[Jeu] Le cadavre exquis du capitaine Wentworth

Génial, qu'est-ce que je m'amuse, vraiment, c'est génial. et ton prochain personnage c'est une femme, ou un homme Clinchamps

Un homme, bien sûr !!
Voilà un peu de la suite :

Citation :

« Mon cher Frédérick, j’aurais un service à vous demander, si cela ne vous dérange pas », déclara Agnès Wentworth en passant sa tasse de thé à son beau-frère, un matin de Décembre. « Nous approchons de Noël, je suis en retard dans mes préparatifs, mon poudding de Noël est loin d’être prêt et j’avais promis à Agatha Summers de lui prêter mon livre" la Dame".Auriez-vous la grande bonté de le lui apporter de ma part ? »
- Avec le plus grand plaisir, Agnès ! j’irai cet après-midi, je serai certainement rentré pour le thé. »
- Oh ! Je suis bien sûr que MrsSummers vous gardera ! «
À cet instant la servante entra dans la salle à manger portant le courrier sur un plateau d’argent. Edward le lui prit et, parcourant rapidement les adresses, s’écria :
« - Ma chère Agnès, je crois bien que voici une lettre de votre frère Jérémy ! N’est-ce pas la réponse que vous attendiez ?
- Sans doute, » répondit Mrs Wentworth en décachetant le pli.
Puis, après l’avoir rapidement parcouru des yeux, elle s’écria joyeusement :
- « Il vient, mon cher Edward, Jérémy a récupéré suffisamment l’usage de son bras pour pouvoir venir passer Noël avec nous ! »
Remarquant alors l’air un peu surpris du capitaine, elle ajouta :
« -Mon frère Jérémy Norton, qui seconde mon père dans l’exploitation de notre domaine, a fait une chute de cheval et s’est brisé le bras droit. Ne pouvant se rendre utile, il tournait comme un ours en cage, et j’ai proposé qu’il vienne chez nous, où votre compagnie, cher Frédérick, lui sera une distraction, et où le temps lui semblera passer plus vite ! Vous pourrez lui raconter vos exploits en mer, et vous verrez, c’est un joyeux compagnon, il vous plaira ! »
Le capitaine ne pouvait qu’acquiescer, tout en redoutant un peu de servir de tuteur à un jeune homme rendu grognon par son invalidité momentanée. Il se permit de questionner :
« - C’est, je suppose le benjamin de la famille ?
- Pas du tout ! C’est l’aîné, il a tout juste votre âge, cher Frédérick, »répondit Agnés en souriant. Vous verrez, il vous plaira, » ajoutat-elle avec une pincée de malice car elle avait deviné les réticences de son beau-frère. « je n’aurais pas pris le risque de vous infliger une compagnie désagréable durant votre visite à votre frère ».
- J’en suis persuadé, Agnès, répondit, en rougissant légèrement, Frédérick.
Il se fit la remarque que, soit Agnès possédait le don de lire dans les pensées, soit il dissimulait bien mal les siennes ! Manque d’habitude sans doute, se dit-il, mais il commençait à penser que les femmes étaient plus fines et intuitives qu’il l’avait toujours cru, mais il n’avait jamais vraiment pris le temps d’en faire le constat. Il avait la sensation qu’un univers inconnu s’ouvrait peut-être à lui. Cela ramena sa pensée à miss Agatha ; il était assez content de pouvoir avoir l’occasion de poursuivre la conversation de l’autre fois. Ils ne s’étaient pas revus dans les conditions de pouvoir le faire depuis leur promenade, et il espérait bien que la demande de sa belle-sœur allait lui en donner l’occasion. Il avait compris tout de suite les projets que son frère et elle avait conçus pour lui et miss Agatha, et il souriait intérieurement à l’idée qu’Agnès, toute intuitive qu’elle pût être, avait trouvé un bien pauvre prétexte pour l’envoyer chez Agatha, et que, si il y allait avec plaisir, c’était pour une toute autre raison !! Oui, parler avec la jeune fille l’aiderait, parce qu’il sentait bien que, dans le domainre maritime, il était capitaine, mais que pour le domaine du cœur, il n’était que moussaillon !

Citation :

dans le domaine maritime, il était capitaine, mais que pour le domaine du cœur, il n’était que moussaillon !

je commence a avoir vraiment pitié de lui Clinchamps et alors, Jeremy, tu t'arrête au bon moment, et alors, après....... c'est comment.... ?

Oui, s'arrêter là, c'est nous mettre sur le grill

Un petit bout histoire de faire arriver le frère... j'entrevois bien des possibilités.

Citation :

Frédérick Wentworth chargé de son léger prétexte souhaita la bonne journée à sa belle soeur et sortit dans l'air froid. Il pataugea allègrement dans la neige sale qui jonchait les rues du village. Il était aujourd'hui de meilleure humeur que depuis bien des jours. En effet, une lettre du Capitaine Harville, vieille de plusieurs jours, lui était parvenue le matin même. Les nouvelles de Louise étaient encourageantes. Elle se remettait doucement mais l'on constatait régulièrement du mieux et... surtout, elle n'avait pas une seule fois mentionné son nom depuis son retour à la conscience.

Il s'était senti tellement soulagé de lire ce détail, certainement donné à dessein par Harville que sa femme, à n'en pas douter, avait mis au courant de leur dernière conversation. Ce brave et bon Harville, Wentworth s'en voulut aussitôt de ne penser qu'à lui-même et accorda une pensée émue à son bon camarade.

Son esprit dériva jusqu'aux jours de mer qu'ils avaient affrontés ensemble. Dieu sait si sans Harville, il n'aurait même jamais pu connaître l'hiver du Shropshire, son humidité et ses fondrières glacées. "Allons, Wentworth, tu ne vas tout de même pas regretter ce qu'Harville a fait pour toi, pensa-t-il en posant malencontreusement sa botte sur une flaque gelée. Il ne pouvait pas savoir... Sacré nom de...!". Il récupéra de peu son équilibre chancelant, s'obligea à regarder où il mettait les pieds et, chaloupant comme un vieux loup de mer entre verglas et neige, accosta sans encombre chez les Summers.

Une servante maigre mais dignement vêtue (pour changer des accortes^^) lui ouvrit aussitôt et le précéda dans un salon confortable. Miss Agatha se leva, l'accueillant d'un sourire rayonnant.

je l'aurai bien vu faire un grand splaaassshhh ! notre capitaine
....... mais non je ne suis par un bourreau une bourrelle juste un peu malicieuse

Citation :

Une servante maigre mais dignement vêtue (pour changer des accortes^^)

c'est vrai, il devait bien y avoir ce genre là aussi !

et alors, et alors, qu'est-ce qui se passe ensuite, je grille toujours moâ

Arghh, tu es vraiment Lucky Clochette, tu tires plus vite que ton ombre ! J'ai du m'interrompre pour aller faire signer un armistice et fumer le calumet de la paix dans la chambre des enfants. Je pensais revenir pour continuer mon post, ni vue ni connue mais c'est complètement raté... Je ne te laisse pas languir trop longtemps... promis (sauf si Clinchamps passe par là et nous fait une belle passe arrière liftée).
J'ai hésité à lui faire faire splash ou alors le coup du pied dans l'eau glacée mais il n'aurait plus été présentable le beau capitaine... et j'ai bien senti que c'était beaucoup trop de suspens pour tes pauvres nerfs

Citation :

le coup du pied dans l'eau glacée

il aurait fait fondre Miss Agatha

pauvres petits, il ne faut pas les abandonner pour Wenworth je peux attendre

Merci à vous trois, j'adore .

C'est un vrai plaisir de vous lire et l'histoire dans l'histoire semble si naturelle et tellement réelle .

J'attends la suite avec impatience, "le Jeremy de Clinchamps" c'est pour miss Agatha ?

Une dernière remarque, très, très fort, les messages subliminaux glissés dans vos écrits, on y parle si souvent de thé que je m'en faire un ... . Caroline la lectrice des lectrices de Jane Austen

Là il est trop tard, mais c'est promis, demain - tout à l'heure - j'en rajoute un morceau (je l'ai bien en tête !! et C de Villemer a vu juste !!)

j'aime bien le prénom Jeremy Bons rêves Clinchamps

à toi aussi !!

Pendant ce temps,

Citation :

A Lyme, dans la bonbonnière qui servait de maison aux Harville et à Benwick, les nuits s’écoulaient enfin sereines, Louise dormait profondément, calmement, veillée par sa vieille et adorable nourrice, Mrs Pumkins, que Charles était allé chercher à Upercross. Son état s’améliorait, elle avait le droit de se lever et de marcher. Soutenue par son père et son frère, elle arpentait la chambre du lit à la fenêtre, de la fenêtre au fauteuil, et du fauteuil au lit. Faible, elle se fatiguait très vite, et elle épuisait toute la maisonnée.

Quelquefois, la lenteur de sa remise en forme la laissait dans une grande détresse. Subitement, son visage amaigri ruisselait de larmes silencieuses, abondantes. Dans ces moments de profonde détresse dûs à la fatigue, elle n’appréciait rien, sauf, les lectures du Capitaine Benwick. Il prit donc l’habitude de se tenir au garde à vous, devant la porte de sa chambre lors des séances de promenades obligatoires ordonnées par son thérapeute et dès que Charles Musgrove et son père sortaient, il s’installait dûment surveillé par Henriette, sur une chaise près de la tête du lit de Louise. Il essayait de prévenir, ou de contenir le déluge fatal, qui sourdait de ses immenses yeux bleus et s’efforçait de tempérer sa tristesse en lui racontant quelques anecdotes de son enfance, de sa jeunesse, ou de son premier embarquement comme lieutenant sur The Bee Hummingbird la première frégate du Capitaine Harville… Dès que les traits de la jeune fille se détendaient, il lui offrait une dragée, en n’omettant pas Henriette assise en face, qui s’ennuyait à mourir. Louise s’essuyait le visage, fermait à demi les paupières, et l’écoutait tout en laissant filtrer son regard vers son lecteur. Celui-ci, tout à sa lecture, ne s’apercevait de rien.

Elle avait trouvé en Benwick, un lecteur passionné, assidu, un homme très agréable, aux manières timides mais courtoises. Il était érudit, drôle, et ce qui ne gâchait rien, assez joli garçon, de taille moyenne très élégante. Cela la changeait agréablement des hommes de sa famille qui étaient larges longs et massifs, avec des voix rocailleuses donnant journellement l’impression de hurler. Autre étrangeté, il ne chassait pas, mais son père et ses frères n’étaient pas marins de la Royal Navy et ne lisaient pas aussi bien.

De toutes les voix masculines qu’elle connaissait, la sienne était une merveille dont elle ne lassait pas. Il possédait une « voix de caractère », ses intonations, l’inflexion mélodieuse de l’articulation même de ses phrases, l’entraînait dans une musique qui la ravissait. Cet homme là, pouvait rendre attrayante la lecture de l’almanach des lunes et du jardinage. Louise aimait sa voix, et cela devint pour elle une évidence : elle l’aimait.

Chaque après-midi, elle l’épiait, yeux mi-clos, silencieuse, attentive. Elle détaillait, son visage aux traits fins, ses yeux noisettes, sa bouche petite pour un homme, mais tellement bien ourlée. Une perfection, cette bouche, ronde et pulpeuse, alors que la sienne, était fine et plus grande, ce qui la désolait.

Un matin, elle surprit une conversation entre Marie et Henriette qui la laissa accablée.

- Pauvre Louise, elle a bien changée, sans ses rondeurs, elle a perdu beaucoup de sa beauté ! elle pleure sans cesse, rien ne la contente, sauf la lecture. Je suis fatiguée de faire le chaperon. La poésie de Walter Scott ou même celle tant prisée de Lord Byron m’endorment. Soupirait Henriette.

- Nous sommes bien méritantes, et en pure perte ! sa maladie la rend capricieuse et pénible, je ne la supporte plus rétorqua Marie. J’ai demandé à Charles de retourner à la maison. Je ne veux plus m’occuper d’un laideron grincheux et sans reconnaissance. J’ai des enfants qui m’attendent à la villa, pauvres petits, comme je dois leur manquer ! ils n’osent pas me réclamer par égard pour leur tante, mais je sais que je leur manque.

- C’est exactement ce dont j’ai envie, retourner à la maison ! Heureusement Charles Hayter me visite, sinon, je serais très malheureuse, la mer m’ennuie en cette saison. Tout est gris, humide, venteux et désert. La petite ville semble morte. Les boutiques, les maisons d’hôtes, les hôtels sont fermés. Notre meublé est exigu et avec notre nounou qui dort le jour pour mieux veiller Louise la nuit, je ne me sens guère à l’aise. A Uppercross, le château a le mérite d’être vaste.

Louise atterrée, prit son miroir, s’examina attentivement. Sa sœur et Marie avaient raison ! Elle était devenue en peu de temps, vieille, laide et sans autre espoir que le célibat. elle sombra dans une mélancolie profonde, rien ne pu atténuer sa désespérance. Elle repoussa avec violence toutes tentatives amicales de la part de ses hôtes, le capitaine Benwick fut interdit de lecture. Sa laideur était si repoussante, qu’elle n’avait d’autre issue que la mort. Elle refusa donc toute nourriture.. Interdite par cette décision brutale, Mrs Harville calma son petit monde, et expédia, le Capitaine Benwick chercher de toute urgence le Docteur Stamppers.

Personne ne sut ce qu’ils se dirent, mais, la visite du Docteur Stamppers fit le plus grand bien à Louise, après avoir fait quelques pas avec le médecin, celui-ci l’encouragea à progresser seule, ensuite elle consentit à se nourrir. Ses parents, ses amis respirèrent. Puis, il lui conseilla de se vêtir seule, elle n’était plus malade, mais en convalescence. L’hiver, était là, mais elle devait sortir dès que le temps le permettait. L’air vivifiant du bord de mer était souverain pour soigner sa mélancolie. C’était sa nouvelle ordonnance. Il s’installa devant le bureau et écrivit.

Citation :

Docteur Leonid Stamppers ------------------------------------------ ORDONNANCE
Brandstreet n°27
LYME

Miss Louise Musgrove

Miss Louise Musgrove, doit se lever et s’habiller seule, tous les matins. Se présenter à table pour les repas, à l’heure qui conviendra à Mrs Harville qui règle le rythme de la maison.

J’insiste sur le fait qu’elle doit continuer à se cultiver et écouter les lectures du Capitaine Benwick,

Enfin, j’ordonne à Miss Louise Musgrove de profiter au maximum du soleil d’hiver et de l’air vivifiant de Lyme. Les courtes promenades accompagnées pourront devenir plus longues dès qu’elle se sentira aguerrie physiquement.

Docteur Leonid Stamppers

Il sortit de la chambre, Louise rassérénée était allongée détendue. Il donna l’ordonnance à Mr et Mrs Musgrove et s'assit un instant pour deviser gaiement. Il conseilla vivement à Charles et Marie de regagner leur foyer. Son diagnostique était formel. Miss Louise devait simplement mener une vie calme en bord de mer. Il pensait que l’éloignement de sa famille lui serait bénéfique.

- Mrs Harville, accepteriez-vous, d’avoir la responsabilité de la guérison de Miss Louise chez vous tout le temps de sa convalescence ? vos amis, pourraient ainsi regagner Upercross. Décembre est là , leurs enfants vont bientôt revenir de pension et Miss Louise veillée la nuit par Mrs Pumkins et le jour par vous, n’a pas besoin d’autre soin qu’une vie calme et régulière. En cas de difficulté, j’arrive sur l’heure, et j’ai promis à notre jeune demoiselle de passer la voir chaque soir, pour planifier la journée du lendemain.

- Docteur Stamppers, Si Mrs et Mr Musgrove veulent bien me la confier, j’accepte avec grand plaisir, Miss Louise est une adorable jeune fille, et j’ai beaucoup de plaisir à aider de si charmants amis.

[right]

A bientôt,

Je m'en doutais mais, si vous en êtes d'accord, nous allons procurer quelques émotions à Miss Agatha en attendant...

Citation :

Agatha Summers avait tressailli en attendant le nom du visiteur. Il y avait plusieurs jours qu'elle ne l'avait vu, à vrai dire, depuis leur promenade à quatre sur la lande. Le mauvais temps qui avait sévi depuis suffisait à expliquer cette séparation, du moins c'était le raisonnement logique qu'elle tenait. "Mon dieu, ai-je vraiment employé le mot séparation, se dit-elle soudain. Je ne le connais que de quelques jours et je sais que de son côté, il...". Elle n'eut pas le temps d'aller plus loin. Il était là, devant elle, un livre à la main et s'inclinait poliment. Elle sourit.

"-Comment allez-vous Miss Agatha ? s'enquit-il. Je crains que vos promenades ne soient compromises par ce temps glacial. Arrivez-vous à supporter l'enfermement ?"

Elle le regarda, toujours souriant. Lors de leur première rencontre, elle avait apprécié, en aquarelliste accomplie, la beauté de ses traits. Elle percevait aujourd'hui le charme qu'il pouvait distiller et fut fâchée de devoir faire un effort pour ne pas se laisser troubler. "Comme une petite oie sentimentale" se tança-t-elle.

"- Avec courage et abnégation, puisque je n'y puis rien y changer, s'entendit-elle répondre. Et vous Capitaine, quel vent vous amène ? Voilà plusieurs jours que je n'avais pas eu le plaisir de votre compagnie. Mais asseyez-vous je vous en prie, vous ne pouvez être pressé.

Ils s’assirent, elle sur le sofa, lui dans une bergère en vis-à-vis. "Avait-elle vraiment dit cela ? Avait-elle essayé de le retenir ? Il va me trouver ridicule, songea-t-elle avec dépit".

- Je suis en mission, confessa-t-il en retour. Mon amiral, Mrs Agnès Wentworth, m'a chargée de conduire une cargaison à bon port. J'ai bravé la tempête, manqué m'échouer sur un glaçon au large du Groenland, mais me voici... et voici la Dame (R&S fut publié de manière anonyme en 1811NDLR) qui m'a accompagné."

Il lui tendit le livre.

"- C'est bien gentil à Mrs Wentworth d'avoir pensé à moi. J'avais très envie de lire ce roman dont on m'a dit beaucoup de bien. On m'en a recommandé le style et il paraît qu'un personnage féminin sort vraiment du lot, par sa force de caractère, sa patience et sa constance. Et vous savez, Capitaine, c'est si rare de voir une femme décrite sous ces traits dans les romans. Je n'en lis pas souvent mais je suis lasse des écervelées ou des ingénues. Il est rare que justice nous soit faite lorsque l'auteur est un homme."

Frederick Wentworth l'écoutait attentivement. N'ayant pas eu l'occasion de lire beaucoup de romans ni de les comparer aux originaux, il ne s'était jamais penché sur la vraisemblance des personnages féminins. Et la question lui sembla pourtant intéressante. Agatha se sentit rougir sous son regard et se tut. "Il faut te reprendre ma fille, se dit-elle. Ce regard ne doit pas être interprété comme une marque d'affection. Tu est un être rationnel, n'oublies pas."

"- Je n'y avais jamais songé, avoua le Capitaine Wentworth. Je crains de m'être montré superficiel. Il faudra peut-être que vous me passiez cet ouvrage quand vous l'aurez lu. Je crains cependant de n'être pas grand amateur de romans."

Ne voulant pour rien au monde le mettre mal à l'aise, Miss Summers, se souvint fort à propos de leur dernière conversation.

"- Capitaine, laissons-là la littérature. Vous souvenez-vous m'avoir promis la fin d'une conversation que nous avions entamée sur la lande ?

- Oui c'est vrai, nous parlions d'une jeune fille... enfin de..."

Brusquement agité, il se leva pour aller se placer devant l'âtre.

"- Oh Capitaine, je ne voulais pas vous forcer. Vous m'aviez parlé avec tant de confiance que je me suis crue autorisée à vous rappeler cette conversation.

- Ne vous inquiétez pas Miss Agatha, vous ne me gênez nullement. Je pensais simplement qu'elle aurait adoré parler de littérature avec vous et cette pensée me l'a rendue si proche... Je vous ai dit que je l'avais revue après notre... sa rupture. C'était il y a deux mois à peine. Je ne m'y attendais pas, je la croyais à Bath. Et elle s'est montrée si indifférente, je crois même qu'elle a cherché à m'éviter. Moi aussi je croyais pouvoir la voir sans trouble.

- Mais il n'en a pas été ainsi ?

- Non, la colère m'a submergé de nouveau. Le passé est remonté à la surface. Je ne sais pas pourquoi je vous parle de ça, je suis confus.

- Non, non, ne pensez pas à moi. J'ai l'impression que cela vous fait du bien. Vous êtes-vous donc quittés en mauvais termes de nouveau ?

- Pas du tout, elle est la douceur même, et puis, ma colère a disparu. Dans certaine circonstance...

Il s'interrompit. Il ne pouvait pas parler de Louise, ni de l'accident.

"-... dans certaines circonstances, reprit-il, je l'ai retrouvée telle qu'autrefois… mais aussi plus mûre et décidée. Depuis, je suis dans une grande confusion et une incertitude plus grande encore.

De nouveau, ils furent interrompus. Mrs Summers, considérant que le tête à tête avait atteint les limites que les convenances pouvaient imposer pour une première visite... et peut-être même un peu au-delà, fit son entrée en s'excusant d'avoir si longtemps négligé son visiteur. Il comprit parfaitement les obligations qu'entraînaient les préparatifs des fêtes de fin d'année pour une maîtresse de maison scrupuleuse et accepta volontiers son offre de thé.
Mrs Summers contempla avec satisfaction le teint légèrement coloré de sa fille et ses yeux brillants. Elle s'assit avec simplicité, étalant ses jupes avec soin sur le sofa à côté de sa fille et sonna la servante.

Le capitaine Wentworth reprit sa place dans la bergère et Miss Agatha remercia sa mère pour l'interruption. Frederick (avait-elle osé l'appeler ainsi ?) commençait à être un peu trop intéressant pour qu'elle reste longtemps seule avec lui.

Yop, to bed je relirai demain

Une petite suite :

Citation :

Mrs Summers avait entrepris de faire parler le capitaine de sa vie de marin, et Agatha, tout en étant présente, se retira un temps de la conversation, afin de se reprendre. Était-elle réellement roublée par la présence du capitaine ? Était-ce seulement dû à sa vie solitaire ? Il faudrait qu’elle fasse un sérieux examen de son cœur dans l’huis clos de sa chambre ! Mais, tout au fond, elle connaissait déjà la réponse ! Une exclamation de sa mère la tira de sa rêverie :

« - vraiment ! Quelle bonne nouvelle ! Entends-tu, Agatha ? Mr Jérémy Norton, le frère de Mrs Wentworth vient séjourner chez sa sœur ! Ce sera un plaisir de faire sa connaissance et d’élargir notre petit cercle ! »

Agatha acquiesça en souriant aimablement et se fit la réflexion que cet hiver allait certainement être mémorable ! Un nouveau jeune homme !! Le capitaine prit congé, et Agatha, rendue à la solitude du salon, retomba dans ses songes et ses interrogations. Non, le capitaine l’intéressait, bien sûr, mais c’était surtout l’intérêt d’avoir une relation d’amitié plutôt inhabituelle, allant au delà de la superficialité coutumière des relations entre un homme et une femme qui l’attirait. Comme elle aurait voulu qu’il puisse continuer à lui parler de son amour de jeunesse !
L’âme masculine était après tout assez mystérieuse, les livres ne disent pas tout, et la réalité d’une expérience vécue la fascinait. Elle n’avait plus dix huit ans, et son regard sur la vie n’était plus celui d’une adolescente romanesque. Le frère de Mrs wentworth serait-il aussi pasionnant ?

********

Tout en combattant à nouveau les éléments pour regagner la demeure de son frère, le capitaine Wentworth regrettait en son for intérieur de n’avoir pu retrouver avec miss Agatha la complicité amicale de cette fameuse promenade ! Elle l’aurait aidé à voir plus clair.
Après le repas du soir, comme il se retrouvait avec Edward, celui-ci lui déclara :

« - tu sembles préoccuppé, Frédérik, je t’ai trouvé bien silencieux depuis ton retour de ta visite chez les Summers. Y aurait-il quelque chose que tu souhaiterais me dire ? »
Frédérick, un fois de plus perdu dans ses songes, regarda son frère avec une certaine incompréhension durant un bref instant, puis, réalisant soudain ce à quoi il pensait, il répondit :

« - non Edward, je n’ai rien à te dire concernant Miss Agatha, excepté que c’est une jeune fille intelligente, d’une conversation très agréable. J’ai trouvé auprès d’elle une oreille amicale, et grâce à elle je comprends un peu mieux les sentiments qui m’agitent.

- Certainement, Frédérick, mais il ne faudrait pas que cette jeune fille allât penser ...

- Non, non, Edward, tout cela est très clair, nos conversations sont sans ambiguité, je ne voudrais sûrement pas faire la même erreur qu’avec miss Musgrove.
- Frédérick, tu sais que du fait de mon état, je suis habitué à écouter les confidences, à comprendre aussi dans la mesure de mes moyens. Si je peux d’une quelconque façon te venir en aide ...

- Tu es mon frère, Edward, je ne peux voir en toi autre chose, et cela ne me rend pas les choses plus faciles, au contraire. Mais je vais essayer. Je ne cesse de repenser à mon séjour à Uppercross et Kellynch. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi, lorsque j’ai revu miss Anne, c’est la rancune et la colère qui ont primé sur toute autre chose dans mon cœur.

- Je crois que ta nature droite te fait ressentir l’injustice de cette réaction.

- L’injustice ! pourtant j’avais motif à éprouver cette rancune !

- oui, sans doute, il y a huit ans, mais aujourd’hui ! n’as-tu pas acquis assez de sagesse pour raisonner calmement sur les causes de ce qui t’a tant blessé ?

- Eh bien, c’est justement cela qui m’effraie ! Ce qui touche à miss Anne Elliott me ramène à ce que j’étais il y a huit ans, jeune, en colère, et je perds tout ce que j’ai acquis de bon sens !

- Le bon sens n’a guère de place dans les affaires de sentiments, je sais cela ! Alors je serai la voix de la raison : miss Anne a cédé à l’influence de l’amie de sa mère, qui te dit qu’elle ne l’a jamais regretté ? Il était bien difficile pour une jeune fille de dix huit ans de braver l’autorité familiale, surtout que tu avais bien peu à lui offrir, en ce temps-là. Tu es parti furieux, tu voulais tout ou rien, puisqu’elle ne t’épousais pas tout de suite, elle ne t’épouserait pas du tout. Peut-être aurait-elle accepté d’attendre ?»

Frédérick resta silencieux, car il devait bien se rendre à la raison : son frère était dans le vrai.

« - tu as parfaitement raison, Edward, j’étais – je suis !- d’un caractère entier, je n’accepte pas les demi-mesures !

- ce qui est un atout sur le pont d’un navire n’est pas forcément de mise dans une siruation où le cœur parle haut. Il était – et c’est encore le cas – injuste d’accabler totalement miss Elliott, tu le sens et tu le regrettes. Si tu te l’avoues franchement, tu pourras aller plus loin, et comprendre un peu mieux ce qui agite ton cœur.

- Merci, Edward, je reprendrai cette conversation, car c’est vrai, tu sais écouter et comprendre ! »
Les deux frère, plus proches qu’ils ne l’avaient jamais été, se séparèrent pour la nuit.

Super Clinchamps, Agatha sur le fil du rasoir et Frédérick qui commence à démêler l'écheveau...

Fée Clochette, j'adore ton histoire de Lyme . Cette pauvre Louise, tu déploies des efforts colossaux pour lui mettre du plomb dans la cervelle et Henriette, qui s'ennuie à mourir... on s'y croirait.

C de Villemer, merci de nous encourager et ravie que nos histoires te plaisent .

Merci, MissAccacia ! J'ai mis un peu d'air dans mon pavé !!

C de Villemer Merci beaucoup tant mieux si tu t'ammuses, (moi aussi d'ailleurs, sinon je n'écrirais pas du tout)

MissAcacia, je ne fais que suivre la pensée d'Anne, qui lorsqu'elle reçoit la lettre de Marie, apprend que Louise et James B sont amoureux. "Elle ne voyait aucune raison pour qu'ils ne fussent pas heureux. ...... et elle apprendrait à être enthousisaste de Scott et de Lord Byron, mais c'était probablement chose faite : ils étaient tombés amoureux en lisant des vers bien entendu. L'image d'une Louise... intélectuelle et sentimentale, était amusante, mais elle ne doutait pas qu'il en fût ainsi."

Clinchamps et MissAcacia, je viens de tout lire, je n'ai qu'un mot, vous avez la plume agile et alors, ........ la bonne fée....... toucha le héros de sa baguette magique et ses yeux furent dessillés

Quand Marie et Charles voyagent......

Citation :

Marie était satisfaite, elle quittait sans regret le meublé exigu de Lyme. Les Harville étaient des gens charmants, mais la mer en hiver ne la séduisait plus du tout. Les Musgrove et leur fille Henriette, restaient encore un temps avec Louise, que Marie considérait de son œil expert, guérie et fort capricieuse. Charles, lui n’en était pas si sûr. Mais ne voulant pas entrer dans les considérations oiseuses de sa chère et tendre épouse, affichait un calme et une patience qui mettait les nerfs à vif de celle-ci.

- M’écoutez-vous Charles ? ou bien êtes-vous déjà dans vos bois à chasser le sanglier ? que pensez-vous de cette bizarrerie, Louise qui ne veux plus faire autre chose qu’écouter le Capitaine Benwick lire à longueur d’après-midi ? elle qui était si peu portée sur la lecture ! naturellement, vous n’avez pas d’avis. Vous n’avez jamais d’avis, vous êtes un enfant. Que ce voyage me semble long ! ne pourriez-vous pas demander à notre cocher de faire accélérer les chevaux ?

- Certainement pas, très chère, la route est presque impraticable par endroit, le gel et le dégel n’arrangent rien, et je ne voudrais pas mettre en péril la vie d’un de mes chevaux, ni casser un des essieux de la voiture. Un accident est si vite arrivé !

- La vie d’un de vos chevaux ciel ! Charles, pensez-vous à moi quelquefois ?

- Constamment, ma mie, d’ailleurs il est impossible de vous oublier, rassurez-vous ?

- J’ai froid, mon dos me fait souffrir, et je sens ma migraine arriver, n’auriez-vous donc point de pitié pour moi. Couvrez-moi, s’il vous plait. Je voudrais déjà être prêt de mes chers enfants. Comme ils vont être heureux de retrouver leur mère. Aïe ! mais que Julius conduit mal, je vais arriver en miettes.

- Voulez-vous vous étendre, Marie ? je m’assois en face de vous.

- M’étendre ? ce serais une bonne idée, mais à la condition que vous me serviez d’oreiller et me protégiez contre les chaos. Je suis à la limite de l’épuisement.

Charles installa Marie, celle-ci se tut un bref instant.

- Charles, pourriez-vous remonter un peu vos jambes, je glisse. Vous êtes très inconfortable. Prenez une autre position.

Charles déplia son grand corps et s’installa de travers, pour complaire à Marie. Puis, il pensa à sa prochaine chasse. Le paysage boisé défilait lentement, les chevaux grimpaient une côte raide et assez glissante. Les dernières pluies n’avaient pas arrangé la chaussée.

- Ohooooh ! Ohooo ! du calme Orion, du calme Uran !Un obstacle imprévu, Monsieur, la tempête de cette nuit a abattu un arbre, tout juste en travers de la route. Il va falloir déblayer, sinon nous ne pourrons pas passer.

Charles descendit, et évalua la charge de travail.

- Nous n’allons pas y arriver à deux ! il tient encore par la racine. Monsieur.

- Mais, nous avons des scies et une cognée dans le coffre à outils. Cela devrait tout de même suffire.

- Pour trancher les racines, peut-être, mais après, il faut dégager le tronc de la route ! je ne suis pas bûcheron et vous non plus.

- Voyez-vous une autre solution Julius ? le dernier village est très loin déjà, et le prochain tout autant. Nous ne sommes peut-être pas bûcherons, mais il faut passer.

Charles tendit une scie à Julius, prit l’autre et commencèrent à scier les racines.

- Julius, Charles arrêtez. Vous vous épuisez pour rien. Procédez autrement. Vous allez carrément couper l’arbre en tronçons afin de mieux pouvoir le dégager.

- Ma mie, restez dans la berline, et ne vous mêlez point d’un travail d’homme ! Nous sommes suffisamment ennuyés par cet imprévu sans qu’en plus vous y mettiez votre grain de sel, répondit Charles légèrement agacé. Pensez à vos chers enfants, cela vous fera le plus grand bien.

- Charles, vous êtes vraiment buté et je vous l’ai dit plus de mille fois : pas du tout observateur. Il va bien falloir le trancher ce tronc ! regardez mieux sa position. Il était planté à près de 6 pieds du bord de la route, et bien tranchez à 5 pieds, puis ensuite en deux morceaux. Sa couronne repose dans les taillis ! nous n’avons qu’à dégager le centre, nous ne roulons pas dans les fossés tout de même !

- Monsieur, je crois bien que Mrs Mugrove raisonne bien. Sa suggestion nous épargnerait bien des fatigues. En maniant la cognée chacun à notre tour, nous aurions peut-être deux heures de travail. C’est faisable, tout à fait faisable, Monsieur.

- En fait, Marie, j’y avais déjà pensé, mais cela n’enlève rien votre à mérite. Merci ma chère et couvrez-vous bien, ne prenez pas froid. Il faut attacher les chevaux, Julius, sinon, ils pourraient s’affoler.

Après deux heures de travail, la route était enfin dégagée, et Julius donnait l’ordre aux chevaux de partir. Charles les vêtements fripés, les cheveux en bataille et les jambes boueuses jusqu’au haut des cuisses, présentait un aspect plutôt lamentable.

- Seigneur Charles, vous auriez pu faire attention à votre tenue, vous avez certainement gâché votre habit de voyage !

- Certes, mais nous n’avions pas prévu cette halte. Je suis fatigué Marie, j’ai les mains en lambeaux, puis-je vous demander de cesser vos critiques ? nous arriverons chez nous un peu plus tard, et là, je vais faire un petit somme.

- Fatigué ! avec votre forte corpulence ! bâti comme vous l’êtes mon ami, je suis étonnée, et ce n’est pas quelque petit coups de hache sur un tronc qui ont pu vous épuiser. Dites plutôt, que mon intervention judicieuse vous a vexé, ce serait plus plausible. Je vous connais Charles, je vous connais par cœur.

- Croyez-vous, très chère ? mais coupons là, voyez-vous, sinon je vais être blessant. Il me tarde à moi aussi de me retrouver dans mon foyer et de retrouver Anne et les enfants.

- Anne ! les enfants, passe, mais Anne ! décidément Charles, vous êtes décevant.

- Décevant ! je me demande en quoi. Je vous ai épousée, cela ne vous donne pas le droit de me critiquer constamment, et Anne à le mérite, j’insiste sur le mérite, d’être d’humeur égale en toute circonstance.

- Peut-être, mais elle n’a pas à vous supporter, vous étiez trop content de m’épouser, n’oubliez pas qu’elle n’a pas voulu de vous !

- Marie, une dernière fois, cessez vos chamailleries, qui ne mènent à rien, sinon à nous faire du mal. Je suis marié avec vous, et non pas avec votre sœur, et votre jalousie et vos paroles aigres ne mènent à rien.

- Charles, j’ai une migraine affreuse, et mon dos me fait souffrir, soyez un peu gentil.

- Bon, venez, fermez vos yeux, et essayer de dormir, dans trois heures nous serons rendus.

Excellent, fée Clochette ! Criant de vérité !! Quelle raseuse, cette marie !

Oui Fée CLochette, tu es tout à fait exacte à ce que JA nous dit mais je ne peux m'empêcher de trouver que tu rends naturel et inéluctable ce qui pouvait aussi être seulement un bon moyen de libérer Wentworth de Louise...

Un petit bout de mieux (à Lyme)...

Citation :

Mrs Musgrove et Mrs Harville ne purent, en toute honnêteté, se désoler du départ de Mary même si elles regrettaient le départ de Charles pour le compte de Mr. Musgrove et du Capitaine Harville. Les trois hommes avaient pris l'habitude de fumer ensemble après le dîner et avaient fini par former un petit trio auquel chacun prenait plaisir.

Quant à James Benwick, sans être exclu du cercle masculin, il passait beaucoup de temps auprès de la jeune malade puis à choisir ses lectures ou à de longues promenades solitaires. Il ressentait donc moins durement la perte d'un compagnon.

Louise commençait à marquer des préférences pour certains poètes ou certains auteurs. Il se passionnait donc pour le choix des textes, veillant à ce que leur contenu n'excitât pas les nerfs ébranlés de la convalescente tout en l'intéressant, cherchant des poèmes bien équilibrés et susceptibles de produire, sous l'effet de sa voix, une musique sereine et douce.
Occupé à se rendre utile, il ne se rendait pas encore compte que le souvenir de Fanny commençait à s'estomper doucement jusqu'à devenir parfois une douce vapeur lumineuse et indistincte dans la rosée du matin. Bien sûr, il ne l'oubliait pas, c'était impossible ! mais les pointes du profond chagrin, qui labourait son âme jusqu'alors, s'émoussaient.

En voyant Louise, amaigrie, si pâle et fragile sur son lit, il essayait de comprendre pourquoi Wentworth était parti, la laissant seule. Car enfin, il y avait eu des rumeurs d'attachement réciproque. Et pourtant, il la laissait sans protection. Fulminant parfois contre l'égoïsme de son ami, qualité dont il le savait pourtant dépourvu, il se prenait de pitié pour l'abandonnée. La dépendance de Louise à son égard tempérait pourtant fortement son ressentiment à l'égard de Wentworth. Il voyait toujours avec plaisir le regard de Louise, empli d'entrain, lorsqu'il entrait dans la pièce en s'écriant:

"Ma chère Miss Louise, aujourd'hui, je vous fais découvrir l'abbaye de Tintern, qu'en pensez-vous ?"

Il entendait bien Henriette pousser un soupir dans sa bergère mais si Louise lui souriait, Henriette pouvait bien disparaître, il n'en avait cure.

Une après-midi, alors qu'il lisait pour Louise, Mrs Harville et Mrs Musgrove profitaient d'un moment de tranquillité et de couture. Les enfants étaient allés ramasser des coquillages, des "trésors", sur la plage avec Mr. Musgrove et le Capitaine Harville en avait profité pour se rendre chez le forgeron porter un ciseau à bois à réparer.

"- Mrs Musgrove, si vous voulez mon avis, Louise est en train de s'attacher au Capitaine Benwick d'une façon qui mérite que l'on y réfléchisse sérieusement. En toute amitié, je me dois de vous en avertir.

Mrs Musgrove soupira.

- Je pense que vous avez raisons ma chère Mrs Harville mais je pense que nous avons encore un peu de temps. Elle est si faible... mais je regrette fort que le Capitaine Wentworth soit si loin en ce moment.

Mrs Harville estima plus prudent de changer de sujet. Après un moment de silence où elle se concentra sur la chemise qu'elle confectionnait, elle risqua:

"- Et, envisagez-vous de retourner à Uppercross pour les fêtes de fin d'année ?"

Parfait !! Mais Mrs Musgrove ne serait-elle pas un peu ... bornée ?? (tout à fait ce que je pense !)

Bornée Mrs Musgrove une bien brave dame, ma bonne, bien brave ! qui n'a pas inventée le fil à couper le beurre, certes, mais bien reposante

Oui peut-être et pourrait-on lui reprocher de s'accrocher à l'idée d'un Wentworth face à un Benwick tant que tout espoir n'est pas éteint... c'est un bien meilleur parti^^.

Sur ce plan là, aucun reproche, une mère veut toujours mieux pour sa fille

Bavardons, bavardons !

Citation :

A l’instant même, ou Mrs Musgrove soupirait après le Capitaine Wentworth, celui-ci , commençait à apprécier la société du Shropshire. Agnès Wentworth, avec ses délicates attentions, et son frère Edward avec son amitié bourrue, l’avaient apprivoisé, et il trouvait en Timoty un compagnon idéal pour la détente. Celui-ci, se riait de la froidure, toujours dehors, il l’accueillait avec sa bienveillance coutumière. Les jours de vent tournant ou de gros temps, il restait à la cabane, assis à même le sol, il restaurait ses filets, ses cannes à pêches, ses nasses. Bientôt, Frédérick n’ignora aucun des secrets de ravaudage des filets, de renforcement des cannes à pêche, ou des remplacements des cercles des nasses et des manches d’épuisettes. Ils s’interrompaient pour dévorer de solides sandwich préparés par Agnès et Rowena, et un thé anglais réconfortant, corsé, qui réchauffait trois fois : la première fois, parce qu’il fallait couper du petit bois et fendre les bûches soigneusement empilées sous le bûcher près des barques ; la deuxième, lorsque les flammes montaient et que l’eau bouillait ; la troisième, lorsque les mains saisissaient les bols brûlants et qu’ils absorbaient le liquide parfumé.

- « Mon cœur est saturé de plaisir quand j’ai du pain et de l’eau » et moi, j’ajoute qu’avec trois feuilles de thé et du bœuf salé entre les tranches, c’est encore mieux ! n’êtes-vous pas de mon avis ?

- Vous connaissez Epicure, Timoty !

- Qui donc mon Capitaine ?

- La maxime « mon cœur est saturé de plaisir…. » que vous venez d’énoncer est de lui.

- Cela m’étonnerai beaucoup, c’est une phrase de mon grand-père, et il ne parle pas du tout de votre, comment dites-vous ?

- Epicure, Timoty, c’était un grec.

Timoty se leva pour fouiller dans un coffre de bois sculpté d’animaux fantastiques. Il revint avec des pages grossièrement attachées à une planchette de bois, passablement jaunies.

- Regardez, voilà la preuve. Je tiens ces feuillets de mon père qui les tenaient de son père qui avait appris à lire et à écrire avec un colporteur qui s’arrêtait tous les été à Hanwood . Il logeait dans le fenil de la maison. Il avait pour habitude de lire, de calculer. Forcément, pour colporter, il faut de la connaissance. mon grand-père écrivait bien, n’est-ce pas ; ensuite il a apprit à ses garçons. De temps en temps, je les relis, et je me souviens. J’ai aussi le carnet de pêche de mon oncle, avec des dessins qui montrent comment pêcher l’omble chevalier et où. C’est que les poissons, c’est comme nous, ils ont des habitudes à chaque saison.

- Frédérick, se saisit des feuillets, admiratif. C’est un réel trésor que vous possédez Timoty !

- Ah bon, si vous le dites ! ça me sert bien, et j’ai continué les observations. Il alla chercher un autre petit carnet. Moi, j’inscris mes jours de pêche, le temps, et les poissons pris, si bien, que je peux, à chaque saison, savoir ou est le poisson. Dites-moi, vous qui avez l’air de connaître cet Epicure, ou habite-t-il ? Est-ce loin de chez nous ?

- Très loin La Grèce est un pays fascinant, baignée par la Mer Méditerranée, mais, je vous raconterai si vous le désirez. Nous avons encore un long mois à être ensemble. Regardez Timoty, vous avez une autre phrase de lui, plus loin. « être heureux c’est savoir se contenter de peu ».

- M’est avis, qu’il devait manquer de rien cet Epicure, parce que je suis heureux mais j’ai peu et si j’avais plus, voyez-vous, ce ne serait pas de refus. Enfin, chacun pense à son idée. Dites, pourriez-vous allonger votre bras gauche, et prendre les ficelles, je vais en manquer. Le trou dans le filet est immense. Le temps ne s’améliore pas, pourvu que mon toit tienne. L’année dernière, une bourrasque avait fait voltiger un dizaine de lauze, quelle douche, j’ai reçu. Le lendemain j’ai dû réparer, heureusement mon fil m’a aidé.

- Combien avez-vous d’enfants Timoty ?

- J’ai eu quatre enfants, il nous en reste deux. Brad, l’aîné est berger et tondeur de moutons. Buddug ma petite dernière, une vraie fauvette celle-ci, comme sa mère, apprend le métier de lingère. Il faut voir ses reprises, de vraies œuvres d’art, et elle fait de la dentelle aussi, de petites merveilles, remarquez, les reprises ou la dentelle, il faut du fil et du goût. Je pense qu’elle pourra toujours travailler avec ce métier.

- Personne pour faire le pêcheur ? prendre votre suite, en quelque sorte.

- Si, mon neveu Llyr, je l’ai avec moi tout l’été. Mais, l'hiver, il travaille avec le meunier du village. J’ai appris que vous aviez rencontré Miss Agatha Summers. Vous a-t-elle plu ?

- J’ai eu des conversations forts intéressantes, c’est une jeune femme intelligente, sensée et très instruite. Mais comment saviez-vous ?

- Par Mary, elle sert chez eux, elle vous a ouvert la porte, et servi le thé. Avez-vous aimé ses scones et ses beignets ? elle a une bonne place, les Summers sont agréables et pas fiers. Ce n’est pas comme les Andrews !

- Lord et Lady Andrews et leur fille Ruby ! je les ai rencontré hier, ils m’ont paru assez froids.

- Froids ! des glaçons en toute circonstances, durs et chiches avec leurs domestiques. Madame fouille les poches pour vérifier si par hasard, ils ne dérobent point. D’ailleurs, le personnel change souvent, et l’on a surnommé le château Andrews, « le château de mort de faim ». La-bas, il faut peiner et ne rien consommer. De purs esprits il faut être, et en plus, aimer les châtiments. Un jour une soubrette avait tellement faim, qu’elle a été surprise en train de manger les restes de scone de Mademoiselle Ruby, Elle a été fouettée sur les mains. Paraît que c’était destiné aux chats du château ! mais je bavarde, je bavarde. Avez-vous réfléchi à une certaine jeune femme ?

- Oui, beaucoup, mais plus je réfléchis, plus je me fais des reproches, et cela m’énerve à un point. Bientôt, je vais penser avoir tous les tords, alors qu’auparavant…

- Et bien mon Capitaine, c’est que vous êtes dans la bonne voie.

- Comme vous y allez, Timoty, j’ai tout de même mes raisons !

- Peut-être, mais si vous réfléchissez bien, vous vous rendrez compte que vous avez lâché prise très vite, vous étiez dominé par le ressentiment et votre caractère autoritaire a fait le reste. Je me disais donc, c’est juste mon avis, mon Capitaine, que si vous ne vous étiez pas intéressé à d’autres jeunes filles, cela voulait dire que vous étiez encore tout bonnement amoureux d’elle.

- Tout bonnement amoureux d’elle ! ridicule ! impossible !

- D’ailleurs, si vous n’étiez plus amoureux, vous ne seriez pas si touché par son attitude aussi insensible, que je qualifie de digne, lorsque vous vous êtes revus.

Frédérick, se leva, et arpenta la cabane de long en large, puis, malgré l’orage sorti en pestant contre Timoty et ses raisonnements. Timoty, l’œil pétillant d’ironie, hochait la tête « et il ne se prétend pas amoureux ! quelle tête de bois ! enfin, une petite douche ne nuit pas et remet les idées en place ! »

Le retour de Timothy, quelle bonne idée Fée clochette, je me disais que ça serait dommage qu'il ne nous accompagne pas un bout de plus , il est bien sympathique et remet gentiment les idées du beau Captain en place...