Une auberge pour les admirateurs de Jane Austen, et bien plus encore... |
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| Jeu littéraire pour chasser les idées noires | |
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+10Tatiana Elianor Annwvyn Ysabelle Rose Bleue clinchamps L'Ami Fauvette Lily of the valley Rosalind 14 participants | |
Auteur | Message |
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Lily of the valley Sherlock's Blue Scarf
Nombre de messages : 9788 Age : 55 Localisation : Pile entre Honoré (de B) et George (S)... Date d'inscription : 29/06/2012
| Sujet: Re: Jeu littéraire pour chasser les idées noires Jeu 4 Juin - 15:13 | |
| Pour Sihaya, je suis inquiète aussi. On a échangé des MP jusqu'à avant-hier (car elle se dirige vers l'art comme mon fils) et elle parlait de ramener Lord Reynolds dans les texte du défi. Je ne comprends pas. Je n'ai pas l'impression qu'elle participait à beaucoup de sujets... J'espère que tout va bien pour elle. Dommage qu'on n'ait pas moyen de la contacter autrement. Bon, ma batterie a été changée, voici donc mon verdict. J'ai eu du mal car 2 textes étaient en tête et M. Lily est au travail donc pas moyen de lui demander de l'aide. Clinchamps Wow, quelle imagination ! Réutilisation étonnante et parfaitement réussie de ces mots. Annwvyn Quand Je lis ton texte, je vois un tableau de Paul Delvaux, avec le contraste entre cette jeune fille pâle et rigide et l’extérieur violent et menaçant. J’adore l’opposition entre le côté glacé de cette jeune fille étouffée par le milieu et l’époque et le feu qui se déchaîne à l’extérieur. C'est à la fois simple et flamboyant. Très littéraire. Et bref, complètement de mon goût ! C'est donc à toi de donner la nouvelle liste de mots !Rosalind, Ah, c’est ce que j’ai dû faire hier excepté la musique, pour moi c’était beaucoup plus récent (Roo Panes), mais j’ai effectivement continué la broderie de ma jupe à l’intérieur. L’ AmiTu m’as bien fait rire malgré toi. Je voyais ton personnage avec le look de Santiago Cabrera dans For Greater Glory… mais jamais je n’ai imaginé Santiago avec des furoncles aux fesses. Mais ta description de l’ambiance est vraiment très réaliste. Bravo. Rose Bleue J’ai dit comme elle quand l’orage a éclaté hier. Enfin ! On sent l’odeur de la poussière mouillée et l’angoisse due au temps orageux dans ton texte. Ysabelle L’image des broderies éphémères est magnifique. De bien belles métaphores pour un beau texte de dernières minutes. |
| | | Annwvyn Subtle scent of rain
Nombre de messages : 8654 Age : 35 Localisation : Paris Date d'inscription : 24/06/2009
| Sujet: Re: Jeu littéraire pour chasser les idées noires Jeu 4 Juin - 15:32 | |
| Merci beaucoup d'avoir choisi mon texte Lily, je suis contente qu'il t'ait plu. Moi aussi je suis désolée du départ de Sihaya, elle a peut-être eu envie d'un oubli numérique, mais ses textes seront vraiment regrettés ici ! En attendant, voici les mots que je vous propose. Je laisse jusqu'à demain 20 heures pour les participants. - Les mots du jour a écrit:
- feuille
houppelande grain voler austère souricière éclatant murmure |
| | | L'Ami Ready for a strike!
Nombre de messages : 1125 Date d'inscription : 21/04/2020
| Sujet: Re: Jeu littéraire pour chasser les idées noires Jeu 4 Juin - 16:55 | |
| - lily a écrit:
- L’Ami
Tu m’as bien fait rire malgré toi. Je voyais ton personnage avec le look de Santiago Cabrera dans For Greater Glory… mais jamais je n’ai imaginé Santiago avec des furoncles aux fesses. Mais ta description de l’ambiance est vraiment très réaliste. Bravo. Merci Lily, en fait je me suis souvenu d'un personnage de "Cent ans de solitude" de Gabriel Garcia Marquez. C'est un général qui a des furoncles sous les aisselles et qui marche toujours les bras écartés, ce qui a le don d'impressionner son entourage. J'avais plus l'image en tête de Zapata qui se déplaçait en train ou à cheval. Félicitation Annwvyn, on va s'atteler à la tâche après la proposition de tes huit mots. |
| | | Lily of the valley Sherlock's Blue Scarf
Nombre de messages : 9788 Age : 55 Localisation : Pile entre Honoré (de B) et George (S)... Date d'inscription : 29/06/2012
| Sujet: Re: Jeu littéraire pour chasser les idées noires Jeu 4 Juin - 17:41 | |
| L'Ami, voilà ce que j'avais comme image (mais pas avec les furoncles ) : - Spoiler:
Ces 8 mots m'ont tout de suite inspirée, pour une fois ! Bon, pas taper, hein, c'est long ! - Citation :
Le petit homme était venu à lui tremblant, le regard baissé. Sa femme avait enfoui son visage dans les boucles blondes de l’enfant qu’elle serrait contre elle. On ne le regardait jamais dans les yeux. Il a le mauvais œil, murmurait-t-on. Après son passage, on clouait, sur le bois des portes, une chauve-souris ou une patte de chèvre. Il fit battre, majestueux et sombre, les pans de son austère houppelande noire, et le petit couple se recroquevilla comme des rongeurs piégés au fond de leur souricière. Les feuilles frissonnèrent et le murmure de la forêt se fit plus intense. « Maître, ils ont encore volé deux de nos bêtes... et ... et ... et un sac de grain. » gémit le berger. La forêt fit ricocher le rire éclatant de l’homme en noir. Le petit couple se recroquevilla encore. « Que vous êtes méprisables ! » gronda-t-il en s’avançant, « Si ces nobles bêtes se nourrissaient de grain, vous n’auriez rien à craindre d’elles. » Le meneux de loups leva alors haut son bâton, siffla entre ses dents et la forêt alentour s’alluma de l’or de dizaines d’yeux.
Dernière édition par Lily of the valley le Ven 5 Juin - 13:54, édité 1 fois |
| | | Tatiana A view from the past
Nombre de messages : 14362 Age : 39 Localisation : Quelque part dans l'Angleterre du XIXe... Date d'inscription : 26/02/2010
| Sujet: Re: Jeu littéraire pour chasser les idées noires Jeu 4 Juin - 18:07 | |
| Concernant Sihaya l'équipe d'admin a reçu une notification de sa désinscription dimanche, à notre grande surprise à toutes les trois. Elle n'était pas intervenue dans beaucoup de sujets mais était active ici et avait ouvert un topic à un roman austenien récemment.
_________________ |
| | | Lily of the valley Sherlock's Blue Scarf
Nombre de messages : 9788 Age : 55 Localisation : Pile entre Honoré (de B) et George (S)... Date d'inscription : 29/06/2012
| Sujet: Re: Jeu littéraire pour chasser les idées noires Jeu 4 Juin - 18:24 | |
| Et en tant qu'administratrices vous n'avez pas de moyen de la joindre ? Dans son dernier message elle avait l'air enthousiaste à l'idée d'écrire à nouveau. |
| | | L'Ami Ready for a strike!
Nombre de messages : 1125 Date d'inscription : 21/04/2020
| Sujet: Re: Jeu littéraire pour chasser les idées noires Ven 5 Juin - 10:46 | |
| Voici ma participation:
Un tourbillon de poussières, de feuilles, la précède, sa houppelande claque aux sauts des vents. Elle a du grain à moudre pour voler les âmes errantes dans ce paysage austère, il faut choisir les bonnes. Grandes gueules mais la peur au ventre, ils sont tombés dans la souricière. Elle fauche à grandes brassées sur le champ de bataille, éclatant de rire à chaque murmure des mourants qui appellent leurs mères. |
| | | Lily of the valley Sherlock's Blue Scarf
Nombre de messages : 9788 Age : 55 Localisation : Pile entre Honoré (de B) et George (S)... Date d'inscription : 29/06/2012
| Sujet: Re: Jeu littéraire pour chasser les idées noires Ven 5 Juin - 11:04 | |
| Wow, j'adore ! |
| | | Annwvyn Subtle scent of rain
Nombre de messages : 8654 Age : 35 Localisation : Paris Date d'inscription : 24/06/2009
| Sujet: Re: Jeu littéraire pour chasser les idées noires Ven 5 Juin - 11:09 | |
| Lily et l'Ami c'est un vrai plaisir de vous lire. Le texte de Lily est glaçant, avec une vraie atmosphère médiévale, obscure, mystérieuse... Et l'Ami, je trouve que ton texte ferait un très beau et grand tableau de peintre romantique, et je vois très bien les paysages désolés et la Mort au premier plan. Bref, j'adore les deux textes ! |
| | | Lily of the valley Sherlock's Blue Scarf
Nombre de messages : 9788 Age : 55 Localisation : Pile entre Honoré (de B) et George (S)... Date d'inscription : 29/06/2012
| Sujet: Re: Jeu littéraire pour chasser les idées noires Ven 5 Juin - 11:28 | |
| Merci Annvwyn. Je me suis inspirée de mon Berry |
| | | L'Ami Ready for a strike!
Nombre de messages : 1125 Date d'inscription : 21/04/2020
| Sujet: Re: Jeu littéraire pour chasser les idées noires Ven 5 Juin - 11:35 | |
| Merci Lily.
Merci Annwvyn, je suis d'accord avec toi le texte de Lily fait frissonner . |
| | | Rosalind Ice and Fire Wanderer
Nombre de messages : 17039 Age : 74 Localisation : entre Rohan et Ruatha ... Date d'inscription : 17/04/2008
| Sujet: Re: Jeu littéraire pour chasser les idées noires Ven 5 Juin - 11:59 | |
| Lily j'aime beaucoup ton texte, inspiré des légendes de ta région George Sand aurait apprécié L'Ami c'est impressionnant, je vois les tranchées de la première guerre. Et je suis bien conditionnée par Terry Pratchett l'emploi du féminin me semble bizarre J'apporte ma contribution, décidément l'ambiance n'est pas vraiment guillerette - Citation :
Une maison isolée au bord de la rivière. Sans un bruit, les hommes enveloppés de grandes houppelandes s’approchent, l’un deux colle son visage à la vitre. La jeune femme tremble comme une feuille en reconnaissant le visage de son époux. L’un après l’autre, d’un air austère, trois hommes profèrent leurs accusations. Dans un murmure elle tente de nier. Alors s’approche celui qui se tenait en retrait, vêtu d’un manteau d’un rouge éclatant. Quand il ôte son masque, elle frémit d’épouvante. Le grain de sa peau se hérisse, elle est perdue. La souricière s’est refermée, personne ne volerait à son secours. Tête baissée, elle attend la sentence.
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| | | L'Ami Ready for a strike!
Nombre de messages : 1125 Date d'inscription : 21/04/2020
| Sujet: Re: Jeu littéraire pour chasser les idées noires Ven 5 Juin - 12:10 | |
| Rosalind: Bienvenue au club, nom de nom, "le ciel est bas et lourd", quelle trilogie, vite du Prozac. Je crois que je vais rester confiné, c'est plus sûr. |
| | | Rosalind Ice and Fire Wanderer
Nombre de messages : 17039 Age : 74 Localisation : entre Rohan et Ruatha ... Date d'inscription : 17/04/2008
| Sujet: Re: Jeu littéraire pour chasser les idées noires Ven 5 Juin - 12:17 | |
| Oui c'est étrange que ces mots nous aient envoyé dans des directions aussi sombres. La première image qui m'était venue à l'esprit était celle du berger des Lettres de mon moulin, enveloppé dans sa grande houppelande. Mais je n'arrivais pas à faire rentrer la souricière - récit d'un berger provençal:
LES ÉTOILES. récit d’un berger provençal
Du temps que je gardais les bêtes sur le Luberon, je restais des semaines entières sans voir âme qui vive, seul dans le pâturage avec mon chien Labri et mes ouailles. De temps en temps l’ermite du Mont-de-l’Ure passait par là pour chercher des simples ou bien j’apercevais la face noire de quelque charbonnier du Piémont ; mais c’étaient des gens naïfs, silencieux à force de solitude, ayant perdu le goût de parler et ne sachant rien de ce qui se disait en bas dans les villages et les villes. Aussi, tous les quinze jours, lorsque j’entendais, sur le chemin qui monte, les sonnailles du mulet de notre ferme m’apportant les provisions de quinzaine, et que je voyais apparaître peu à peu, au-dessus de la côte, la tête éveillée du petit miarro (garçon de ferme), ou la coiffe rousse de la vieille tante Norade, j’étais vraiment bien heureux. Je me faisais raconter les nouvelles du pays d’en bas, les baptêmes, les mariages ; mais ce qui m’intéressait surtout, c’était de savoir ce que devenait la fille de mes maîtres, notre demoiselle Stéphanette, la plus jolie qu’il y eût à dix lieues à la ronde. Sans avoir l’air d’y prendre trop d’intérêt, je m’informais si elle allait beaucoup aux fêtes, aux veillées, s’il lui venait toujours de nouveaux galants ; et à ceux qui me demanderont ce que ces choses-là pouvaient me faire, à moi pauvre berger de la montagne, je répondrai que j’avais vingt ans et que cette Stéphanette était ce que j’avais vu de plus beau dans ma vie.
Or, un dimanche que j’attendais les vivres de quinzaine, il se trouva qu’ils n’arrivèrent que très tard. Le matin je me disais : « C’est la faute de la grand’messe ; » puis, vers midi, il vint un gros orage, et je pensai que la mule n’avait pas pu se mettre en route à cause du mauvais état des chemins. Enfin, sur les trois heures, le ciel étant lavé, la montagne luisante d’eau et de soleil, j’entendis parmi l’égouttement des feuilles et le débordement des ruisseaux gonflés les sonnailles de la mule, aussi gaies, aussi alertes qu’un grand carillon de cloches un jour de Pâques. Mais ce n’était pas le petit miarro, ni la vieille Norade qui la conduisait. C’était… devinez qui !… notre demoiselle, mes enfants ! notre demoiselle en personne, assise droite entre les sacs d’osier, toute rose de l’air des montagnes et du rafraîchissement de l’orage.
Le petit était malade, tante Norade en vacances chez ses enfants. La belle Stéphanette m’apprit tout ça, en descendant de sa mule, et aussi qu’elle arrivait tard parce qu’elle s’était perdue en route ; mais à la voir si bien endimanchée, avec son ruban à fleurs, sa jupe brillante et ses dentelles, elle avait plutôt l’air de s’être attardée à quelque danse que d’avoir cherché son chemin dans les buissons. Ô la mignonne créature ! Mes yeux ne pouvaient se lasser de la regarder. Il est vrai que je ne l’avais jamais vue de si près. Quelquefois l’hiver, quand les troupeaux étaient descendus dans la plaine et que je rentrais le soir à la ferme pour souper, elle traversait la salle vivement, sans guère parler aux serviteurs, toujours parée et un peu fière… Et maintenant je l’avais là devant moi, rien que pour moi ; n’était-ce pas à en perdre la tête ?
Quand elle eut tiré les provisions du panier, Stéphanette se mit à regarder curieusement autour d’elle. Relevant un peu sa belle jupe du dimanche qui aurait pu s’abîmer, elle entra dans le parc, voulut voir le coin où je couchais, la crèche de paille avec la peau de mouton, ma grande cape accrochée au mur, ma crosse, mon fusil à pierre. Tout cela l’amusait.
— Alors c’est ici que tu vis, mon pauvre berger ? Comme tu dois t’ennuyer d’être toujours seul ! Qu’est-ce que tu fais ? À quoi penses-tu ?…
J’avais envie de répondre : « À vous, maîtresse, » et je n’aurais pas menti ; mais mon trouble était si grand que je ne pouvais pas seulement trouver une parole. Je crois bien qu’elle s’en apercevait, et que la méchante prenait plaisir à redoubler mon embarras avec ses malices :
— Et ta bonne amie, berger, est-ce qu’elle monte te voir quelquefois ?… Ça doit être bien sûr la chèvre d’or, ou cette fée Estérelle qui ne court qu’à la pointe des montagnes…
Et elle-même, en me parlant, avait bien l’air de la fée Estérelle, avec le joli rire de sa tête renversée et sa hâte de s’en aller qui faisait de sa visite une apparition.
— Adieu, berger.
— Salut, maîtresse.
Et la voilà partie, emportant ses corbeilles vides.
Lorsqu’elle disparut dans le sentier en pente, il me semblait que les cailloux, roulant sous les sabots de la mule, me tombaient un à un sur le cœur. Je les entendis longtemps, longtemps ; et jusqu’à la fin du jour je restai comme ensommeillé, n’osant bouger, de peur de faire en aller mon rêve. Vers le soir, comme le fond des vallées commençait à devenir bleu et que les bêtes se serraient en bêlant l’une contre l’autre pour rentrer au parc, j’entendis qu’on m’appelait dans la descente, et je vis paraître notre demoiselle, non plus rieuse ainsi que tout à l’heure, mais tremblante de froid, de peur, de mouillure. Il paraît qu’au bas de la côte elle avait trouvé la Sorgue grossie par la pluie d’orage, et qu’en voulant passer à toute force elle avait risqué de se noyer. Le terrible, c’est qu’à cette heure de nuit il ne fallait plus songer à retourner à la ferme ; car le chemin par la traverse, notre demoiselle n’aurait jamais su s’y retrouver toute seule, et moi je ne pouvais pas quitter le troupeau. Cette idée de passer la nuit sur la montagne la tourmentait beaucoup, surtout à cause de l’inquiétude des siens. Moi, je la rassurais de mon mieux :
— En juillet, les nuits sont courtes, maîtresse… Ce n’est qu’un mauvais moment.
Et j’allumai vite un grand feu pour sécher ses pieds et sa robe toute trempée de l’eau de la Sorgue. Ensuite j’apportai devant elle du lait, des fromageons ; mais la pauvre petite ne songeait ni à se chauffer, ni à manger, et de voir les grosses larmes qui montaient dans ses yeux, j’avais envie de pleurer, moi aussi.
Cependant la nuit était venue tout à fait. Il ne restait plus sur la crête des montagnes qu’une poussière de soleil, une vapeur de lumière du côté du couchant. Je voulus que notre demoiselle entrât se reposer dans le parc. Ayant étendu sur la paille fraîche une belle peau toute neuve, je lui souhaitai la bonne nuit, et j’allai m’asseoir dehors devant la porte… Dieu m’est témoin que, malgré le feu d’amour qui me brûlait le sang, aucune mauvaise pensée ne me vint ; rien qu’une grande fierté de songer que dans un coin du parc, tout près du troupeau curieux qui la regardait dormir, la fille de mes maîtres, — comme une brebis plus précieuse et plus blanche que toutes les autres, — reposait, confiée à ma garde. Jamais le ciel ne m’avait paru si profond, les étoiles si brillantes… Tout à coup, la claire-voie du parc s’ouvrit et la belle Stéphanette parut. Elle ne pouvait pas dormir. Les bêtes faisaient crier la paille en remuant, ou bêlaient dans leurs rêves. Elle aimait mieux venir près du feu. Voyant cela, je lui jetai ma peau de bique sur les épaules, j’activai la flamme, et nous restâmes assis l’un près de l’autre sans parler. Si vous avez jamais passé la nuit à la belle étoile, vous savez qu’à l’heure où nous dormons, un monde mystérieux s’éveille dans la solitude et le silence. Alors les sources chantent bien plus clair, les étangs allument des petites flammes. Tous les esprits de la montagne vont et viennent librement ; et il y a dans l’air des frôlements, des bruits imperceptibles, comme si l’on entendait les branches grandir, l’herbe pousser. Le jour, c’est la vie des êtres ; mais la nuit, c’est la vie des choses. Quand on n’en a pas l’habitude, ça fait peur… Aussi notre demoiselle était toute frissonnante et se serrait contre moi au moindre bruit. Une fois, un cri long, mélancolique, parti de l’étang qui luisait plus bas, monta vers nous en ondulant. Au même instant une belle étoile filante glissa par-dessus nos têtes dans la même direction, comme si cette plainte que nous venions d’entendre portait une lumière avec elle.
— Qu’est-ce que c’est ? me demanda Stéphanette à voix basse.
— Une âme qui entre en paradis, maîtresse ; et je fis le signe de la croix.
Elle se signa aussi, et resta un moment la tête en l’air, très recueillie. Puis elle me dit :
— C’est donc vrai, berger, que vous êtes sorciers, vous autres ?
— Nullement, notre demoiselle. Mais ici nous vivons plus près des étoiles, et nous savons ce qui s’y passe mieux que des gens de la plaine. Elle regardait toujours en haut, la tête appuyée dans la main, entourée de la peau de mouton comme un petit pâtre céleste :
— Qu’il y en a ! Que c’est beau ! Jamais je n’en avais tant vu… Est-ce que tu sais leurs noms, berger ?
— Mais oui, maîtresse… Tenez ! juste au-dessus de nous, voilà le Chemin de saint Jacques (la voie lactée). Il va de France droit sur l’Espagne. C’est saint Jacques de Galice qui l’a tracé pour montrer sa route au brave Charlemagne lorsqu’il faisait la guerre aux Sarrasins[1]. Plus loin, vous avez le Char des âmes (la grande Ourse) avec ses quatre essieux resplendissants. Les trois étoiles qui vont devant sont les Trois bêtes, et cette toute petite contre la troisième c’est le Charretier. Voyez-vous tout autour cette pluie d’étoiles qui tombent ? ce sont les âmes dont le bon Dieu ne veut pas chez lui… Un peu plus bas, voici le Râteau ou les Trois rois (Orion). C’est ce qui nous sert d’horloge, à nous autres. Rien qu’en les regardant, je sais maintenant qu’il est minuit passé. Un peu plus bas, toujours vers le midi, brille Jean de Milan, le flambeau des astres (Sirius). Sur cette étoile-là, voici ce que les bergers racontent. Il paraît qu’une nuit Jean de Milan, avec les Trois rois et la Poussinière (la Pléiade), furent invités à la noce d’une étoile de leurs amies. La Poussinière, plus pressée, partit, dit-on, la première, et prit le chemin haut. Regardez-la, là-haut, tout au fond du ciel. Les Trois rois coupèrent plus bas et la rattrapèrent ; mais ce paresseux de Jean de Milan, qui avait dormi trop tard, resta tout à fait derrière, et furieux, pour les arrêter, leur jeta son bâton. C’est pourquoi les Trois rois s’appellent aussi le Bâton de Jean de Milan… Mais la plus belle de toutes les étoiles, maîtresse, c’est la nôtre, c’est l’Étoile du berger, qui nous éclaire à l’aube quand nous sortons le troupeau, et aussi le soir quand nous le rentrons. Nous la nommons encore Maguelonne, la belle Maguelonne qui court après Pierre de Provence (Saturne) et se marie avec lui tous les sept ans.
— Comment ! berger, il y a donc des mariages d’étoiles ?
— Mais oui, maîtresse.
Et comme j’essayais de lui expliquer ce que c’était que ces mariages, je sentis quelque chose de frais et de fin peser légèrement sur mon épaule. C’était sa tête alourdie de sommeil qui s’appuyait contre moi avec un joli froissement de rubans, de dentelles et de cheveux ondés. Elle resta ainsi sans bouger jusqu’au moment où les astres du ciel pâlirent, effacés par le jour qui montait. Moi, je la regardais dormir, un peu troublé au fond de mon être, mais saintement protégé par cette claire nuit qui ne m’a jamais donné que de belles pensées. Autour de nous, les étoiles continuaient leur marche silencieuse, dociles comme un grand troupeau ; et par moments je me figurais qu’une de ces étoiles, la plus fine, la plus brillante, ayant perdu sa route, était venue se poser sur mon épaule pour dormir…
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| | | Tatiana A view from the past
Nombre de messages : 14362 Age : 39 Localisation : Quelque part dans l'Angleterre du XIXe... Date d'inscription : 26/02/2010
| Sujet: Re: Jeu littéraire pour chasser les idées noires Ven 5 Juin - 12:23 | |
| - Lily of the valley a écrit:
- Et en tant qu'administratrices vous n'avez pas de moyen de la joindre ? Dans son dernier message elle avait l'air enthousiaste à l'idée d'écrire à nouveau.
Maintenant qu'elle s'est désinscrite son profil n'existe plus donc nous ne pouvons plus la contacter . _________________ |
| | | Rosalind Ice and Fire Wanderer
Nombre de messages : 17039 Age : 74 Localisation : entre Rohan et Ruatha ... Date d'inscription : 17/04/2008
| Sujet: Re: Jeu littéraire pour chasser les idées noires Ven 5 Juin - 12:29 | |
| Je regrette moi aussi le départ de Sihaya. Ses textes étaient d'une grande qualité, elle a un réel talent d'écriture.
Je n'avais pas vu qu'elle avait ouvert un topic, de quel roman s'agit-il ? |
| | | Tatiana A view from the past
Nombre de messages : 14362 Age : 39 Localisation : Quelque part dans l'Angleterre du XIXe... Date d'inscription : 26/02/2010
| Sujet: Re: Jeu littéraire pour chasser les idées noires Ven 5 Juin - 12:35 | |
| D'un nouveau roman sur Mary Bennet _________________ |
| | | clinchamps Oshaberi Sensei
Nombre de messages : 72654 Age : 81 Localisation : Dans les bois du Fushimi Inari-taïsha Date d'inscription : 09/01/2007
| Sujet: Re: Jeu littéraire pour chasser les idées noires Ven 5 Juin - 13:02 | |
| Sihaya est très jeune, peut-être que c'est quelqu'un qui l'a désinscrite... tous les parents ne comprennent pas les liens sur internet, mais je dis ça... Bon vous avez tout : la cogitation ET le texte finalisé ! - Citation :
- Houppelande… Qu’est-ce que tu veux faire avec ça à part mettre un berger dedans!! Bon, on dira qu’il est vieux et qu’il a un air austère, ça fait deux… Voler… le vent du plateau fait voler le fameux manteau… Des grains de poussière lui pique le visage…et tant qu’on y est le vent murmure à ses oreilles le chant du monde… et de cinq ! Pas mal, ça, ça fait très Giono…Feuille … on va lui faire rouler une cigarette , tabac dans une feuille de papier… Mais il y a trop de vent, ça ne colle pas ! Allons-y pour le cliché : les feuilles d’automne tourbillonnent autour de sa haute silhouette… les pourchassent vers la souricière des blocs de granites aux lichens d’or éclatant !
résumons :
Sur le bord du plateau, le vieux berger se tient en vigie, le vent fait voler sa rude houppelande, et lui murmure à l’oreille le chant du monde. Il pousse le tourbillon des feuilles sèches vers la souricière des hauts rocs de granite aux lichens d’un or éclatant, où elle s’accumuleront et pourriront, humus de futurs printemps. L’homme est droit, face à lui, son visage austère indifférent à la piqûre des grains de sable et des brindilles, ne voyant que le rude paysage qui est sa vie et son sang. Vos textes sont superbes, mais pourquoi cette noirceur qui semble inévitable (tu comprends pourquoi, Lily, j'ai vu du sang dans ton précédent texte ) L'ami, c'est superbe, puissant comme un coup dans le plexus, Lily, que de cruauté même si l'image des yeux dans le sous-bois est superbe, Rosalind, encore une victime, même si l'angoisse est palpable dans ton écriture... je vous conseille fortement d'aller en courant voir un psy !! J'ai essayé d'alléger l'atmosphère, c'est pas rigolo mais au moins personne n'est mort ! |
| | | L'Ami Ready for a strike!
Nombre de messages : 1125 Date d'inscription : 21/04/2020
| Sujet: Re: Jeu littéraire pour chasser les idées noires Ven 5 Juin - 13:20 | |
| - Clinchamps a écrit:
- L'ami, c'est superbe, puissant comme un coup dans le plexus
Merci Clinchamps. mais, je confesse, j'ai une longue pratique du tatami où le "chacra" du plexus est souvent une cible redoutable |
| | | Rosalind Ice and Fire Wanderer
Nombre de messages : 17039 Age : 74 Localisation : entre Rohan et Ruatha ... Date d'inscription : 17/04/2008
| Sujet: Re: Jeu littéraire pour chasser les idées noires Ven 5 Juin - 13:26 | |
| Magnifique texte Clinchamps tu as écrit ce que j'aurais voulu écrire - clinchamps a écrit:
- Rosalind, encore une victime, même si l'angoisse est palpable dans ton écriture...
Euhh non, pas vraiment. Je reconnais avoir laissé planer le doute, volontairement. Mais je pensais que toi tu aurais reconnu |
| | | Lily of the valley Sherlock's Blue Scarf
Nombre de messages : 9788 Age : 55 Localisation : Pile entre Honoré (de B) et George (S)... Date d'inscription : 29/06/2012
| Sujet: Re: Jeu littéraire pour chasser les idées noires Ven 5 Juin - 13:53 | |
| Rosalind, ça me fait penser à l'exécution de Milady... Ton texte est très drôle et son intro très amusante, Clinchamps, mais pourquoi dis-tu que mon texte est cruel ? Je n'y vois pas de cruauté. Je vois les meneurs de loups comme des personnages d'une grande noblesse et ici je l'ai volontairement confronté à un couple de petits bergers mesquins, superstitieux et avides. Il ne leur fera rien, juste une petite frayeur, avant de s'occuper des soit-disant loups qui volent le grain . Souvent on faisait appel aux meneux de loups pour se débarrasser d'un loup solitaire qui attaquait les troupeaux même si ces hommes étaient craints car on les pensait liés aux forces surnaturelles et au diable. Ils étaient d'ailleurs souvent assimilés aux loups-garous. Bref, chez moi, personne ne meurt non plus ! à part un ou deux moutons. |
| | | Rosalind Ice and Fire Wanderer
Nombre de messages : 17039 Age : 74 Localisation : entre Rohan et Ruatha ... Date d'inscription : 17/04/2008
| Sujet: Re: Jeu littéraire pour chasser les idées noires Ven 5 Juin - 17:37 | |
| Lily ça me rassure que quelqu'un ait reconnu Merci pour les informations sur les meneux de loups. Je connaissais les légendes de la région berrichonne (George Sand ). J'ai été étonnée de lire sur wikipedia que les meneurs de loups étaient mentionnés dans d'autres régions comme le Languedoc ou la Catalogne |
| | | Lily of the valley Sherlock's Blue Scarf
Nombre de messages : 9788 Age : 55 Localisation : Pile entre Honoré (de B) et George (S)... Date d'inscription : 29/06/2012
| Sujet: Re: Jeu littéraire pour chasser les idées noires Ven 5 Juin - 18:21 | |
| J'ai bien aimé la façon que tu as eue de montrer sa vulnérabilité même si elle a passé sa vie à faire des horreurs, c'est malgré tout une victime... comme tous les criminels finalement... |
| | | Ysabelle Stardust Reveries
Nombre de messages : 36568 Localisation : Quelque part entre l'orient et l'occident Date d'inscription : 07/05/2010
| Sujet: Re: Jeu littéraire pour chasser les idées noires Ven 5 Juin - 18:31 | |
| Belles et intéressantes discussions sur les bergers le loup et la belette En fait, nous avons jusqu'à quelle heure? Je suis en retard, car j'ai eu une journée rude! Je déteste les réunions, surtout en Zoom |
| | | Elianor Eclectic spirit
Nombre de messages : 5721 Localisation : Ici ou là-bas, un livre dans les mains... Date d'inscription : 28/05/2011
| Sujet: Re: Jeu littéraire pour chasser les idées noires Ven 5 Juin - 18:43 | |
| Ysabelle, je crois qu'on a jusqu'à 20h J'ai moi aussi eu une rude journée, mais j'ai quand même réussi à griffonner un petit texte dans les transports en commun Il tremblait comme une feuille, malgré la houppelande chaude qu'il avait volé dans une ferme. Enfermé dans l' austère grenier à grains, il lui semblait que le vent, tantôt murmure, tantôt tumulte éclatant s'infiltrait dans la moindre petite fente, le glaçant jusqu'aux os. Tout semblait contre lui. Il se sentait comme pris au piège dans une souricière. |
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| Sujet: Re: Jeu littéraire pour chasser les idées noires | |
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| | | | Jeu littéraire pour chasser les idées noires | |
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