Semaine 3 : chapitre 21 à la fin

Tout d'abord je te remercie Artemis, car sans toi je n’aurais jamais eu l’idée de lire ce livre, et même si j’en avais eu l’idée, je n’aurais sans doute pas été au bout. C’est grâce à la lecture de groupe que j’ai tenu bon, c’est passionnant de lire les avis des autres lecteurs, même si ce n’est pas toujours facile de poster après des avis aussi argumentés !

A présent je suis heureuse de l’avoir lu. Certes je ne suis pas tombée sous le charme comme certaines d’entre vous, mais j’ai trouvé très intéressante la description de cette société figée dans ses codes de bienséance.
L’atmosphère oppressante m’a mise mal à l’aise, mais c’était le but recherché…

Je l'ai lu en français. J’ai trouvé le style parfois pesant, dans les descriptions des personnages secondaires et des différents degrés de cousinage (d’ailleurs je n’ai toujours pas tout bien compris, ça m’a rassurée de voir que je n’étais pas la seule ). En revanche quelle plume incisive dans les dialogues et les sentiments …

Je n’ai pas réussi à éprouver de la sympathie pour les personnages principaux.

Newland reste indécis, à la frontière entre le conformisme et l’envie d’ailleurs. Je l’ai trouvé très hypocrite, prêt à deux reprises à abandonner May, et en même temps incapable de le faire.

Ellen est plus lucide et plus franche.

Citation :

Vous voudriez donc faire de moi votre maîtresse, puisque je ne peux pas être votre femme ? demanda-t-elle.
Cette question directe le déconcerta. Maîtresse, c’était là un mot que les femmes de son monde évitaient de prononcer.
Décontenancé, il balbutia :
-Ce que je veux, c’est partir avec vous pour un monde où des mots comme celui-là –des catégories comme celle-là - n’existent pas : où nous serons simplement deux êtres qui s’aiment, qui sont tout l’un pour l’autre, pour lesquels le monde ne compte pas.

On croirait un adolescent… que veut-il en réalité ? Je me demande s’il le sait lui-même. Il n’insiste pas d’ailleurs, il se laisse bien aisément persuader.

May est égale à elle-même d’un bout à l’autre, un pur produit de la société bien pensante.

Ellen me laisse perplexe, je crois l’avoir déjà dit. En quoi Archer la séduit-elle ? par son innocence ? La seule explication que j’aie trouvée est au chapitre 24 :

Citation :

C’est vous qui m’avez fait comprendre que, sous l’ennui et l’uniformité de cette vie, se cachent des choses si belles, si nuancées, si délicates, que même celles à quoi je tenais le plus dans mon ancienne vie semblent médiocres en comparaison

Les personnages secondaires sont très bien croqués, j'aime particulièrement "la vieille Catherine".
Un autre personnage qui m’a intéressée et dont j’aurais aimé en savoir plus, c’est M Rivière.

Le titre « le temps de l’innocence » est paradoxal. Qui est innocent ? Est-ce dans le sens de naïveté ? de pureté ? de crédulité ?

May est symbole de pureté ( le muguet, toujours vêtue de blanc : une toilette blanche dans la première scène à l’opéra, sa robe de mariée, une robe blanche quand elle tire à l’arc, encore la robe de mariée…) Mais cette candide jeune fille est capable de rouerie quand il s’agit de sauver son mariage, elle n’est pas si naïve qu’elle semble l’être.

Archer est bien naïf dans ses sentiments pour Ellen, il se comporte comme un enfant gâté, est-ce en cela qu’il est innocent ?

En quoi Ellen est-elle innocente ? peut-être est-elle trop crédule. Elle idéalise Archer et aime May au point de s’effacer. Au début du roman elle ne se rend pas compte de la réprobation qu’elle suscite, elle est persuadée d’être très bien accueillie.

J'aime bien la fin, il est logique qu'Archer préfère continuer à vivre son rêve plutôt que d'affronter la réalité. Quoique j'aurais bien aimé un petit coup de folie, il n'est pas si vieux après tout !

Rosalinde a écrit:

J'aime bien la fin, il est logique qu'Archer préfère continuer à vivre son rêve plutôt que d'affronter la réalité. Quoique j'aurais bien aimé un petit coup de folie, il n'est pas si vieux après tout !

Je trouve la fin cohérente et presque... attendue. N'empêche que ça aurait été plus sympa pour nous s'il la revoyait une dernière fois et nous faisait part de ses impressions. Ici, cette fin en demi-teinte est assez frustrante.

Bonjour,

Un petit commentaire avant que tout ne s'efface de ma mémoire de poisson rouge...

Je me rends compte que Ellen et moi avons une image de Archer qui n'est pas la même : pour moi c'est un homme attiré par Ellen et le monde différent qu'il pense qu'elle représente mais trop frileux pour faire le pas. Pour Ellen Archer est un homme "loyal, généreux...qui hait la jouissance au prix du mariage..." et pour qui elle accepte donc de se sacrifier. L'admiration qu'Ellen éprouve pour Archer est pour moi la raison essentielle de son sacrifice. Elle pense de plus qu'elle a été elle-même transformée par Archer qui lui a permis de rompre définitivement avec son ancienne vie dont "les plaisirs les plus raffinés s'achètent souvent au prix de la cruauté, de la bassesse".
Archer en expliquant au début du roman à Ellen que l'individu doit se sacrifier à l'intérêt collectif (ce que je ne ressens pas chez lui comme un principe essentiel mais comme un souci des convenances contrairement à ce que croit Ellen) l'a convaincue et a développé chez Ellen une admiration pour ce qu'elle croit qu'il est.
En revanche Ellen, elle, est transformée, et forte de sa nouvelle personnalité, ne retournera pas auprès de son mari.
Contrairement à Archer elle vit selon ce qu'elle croit juste. On ne sait pas comment Ellen vivra sa nouvelle vie mais Archer paiera la sienne au prix fort : "sa vie ordinaire lui semblait de plus en plus irréelle...Il était absent.

Ellen n'a pas voulu de la vie d'une maîtresse voleuse de bonheur "vous estimez que le sentiment qui nous unit ne doit pas s'amoindrir dans une intrigue". Elle va jusqu'au bout de ses convictions. En témoigne aussi sa visite à Mme Beaufort.

Quand Archer se décidera enfin pour Ellen il sera trop tard. Et peut être est ce mieux ainsi. Aurait il été à la hauteur de l'attente d'Ellen ?

Merci pour ton long post très constructif, Rosalinde !! Je suis d'accord avec bien des points de ton analyseconcernant M.Rivière, et "la vieille Catherine"ainsi que sur la pureté apparente de May cachant une bien meilleure connaissance de la vie que son mari le croit. Par contre je ne la dirai pas franche, car elle manœuvre en sous-main pour sauver son mariage, elle pressent les sentiments de newland mais ne s'en ouvre jamais, pensant sans doute que ce qui est non-dit n'existe pas, tout en agissant en sachant parfaitement que cela existe !
Majeanne, je suis aussi tout à fait en accord avec ta dernière phrase, je demeure persuadée que les sentiments d'Archer n'auraient pas survécu au scandale, son goût de l'indépendance me paraissant plus intellectuel que profond.

Je me rappelle un passage que j'ai bien aimé car il est plein d'humour. C'est l'anecdote de l'ombrelle, lorsque Newland croit qu'elle appartient à Ellen, donc s'émerveille dessus, embrasse l'objet avec dévotion, avant de s'apercevoir qu'elle appartient à une autre jeune fille.

Il est bien ridiculisé.

Enfin, j'ai fini ma lecture!
Tout d'abord, je vais réitérer mes remerciements pour cette lecture de groupe qui m'aura fait découvrir Edith Wharton et son style incisif.
Contrairement à beaucoup d'entre vous, c'est bizarrement la première partie qui m'a le plus "accrochée", la présentation des personnages et de la société dans laquelle vit Newland Archer. Pour le reste ça aura été décrescendo.
Le roman dans son ensemble m'a tout de même plu, mais étrangement, moi qui ai tendance à faire beaucoup d'empathie et à m'attacher aux personnages, ici, aucun ne m'aura vraiment touchée.

Mention spéciale à la grand-mère Mrs Manson Mingott, la plus fine de toutes (quoi que May, se révèlera être très "affûtée" elle aussi, mais du coup un peu moins sympathique au final) , qui semble avoir compris avant tout le monde ce qu' il pouvait y avoir (ou aurait pu y avoir) entre Newland et Ellen . Ses remarques aussi pertinentes , qu' impertinentes amènent un peu de fraîcheur dans cette ambiance générale plutôt sombre:

Citation :

Elle( Ellen )était donc bien belle le jour ou tu as été lé chercher à la gare? Est-ce parce que tu lui as dit qu'elle a dû te déposer en route? De mon temps les jeunes gens ne quittaient ainsi les jolies femmes que si elles les y obligeaient...Quel malheur, qu' elle ne se soit pas mariée avec toi! Je le lui ai répété cent fois...

ou encore

Citation :

Eh ! Eh! Eh! Quelle main imagines-tu embrasser, jeune amoureux? Celle de ta femme, j'espère...

May ne m'est pas antipathique au final. Comme certaines d'entre vous l'ont dit avant moi, elle est le pur produit de son éducation, et fera tout ce qui est en son pouvoir pour sauver ce mariage, alors même qu'elle connaît déjà les sentiments de son mari pour Ellen.
J'ai particulièrement été touchée par la citation suivante la concernant :

Citation :

Il devina en elle le même effort secret pour atteindre quelque chose au-delà de la portée habituelle de sa vision.
"Elle déteste Ellen, pensa-t-il ; elle essaie de dominer ce sentiment."
Cette pensée l'émut.

De quelle émotion s'agit-il là? Je ne suis pas sûre de l'avoir bien compris...
Elle n'aura jamais, ou bien si peu de temps, été dupe, et aura fait preuve d'une force de caractère étonnante.
Toute sa vie, elle aura gardé tout cela en tête, pour preuve ses confidences à son fils sur son lit de mort.

Ellen étant tout de même celle qui m'a fait l e plus de peine : après un mariage raté, le (plus ou moins) rejet de sa famille et un coup de coeur pour un homme lâche, qui se trouve malheureusement être le mari de sa cousine, à laquelle elle est malgré tout très attachée. Elle aura été loyale jusqu'au bout, pour son malheur, ou peut-être pour son salut, comme certaines d'entre vous l'on fait remarquer. J'ai cependant plaisir à croire qu'à son contact, et surtout une fois éloigné de New-York et le scandale loin derrière lui, Newland aurait pu commencer à cultiver toutes ces belles idées qui ne seront restées qu'idées tout au long de sa triste vie.

Triste vie en effet que la sienne ; pour preuve quelques extraits accablants :

Citation :

Archer songeait. Il songeait à la platitude de l'avenir qui l'attendait et, au bout de cette perspective monotone, il apercevait sa propre image, l'image d'un homme à qui il n'arriverait jamais rien.

ou encore

Citation :

-Newland! Fermez la fenêtre ; vous allez mourir de froid.
Il baissa le carreau et se retourna.
"Mourir de froid? pensa-t-il ; mais ne suis-je pas déjà mort? N'y a-t-il pas des mois et des mois que ma vies est pareille à la mort?"

Comme l'a si bien dit Clinchamps, son goût de l'indépendance parait plus intellectuel que profond, c'est pour cela qu'il est en admiration devant des gens si peu fréquentables, tels que son ami journaliste et ce précepteur français rencontré au cours de sa lune de miel en Europe.
Il apprécie sûrement chez eux ce courage qu'il n'aura jamais de vivre pour un idéal intellectuel en mettant de côté le confort matériel et la reconnaissance sociale. Lui ne sera même pas capable de le faire par amour.Newland restera lâche jusqu'au bout, puisque plusieurs années plus tard, il n''a même pas le courage d'aller lui-même rencontrer Ellen et y envoie Dallas. Il préfère vivre de ses souvenirs et de ses regrets qu'affronter la réalité et peut-être avoir la chance de vivre une seconde vie.
Je ne suis pas persuadée que son comportement soit seulement symptomatique d'une éducation ou d'une époque.
Combien d'hommes "d'aujourd'hui" seraient capables de tout abandonner dans une situation semblable? La seule différence, c'est que de nos jours, il serait bien plus simple de prendre Ellen pour maîtresse...
Il est bien connu que si ce sont les hommes qui sont le plus souvent infidèles, ce sont les femmes qui prennent l'initiative des séparations...

Ce trio est bien plus complexe et moderne qu'il n'en a l'air, et c'est la complexité de la relation entre ces personnages, et de ces personnages eux-même qui fait tout l'intérêt de l'univers de ce roman (d'Edith Wharton ai-je été tentée d'écrire, mais je n'ai rien lu d'autre, alors c'est bien insuffisant pour généraliser).

Très intéressante analyse, Les Yeux Noirs...
Finalement en te lisant, je me dis que Newland n'est qu'une transition de l'"ancien monde" vers le "nouveau", il a conscience de ce qui ne va pas, cela le fait souffrir, mais il n'a pas l'étincelle qui le motiverait à tout quitter... Dallas franchit une étape de plus, mais il est toujours dans ce monde, la femme qu'il a choisi et qu'il aime, même si elle n'est pas parfaite selon les critères de l'"ancien monde", reste un produit de celui-ci...

Les yeux noirs a écrit:

Je ne suis pas persuadée que son comportement soit seulement symptomatique d'une éducation ou d'une époque.
Combien d'homme "d'aujourd'hui" seraient capables de tout abandonner dans une situation semblable? La seule différence, c'est que de nos jours, il serait bien plus simple de prendre Ellen pour maîtresse...
Il est bien connu que si ce sont les hommes qui sont le plus souvent infidèles, ce sont les femmes qui prennent l'initiative des séparations...

Ce trio est bien plus complexe et moderne qu'il n'en a l'air, et c'est la complexité de la relation entre ces personnages, et de ces personnages eux-même qui fait tout l'intérêt de l'univers de ce roman (d'Edith Wharton ai-je été tentée d'écrire, mais je n'ai rien lu d'autre, alors c'est bien insuffisant pour généraliser).

Très belle analyse, Les Yeux Noirs !! j'ai aussi aimé la présentation de la société new-yorkaise au début.
Et je pense comme toi que la fuite de Newland dans le fantasme d'amour rêvé est plus symptomatique de sa masculinité et de son propre caractère que de son époque. Bizarrement en lisant ce livre me sont revenus en mémoire les livres de Galsworthy sur les Forsyth, particulièrement le personnage de Jolyon le jeune avec qui irène va vivre après avoir quitté Soames. C'est une situation en miroir, car, comme tu le dis c'est la femme qui part, mais j'y ai pensé car Jolyon ne craint pas d'être mis au ban de la société victorienne anglaise (qui vaut bien New York) par amour pour Irène. Dans le même contexte, l'un fuit, l'autre pas.
Bon, si vous n'avez pas lu Galsworthy, c'est totalement H S !!

clinchamps a écrit:

Bon, si vous n'avez pas lu Galsworthy, c'est totalement H S !!

C'est mon cas en effet ( toute une éducation à refaire!!!), mais voilà une belle occasion de se pencher dessus ...Je ne trouve pas ton HS si horsujesque que ça!

Je n'avais pas vu venir cette fin du tout. J'aurais pensé que Newland aurait été content d'enfin retrouver cette femme qui l'a tant fait rêver depuis leur première rencontre. À plusieurs reprises il avait été près à tout quitter pour elle, et alors que plus rien de leur en empêche (il a même l'approbation de son fils), il se retire. Bien sûr, la vie n'aurait pas été comme dans le rêve qu'il l'a animé depuis leur première rencontre, le temps aurait sûrement altérer les effets, ainsi que l'expérience de vie de chacun, mais au moins il aurait pu essayer. Ça me fait dire que soit il a bien changé, soit il ne veut pas se mouiller ou bien son amour n'était pas si profond. Ou un peu des trois à la fois.
Finalement, ça revient à dire qu'il parle beaucoup, mais ne fait pas grand chose. Car je ne vois pas d'héroïsme à rester avec une femme qu'il juge, la marier, rester en couple et faire des enfants, alors qu'il pense à autre chose. Il est alors un grand insatisfait. Peut-être qu'au fond malgré tout, il l'aimait bien May, ou l'admirait.

Je crois que May, elle, a fait tout ce qu'elle voulait. Elle voulait Archer, l'épouser, rester un couple solide. Et c'est ce qu'elle a fait. Peut-être n'a-t'elle pas eu de grandes attentes, mais c'était les siennes et elle se plaisait dans cette situation. Pour elle, elle a sûrement réussie sa famille et est sûrement morte avec un sentiment d'accomplissement.`
Peut-être n'est-ce pas très gentil de sa part à avoir contribuer au départ d'Ellen alors qu'elle savait que son mari l'aimait. Mais après tout, elle avait déjà donné la chance à Archer de se rétracter et il ne l'avait pas fait. Peut-être que pour elle une fois que nous sommes unis il n'y a plus de retour et que c'est cela qui a guidé ses actes. Je crois qu'elle a fait la bonne chose.

Pour Ellen, elle qui m'apparaissait comme une garce stupide au début du livre, finalement s'est conduite assez dignement. Avec toute l'attirance qu'elle avait pour Archer, elle a fait ce qu'elle pouvait pour ne pas trop briser le mariage de May et Newland, se retirant en cas de besoin. Son attitude m'a plutôt surprise.

En terminant, deux passages que j'ai trouvé beaux:
Chap. 24 à la fin

Citation :

Bientôt une sorte de désespoir l'envahit: ainsi ils étaient là, ensemble, tout près l'un de l'autre, et pourtant chacun d'eux restait rivé à sa destinée propre; ils auraient aussi bien pu avoir entre eux la moitié du monde

Chap 30 au début

Citation :

Cela l'irritait qu'un si léger manquement fût relevé contre lui après deux ans de mariage. Il était las de vivre dans la fiction d'une lune de miel qui avait les exigences de la passion sans en avoir la chaleur.

Ayé! Bien après vous, j'ai fini. J'ai profité que ce matin, j'étais réveillée bien avant que le réveil ne sonne pour terminer ce petit livre. Vous avez déjà presque tout dit, je voulais juste un moment prendre la défense de May. Je ne la vois pas du tout comme une froide calculatrice. Dans ce couple, elle est la seule qui agit. Newland se laisse porter par tout ce qui se passe (ce qui explique aussi pourquoi sans doute il accepte aussi facilement le passage d'un "monde" à l'autre...). C'est l'anti-héros par excellence, à qui j'ai envie de botter le train jusqu'à la fin du roman (quand il ne monte pas pour la voir).
Le repas d'adieu d'Ellen m'a laissé une impression bizarre: celle que malgré tout, les femmes avaient une influence bien plus grande qu'on pense sur la société de l'époque et qu'à travers ce genre d'évènements, elles pouvaient faire et défaire la réputation et décider de l'avenir d'une famille sans que leurs maris ne le soupçonne. C'est assez difficile à expliquer, mais on sent bien dans les réflexions de Newland, tout homme qu'il est, qu'il reste impuissant dans ce "complot".
Pour l'anecdote, j'ai eu ma petite larme quand Dallas confie les dernières paroles échangées avec sa mère à son père...

Merci de m'avoir fait découvrir ce roman, je dois dire que sans la lecture de groupe, jamais je n'aurais envisagé de le lire et même si ça avait été le cas, j'aurais sans doute abandonné avant la fin!

Fred, je suis contente que tu sois restée motivée pour cette lecture de groupe en dépit du retard et heureuse de lire que je n'ai pas été là seule à ne pas stigmatiser cette pauvre May

ravie que tu aies aimé ce livre Fred!!!

Contrairement à toi Serendipity, je n'ai pas eu l'impression que May ait été stigmatisée par la majorité des participantes à cette lecture de groupe .
Ce que l'on ne peut pas nier c'est qu'elle est loin d'être l'innocente oie blanche (et bien heuereusment pour elle!)que Newland pensait épouser et qu'elle fait tout pour sauver son mariage.
Pour le reste, il me semble que comme l'avait fait remarquer lady Clare une fois, l'indulgence dont nous pouvons faire preuve à son égard dépend aussi de notre âge ...
Comme le dit Fred, et quoi que nous pensions de May, elle agit, là où Newland se laisse enfermer dans les conventions, et Helen sacrifie la passion à sa loyauté pour sa famille (mais peut-être sait-elle au fond d'elle que Newland n'est pas assez courageux pour aller au bout de cette "folie")
J'admire sa force de caractère et je me demande comment elle a pu vivre toute sa vie aux côtés d'un homme dont elle a toujours su qu'il ne l'aimait pas et qu'il était resté auprès d'elle par lâcheté?

Je te félicite Fred de ne pas avoir abandonnée alors que tu te savais déjà "hors délais"... Je ne sais pas si je ne me serais pas découragée à ta place

Je n'ai pas l'impression d'avoir stigmatisé May non plus.

J'ai pas mal d'indulgence pour Newland mais il y a une chose que j'ai de la peine à lui pardonner, c'est d'avoir lâché prise trop tôt lorsqu'il s'est agi de jouer les Pygmalion auprès de la jeune fille. Je me suis demandé si les choses auraient été différentes en l'absence de la comtesse, en fait. Car Newland n'avait plus vraiment le coeur à s'investir pour cette tâche, ce qui explique sûrement qu'il se soit résigné si vite au conformisme de sa fiancée. Je peux donc difficilement jeter la pierre à May, qui a joué au mieux en fonction de la situation et dont le bonheur était aussi en jeu. Si c'est ainsi qu'elle l'a trouvé...

Fred, je suis contente que cette lecture de groupe t'aie plu et t'aie encouragée à aller au bout de ce magnifique roman.

Ca a été un plaisir. Celui de la découverte, mais surtout celui du partage. Hormis sur le forum, je n'en ai guère l'occasion!

Je lis vos remarques tardivement, j'y suis peut-être allée un peu fort en utilisant le verbe stigmatiser

(NB : c'est moi qui avait émis l'hypothèse que nous étions peut-être plus indulgentes envers May passé un certain âge mais je crois me souvenir que cette hypothèse a été invalidée par la suite)

serendipity a écrit:

(NB : c'est moi qui avait émis l'hypothèse que nous étions peut-être plus indulgentes envers May passé un certain âge mais je crois me souvenir que cette hypothèse a été invalidée par la suite)

Autant pour moi
J'essaierai de mieux faire mes devoirs la prochaine fois
Il ne me semble pas que cette hypothèse ait été tant que ça invalidée mais pour s'en assurer il faudrait reprendre tous les messages...

Fred a écrit:

Le repas d'adieu d'Ellen m'a laissé une impression bizarre: celle que malgré tout, les femmes avaient une influence bien plus grande qu'on pense sur la société de l'époque et qu'à travers ce genre d'évènements, elles pouvaient faire et défaire la réputation et décider de l'avenir d'une famille sans que leurs maris ne le soupçonne. C'est assez difficile à expliquer, mais on sent bien dans les réflexions de Newland, tout homme qu'il est, qu'il reste impuissant dans ce "complot".

Je n'avais pas eu aussi nettement cette impression à la lecture de l'Âge de l'innoncence, mais je m'en suis souvenue en lisant un autre roman d'Edith Wharton. Je partage tout à fait cette analyse (interprétation de l'auteur ou véritable chronique de son époque ?). J'ai même pensé, a posteriori, à une conspiration féminine.

Comme vous le dites, May a le mérite d'être la force agissante du couple. Une faiblesse de plus à mettre au compte d'Archer ou le symptôme de son désintérêt après le départ d'Ellen ? je ne trancherai pas.

Fred a écrit:

Ayé! je voulais juste un moment prendre la défense de May. Je ne la vois pas du tout comme une froide calculatrice. Dans ce couple, elle est la seule qui agit.

J'ai dit que May était calculatrice, par instinct de survie, et cela n'implique pas pour moi qu'elle soit froide, au contraire, je suis certaine que sous ses airs convenables elle a dû vivre le cœur serré et sur le fil du rasoir dans l'incertitude de ce que son mari allait faire, et mettant toutes ses ressources en jeu pour l'en empêcher. Cela implique, je crois une bonne dose de passion, peut-être pas passion amoureuse mais passion de maintenir la barre du navire familial. Heureusement pour elle avec Newland elle n'a pas eu à faire à trop forte partie, car un homme d'une autre trempe aurait peut-être coupé les ponts quoiqu'elle ait pu faire, et en cela je rejoins les avis sur la faiblesse de Newland. C'est un révolté intellectuel, ses sentiments envers la société n'atteignent que la couche superficielle de son être, comme d'ailleurs la plus grande partie des révoltés !! Il y a loin de la coupe aux lèvres, disait ma grand-mère !!

clinchamps a écrit:

Cela implique, je crois une bonne dose de passion, peut-être pas passion amoureuse mais passion de maintenir la barre du navire familial.

Ou d'orgueil.