Une auberge pour les admirateurs de Jane Austen, et bien plus encore... |
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| Lecture de groupe n°25 : Ruth d'Elizabeth Gaskell (dernière partie) | |
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+5Juliette2a Tatiana clinchamps serendipity Ju 9 participants | |
Auteur | Message |
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Ju Gone With The Books
Nombre de messages : 12568 Age : 33 Localisation : In the Tardis, with Ten Date d'inscription : 15/05/2010
| Sujet: Lecture de groupe n°25 : Ruth d'Elizabeth Gaskell (dernière partie) Dim 29 Nov 2015 - 19:06 | |
| Ruth d'Elizabeth Gaskell Découpage : chapitres 27 à la fin |
| | | serendipity Aurora Borealis Chaser
Nombre de messages : 12420 Date d'inscription : 31/05/2007
| Sujet: Re: Lecture de groupe n°25 : Ruth d'Elizabeth Gaskell (dernière partie) Ven 18 Déc 2015 - 10:45 | |
| J'ouvre les commentaires alors que je ne suis pas encore arrivée au terme de ce roman (j'entame le chapitre 33 ce soir) pour livrer une réflexion à chaud que je me faisais hier soir. Décidément, Mrs Gaskell est très forte pour susciter l'intérêt du lecteur jusqu'au bout . Je n'imaginais pas que si près de la fin du roman, allait intervenir l'affaire des actions de M. Benson et la preuve des faux en écriture de Richard Bradshaw. Avec cette affaire, le récit est redynamisé, le personnage de M. Farquhar trouve enfin de la substance (je retire donc ce que j'ai pu en dire dans les posts précédents ) Je ne sais pas vous mais je ne peux pas m'empêcher de comparer cette lecture avec celle du "Docteur Thorne", publié en 1858, donc 5 ans après "Ruth" Et personnellement, je préfère largement "Ruth"
Dernière édition par serendipity le Ven 18 Déc 2015 - 10:57, édité 1 fois |
| | | clinchamps Oshaberi Sensei
Nombre de messages : 72656 Age : 81 Localisation : Dans les bois du Fushimi Inari-taïsha Date d'inscription : 09/01/2007
| Sujet: Re: Lecture de groupe n°25 : Ruth d'Elizabeth Gaskell (dernière partie) Ven 18 Déc 2015 - 10:52 | |
| Je n'ai pas lu le Dr Thorne, mais j'approuve : L'intérêt est vraiment maintenu jusqu'au bout ! Maintenant, la fin... Un peu "too much" à mon goût maison en reparlera ! |
| | | Tatiana A view from the past
Nombre de messages : 14362 Age : 39 Localisation : Quelque part dans l'Angleterre du XIXe... Date d'inscription : 26/02/2010
| Sujet: Re: Lecture de groupe n°25 : Ruth d'Elizabeth Gaskell (dernière partie) Ven 18 Déc 2015 - 19:11 | |
| Je plussoie, je ne m'attendais pas du tout à ce revirement de situation et à ce que Richard Bradshaw, qu'on devine néanmoins sans scrupule dans les rares fois où il en est question, se révèle un faussaire. N'ayant pas lu Doctor Thorne je ne peux comparer, mais en tout cas Gaskell a plus d'un tour dans son sac . Et contribue à faire changer d'avis son lecteur sur Mr Farquhar, effectivement. Dommage que le dénouement de sa relation difficile avec Jemmina intervienne si vite, j'ai eu le sentiment que cet épisode a été expédié pour pouvoir avancer dans le temps. _________________ |
| | | clinchamps Oshaberi Sensei
Nombre de messages : 72656 Age : 81 Localisation : Dans les bois du Fushimi Inari-taïsha Date d'inscription : 09/01/2007
| Sujet: Re: Lecture de groupe n°25 : Ruth d'Elizabeth Gaskell (dernière partie) Ven 18 Déc 2015 - 19:33 | |
| - Tatiana a écrit:
Dommage que le dénouement de sa relation difficile avec Jemmina intervienne si vite, j'ai eu le sentiment que cet épisode a été expédié pour pouvoir avancer dans le temps. Mais complètement !! Après avoir pasé des pages et des pages sir les sentiments des deux, leurs incompréhensions réciproques, le penchant plus qu'avéré de Farquar pour Ruth, la jalousie douloureuse de jemime, Pouf !! En trois ligne l'affaire est résolue dès que F. apprend la vérité sur Ruth ! J'ai eu nettement l'impression que couple "entré dans le rang" n'intéressait plus du tout E.Gaskell !! |
| | | serendipity Aurora Borealis Chaser
Nombre de messages : 12420 Date d'inscription : 31/05/2007
| Sujet: Re: Lecture de groupe n°25 : Ruth d'Elizabeth Gaskell (dernière partie) Sam 19 Déc 2015 - 9:01 | |
| J'ai terminé cette lecture ce matin. Globalement, mon avis rejoint les commentaires figurant dans la préface. J'ai trouvé que ce roman souffrait d'un excès de religiosité (assez inévitable pour l'époque et d'autant plus présent en raison des circonstances personnelles d'Elizabeth Gaskell) mais mis à part ce bémol, j'ai trouvé que ce roman était riche et que le style d'Elizabeth Gaskell est assurément (pour moi) agréable à lire Et on apprend finalement comment M. Bellingham est devenu M. Donne - clinchamps a écrit:
- Pour en revenir à Farquard il m'a pas mal déçue, par son revirement en apprenant la vérité sur Ruth ! Comme son sentiment pour elle disparaît à l'instant même !! Bon ça arrange Jemima, mais je trouve là une petite faute psychologique au regard des sentiments qu'il avait pour Ruth, et ce depuis un bon moment !
Personnellement, il ne m'a pas déçue étant donné qu'il n'aimait pas réellement Ruth mais uniquement son apparence de femme douce et soumise qui était l'idéal victorien ("the angel in the house"). De manière générale, M. F ne nous est pas montré comme un grand amoureux, il a besoin dune femme, il se conforme aux normes sociales. Et pour cela, il lui faut une femme qui soit conforme aux attentes de la société bourgeoise dans laquelle il évolue. I a une affection particulière pour Jemima parce qu'il la connait depuis l'enfance mais elle ne colle pas au modèle victorien, alors que Ruth lui semble plus conforme à celui-ci. Sitôt découvert que Ruth n'était pas que cela et qu'elle avait un passé socialement condamnable, elle perd tout intérêt pour lui. Ceci dit, il reste fidèle à Leonard J'ai trouvé quand même que les éléments sur M. Farquhard manquaient parfois de cohérence. Il est décrit au départ comme "cold feet" comme le disent les britanniques, bref pas très chaleureux et assez timoré. Sa transformation en dernière partie est intéressante mais dans la vraie vie j'ai du mal à y croire J'ai hâte de lire vos commentaires de fin de lecture, qui me confirme qu'Elizabeth Gaskell est un auteur assez sous-estimé en France (je vais peut-être me prendre quelques tomates mais je lui trouve plus de vertus qu'aux Brontë ) |
| | | Tatiana A view from the past
Nombre de messages : 14362 Age : 39 Localisation : Quelque part dans l'Angleterre du XIXe... Date d'inscription : 26/02/2010
| Sujet: Re: Lecture de groupe n°25 : Ruth d'Elizabeth Gaskell (dernière partie) Sam 19 Déc 2015 - 10:25 | |
| J'ai achevé ma lecture hier soir par l'introduction, plutôt ardue, au point que je suis passée assez vite sur certains paragraphes. En chapeau, le lecteur est averti que s'il ne connait pas déjà les détails de l'histoire, mieux vaut considérer cette partie comme une postface. J'y ai appris notamment que lors de la publication, de nombreux lecteurs s'étaient insurgés contre le dénouement tant ils s'étaient attachés à l'héroïne. Pour ma part ça n'a pas été le cas. Sa figure trop pure, trop sage, cherchant sans cesse à expier une "faute" qu'on a du mal à considérer sérieuse avec nos yeux d'aujourd'hui m'a laissée indifférente jusqu'au bout. Si la fin avait été autre, plus positive, peut-être aurais-je pu changer d'avis . La place de la religion - bien plus présente que dans les 3 autres romans d'EG à mon actif - m'a aussi rebutée. D'ailleurs,je copie ici la définition des Dissidents de Wikipedia, qui peut servir à d'autres, pour les figures centrales que sont Mr Benson et sa sœur. - Wikipedia a écrit:
- Les Dissidents anglais (en anglais : English Dissenters ou nonconformists) sont des protestants anglais qui firent sécession de l'Église d'Angleterre. Ils s'opposaient à l'interférence de l'État dans les affaires religieuses et fondèrent leurs propres communautés du xvie au xviiie siècle. Les Dissidents triomphèrent un temps lors du gouvernement d'Oliver Cromwell, mais après la Restauration de la monarchie, en 1660, l'épiscopat fut rétabli et les droits civiques des Dissidents limités, dès les années 1660, par une série de lois dont l’Act of Uniformity, le Corporation Act et le Test Act. Ce n'est qu'en 1828 que ces lois discriminatoires sont abrogées.
Impression globale mitigée, donc. Mais EG, dont j'ai eu plaisir à retrouver la plume, réserve de beaux personnages : Mr Benson, ouvert, tolérant et généreux, Jemima et Sally, Miss Benson également qui donne à réfléchir sur le statut des femmes à l'époque en ce qu'elle est nettement moins "corsetée" et jouit de plus de liberté que des femmes mariées. J'ai énormément aimé les passages de dissection des sentiments de Jemima envers Mr F. (j'ai du mal à orthographier son nom ) et envers sa famille. Sa situation en dit aussi beaucoup sur la figure d'un paterfamilias aussi sévère que Mr Bradshaw et les conséquences de son attitude sur ses deux aînés. _________________ |
| | | Juliette2a Tenant of Hamley Hall
Nombre de messages : 29122 Age : 27 Localisation : Entre l'Angleterre et la Thaïlande ! Date d'inscription : 06/03/2012
| Sujet: Re: Lecture de groupe n°25 : Ruth d'Elizabeth Gaskell (dernière partie) Sam 19 Déc 2015 - 17:09 | |
| Merci pour vos avis ! Ça m'a fait plaisir de replonger dans ce livre à travers vos commentaires ! |
| | | Selenh Méchante Femme Savante
Nombre de messages : 7065 Age : 65 Localisation : Aquitaine. Date d'inscription : 24/02/2010
| Sujet: Re: Lecture de groupe n°25 : Ruth d'Elizabeth Gaskell (dernière partie) Dim 20 Déc 2015 - 22:51 | |
| Damned ! Je suis pourtant sûre d'avoir été la première à répondre à Ju dans ce topic (mais pas d'avoir appuyé sur le bouton "publier"...) Et flûte, je m'étais fendue de tout une analyse finale... Bon, ben vous avez tout dit. Je me range du côté des avis globalement positifs, Sep's style. Et j'ai bien aimé le roman de bout en bout, l'ai lu sans le moindre ennui. J'envoie maintenant la totalité de la fameuse préface : - Spoiler:
Préface
UNE FEMME PERDUE ET RETROUVÉE
Peu connue en France, adorée en Angleterre, Elizabeth Gaskell (1810-1865) fut la romancière de la révolution industrielle. L’Angleterre s’étant industrialisée plus tôt et plus complètement que la France, le passage d’une société agricole, encore partiellement féodale, à une civilisation de la machine et à un capitalisme patriarcal, néanmoins sauvage, y parut plus radical. La bourgeoisie triomphante concurrença l’aristocratie, exploitant d’autant plus les pauvres qu’ils lui étaient moins proches, ces derniers n’ayant d’autre choix que de migrer vers les villes. Ce cataclysme social provoqua, dans le nord du pays, une dévastation écologique dont les traces sont encore visibles, bien que la puissance industrielle de l’Angleterre soit désormais derrière elle. Il fournit alors au roman, genre en plein essor, des thèmes puissants. En France, on en trouve parfois l’équivalent chez Hugo (Les Misérables) ou Zola (Germinal). Mais, si Dickens a montré lui aussi l’horreur de la mécanisation, c’est en tant que femme qu’Elizabeth Gaskell est particulièrement sensible à la dévastation de la nature dans la partie de l’Angleterre où elle vécut – particulièrement à Manchester, qu’elle a décrit dans son chef-d’œuvre Mary Barton (1848). Publiée en 1853, Ruth est l’œuvre tardive, celle peut-être où elle se révèle le plus, d’une romancière disparue à cinquante-cinq ans. La maladie et la mort en constituent la trame. À cette époque, les maladies « féminines », les grossesses et leurs suites abrègent l’espérance de vie du deuxième sexe. La tuberculose pourvoyeuse d’effroi, sans compter le typhus, qualifié de « peste moderne », apparaissent dans Ruth comme des animaux monstrueux dévorant tout sur leur passage. L’air pollué, l’hygiène douteuse et la mauvaise alimentation sont aussi désignés. Leurs ravages sont d’autant plus redoutables que les femmes sont moins bien nourries que les hommes, censés gagner le pain de la famille ; aussi sont-elles particulièrement mal payées. Une femme qui travaille à l’extérieur est suspecte : elle n’a pas trouvé de mari, ou bien néglige sa famille, ou bien encore ses proches, incapables de la prendre en charge, sont inadéquats. Aucun de ces fléaux n’aura cependant raison d’Elizabeth qui, de milieu relativement aisé, veuve d’un pasteur, meurt sans raison précise, brusquement, en prenant le thé – un rêve d’Anglaise… Outre-Manche, on préfère souvent l’appeler Mrs Gaskell, signalant ainsi qu’il ne s’agit pas d’une de ces artistes peu recommandables menant une vie de bohème en marge de la société. Davantage que la question de la classe ouvrière, ce qui l’intéresse lorsqu’elle décrit des femmes démunies c’est le déclassement, terreur de la bourgeoisie. L’abîme n’est jamais très loin, et il faut beaucoup de sagacité et d’intelligence des conventions pour parvenir à l’éviter. Dès les premières pages la mort rôde : Jenny, seule amie de l’héroïne, est dévastée par la toux sanglante. Ruth est orpheline. Avec l’aide de celui qui apparaît d’abord comme un chevalier blanc, Bellingham, elle sauve des eaux un autre orphelin, un petit pauvre. Le fils de Ruth, à son tour, restera orphelin à la fin du livre. Orpheline elle-même, Elizabeth Gaskell est extrêmement sensible au thème de l’abandon et de la détresse affective. À la mort tapie dans l’ombre s’associent les thèmes de la perte et du vide. En exergue figure un hymne de Phineas Fletcher. Le ton est donné, ce sera celui du deuil : À son lit de mort, Mère dit
Coulez, coulez mes pleurs !
Depuis la disparition précoce de ses parents, Ruth est habitée par la mort ; quoique croyante, le suicide lui apparaît comme une solution dans les pires difficultés, façon de rejoindre ses disparus bien-aimés. La naissance de son fils lui redonne le goût de vivre, mais alors sa hantise de la mort se reporte sur lui. Elle craint de le voir mourir dès qu’elle s’éloigne et, lorsqu’elle s’intéresse à un homme – en l’occurrence le père de l’enfant, réapparu dans sa vie –, son petit Leonard tombe gravement malade. Seul le retour de sa mère, après qu’elle a chassé Bellingham, son séducteur repenti, le fera revenir à la vie. Elizabeth Gaskell joue sur les oppositions suscitées par la dévastation industrielle, dont un effet est de scinder le pays, déchirant le tissu social. Ce contraste est formulé dans le titre Nord et Sud1, ainsi que dans Femmes et Filles2, deux de ses plus grands romans. Lorsqu’on traverse l’Angleterre, la différence frappe encore entre le Sud opulent, à la nature préservée malgré une forte densité de population, et le Nord deux fois dévasté car désindustrialisé, différences choquantes qui trouvent un écho à notre époque de mondialisation. L’héroïne de Ruth est apprentie couturière au cœur de la vieille ville de Fordham, dont les hôtels particuliers transformés en commerces et ateliers gardent la trace glorieuse des stucs, fresques et lambris. Ces demeures aristocratiques, si elles ont le charme du passé, sont inadaptées au monde nouveau et dangereuses pour ses habitants au mode de vie industrieux : « Les rues en contrebas s’en ressentaient ; assombries par les balcons, elles étaient pavées de mauvais galets ronds et inégaux, sans trottoirs ; aucun éclairage pendant les longues nuits d’hiver ; nul ne se souciait des membres de la classe moyenne, qui ne possédaient pas de voitures ni n’étaient transportés par leurs gens dans des chaises à porteurs jusque dans les maisons de leurs amis. Les travailleurs et leurs épouses, les marchands et leurs conjointes et tous leurs pareils couraient grand risque nuit et jour 3. » C’est, apprendrons-nous, dans la maison autrefois habitée par la famille de son séducteur que Ruth Hilton, la bien (ou mal ?) nommée, s’use les mains et les yeux dans une exploitation textile que l’on situerait de nos jours au Bangladesh, mais qui se dissimule encore de nos jours dans certains quartiers parisiens. Si un monde sépare les ouvrières des femmes de la bonne société dont elles confectionnent les robes, la distance n’est pas spatiale ou ethnique, mais de classe. La lutte des classes, précisément, apparaît dans Nord et Sud et même Femmes et Filles, mais dans Ruth c’est un sexe qui pressure l’autre, exploitation exercée par une femme juste un peu plus favorisée que ses sœurs. C’est encore d’actualité : pensons au film de Ken Loach It’s a Free World (2008)… La disparition de l’univers féodal au bénéfice du système industriel n’est pas montrée comme un progrès. Dans la féodalité, le seigneur protège le manant car il tient son pouvoir de Dieu. Lorsque Ruth rencontre le languissant Bellingham, il apparaît comme un sauveur à l’orpheline maltraitée par la couturière ; la dominant du haut de son cheval, il lui donne rendez-vous à l’église et n’hésitera pas à exercer l’antique droit du seigneur. Avant sa mort, le père de Ruth, fermier, a rédigé un testament désignant un tuteur à sa fille. Il pensait d’abord confier ce rôle au principal noble du comté, mais ce personnage lui est apparu trop lointain : l’aristocratie avait déjà abandonné son rôle auprès des paysans, et l’on verra d’ailleurs Bellingham s’en montrer indigne. Le père de Ruth se décide donc à choisir le plus riche marchand de la ville. Le drapier, très surpris, joue son rôle a minima : il paie les frais d’apprentissage de Ruth dans l’atelier de couture de Mrs Mason, mais refuse à sa pupille le châle dont elle a besoin et sa robe très usée déçoit l’employeuse lorsque Ruth est désignée pour assister, en tant que ravaudeuse, au bal de la chasse. Cette importante manifestation indique que l’ancienne classe décadente tient néanmoins toujours le haut du pavé. Ruth doit réparer les déchirures et accrocs que les belles demoiselles se font en dansant. Si la jeune fille n’est pas très habile à l’aiguille, la cause en est, nous le comprenons, son extraction d’une classe supérieure. En effet, sa mère était la fille d’un vicaire désargenté qui épousa un fermier prospère pour échapper à la pauvreté. Après la mort de sa femme, cet homme sombra dans la dépression, négligea son travail, s’appauvrit et se laissa mourir. Le cataclysme représenté par le passage d’une société rurale à une société industrielle est le thème sous-jacent à ce que l’on appelle le roman gothique, genre qui fleurit en Angleterre aux XVIIIe et XIXesiècles, avec châteaux hantés à demi démolis perdus dans une nature sauvage, où errent des vierges à la merci de prédateurs masqués sous les apparences de la vertu. Le néogothique règne aussi en architecture et, dans Ruth, la présence de ruines attestant la persistance de l’ordre précédent en est un signe. Nous avons vu comment, au début de l’histoire, l’auteur décrit une rue du centre de Fordham, dans l’Est de l’Angleterre. Les anciens hôtels particuliers désertés abritent maintenant des fabriques et des commerces, quand ils ne sont pas remplacés par des bâtiments de style plus récent. Pour établir un contact avec Ruth, Bellingham lui demande de vérifier si un tableau représentant ses ancêtres à la chasse se trouve toujours dans sa maison ancestrale ; c’est sous ce même tableau, lors de journées épuisantes, que Ruth pousse l’aiguille sous l’égide de Mrs Mason. L’héroïne est donc vouée à être la proie de Bellingham, qui la chassera comme une biche ou une renarde. En travaillant, elle admire les fleurs et feuillages peints sur les murs de l’atelier, témoignages d’une vie plus raffinée et plus gaie : « La place de Ruth était la plus sombre et froide de la pièce, mais c’était néanmoins sa préférée ; elle l’avait choisie d’instinct afin de pouvoir admirer le mur d’en face qui conservait encore des restes de la beauté de l’ancien salon, qui avait dû être magnifique à en juger par cette relique fanée. Il était divisé en panneaux d’un vert d’eau piqueté de blanc et d’or ; et sur ces panneaux étaient peintes – avec la négligence triomphante d’un maître – de merveilleuses couronnes de fleurs, trop abondantes et luxuriantes pour être décrites, et si réalistes que l’on pouvait presque sentir leur parfum et entendre le vent du Sud frissonner doucement au travers des roses écarlates, des branches de lilas violets et blancs et des rameaux de robinier tressés d’or4. » Quelque chose en elle cherche à retrouver une vie de qualité supérieure, apanage de ses ascendants. Mais elle va le payer : c’est ce qui la met dans l’ombre et le froid. Au Bal de la chasse, de l’endroit où elle attend qu’on la requière, Ruth a la tête tournée par les splendides toilettes, les lumières, la musique, le parfum des fleurs. Elle n’a que quinze ans. Très belle, son innocence est son capital. Elle est trop innocente, justement, pour s’en rendre compte. Dégageant une grande sensualité, elle a l’envie de s’amuser naturelle à cet âge ; mais son statut d’orpheline misérable lui interdit de goûter aux joies de la vie. Bellingham escorte miss Duncombe, jeune fille arrogante qui a fait un accroc à sa robe. Il est saisi par le contraste entre la beauté de Ruth et l’austérité de sa mise. Il se délecte de la voir agenouillée devant la méprisante miss Duncombe – dans l’Ancien Testament, le personnage de Ruth est voué à la pauvreté et à l’humilité. Bellingham, dont nous verrons bientôt qu’il est de caractère faible et même veule, se sent soudain grand et conquérant devant la proie offerte ; son instinct de chasseur se réveille. Pour mitiger l’affront fait par sa partenaire, il offre à Ruth un camélia, que celle-ci épingle sur sa poitrine, émerveillée. Plus tard, lorsque son amie Jenny lui fait remarquer que la fleur est sans parfum, Ruth ne l’écoute pas. Le camélia est blanc, les paupières de Ruth, abaissées en signe de pudeur, sont blanches aussi ; de même les robes que lui offrira Bellingham quand il l’aura séduite seront immaculées, avant qu’abandonnée elle usurpe l’habit du veuvage. C’est donc en vain que Ruth tente d’échapper au noir, c’est-à-dire à la mort. Lorsqu’elle prend la robe de veuve, Bellingham est toujours vivant quelque part, mais c’est le deuil de son amour qu’elle porte, ainsi que celui du bonheur. Dans l’Ancien Testament, Ruth est veuve également ; pour ne pas abandonner Noémie, sa belle-mère, elle accepte une vie de pauvreté et va glaner avec elle. Dans le roman, c’est Faith Benson qui se privera pour aider Ruth et son enfant. Faith comprend le chagrin de la jeune femme car elle-même a renoncé à un homme pour se consacrer à son frère, pasteur dissident physiquement handicapé. Bien que la bonté ne soit pas l’apanage des femmes, elles s’entraident pour contrer un pouvoir masculin exorbitant et traître. Dans le texte, les hommes fiables ne sont pas en position dominante. Si Ruth apparaît comme la victime de Bellingham, sa séduction et son abandon lui permettront paradoxalement de vivre à nouveau dans la classe sociale à laquelle ses origines la destinaient. Quoique le pasteur Benson, mal vêtu, ne soit pas un gentleman aux yeux de Bellingham, il éduquera Ruth, lui permettant de devenir la gouvernante des enfants d’un riche homme d’affaires, Mr Bradshaw. Dans le roman géorgien et victorien, vivre chez un pasteur est la meilleure façon de s’instruire. Bellingham sera stupéfait, en retrouvant celle qu’il a laissée tomber, qu’elle ait atteint pareil statut, qui lui serait demeuré inaccessible si elle était restée sagement sous l’égide de Mrs Mason. C’est la morale du livre : d’un mal peut sortir un bien, si nous savons tirer le positif des épreuves de la vie. La description de la ville, dans les premières pages, rappelle le portrait de Saumur au début d’ Eugénie Grandet. Eugénie, comme Ruth, est par sa générosité naïve vouée à devenir la victime d’un séducteur sans scrupule. Non que ces hommes n’aiment pas, mais s’il s’oppose à leur intérêt, le sentiment est sacrifié sans hésiter. Comme Ruth, Eugénie se précipite dans le piège, parce que l’amour lui est essentiel, qu’elle en est privée par la sécheresse de cœur de son entourage et que sa grandeur d’âme l’empêche de voir la petitesse de l’objet aimé. Même la mère d’Eugénie, dont la bonté est laminée par la férocité de son mari, rappelle l’épouse de Mr Bradshaw, deuxième employeur de Ruth, bourgeois sûr de lui et de ses principes qui détruit en toute bonne conscience ses enfants et Ruth elle-même. La mort, symbolisée par la couleur noire, entoure donc Ruth et la guette impitoyablement. Elle hante la rue décatie aux maisons abandonnées par leurs anciens occupants et l’intérieur glacé de Mrs Mason. C’est parce que celle-ci, pressée de s’occuper de sa famille, la laisse seule le dimanche, unique jour de congé, sans nourriture et sans chauffage, que Ruth se laisse circonvenir, à la sortie de la messe, par les paroles mielleuses de Bellingham. Tout plutôt que de retourner dans cette maison-cercueil ! La mort rôde aussi dans la ferme où Ruth a passé son enfance et où, lorsqu’elle y retourne avec le bellâtre, survit un vieux couple de serviteurs. Cherchant la faille, Bellingham a compris sa nostalgie et proposé à Ruth de l’y emmener. Elle n’a pu refuser, sa solitude était trop grande. Tout comme Jenny, la compagne d’atelier, a voulu la prévenir en lui faisant remarquer l’absence de parfum du camélia, de même le paysan, maussade, ne cache pas sa désapprobation envers ce soupirant. Trop affamée d’affection, Ruth ne leur prête aucune attention. Jenny, malade, disparaît bientôt de la scène, de même que le vieil homme. Ces substituts parentaux étaient trop faibles pour faire contrepoids. Mrs Gaskell insiste à longueur de pages sur l’innocence de Ruth. Rien ne peut véritablement la salir. Un parallèle est établi à grand renfort de références bibliques – fréquentes dans la littérature anglaise – entre l’héroïne et l’agneau de Dieu prêt pour le sacrifice. Étymologiquement, l’innocent est celui qui ne sait pas ; c’est aussi celui qui, ne sachant pas, est incapable de nuire, de faire le mal. L’innocence se situe avant la connaissance. Lorsque Ruth est prisonnière dans l’atelier de couture, les fleurs et les fruits peints sur les murs la réconfortent, parce qu’ils lui rappellent les jours heureux à la ferme. Il n’est pas innocent, justement, que Bellingham suscite son intérêt en lui offrant une fleur. Cette fleur ne lui a rien coûté, il l’a prise dans un des bouquets de la salle de bal. Son premier cadeau est un objet volé : bientôt, il volera à Ruth son innocence. Dans la seconde partie du roman, qui décrit les souffrances de Ruth après sa chute et le chemin de croix suivi pour atteindre la rédemption, l’auteur écrit : « Nul cœur humain ne pourrait jamais comprendre l’innocence naïve de Ruth, et tous les petits détails qui l’avaient poussée vers l’abîme. Dieu seul comprenait 5. » Quand Ruth, après son abandon, trouve protection chez les Benson, dont l’un au moins, le pasteur, est lui aussi un innocent, c’est encore une variation sur le thème du jardin d’Éden. Bellingham, après la fleur, attire Ruth en l’emmenant revoir les prés riants de son enfance. Il y a danger et Ruth le pressent, mais sa nostalgie est trop grande. Lorsqu’elle est vue en galante compagnie par Mrs Mason, celle-ci la renvoie et menace d’avertir son tuteur. Ruth est alors totalement livrée à Bellingham, qui l’emmène au pays de Galles. C’est au sein d’une nature splendide qu’elle rencontre Benson. Ruth est perdue, elle a acquis la connaissance du mal – la sexualité hors la loi, apprise de Bellingham le libertin. Lequel, faute de pouvoir la dégrader davantage, se lasse d’elle. Socialement, la perte de l’innocence constitue pour la jeune fille un très grave handicap. Or Benson est lui aussi handicapé, depuis l’accident dont il a été victime dans l’enfance. Chacun d’eux, à sa façon, souffre dans sa chair. Benson est l’opposé de Bellingham et son antidote. S’il ne peut rendre à Ruth sa pureté, il peut la ramener vers Dieu, dont elle s’est éloignée en suivant Bellingham à la sortie de la messe. Il sait, lui, « qu’une femme souillée n’est pas nécessairement une femme perdue 6 ». Benson est donc le pasteur qui ramène au bercail la brebis égarée. Grâce à quoi Jésus devient l’ami de Ruth, celui qui seul voit et comprend tout. Benson vit avec sa sœur Faith, la bien nommée, car c’est la foi que Ruth va trouver dans ce foyer. La foi véritable, en un exemple de cette renaissance qu’espèrent les dissidents religieux. On naît une première fois au monde, mais seul l’être born again reconnaît en toute conscience Jésus comme son sauveur. Sans Faith, Ruth ne pourrait habiter avec Benson. Pourtant, c’est sur le conseil de sa sœur que le pasteur, à l’encontre de son meilleur jugement, se laisse entraîner sur le chemin du mensonge. En effet, Ruth est enceinte. Or la petite communauté réunie autour de la chapelle est présidée par Mr Bradshaw. Très conventionnel, ce dernier n’accepterait pas qu’une fille perdue trouve abri chez l’homme d’église qu’il soutient financièrement. Épouse d’un pasteur unitarien, élevée dans ce milieu dès l’enfance, Elizabeth Gaskell connaît bien le monde des dissidents, qui vont à la chapelle et non à l’église anglicane. Ce sont, en quelque sorte, les protestants des protestants. Leur mouvement commence avant la Réforme opérée par Henry VIII, lorsque Wyclif traduit la Bible en anglais et la fait circuler sous le manteau. Cette réforme, imposée pour des raisons douteuses – Henry, amateur de chair fraîche, veut pouvoir divorcer à sa guise –, apparaît cependant justifiée par la corruption des moines et des prêtres catholiques. L’Église d’Angleterre instaurée par Henry Tudor figure un compromis entre catholicisme et protestantisme. Sous James II, une traduction anglaise officielle de la Bible est réalisée, dont le roi fait circuler cent mille exemplaires à travers le royaume. Sa langue magnifique en fait une matrice littéraire. Cependant l’anglicanisme semble insuffisamment débarrassé des influences corruptrices, et un courant puritain se développe. Ces dissidents sont longtemps persécutés ; certains émigrent en Amérique, dont ils deviendront les pères fondateurs. Parmi ces rebelles, les unitariens, auxquels appartient Elizabeth Gaskell, remettent en question la nature divine du Christ et refusent la doctrine de la Trinité. Tout est dans la Bible et rien que dans la Bible. Ils se considèrent comme les véritables chrétiens, énumèrent leurs martyrs et ressentent à la fois une supériorité morale et une infériorité sociale. Leur refus de la doctrine officielle, alors que le monarque est le chef de l’Église d’Angleterre, les marginalise. Dans Ruth, Mrs Gaskell note que la chapelle est située dans un quartier périphérique, car ils ont pris l’habitude de se cacher. Leur culte austère est débarrassé de tous les ornements et pompes ressentis comme autant de fioritures diaboliques. Par doctrine, mais aussi par conséquence, ils prêchent la pauvreté, leur nature ancienne de parias les reléguant souvent au bas de l’échelle sociale. La rencontre avec Benson permet à Ruth d’infléchir sa vie, alors qu’elle semble tout à fait perdue. Son statut de mère célibataire l’isole, elle se sent donc chez elle dans ce lieu écarté, parmi ces obscurs. Il lui faut se voiler au monde, non seulement pour que son passé ne soit pas découvert, mais aussi parce que son statut de créature blessée la rend plus vulnérable encore aux prédateurs. Bellingham, devenu Donne, le comprendra très bien, lorsque, la rencontrant à nouveau, il menacera de la dénoncer si elle ne se plie pas à ses volontés. Handicapée par la maternité, preuve indéniable de sa faute, Ruth trouve un frère en le pasteur Benson, lui-même physiquement disgracié. Renonçant à la sexualité – seule façon d’éviter la chute définitive dans la prostitution –, Ruth se sent également proche de Faith Benson, qui a refusé d’épouser l’homme qui lui plaisait pour se consacrer à son frère malade. Les Benson et elle sont complémentaires. Leonard, le fils de Ruth, sera l’enfant que ce couple fraternel ne peut avoir. De son côté, le pasteur donne à Ruth l’instruction qui lui a été refusée par la mort précoce de ses parents et par la mésalliance de sa mère. Faith, elle, est à la fois une grande sœur et, affectueuse et indulgente, une mère de substitution qui apprend à Ruth les manières d’une femme convenable. Ce dont Mrs Mason, triste modèle de femme seule accaparée par sa charge familiale et desséchée par la dureté de sa vie, était incapable. Si chez la couturière l’âtre était vide et froid, chez les Benson la cheminée flambe vivement. Même leur servante, Sally, est une renonçante car son péché de jeunesse – avoir laissé tomber l’enfant confié à sa garde – la courbe sous le poids de la faute. Le savoir de sa propre imperfection lui donne l’empathie nécessaire, malgré ses tendances puritaines, pour comprendre Ruth, qu’elle aussi va aider de son mieux. Ce n’est donc pas d’avoir péché, nous dit l’auteur, qui distingue les individus, car l’être humain est par nature enclin à l’erreur ; c’est ce que l’on fait de la connaissance acquise en péchant. Ce savoir, comme nous l’indique la Bible, est bien celui du mal, aboutissant à la perte irrémédiable de l’innocence. C’est lorsqu’elle est chassée du Jardin qu’Ève est condamnée aux peines de la maternité. Ruth elle aussi, sa virginité perdue, devient une mater dolorosa. Ses beaux cheveux, symbole de sa sexualité, sont coupés, elle porte une coiffe de veuve et s’habille de la façon la plus austère, non par nécessité, comme au début du livre où elle rêve d’éblouissantes toilettes de bal, mais pour ne pas attirer les regards. Ainsi que le recommande saint Paul, et ainsi que les peintres représentent la mère du Christ, elle est désormais voilée, c’est-à-dire vouée au silence. Elle se tient les yeux baissés, et l’auteur évoque le voile de ses blanches paupières. Paradoxalement, cette modestie attire, poussant Mr Bradshaw à lui offrir un métrage de mousseline, qu’elle refuse de porter pour y tailler la garde-robe de son enfant. Mr Farquhar, associé de Bradshaw et fiancé hésitant de sa fille, la rétive Jemima, voit un temps en Ruth la femme soumise idéale. Tandis que Bellingham réapparu la trouve plus attirante que jamais, au point de lui proposer le mariage – mais Ruth, tentée de succomber de nouveau à « la brûlure de ses yeux diaboliques 7 », se reprend, instruite par l’expérience. La vertu, nous dit Mrs Gaskell, est en définitive plus séduisante que la légèreté. Sans doute parce que, plus difficile à corrompre, elle excite davantage le chasseur… Cependant, la rencontre du mal ne condamne pas le véritable chrétien à la chute définitive dans les ténèbres, à l’instar de Lucifer dont le nom, nous le savons, signifie « porteur de lumière ». En suivant la voie du Christ, le pécheur peut utiliser cette connaissance pour prendre conscience de la nature du mal et comprendre non seulement pourquoi il y est vulnérable, mais aussi comment en sortir : par la pratique de l’amour véritable, qui n’est plus sensualité narcissique et égoïste, comme ce qui liait Ruth à son amant, mais ouverture à l’autre, son semblable. Chez les Benson, Ruth va donc apprendre les trois principales vertus chrétiennes : non seulement la foi, comme l’indique le nom de la sœur du pasteur, mais aussi l’espoir (lors de sa rencontre avec Benson elle était désespérée) et la charité – quand éclatera l’épidémie de typhus, elle se consacrera à soigner les mourants, devenant une sorte de Mère Teresa avant la lettre. Avec les Benson, Ruth suit l’enseignement des dissidents et rejoint la chapelle où se pressent les misérables, alors qu’à Fordham elle fréquentait l’église avec les bourgeois. Cette église était le lieu de ses rendez-vous avec Bellingham qui venait l’y retrouver. C’est à la sortie qu’il lui proposa la promenade conduisant à sa chute. N’oublions pas que, dans la Bible, Ruth est une convertie. Mrs Gaskell nous indique clairement où se trouvent les vrais chrétiens. Sans la rencontre avec les dissidents, Ruth, abandonnée à elle-même, n’aurait pas trouvé le chemin de la rédemption. Toutefois l’auteur se garde de nous dire que le bien est d’un côté, le mal de l’autre. Rien n’est blanc ou noir, il ne suffit pas de choisir son camp pour se croire sauvé. La pauvreté même du milieu de la chapelle rend nécessaire l’existence de mécènes et, dans la petite ville d’Eccleston où habitent les Benson, Mr Bradshaw, riche homme d’affaires, en est le principal. Si Bellingham, le libertin, est anglican, il trouve son pendant dissident en la personne de Bradshaw, qui représente le pharisien dans toute son hypocrisie. Chacun d’eux, à sa manière, est content de lui, inaccessible au doute. Or le doute, nous dit l’auteur, fait le véritable chrétien. Malgré sa chute, ou plutôt à cause d’elle, Ruth ne cesse de douter. C’est ainsi qu’elle trouvera la voie de la sainteté. Benson doute également, ce qui le rend empathique et ouvert. Mais le chemin du doute est semé d’embûches. Par facilité, Benson va accepter la solution du mensonge proposée par sa sœur. Prénommée Faith (foi), elle ne doute pas ; mais cette foi-là n’est pas la meilleure. Le bobard, inspiré par d’excellentes intentions – sinon, Ruth serait rejetée par les puritains –, semble pragmatique. Faith se targue d’avoir la tête sur les épaules, alors que son frère l’a dans les nuages. Mais ce raccourci rallongera d’autant le trajet de Ruth vers le salut. Les Benson font donc passer Ruth pour une veuve. Tondue, elle quitte la robe de soie blanche offerte par Bellingham. Sa faute lui sera pardonnée à une condition : le renoncement à la sexualité. Elle ne passera plus par là où elle a péché. Persuadé d’avoir toutes les vertus, Bradshaw n’a pas de charité dans le cœur. Sa sécheresse et sa tyrannie lui aliènent ses enfants. Par rébellion, sa fille Jemima manque de perdre l’homme qu’elle aime, parce que son père la pousse au mariage d’intérêt. Quand à Richard, le fils adoré, il surpasse son père dans l’hypocrisie au point de verser dans l’escroquerie, déshonorant sa famille. Séduit par son humilité et son savoir – car, auprès de Benson, Ruth a appris la véritable connaissance, celle des livres et non de la chair –, Bradshaw fait d’elle la gouvernante de ses enfants. Lui, si vertueux, la remet pourtant sur le chemin de Bellingham. À l’occasion d’une histoire de propriété, Bellingham a changé de patronyme, il s’appelle désormais Mr Donne. Effectivement, ce n’est pas en bellâtre comme autrefois qu’il va tenter de reconquérir Ruth, mais en proposant d’ouvrir son porte-monnaie, et même son nom – mais à la place de son cœur. Donne ex-Bellingham a entamé une carrière politique, et c’est grâce au soutien de Bradshaw qu’il va se faire élire. Comme Ruth, qui elle aussi porte le nom d’un mari imaginaire, chacun est stupéfait de découvrir l’autre, comme dans une comédie shakespearienne. Malgré un instant de faiblesse, Ruth est protégée par une nouvelle innocence, celle de son fils Leonard. C’est à travers le personnage de l’enfant que Mrs Gaskell démontre sa thèse, très audacieuse pour l’époque, selon laquelle « une femme souillée n’est pas nécessairement une femme perdue 8 ». À la surprise générale, Ruth, échappant au suicide par la sollicitude de Benson (se tuer est à l’époque une solution fréquente chez les filles enceintes), comprend que l’enfant qu’elle porte n’est pas sa perte, mais son salut. Elle nomme son bébé Leonard, en hommage sans doute au roi des animaux, et même Bellingham, rencontrant son fils, dira qu’il a l’air d’un prince. Fils de sa mère, Leonard vivra pourtant à l’imitation de Jésus-Christ. Lorsque sa bâtardise est découverte, il traverse sa passion. Farquhar le ramène dans la communauté, l’envoyant prendre chaque jour le journal déjà lu pour l’apporter à Benson, ce qui oblige l’enfant honteux à sortir. C’est donc bien le contact avec le livre, ou ce qui s’en approche, qui sauve le fils après la mère. Farquhar le sévère révèle ainsi sa bonté cachée. Car la capacité à gagner de l’argent ne rend pas mauvais, c’est ce que l’on en fait qui compte (nous sommes bien dans un roman anglais). Bradshaw, prétendument irréprochable, admire et soutient Bellingham le décadent. Il condamne Ruth sans appel après la découverte de son « noir secret 9 », mais se trouve fort démuni lorsque le secret de son propre fils se révèle à son tour. Farquhar montre alors une fois de plus la bonté et l’intelligence nécessaire pour protéger le fils prodigue. Il se révèle un bon père en puissance, et Jemima cesse de regimber pour tomber dans ses bras. Le désastre traversé par Ruth l’ayant brisée moralement, elle ne peut plus vivre pour elle-même. Échappant au suicide, elle est cependant morte au monde. Quand, pendant l’épidémie, elle devient le bon ange d’Eccleston, soignant les cas désespérés au risque de sa propre vie, on peut penser qu’elle cherche de nouveau à en finir, son fils ayant maintenant un avenir garanti – il est adopté par un médecin, lui-même d’origine illégitime. Les gens du peuple ne s’y trompent pas, témoignant alors à l’héroïne « quelque chose de ce respect superstitieux dont on entoure les morts 10 ». Ruth ayant pu continuer à vivre uniquement pour l’enfant, une fois celui-ci tiré d’affaire, meurt après avoir sauvé Bellingham, atteint du typhus. Lorsqu’on lui demande si elle l’aime toujours, elle hésite puis répond que, sans doute, elle ne l’aimait plus en bonne santé ; mais, parce qu’il était dans un état désespéré, son amour a ressurgi. Un amour lui aussi désespéré. Lui pardonner, après s’être épuisée à soigner les autres malades, a usé ses dernières forces. Le pardon véritable, nous rappelle l’auteur, est l’apanage des saints. À l’origine, le nom de Ruth signifie « compassion ». Ruth peut donc être considéré comme le roman chrétien d’Elizabeth Gaskell. Les considérations théologiques ne sont jamais assénées, mais participent du récit foisonnant et très bien construit dans lequel elles se fondent. À notre époque matérialiste, elles peuvent paraître un peu désuètes. La société décrite n’est pourtant jamais hors sol, comme dans une littérature prétendument édifiante, façon gâteau sec quelque peu moisi. Les descriptions de la nature sont d’une puissance stupéfiante et d’une sensualité qui transcende le poétique – on se croit parfois chez Turner. De plus, le texte nous dit, cela fait sa modernité, que ce n’est pas la lettre mais l’esprit qui compte : vérité d’Évangile plus actuelle que jamais. Qui d’autre que la puritaine Mrs Gaskell eût osé – et réussi – ce plaidoyer en faveur d’une femme vraiment libre ? Quand Ruth pourrait épouser son séducteur, qu’elle aime sans doute encore, mettant son fils en puissance paternelle, assurant leur avenir matériel à tous les deux et prenant sa revanche sur ceux qui l’ont condamnée, elle s’y refuse, et l’on est sidéré de ce mépris des conventions. Ce roman est celui de l’amour véritable qui ne choisit pas, ne juge pas, ne s’arrête à aucun obstacle et s’attache malgré tout, quand même, jusqu’au bout. L’auteur a réussi ce tour de force : écrire le nouveau Livre de Ruth. Catherine RIHOIT
Dernière édition par Selenh le Mer 23 Déc 2015 - 8:17, édité 1 fois |
| | | serendipity Aurora Borealis Chaser
Nombre de messages : 12420 Date d'inscription : 31/05/2007
| | | | Ju Gone With The Books
Nombre de messages : 12568 Age : 33 Localisation : In the Tardis, with Ten Date d'inscription : 15/05/2010
| Sujet: Re: Lecture de groupe n°25 : Ruth d'Elizabeth Gaskell (dernière partie) Mar 22 Déc 2015 - 22:51 | |
| Je devrais me jeter des tomates à moi même si c'était possible, je n'ai même pas posté ici alors que j'ai terminé ce roman depuis plus d'une semaine. J'ai globalement apprécié cette lecture, même si ce n'est pas un coup de coeur. Comme dit plus haut, trop de religion et un personnage principal peu attachant et fade... Heureusement qu'il y a de très bons personnages secondaires pour relever un peu le niveau ! En somme, une lecture largement plus abordable que Nord et Sud (je me souviens avoir galéré pour le lire en VO, mais peut-être que la lecture de Ruth en VO est ardue aussi en fait, je ne sais pas car lu en VF...) mais qui ne m'aura pas autant plus que Femmes et filles ! Mon préféré de l'auteur jusqu'à présent, et de loin |
| | | serendipity Aurora Borealis Chaser
Nombre de messages : 12420 Date d'inscription : 31/05/2007
| Sujet: Re: Lecture de groupe n°25 : Ruth d'Elizabeth Gaskell (dernière partie) Mer 23 Déc 2015 - 10:22 | |
| - Ju a écrit:
- En somme, une lecture largement plus abordable que Nord et Sud (je me souviens avoir galéré pour le lire en VO, mais peut-être que la lecture de Ruth en VO est ardue aussi en fait, je ne sais pas car lu en VF...)
J'ai lu les deux romans en VO mais le délai entre mes deux lectures est tel que j'aurais du mal à comparer le degré de difficulté . Si j'en juge par le volume de notes de vocabulaire prises en cours de lectures, j'aurais tendance à dire "équivalent" - Ju a écrit:
- mais qui ne m'aura pas autant plus que Femmes et filles ! Mon préféré de l'auteur jusqu'à présent, et de loin
Intéressant je n'ai pas lu ce roman car le côté inachevé me rebute un peu, mais j'avais beaucoup aimé l'adaptation En ce qui me concerne, mon préféré à ce jour reste "Cranford" (dont je n'ai pas encore vu l'adaptation) à tel point que j'envisage même une relecture |
| | | MissAcacia DerbyCheshire Cat
Nombre de messages : 7646 Age : 51 Localisation : Perched on a hot sound tree Date d'inscription : 26/10/2007
| Sujet: Re: Lecture de groupe n°25 : Ruth d'Elizabeth Gaskell (dernière partie) Mer 23 Déc 2015 - 19:23 | |
| J'ai terminé Ruth et le roman m'a tenue en haleine jusqu'au bout, même si j'avoue avoir lu un peu rapidement certains passage un peu trop "extatiques". J'ai bien aimé que Ruth, même si je n'ai pas d'accroche avec elle, puisse trouver une certaine rédemption par le travail et le dévouement... C'est certainement l'un des buts moralisateurs du livre mais j'ai trouvé ça assez bien amené malgré les paragraphes et les paragraphes sur la douceur, l'angélisme et l'abnégation humble de notre héroïne. J'aime bien les deuxièmes chances. M. Farquhar est sans conteste la star de la fin du roman avec l'épisode bienvenu de la chute du système Bradshaw. Bien sûr on peut trouver le retour de ses affections à Jemima un peu rapide, quand on a vu combien il était envoûté par la belle Mrs Denbigh. C'est comme si le scandale qui s'abat sur Ruth tombait sur lui comme un bon vieux seau d'eau glacée. Douche des rêves dorés et retour à la réalité et à Jemima, à qui l'épisode Ruth a au moins permis de laver M. Farqhar du soupçon de cupidité. Elle a aussi montré la noblesse de son caractère, ce qui n'a pu que lui plaire. Quant à elle, elle était mûre pour lui tomber dans les bras pour peu qu'il ne la prenne pas à rebrousse-poil. En dehors de ça, j'ai trouvé la fin vraiment très mélodramatique, quoique attendue et j'ai bien aimé Mr Davies, qu'on avait peu vu auparavant. Je reprends à mon compte la phrase de PetitFaucon dans le topic précédent: un peu faible littérairement parlant mais une histoire vraiment prenante. Je ne regrette pas de l'avoir lu . |
| | | serendipity Aurora Borealis Chaser
Nombre de messages : 12420 Date d'inscription : 31/05/2007
| Sujet: Re: Lecture de groupe n°25 : Ruth d'Elizabeth Gaskell (dernière partie) Jeu 24 Déc 2015 - 12:49 | |
| |
| | | MissAcacia DerbyCheshire Cat
Nombre de messages : 7646 Age : 51 Localisation : Perched on a hot sound tree Date d'inscription : 26/10/2007
| Sujet: Re: Lecture de groupe n°25 : Ruth d'Elizabeth Gaskell (dernière partie) Jeu 24 Déc 2015 - 12:50 | |
| Oui, il a un petit rôle mais j'ai bien aimé. |
| | | serendipity Aurora Borealis Chaser
Nombre de messages : 12420 Date d'inscription : 31/05/2007
| Sujet: Re: Lecture de groupe n°25 : Ruth d'Elizabeth Gaskell (dernière partie) Jeu 24 Déc 2015 - 12:54 | |
| Tu as raison, c'est un personnage très positif. D'ailleurs as-tu compris que Leonard serait finalement confié aux soins de M. Davies ? je le crois mais comme Ruth n'y était pas favorable, je ne suis pas certaine que les Benson/Farqhar donnent suite à la proposition |
| | | MissAcacia DerbyCheshire Cat
Nombre de messages : 7646 Age : 51 Localisation : Perched on a hot sound tree Date d'inscription : 26/10/2007
| Sujet: Re: Lecture de groupe n°25 : Ruth d'Elizabeth Gaskell (dernière partie) Jeu 24 Déc 2015 - 12:57 | |
| Ce pauvre Léonard n'aura que l'embarras du choix. C'est une chance dans son malheur. Je n'ai pas bien compris quel pourrait être son avenir puisqu'à la fin il part avec Mr Bradshaw... je pense que c'est assez ouvert. |
| | | clinchamps Oshaberi Sensei
Nombre de messages : 72656 Age : 81 Localisation : Dans les bois du Fushimi Inari-taïsha Date d'inscription : 09/01/2007
| Sujet: Re: Lecture de groupe n°25 : Ruth d'Elizabeth Gaskell (dernière partie) Jeu 24 Déc 2015 - 13:53 | |
| Ce roman me fait penser à deux aspects d'une même personne, l'auteur en l'occurrence. Les Benson, Sally, Jemima, et même Farquard en sont la partie humaine naturellement généreuse, ouverte, capable de dépasser les rigidités de la morale convenue pour laisser sa chance de rédemption à la pécheresse, l'autre c'est Bradshaw, toute l'armature rigide de la morale obligée et c'est celle qui gagne puisque la rédemption de la pécheresse ne pourra passer que par sa mort, pas question de mener une vie heureuse quand on a fauté ! C'est dommage ! |
| | | Selenh Méchante Femme Savante
Nombre de messages : 7065 Age : 65 Localisation : Aquitaine. Date d'inscription : 24/02/2010
| Sujet: Re: Lecture de groupe n°25 : Ruth d'Elizabeth Gaskell (dernière partie) Ven 25 Déc 2015 - 20:37 | |
| Mais même lui ya espoir de le sauver à la toute fin, non? - MissAcacia a écrit:
- Ce pauvre Léonard n'aura que l'embarras du choix. C'est une chance dans son malheur. Je n'ai pas bien compris quel pourrait être son avenir puisqu'à la fin il part avec Mr Bradshaw... je pense que c'est assez ouvert.
Ben, Mr B. le ramène chez lui, ça montre que même lui peut être ébranlé par sainte Ruth au final. Mais pour Léo j'ai compris qu'il était quasi adopté par le médecin et voué à embrasser la même carrière puis à lui succéder. |
| | | MissAcacia DerbyCheshire Cat
Nombre de messages : 7646 Age : 51 Localisation : Perched on a hot sound tree Date d'inscription : 26/10/2007
| Sujet: Re: Lecture de groupe n°25 : Ruth d'Elizabeth Gaskell (dernière partie) Sam 26 Déc 2015 - 16:01 | |
| C'est une possibilité mais il n'est pas sur que les Farquhar et les Benson le laissent partir avec Mr Davies. |
| | | Ysabelle Stardust Reveries
Nombre de messages : 36574 Localisation : Quelque part entre l'orient et l'occident Date d'inscription : 07/05/2010
| Sujet: Re: Lecture de groupe n°25 : Ruth d'Elizabeth Gaskell (dernière partie) Sam 26 Déc 2015 - 21:28 | |
| Voilà finie une lecture très prenante mais qui m'a tout de même laissé un avis très mitigé. Ce roman m'a touchée mais pas marquée. Il ne sera pas un de ceux que j'ai relu, relirai toujours avec plaisir. Ce qui m'a plu, la finesse et le style agréable de l'auteure, même si comme certaines d'entre vous, j'ai du survoler certains paragraphes dans plusieurs chapitres . Notamment les descriptifs de la rédemption de Sa Sainteté Ruth. J'ai aimé l'analyse des sentiments et des caractères de certains personnages, tels que Jemmima, Mr Benson, Sally,...Et je me demande pourquoi certains autres sont restés tels des copies express dont l'utilité n'est que peu importante. Mr Bellingham/Donne, qu'a t-il vécu après le départ de Ruth? A t-il eu des sursauts de conscience? A t-il pensé un peu a elle, du moins au début? Et puis, n'était-il pas fiancé au début du roman avec une jeune fille du nom de Miss Duncombe, qu'il courtisait lors de la fameuse soirée où il a rencontré Ruth? Sa mère était-elle morte naturellement? Il y a comme un mystère la dessus. J'ai aimé le descriptif des paysages, de la bourgeoisie et ses arrangements avec sa conscience et avec la religion, sa cruauté sans limite quand elle s'y met, ...Tout ça est finement ciselé, nous permettant de vivre pleinement l'histoire et ses rebondissements. Ce que je n'ai pas aimé : l’excès dans le personnage de Ruth. Elle prend une forme progressivement angelique frolant le mystisme. J'avais l'impression d'avoir affaire à un personnage biblique. Ruth est béatifiée carrément dans sa mort! On entendait presque les anges chanter. La fin était "magnifique"! Ruth rejetée, dans sa vie réunit tout le monde, de tous les bords, dans sa mort, même les parallèles! N'allez pas croire que je me suis ennuyée, non. J'ai même versé ma larme à le fin. Je n'ai pu m'en empêcher! C'est juste que j'ai trouvé ce roman excessif en tout! Cela reste, tout de même, une découverte que je ne regrette pas. Merci à Ju d'avoir organisé cette lecture de groupe et à vous toutes pour vos points de vues riches et diversifiés. |
| | | Ju Gone With The Books
Nombre de messages : 12568 Age : 33 Localisation : In the Tardis, with Ten Date d'inscription : 15/05/2010
| Sujet: Re: Lecture de groupe n°25 : Ruth d'Elizabeth Gaskell (dernière partie) Sam 26 Déc 2015 - 22:33 | |
| De rien Ysabelle, même si je n'ai pas fait grand chose. Je suis d'accord avec toi : lecture sympathique mais qui ne restera pas inoubliable et que je n'aurai pas forcément envie de relire
|
| | | Petit Faucon Confiance en soie
Nombre de messages : 12005 Age : 59 Date d'inscription : 26/12/2011
| Sujet: Re: Lecture de groupe n°25 : Ruth d'Elizabeth Gaskell (dernière partie) Lun 28 Déc 2015 - 9:31 | |
| Quelle horreur ces derniers chapitres !!!! je me disais, elle ne va quand même pas nous la faire mourir du typhus comme expiation de ses péchés !!! mais si !!!! avec des tonnes de larmes et de d'apitoiement, au secours !!!!!! C'est à vous rendre anticlérical pendant des décennies !!! Sincèrement, la fin m'a gâché le livre entier, et je n'ai pas eu le courage de lire la préface tellement que je n'en pouvais plus ! on aurait dit les histoires édifiantes que je lisais dans les Lisette de ma mère au grenier quand j'étais enfant ... Bref, lecture avec des qualités, mais je ne me souviendrai que de la fin, et c'est too much for me. Pour me soigner, je suis en train de relire Le prophète de Gibran. |
| | | Tatiana A view from the past
Nombre de messages : 14362 Age : 39 Localisation : Quelque part dans l'Angleterre du XIXe... Date d'inscription : 26/02/2010
| Sujet: Re: Lecture de groupe n°25 : Ruth d'Elizabeth Gaskell (dernière partie) Lun 28 Déc 2015 - 9:54 | |
| eh ben Petit Faucon quel traumatisme . Je partage ton ressenti sur les derniers chapitres, mais en remettant son histoire dans son contexte le dénouement n'a pas grand chose de surprenant. La fin m'a rappelée celle de La dame aux camélias, qui m'a toutefois beaucoup plus touchée. Ce qui m'a davantage étonné est qu'avec un sujet si moderne pour l'époque et une héroïne qui "transgresse" les codes moraux, la courageuse Gaskell ait concocté une fin aussi "pure". J'aurais de loin aussi préféré une fin positive, par exemple que Ruth soigne le père de son fils mais qu'elle s'en sorte et parte mener une nouvelle vie (carrément), ou pourquoi pas qu'elle finisse par ouvrir une école dans le village (pourquoi pas). _________________ |
| | | Petit Faucon Confiance en soie
Nombre de messages : 12005 Age : 59 Date d'inscription : 26/12/2011
| Sujet: Re: Lecture de groupe n°25 : Ruth d'Elizabeth Gaskell (dernière partie) Lun 28 Déc 2015 - 10:26 | |
| - Tatiana a écrit:
- (...)
La fin m'a rappelée celle de La dame aux camélias, qui m'a toutefois beaucoup plus touchée. Ce qui m'a davantage étonné est qu'avec un sujet si moderne pour l'époque et une héroïne qui "transgresse" les codes moraux, la courageuse Gaskell ait concocté une fin aussi "pure". J'aurais de loin aussi préféré une fin positive, par exemple que Ruth soigne le père de son fils mais qu'elle s'en sorte et parte mener une nouvelle vie (carrément), ou pourquoi pas qu'elle finisse par ouvrir une école dans le village (pourquoi pas). C'est vrai que la fin est du même acabit que celle de la Dame aux camelias, mais justement je n'en peux plus de ce discours moralisateur sur la pureté féminine, j'en ai trop avalé ; de Ruth il n'y a pas grand chose qui surnage, car les personnages apparaissent et disparaissent sans suivi, comme le Dr Davis mentionné en toute fin, et certes il y a Sally, Thurstan Benson ou Jemina, mais ils restent comme ils sont tout au long du livre, et les personnages qui évoluent comme Farquhar ou Bradshaw le font de façon si brusque que j'ai eu du mal à m'attacher à leur cheminement psychologique ; du coup ne reste que cette religiosité qui me hérisse l'épiderme. Et en conclusion, je suis assez déçue de cette lecture, et de Gaskell en général. |
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