vie, mais était-elle rose sa vie ? Passionnante mais dure, combien de concessions pour plaire à son public et à la Reine Elisabeth, et la jalousie entre auteurs et la compétition pour arriver à livrer une pièce était réelle (plus tard chez nous rappelons Molière, Corneille et Racine et bien d'autres...). De cette époque, je n'ai pas lu grand chose, à part Shakespeare et Christopher Marlowe avec Tamerlan le Grand et Beowulf. Mais je crois me souvenir que le second est mort dans une rixe de taverne ou se mélangeaient sans problème les gueux, les nobles les artisans bref toutes les couches de la société sans problème... Shakespeare aussi fréquentait ces lieux ce n'était pas un ange, c'était certainement là tout de même qu'il puisait son langage pour apporter plus de réalisme dans le grivois, l'érotisme, le précieux, les coups de théâtre l'action et vraiment son talent mérite sa classification dans classique, parce qu'il est une référence comme Marlowe pour ce siècle. Jouve et Pitoeff ! mazette, des grands ! Pitoeff adorait Shakespeare, il s'est traduit la pièce pour la jouer, la version de FVH ne devait pas du tout lui convenir... pour un peu, je courre me l'acheter |
| | | N.. Beautiful pianoforte
Nombre de messages : 658 Localisation : ... somewhere on my road to Lambton ... Date d'inscription : 25/07/2009
| Sujet: Re: Traduire Shakespeare, mission impossible? Jeu 22 Avr 2010 - 1:36 | |
| Je suis d’accord à peu près avec tout ce que vous venez de dire, notamment sur les traductions, qui évoluent sans cesse. En anglais aussi, au fur et à mesure des ré-éditions, les notes d’accompagnement s’enrichissent parce que la langue bouge beaucoup et qu’il devient de plus en plus difficile de lire le grand S sans explications linguistiques et historiques. Indépendamment de cela, il faut dire ce qui est : c’est vrai que S employait un langage grossier voire vulgaire : les jeux de mots d’ordre sexuel sont légions et les insultes ne sont pas rares. Et alors qu’il est probablement l’auteur anglais le plus publié, certaines écoles et universités aux USA refusent d’étudier les œuvres de S jugées trop obscènes (bon, ce sont surement les mêmes qui plaident pour la théorie du créationnisme, passons..)Certes il y a l’époque : les mœurs sont très libérales. Les puritains ne sont pas encore passés par là ; ils fermeront un à un tous les théâtres dans les 30 ans après la mort de S. En attendant on s’en donne à cœur joie. En plus, le théâtre est quand même populaire avant tout : c’est la fête ; le public ne vient pas pour apprécier les belles lettres, il vient d’abord se distraire. Donc on ne fait pas trop dans le raffiné, sinon c’est le bide assuré. Et puis l’époque est misogyne. Il faut le reconnaitre : beaucoup des personnages masculins des pièces de S sont des goujats et ca ne choque personne. Comme le dit Clinchamps, on voit que Roméo lui-même a l’esprit bien vert avant de tomber amoureux de la belle Juliette. Et personne n’irait lui reprocher ! Le pauvre Willoughby est né 2 siècles trop tard… Après, il y a S lui-même et ce n’était en effet pas du tout un enfant de chœur. Il y a de grandes zones d’ombre dans sa vie (comme dans celle de Marlowe d’ailleurs), mais en tout cas il ne fait pas de doute qu’il s’est accordé de nombreuses infidélités, probablement féminines et masculines, on sait qu’il a oublié sa femme dans son testament, qu’il n’a pas trouvé nécessaire que ses filles apprennent à lire, etc etc… Permettez moi un procès d’intention : cela fait longtemps que je pense que la gente féminine ne devait pas valoir grand-chose à ses yeux… A sa décharge, ses pièces étaient destinées à être jouées, pas à être imprimées et le langage oral n’est pas le langage écrit. Une grande partie de ses pièces n’ont été imprimées qu’après sa mort, et une raison fréquemment invoquée pour celles qui ont été éditées de son vivant est que de fausses copies commençaient à circuler. Au cas particulier de Roméo & Juliette, je n’ai pas encore lu l’article de Fée clochette (je le ferai demain, il a l'air bien mais il commence à se faire tard), en attendant je ne suis pas convaincue que le fait que les passages incriminés soient dans la bouche d’un père envers sa fille ait une importance. Pour nous, c’est évident que c’est insupportable, mais chez S il n’y a aucune psychologie des personnages. Ce qui est mis en scène est l’action et le sort de l’homme. S peut donner au même personnage tour à tour un langage châtié (n’oublions quand même pas les réparties magnifiques ) et un langage vulgaire ; une grandeur d’âme et d’aspirations puis des émotions d’une grande platitude. Ce n’est pas l’individu qui prime mais l’universalité du caractère de l’Homme et de son destin. Et on peut se dire également que la grossièreté de certains personnages ne fait que mieux ressortir la pureté de l’amour de Roméo & Juliette. C’est comme ca que S servait tout le monde à l’époque : cela permettait de relier la culture de cour des nobles et des lettrés (la pureté répondait à la fois à une recherche esthétique et à des aspirations élevées ) avec la culture populaire : l’esprit rustre répondait aux attentes de la base populaire, c'est-à-dire en fait à la très grande partie de la population et du public. |
| | | Fée clochette Soul dancing on the breeze
Nombre de messages : 26773 Age : 79 Localisation : sur le chapeau de Mrs Bennet, ayez pitié de mes pauvres nerfs ! Date d'inscription : 03/03/2008
| Sujet: Re: Traduire Shakespeare, mission impossible? Jeu 22 Avr 2010 - 11:17 | |
| - N.. a écrit:
- je pense que la gente féminine ne devait pas valoir grand-chose à ses yeux…/...A sa décharge, ses pièces étaient destinées à être jouées, pas à être imprimées...
tout à fait, c'est l'époque ou les rôles sont joués par de jeunes éphèbes aussi. Les femmes n'ont pas une âme pendant très longtemps d'ailleurs et il y a peu le mari devait autoriser sa femme à travailler (milieu du siècle dernier je crois) ... et l'écriture n'est pas fixe, les acteurs peuvent changer les jeux de mots ou les insultes selon le jour, si le public rit ou pas. |
| | | cat47 Master of Thornfield
Nombre de messages : 24251 Age : 67 Localisation : Entre Salève et Léman Date d'inscription : 28/01/2006
| Sujet: Re: Traduire Shakespeare, mission impossible? Jeu 22 Avr 2010 - 12:40 | |
| - N.. a écrit:
- En anglais aussi, au fur et à mesure des ré-éditions, les notes d’accompagnement s’enrichissent parce que la langue bouge beaucoup et qu’il devient de plus en plus difficile de lire le grand S sans explications linguistiques et historiques.
Cela correspond exactement à ce que dit Desprats au sujet de l'évolution des traductions. Selon lui, celles-ci doivent être considérées comme des chances de garder l'expression à niveau en fonction de l'évolution culturelle. Bien traduire Shakespeare en français représente toujours une perte, on ne pourra jamais rendre toute la richesse de son langage, mais au moins le public francophone actuel a un accès plus direct que le public anglophone, dont une grande part ne peut ou ne veut pas comprendre le Barde. - Citation :
- Certes il y a l’époque : les mœurs sont très libérales. Les puritains ne sont pas encore passés par là ; ils fermeront un à un tous les théâtres dans les 30 ans après la mort de S. En attendant on s’en donne à cœur joie. En plus, le théâtre est quand même populaire avant tout : c’est la fête ; le public ne vient pas pour apprécier les belles lettres, il vient d’abord se distraire.
Je crois vraiment que c'est le style de l'époque. Fée Clochette a déjà cité Rabelais, on pourrait sûrement en citer d'autres. Une chose est sûre : à l'époque peu de restrictions, au niveau des moeurs comme au niveau du langage, d'ailleurs. Desprats explique même très bien comment à l'époque la langue française était moins figée que maintenant. Shakespeare, lui, profitait de deux libertés : celle de l'époque, et celle de la langue anglaise (restée avec le temps plus souple que la française, en plus ). Desprats cite le cas d'une version traduite donnée dans un théâtre de la banlieue parisienne et qui avait touché à tel point le public qu'une bonne partie de celui-ci pensait que la pièce était l'oeuvre d'un auteur moderne. Certaines répliques avaient d'ailleurs été reprise telles quelles par un groupe de rap. A méditer lorsque nous vouons aux gémonies toute tentative de modernisation d'une oeuvre par une adaptation. - Citation :
- Comme le dit Clinchamps, on voit que Roméo lui-même a l’esprit bien vert avant de tomber amoureux de la belle Juliette. Et personne n’irait lui reprocher ! Le pauvre Willoughby est né 2 siècles trop tard…
- Citation :
- Et on peut se dire également que la grossièreté de certains personnages ne fait que mieux ressortir la pureté de l’amour de Roméo & Juliette.
Dernière édition par cat47 le Jeu 22 Avr 2010 - 14:33, édité 1 fois |
| | | Tatiana A view from the past
Nombre de messages : 14359 Age : 39 Localisation : Quelque part dans l'Angleterre du XIXe... Date d'inscription : 26/02/2010
| Sujet: Re: Traduire Shakespeare, mission impossible? Jeu 22 Avr 2010 - 14:02 | |
| Sur les conseils de Cat je m'inscruste dans votre discussion sur la traduction que je trouve passionnante. Les problèmes et difficultés de traduction sont un point auquel je n'avais pas tellement pensé (mais j'aurais dû car traduire du Shakespeare doit parfois relever de l'impossible- car dans la mesure du possible j'essaye de lire les oeuvres en VO - avant de connaître The taming of the shrew. Comme je l'ai écrit dans le tiopic consacré à cette pièce, il y a une réplique que j'aime particulièrement : le "He's Kated" à propos de Petruccio après son mariage avec Caterina. Je me demande comment elle a été traduite en français, car ça relève de l'intraduisible ! |
| | | clinchamps Oshaberi Sensei
Nombre de messages : 72622 Age : 81 Localisation : Dans les bois du Fushimi Inari-taïsha Date d'inscription : 09/01/2007
| | | | Fée clochette Soul dancing on the breeze
Nombre de messages : 26773 Age : 79 Localisation : sur le chapeau de Mrs Bennet, ayez pitié de mes pauvres nerfs ! Date d'inscription : 03/03/2008
| Sujet: Re: Traduire Shakespeare, mission impossible? Jeu 22 Avr 2010 - 19:05 | |
| et j'ajoute Clinchamps, que cela correspondrait parfaitement à l'époque... l'influence du vocabulaire apporté par les celtes, les romains, les angles les saxons, les vikings les danois, et aussi par les normands de Guillaume le conquérant n'embarrassait pas Shakespeare qui créait des mots, des expressions. La réplique plus un geste appuyé et une mimique, devait être fort drôle. Cette époque aimait aussi beaucoup les pièces de théâtre appelé Farces, il devait bien en rester quelque chose dans les comédies ou les moments comiques dans ses drames. Chez nous, depuis un siècle la Farce de Maître Pathelin avait encore beaucoup de succès. He's Kated avec un geste précis en quettant l'approbation des spectateurs, devait faire rire à gorge déployée. c'est certainement plus drôle que de dire, il en est possédé, ou il en est toqué etc.... j'avoue que il est encatheriné me plait vraiment beaucoup ! La langue était plus libre à ce moment là. |
| | | Aislynn Ready for a strike!
Nombre de messages : 943 Age : 57 Localisation : En mer, sous les étoiles Date d'inscription : 06/12/2009
| Sujet: Re: Traduire Shakespeare, mission impossible? Jeu 22 Avr 2010 - 19:38 | |
| C'est en tous les cas extrêmemement passionnant, tout cela. Tous vos commentaires me semblent très pertinents, et j'avoue que je ne songeais vraiment pas à tout ça. |
| | | Tatiana A view from the past
Nombre de messages : 14359 Age : 39 Localisation : Quelque part dans l'Angleterre du XIXe... Date d'inscription : 26/02/2010
| | | | cat47 Master of Thornfield
Nombre de messages : 24251 Age : 67 Localisation : Entre Salève et Léman Date d'inscription : 28/01/2006
| Sujet: Re: Traduire Shakespeare, mission impossible? Jeu 22 Avr 2010 - 22:28 | |
| La traduction de Clinchamps n'est pas mal du tout! Quelqu'un a une VF de La mégère apprivoisée avec un exemple de traduction? _________________ |
| | | mimidd Aki no Hoshizora
Nombre de messages : 15717 Localisation : with a Japanese man singing for Rotterdam Date d'inscription : 17/04/2006
| Sujet: Re: Traduire Shakespeare, mission impossible? Ven 23 Avr 2010 - 0:10 | |
| Je connais la traduction par coeur ou presque ^^ (je m'étais amusée à faire les sous titres français de l'adaptation BBC 1980 l'année dernière ), et de mémoire, dans mon édition (toujours traduite par Francois Victor Hugo), c'est "voilà Petruchio catherin", mais je suis d'accord avec Tatiana, c'est intraduisible en français. Dans une de mes éditions anglaises, il est précisé que "Kated" est à comprendre au sens de "afflicted with the Kate (as if a disease)", mais çà sous entend aussi bien bien plus . Vous me donnez envie de revoir les adaptations de cette pièce Je trouve cette conversation passionante, et pour revenir là où j'en étais restée, je trouve que "traînée" est un bon compromis entre "éhontée" et "salope" ^^ Il vaudrait peut être mieux ouvrir un topic séparé sur la traduction et y déplacer les derniers messages, non ? _________________ ずっと続く道 これからも変わらずに 同じことで笑っていよう 一人じゃないよ アホな仲間と =☆= In a road that keeps going without change, let’s keep laughing about the same things. =☆= =☆=☆=☆= You’re not alone. You’ve got this stupid friend with you (道, 丸∞すばる) =☆=☆=☆= |
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