Les Rougon-Macquart : Au bonheur des dames

Bonne lecture, Janéite
N'hésite pas à nous donner tes impressions au fur et à mesure ! (et aussi sur The Paradise, dans le topic mis en lien par Cassandre)

Bonne lecture Janéite. Tu verras que "l'adaptation" n'est pas au final pas très fidèle au roman. La série "The Musketeers" est inspirée des personnages des "Trois Mousquetaires". The Paradise c'est aussi ça

Comme à chaque fois que ma vie agitée me fait un peu perdre la tête et le moral , je rejette un petit oeil du côté d'Au bonheur des dames. C'est amusant comme ce texte et cette histoire sont un peu des bases de moi-même.

Hier soir, j'ai donc re-regardé le film des années 40, de André Cayatte, avec Michel Simon, Albert Préjean, et Blanchette Brunoy, que je n'avais pas vu depuis très longtemps. J'ai passé un bon moment, j'en viens à adorer les défauts de ce film, moins décevant que dans mon souvenir. C'est une adaptation un peu libre du roman, un peu trop gaie à mon avis, mais qui essaye bien de montrer la satisfaction apportée par le "progrès" d'un côté, et les destructions que le "progrès" apporte de l'autre.

Dans le film, Baudu finit plus mal que dans le roman (il prend à moitié le rôle de Bourras, le marchand de parapluies dont la maison est physiquement avalée par le grand magasin ; et il a en plus un rôle de fossoyeur du petit commerce, en incitant tous ses collègues de la rue à prendre les armes contre Mouret). Mais heureusement que cet aspect sombre et tragique est maintenu, parce que pour le reste, le film est un peu gai. La difficulté des conditions de travail des vendeuses du Bonheur est mentionnée, mais on n'en voit pas la couleur (les vendeuses ont des chambres bien grandes, des sourires jusqu'aux oreilles et de l'enthousiasme ). Mouret est dès le début du côté de ses employés. Denise est sûre d'elle en diable, elle est née pour décider , elle est charmante, elle est pure, mais on ne peut pas dire qu'elle connaisse la moindre évolution.

Je serais curieuse de revoir une adaptation du roman aujourd'hui. Il y a dans le roman un message d'acceptation presque confiante du progrès... je me demande si Zola dirait la même chose aujourd'hui, alors qu'il devient clair que la satisfaction du client ne peut plus être le critère numéro 1. Le mot de la fin, crié par Baudu, est l'avertissement lancé à Mouret "un jour un autre Mouret vous fera tomber". En y réfléchissant, nous y sommes peut-être venus, mais il aura fallu attendre internet et les grands géants, comme Amazon, c'est à dire environ 150 ans ! Et encore, ce n'est pas fait, et c'est une guerre commerciale plus insidieuse qui se mène, et qui englobe beaucoup d'autres sujets que le commerce (la consommation de masse, la collecte de data, l'affaiblissement du politique...) donc il est bien difficile d'en prédire l'issue.

En tout cas, ce film assez propret reste agréable. Et je suis toujours soufflée par l'accent parisien des acteurs. Mouret qui dit à Denise "Décidément, vous m'plaisez bôcoup !" Et la meilleure réplique reste à Denise : "Il y a un homme dans votre vie ?" demande Mouret, elle lui répond du tac au tac "Non mais il y a beaucoup trop de femmes dans la vôtre". J'adore la voix chaude de Blanchette Brunoy.

Il n'y a pas à dire, quand je me perds en chemin, je relis et revois Denise, et elle me recentre sur ce qui est important pour moi.

J'ai pris beaucoup de plaisir à lire ton texte Annwvyn, de te lire partager ce qu'évoquent ce roman et cette adaptation pour toi, de même que tes réflexions sur le progrès et l'évolution du commerce.  

Ce roman fait aussi partie de ceux que j'ai plaisir à relire régulièrement (relu encore cette année, au printemps). Je n'avais d'ailleurs pas pris conscience avant cette énième relecture combien de temps s'était étirée la relation entre Denise et Octave Mouret. C'est en faisant attention à l'âge de son plus jeune frère à la fin du roman que je me suis rendue compte que du temps avait filé...  

Enfin bref, je ne connais pas d'adaptation de ce roman, ton post donne envie de découvrir celle-là, malgré les libertés et le ton choisis.  
Et je suis d'accord avec toi, avec l'avènement des géants du net, la poussée des centres commerciaux en périphérie des moyennes et grandes villes et la mort des petits commerces des centres-villes de taille moyenne, il y aurait encore beaucoup à raconter de nos jours! Et je serais aussi curieuse de savoir ce que Zola en aurait pensé...

J'adore    la réplique du film que tu cites:

Annwvyn a écrit:

Et la meilleure réplique reste à Denise : "Il y a un homme dans votre vie ?" demande Mouret, elle lui répond du tac au tac "Non mais il y a beaucoup trop de femmes dans la vôtre".

PS: Je traverse aussi une période tumultueuse de ma vie et repenser à Denise me fera du bien pour garder foi en ma force de me relever et avancer. Ton post tombe à pic pour me remonter, merci Annwvyn!

De rien Vavyala ! Bon courage pour les moments difficiles que tu traverses.

Je suis heureuse de trouver en toi une nouvelle lectrice assidue d'Au bonheur des dames. Sur le sujet, je suis intarissable. Ce roman a longtemps été mon préféré (l'est-il encore ? Peut-être !), et je reste passionnée par le sujet des grands magasins. Je crois aussi que jamais une écriture m'aura autant marquée, et influencée malgré moi que celle de Zola dans ce roman (disons que je l'ai lu et feuilleté tellement de fois que je pique des tournures de phrases à Zola sans toujours le réaliser ). A présent, certaine lambtonienne me surnomme même Denise...

J'avais cherché dans les notes de Zola pour savoir les dates exactes de début et de fin de l'action dans le roman, je l'ai noté quelque part je te les redonnerai. Effectivement, il se passe 4 ou 5 ans. De mémoire, Denise passe de 20 à 25 ans, et Octave Mouret finit vers 28-29 ans. Si jeune ! Et nous sommes dans les années 1850 (mais il faut que je le vérifie).

Concernant les adaptations, si on laisse de côté le très acidulé The Paradise (deux saisons made by BBC) qui n'a plus grand chose à voir (sur le sujet, mieux vaut regarder Mr Selfridge de ITV), il y en a deux :
* Une qui date des années 30, de Duvivier (qui a également réalisé Pot Bouille, avec Gérard Philipe dans le rôle de Mouret, des années plus tard). Celle-ci est muette et transposée dans les années 1920, mais j'ai trouvé que c'était la plus fidèle à l'esprit du roman.
* L'autre qui est celle de Cayatte dont j'ai parlé plus haut.

Je ne désespère pas d'avoir un jour une adaptation vraiment fidèle au roman et qui soit à sa hauteur, mais j'ai peur que ça n'intéresse pas tellement les scénaristes et réalisateurs français. Je n'exclus pas un jour de l'écrire moi-même. Dernièrement, une pièce de théâtre a été montée (on en parle page précédente), et je crois qu'une série italienne est en cours (mais à mon avis c'est plutôt un soap, et puis impossible de mettre la main dessus ! ).

Merci Annwvyn pour les encouragements!

J'ai lu peu de romans de Zola, c'est mon préféré (et un de mes livres préférés tous auteurs confondus) car ce qui s'y passe de mauvais reste supportable pour mes sentiments (pour les autres Zola que j'ai lu, les histoires sont magistralement bien écrites, mais quand je réalise que ça dépeint le réel de certains de cette époque, ça me brise et je suis incapable de relire les romans après).
De plus, je trouve qu'il décrit avec beaucoup de documentation en amont et compréhension le monde du commerce, certaines des descriptions des techniques de vente sont toujours valables de nos jours (comme appâter l'acheteur par de la marchandise bradée pour l'encourager à entrer dans le site, réel ou virtuel, et prendre d'autres choses en passant, le principe des livraisons, le "satisfait ou remboursé" etc...).
Et j'aime beaucoup la force de personnalité de Denise, elle ne cède pas à la facilité pour construire sa vie solidement!  

Annwvyn a écrit:

J'avais cherché dans les notes de Zola pour savoir les dates exactes de début et de fin de l'action dans le roman, je l'ai noté quelque part je te les redonnerai. Effectivement, il se passe 4 ou 5 ans. De mémoire, Denise passe de 20 à 25 ans, et Octave Mouret finit vers 28-29 ans. Si jeune ! Et nous sommes dans les années 1850 (mais il faut que je le vérifie).

Si tu as une chronologie, je suis preneuse!
Je me souvenais qu'au moment où Denise se balade avec son plus jeune frère (dans un jardin public au crépuscule, et qu'elle y croise Octave Mouret), il était tout jeunot, il devait avoir autour de 5 ans, non? (une de mes scènes préférées du roman   )
Et à ma relecture de printemps, j'ai remarqué un détail auquel je n'avais jamais fait attention. Quand à la fin du roman, les 2 frères passent voir Denise au grand magasin pour y faire des achats, le plus jeune est adolescent. Mentalement, j'avais enregistré qu'il avait autour de la quinzaine d'années, mais je me trompe peut-être, entre ce que je lis et ce que j'encode dans ma mémoire, il y a des biais...    Du coup, je me suis dit qu'Octave Mouret avait été constant pour que son sentiment reste vivace après 10 ans avec peu d'encouragements!
Tu maitrises mieux le roman que moi et a une meilleure mémoire, je pense. Donc tu me diras ce que tu en penses!

Annwvyn a écrit:

Concernant les adaptations, si on laisse de côté le très acidulé The Paradise (deux saisons made by BBC) qui n'a plus grand chose à voir (sur le sujet, mieux vaut regarder Mr Selfridge de ITV), il y en a deux :
* Une qui date des années 30, de Duvivier (qui a également réalisé Pot Bouille, avec Gérard Philipe dans le rôle de Mouret, des années plus tard). Celle-ci est muette et transposée dans les années 1920, mais j'ai trouvé que c'était la plus fidèle à l'esprit du roman.
* L'autre qui est celle de Cayatte dont j'ai parlé plus haut.

Je ne désespère pas d'avoir un jour une adaptation vraiment fidèle au roman et qui soit à sa hauteur, mais j'ai peur que ça n'intéresse pas tellement les scénaristes et réalisateurs français. Je n'exclus pas un jour de l'écrire moi-même. Dernièrement, une pièce de théâtre a été montée (on en parle page précédente), et je crois qu'une série italienne est en cours (mais à mon avis c'est plutôt un soap, et puis impossible de mettre la main dessus ! ).

Merci pour les infos!
Et oui, si ça te plairait d'écrire une adaptation, on peut être mieux servi par soi-même!

Merci pour ce très beau commentaire sur ABDD, Annwvyn ! Je partage tes impressions au sujet de ce roman qui occupe aussi une place importante dans ma vie et dans mes lectures

J'ai eu la chance de voir avant-hier soir une représentation d'Au bonheur des dames au petit théâtre du Guichet Montparnasse à Paris (sur 70 places, nous n'étions que 8 personnes). Il s'agit d'un "seule-en-scène", la comédienne Pascale Bouillon a adapté le roman pour le raconter en une heure et demi, elle a repris une bonne partie des dialogues... pour lesquels, elle interprète tous les personnages !

Octave Mouret au salon avec ces dames (si reconnaissable...):

L'histoire est racontée à la première personne par Denise, mais tous les autres personnages sont bien présents et parlent comme s'il y avait toute une troupe de comédiens. J'ai trouvé que la comédienne était très convaincante dans cette mise en scène assez sportive (elle met un chapeau, parle comme un personnage, puis retire le chapeau, et répond dans la peau d'un autre, avec une nouvelle intonation et une nouvelle personnalité). Le jeu sur les chapeaux est bien trouvé, et les chapeaux sont si bien choisis qu'avant même de voir la pièce, rien qu'en regardant des images sur internet, j'identifiais qui était qui voire même de quelle scène il s'agissait. Denise est la seule tête nue, et Mouret a un haut-de-forme brun-gris avec une petite plume rouge sur le côté.

C'est un bon travail d'adaptation, qui colle au texte (la lumière s'éteint entre chaque scène, et je suis presque certaine que c'est à chaque fin de chapitre), les mots sont ceux de Zola, et la musique entre chaque scène rappelle la bande originale de Downton Abbey. La part belle est faite au magasin et aux grandes ventes de Mouret, mais les dialogues Mouret-Denise sont aussi bien là (avec le risque qu'ils soient parfois un peu naïfs ), ainsi que toute la brutalité des méthodes commerciales du Bonheur, et la destruction du petit commerce (même si sur ce dernier point, inévitablement, ça finit par passer au second plan).

C'était donc absolument charmant, quoiqu'un peu classique et manquant un peu du côté tourbillonnant et sensuel du roman (l'actrice fait néanmoins de son mieux pour l'insuffler). Le petit public que nous étions a été séduit, un monsieur s'est exclamé à la fin (après avoir beaucoup ri) : "c'était formidable, bien mieux que ce à quoi je m'attendais, merci beaucoup et bravo !".

Merci pour le partage, Annwyn Vous avez de la chance à Paris, de pouvoir assister à de telles représentations J'aurais adoré y être

Ce parti-pris doit être intéressant, en effet. Je n'ose imaginer la difficulté à incarner tous les personnages pour les rendre crédibles, et le pari semble gagné ici . J'espère pour la comédienne que la salle sera mieux remplie lors des prochaines représentations, jouer devant une salle aux trois-quart vide doit être assez démoralisant - même si le tout petit effectif que vous étiez a été conquis.

Merci pour ce beau compte-rendu, Annwvyn ! Quelle jolie expérience, ce devait être !

Oui, les amies, je suis chanceuse ! Et donc après vérification, les musiques de la pièce sont bien issues de la BO de Downton Abbey. Tout est lié !

Tatiana, j'ai un peu d'espoir pour la pièce, il s'agit en effet d'une reprise suite au succès qu'elle avait connu début 2020 (petite salle mais salle comble et critiques conquises sur Billet Réduc . Malheureusement, le covid est passé par là et c'est un peu la crise pour les petites salles au théâtre. Les grands théâtres publics (Comédie française et Odéon en tête) et les grands noms (Alexis Michalik, et d'autres) remplissent les salles, mais pour les petits théâtres privés, c'est une autre affaire. Les habitudes des Parisiens ont changé.

Merci pour ton retour Annwvyn! Cette actrice semble avoir fait un tour de force d'interpréter à elle seule le roman et une bonne partie des personnages.
Comme Tatiana, j'espère que ses prochaines dates rempliront plus la salle.

Je viens de découvrir ceci qui a l'air trèèèès prometteur ! Il s'agit d'une pièce de théâtre immersive, à la manière des anglo-saxons, qui fera revire le roman Au Bonheur des dames ainsi que l'histoire du Bon Marché, la nuit, dans les locaux même du Bon Marché. Autant dire que ça m'a l'air d'être quelque chose de très féérique, et j'aimerais avoir l'occasion d'y aller. Il semble que ce soit pour fêter les 170 ans du Bon Marché Rive Gauche, et qu'il y ait une sorte d'enquête policière à résoudre.

C'est du 2 septembre au 30 décembre 2022, on peut d'ores et déjà réserver. Seul gros bémol, le prix de 75 euros qui exige un spectacle à la hauteur.

Effectivement j'en ai entendu parler à Fce Inter, ou plutôt ça a été mentionné, il n'y avait pas encore de détails ! L'idée de faire ça dans le magasin m'a parue très intéressante !

Quel beau projet !! Il me donne envie d'aller à Paris, mais il est vrai que le prix de l'exposition est élevé donc à voir en fonction de la qualité du spectacle !

Effectivement, c'est très tentant

Je viens de replonger avec délice et bonheur dans ce chef d'œuvre qu'est Au Bonheur des dames, roman qui occupe toujours depuis 10 ans la troisième place de mes romans favoris
J'ai ressenti les mêmes émotions qui m'avaient assaillie à l'époque, ai de nouveau succombé au charme d'Octave (qui décidément est un personnage qui me marquera à vie ), admiré le courage, la dignité et la gentillesse de Denise , vibré devant leur magnifique histoire d'amour (je ne me lasserai jamais de certaines scènes parmi les plus romantiques qu'il m'ait été donné de lire ), tout en étant impressionnée par le talent de conteur d'Emile Zola dont les expressions sont d'un tel réalisme qu'il est facile de s'imaginer la scène par sa seule description.
Enfin, la mort du petit commerce et le triomphe des grands magasins -Au Bonheur des dames en tête- sont toujours aussi forts en particulier par le biais du destin de Geneviève, Mme Baudu ou encore Robineau.
En bref, une relecture qui, au même titre que celle de Jane Eyre, m'a éblouie et permis de découvrir d'autres aspects de l'histoire !

J'avais adoré cette lecture aussi je me souviens encore de la description des tissus tellement imagée que j'avais l'impression de les toucher Tu me donnes envie de le relire

Ravie que ta lecture t'ait autant plu Juliette !

Je suis contente que cette relecture t'ai apporté de nouveaux éclairages, Juliette ! je ne savais pas que ce livre était dans ton top 3 

Comme toi Juliette ! Je l'ai lu et relu et je suis certaine que je le relirai encore. C'est un amour à vie.

Les filles !    

Petit Faucon a écrit:

je ne savais pas que ce livre était dans ton top 3 

Aucun autre roman n'est venu détrôner Orgueil et Préjugés, Jane Eyre et Au Bonheur des dames pour l'instant

Tu me donnes aussi très envie de relire ce magnifique roman, Juliette, ne serait-ce que pour les passages descriptifs du magasin, auxquels je suis peu sensible en général, mais avec Emile je suis perdue  .

Annwvyn a écrit:

Je viens de découvrir ceci qui a l'air trèèèès prometteur !

J'ai eu la surprise de voir une grande affiche en plein centre-ville d'Angers . C'était il y a une bonne dizaine de jours, je ne sais pas si elle y est toujours, quoiqu'il en soit la promotion est élargie à la province .