Et si on allait au ciné?

1977. Stella entre en sixième, dans un grand lycée parisien.
Stella entre dans le monde...
Un nouveau monde, à l'opposé de celui qu'elle connaît.
Presque un miracle.
Elle, elle vit dans un café, un café d'ouvrier, à la frontière de Paris.
Cette rentrée va changer sa vie.

Certains films, sous une apparence de simplicité et de modestie, recèlent des trésors d'authenticité et de sensibilité assez inoüis. Stella en fait incontestablement partie. Je crois pouvoir dire que c'est l'un des plus beaux portraits de fillette/jeune fille qui m'ait été donnée de voir depuis bien longtemps. J'ai été absolument conquise par cette chronique douce-amère de l'entrée dans l'adolescence de la petite Stella, issue d'un milieu difficile.
Sous le regard de Sylvie Verheyde, qui signe ici son 4ème long-métrage, le film offre un cadre nouveau aux récits sur l'enfance. Il ne se contente pas de livrer de jolies scènes, il se démarque car il se focalise sur son héroïne, nous place à la même hauteur qu'elle et nous plonge ainsi au coeur même de ses émotions, de ses impressions, de ses interrogations, de ses troubles et de ses espoirs.
Stella agit presque comme une petite madeleine de Proust. L'ambiance seventies est très joliment restituée. Les morceaux de la bande son parviennent sans mal à donner le ton.
Stella est aussi un film fait de paradoxes et de parallèles. Le jeune fille est comme tiraillée entre deux univers qui n'ont presque rien en commun, celui de son collège huppé du 16ème arrondissement de Paris (où elle tente tant bien que mal de trouver la place qui est la sienne) et celui du café de ses parents, lieu d'esclandre, âpre, dur, violent (auquel elle semble être habituée depuis sa plus tendre enfance).
En la personne de sa nouvelle meilleure amie, la très attachante Gladys, qui est dans la même classe qu'elle et évolue dans un milieu différent (elle est la fille d'intellectuels argentins), Stella découvre les délices de l'amitié. A son contact, elle s'ouvre un peu plus au monde, et surtout réapprend à lire. Grâce à elle, elle découvre des auteurs tels que Balzac, Marguerite Duras. Elle en vient même à acheter un livre de Cocteau avec son argent de poche.
Stella est un film plein de pudeur et de délicatesse. Son interprète principale, la jeune Léora Barbara est époustouflante. Sa fraîcheur, son naturel, qui transparaissent aisément à l'écran, sont un vrai ravissement. Les autres acteurs ne sont pas en reste, je pense notamment à la superbe prestation de Karole Rocher qui interprète une maman maladroite, et au comportement parfois un peu répréhensible, mais néanmoins lucide et touchante.
En bref, il s'agit d'un formidable portrait de jeune fille tentant tant bien que mal de s'extraire de la misère sociale et culturelle qui semble être son lot quotidien. Une oeuvre d'une sincérité et d'un réalisme plus que touchants, à voir de toute urgence !